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Pendants solo atypiques

4 février 2017

Nous regroupons ici des pendants à un seul personnage, mais pas tout à fait un  homme ou une femme…

  Watteau, Le Singe sculpteur, vers 1710, Orleeans, Musee des Beaux-ArtsLe Singe sculpteur
Watteau, vers 1710,Orléans, Musée des Beaux-Arts
Watteau singe peintre musee arts decoratifs parisLe Singe peintre
D’après Watteau, Musée des Arts Décoratifs, Paris

Il s’agit sans doute ici de se moquer des artistes prétentieux qui se réfèrent au vieil adage « Ars simia naturae », l’Art est le Singe de la Nature. Cette oeuvre est étudiée plus en détail dans Les pendants de Watteau.



chardin-Le singe peintre-1740 Musee des Beaux Arts chartresLe singe-peintre
Chardin, 1740, Musée des Beaux Arts, Chartres
chardin-Le singe antiquaire -1740 Musee des Beaux Arts chartresLe singe-antiquaire
Chardin, 1740, Musée des Beaux Arts, Chartres

Dans la même veine ironique, le pendant caricature cette fois l’Artiste et l’Amateur d’Art. Tout comme Watteau, Chardin exploite le potentiel comique des jambes velues sous les tissus luxueux.



chardin-Le singe peintre-1740 Louvre Paris detail
Dans la version du Louvre, on comprend que c’est nous, le spectateur, qui sommes pris comme modèle, et que c’est sous forme simiesque que l' »artiste » est en train de nous dessiner.


 

Hubert Robert 1760 Les Polichinelles peintres Musee de Picardie AmiensLes Polichinelles peintres Hubert Robert 1760 Les Polichinelles chanteurs Musee de Picardie AmiensLes Polichinelles chanteurs

Hubert Robert, 1760, Musée de Picardie, Amiens

Réalisés durant les années romaines d’Hubert Robert, ces panneaux pleins de verve et de dérision mettent en scène,  dans un atelier rustique ou en prison,trois polichinelles en chapeau pointu qui se prennent pour des artistes, dans la lignée des singes de Watteau et de Chardin.

« Dans le premier panneau, un polichinelle peintre est assis sur un tonneau et, palette en main, ébauche un tableau placé sur un chevalet. A sa gauche une bouteille de vin et un verre illustrent son penchant pour la boisson. Près de lui un chien joue avec un chat et, plus loin, dans la pénombre de l’atelier, deux autres polichinelles s’emploient à broyer des couleurs.

Dans l’autre peinture, un polichinelle assis sur un tambour et deux de ses compagnons debout près de lui chantent joyeusement en suivant une partition dressée sur un lutrin rustique. Leur jovialité s’explique sans doute par la présence de quatre bouteilles de vin placées au sol et qui ont dû faciliter l’ardeur musicale des protagonistes qui chantent allègrement. «  Notice de Matthieu Pinette, base Joconde [1]

 



Références :

Pendants solo : mari -épouse

4 février 2017

De nombreux pendants confrontent un homme et une femme. A l’origine il s’agit essentiellement de portraits de couples maritaux. Avec le développement de la peinture allégorique et de la peinture de genre, apparaissent des appariements  plus variés.


1470 ca Maitre de St Jean de Luze Portrait dit de Hugues de Rabutin Musee des BA DijonPortrait dit de Hugues de Rabutin 1470 ca Maitre de St Jean de Luze Portrait dit de Jeanne de Montaigu Musee des BA DijonPortrait dit de Jeanne de Montaigu

Maître de Saint Jean de Luze, vers 1470, Musée des Beaux Arts, Dijon

Ce portait d’un couple dont l’identification est incertaine fait montre d’une grande subtilité :

  • la lumière venant de la gauche crée dans un premier temps un effet d’unité ;
  • cependant les ombres montrent qu’il y a une cloison entre les deux époux ;
  • cloison qui explique l’accrochage différent des deux statuettes, l’une vue de face et lautre de profil ;
  • sous celle de la Vierge s’affiche en lettres d’or la prière de l’époux
    « VIRGO DECORA, VIRGO SPECIOSA, CONFER MICHI AUXILIUM / QUOD OMNIBUS CONFERS ETIAM / NON ROGATA » (Vierge gracieuse, vierge belle, accorde-moi l’aide que tu accordes à tous même sans qu’on te prie.)
  • sous celle de Saint Jean l’Evangéliste règne le silence de l’épouse.

Tandis que l’époux assume une forme publique de dévotion (proclamant que la protection de la Vierge s’adresse à tous), l’épouse se cantonne dans une dévotion purement privée, en tête à tête avec son saint éponyme.



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1492-95 Portraits presumes de Charles VIII et Anne de Bretagne BNF Lat 1190

Portraits présumés de Charles VIII et Anne de Bretagne
Attribués à Jean Perréal, 1492-95, Libellus precum BNF Lat 1190 (Gallica)

Ces portraits peints a tempera sur un bois très mince formaient à l’origine un petit diptyque de poche (180 x 107).



1492-95 Portraits presumes de Charles VIII et Anne de Bretagne BNF Lat 1190 demi ouvert

On les a ensuite recouverts d’un volet à tirette et on a inséré entre eux huit feuillets de parchemin, de manière à en faire un mini-livre de prières.

L’identification du couple fait débat (vu le réalisme peu flatteur du mari) mais la plupart de érudits reconnaissent Charles VIII et Anne de Bretagne [0]



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Henry-The-Pious-Lucas-Cranach-the-Elder

Heinrich le Pieux, Duc de  Saxe et sa femme Katharina von Mecklenburg
Lucas Cranach l’Ancien, 1514,Gemäldegalerie Alte Meister, Dresden

Ces deux impressionnants portraits en pied, grandeur nature, partageaient le même cadre avant d’être transférés du bois vers la toile. Ils ont été réalisés à la suite du mariage du duc et de la duchesse, en 1512 (on ignore pourquoi la réalisation prit deux ans). [1]

Sur la tête du marié est posée, de guingois,  une couronne d’oeillets qui fait pendant au grand  plumet blanc de la duchesse – accessoire de coquetterie très à la mode à l’époque chez les princesses allemandes. L’oeillet rouge est un symbole d’amour pur et vrai.


Portraits-Of-Henry-The-Pious-Renaissance-Lucas-Cranach-the-Elder detail bijou homme Portraits-Of-Henry-The-Pious-Renaissance-Lucas-Cranach-the-Elder detail bijou

Le marié porte au cou une broche avec deux mains jointes, la mariée une parure avec les initiales H et K.



Portraits-Of-Henry-The-Pious-Renaissance-Lucas-Cranach-the-Elder detail bijou femme IHS
Sa toque est ornée d’un médaillon avec le signe catholique  IHS (Katarina se convertira au protestantisme en 1535)

Au delà de ces détails d’orfèvrerie, le plus frappant est le dimorphisme sexuel exacerbé  qui s’étend jusqu’aux animaux : chien de chasse féroce  exhibant sa queue spiralée, côté duc,  petit bichon blanc aplati côté duchesse.   C’est l’époque où  la  femme cache tout tandis que l’homme exhibe fièrement ses attributs, des mollets à l’entrejambe et au symbole éloquent de  la dague toute prête à sortir du fourreau.



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Dans  tous les pendants mari-épouse que nous avons vus jusqu’ici, celle-ci se situe sur le pendant de droite, autrement dit à la gauche du mari. Cet ordre conventionnel, dit héraldique, résulte du fait que le mari donne toujours le bras gauche à sa femme (afin de pouvoir tenir l’épée de son bras droit). Ceci est d’ailleurs un cas particulier du principe de dextralité proposé par Hugo van der Velden, selon lequel le personnage le plus important se trouve toujours à la droite de l’autre [2].

En voici une très rare exception….

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Maarten van Heemskerck,Portraits of a Couple, possibly Pieter Gerritsz Bicker and Anna Codde, 1529 Rijksmuseum woman Maarten van Heemskerck,Portraits of a Couple, possibly Pieter Gerritsz Bicker and Anna Codde, 1529 Rijksmuseum man

Portrait d’un couple, possiblement Pieter Gerritsz Bicker et Anna Codde,
Maarten van Heemskerck, 1529, Rijksmuseum, Amsterdam

Si l’identification du couple est incertaine, on sait du moins, d’après le cartouche en bas du cadre, que la femme avait 26 ans et l’homme 34. Il s’agit du tout premier portrait d’un couple de notables flamands, et la position de l’épouse contredit la dextralité : on a suggéré qu’elle était peut être d’une extraction plus haute que celle de l’homme, ou qu’il s’agissait d’un portrait de fiançailles [3].

Peut-être la raison est-elle tout simplement que le principe ne s’applique pas si la femme et l’homme ne sont pas dans la même pièce : car bien que les décors semblent en continuité, les deux lieux sont bien différents, et chacun s’y livre à l’activité emblématique de son sexe :

  • l’homme est en train de tenir son livre de comptes et a sur la table ses accessoires d’écriture : plume, boîte à sable, racloir, bloc de cire rouge et sceau marqué d’une ancre ; au mur, un petit miroir reflète son profil, de manière impossible ;
  • la femme file, avec son rouet, la laine qu’elle tire de l’écheveau (les trois lettres AEN n’ont pas été déchiffrées).

Museo Thyssen- Bornemisza Maarten van Heemskerck, Portrait of a Spinning Woman, c. 1530.Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza detail rouet

Portrait d’une femme en train de filer
Maarten van Heemskerck, vers 1530, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid

Dans cet autre portrait de fileuse par  Heemskerck, le rouet à double entraînement, d’un modèle de grand luxe, montre plus clairement son mécanisme : mise en mouvement par la manivelle, la grande roue entraîne une poulie qui fait tourner l’épinglier, pièce en U par laquelle entre le fil et qui est chargée de sa torsion ; une seconde poulie, plus petite, fait tourner à une plus grande vitesse la bobine sur laquelle il s’enroule.

L’instrument pendu sur la gauche est également instructif : il s’agit d’un dévidoir à main, qui servait à transformer en écheveau la bobine sortie du rouet, de manière à faciliter ensuite la mise en pelotes.


Maarten van Heemskerck, Portrait of a Spinning Woman, c. 1530.Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza detail panier

Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid

Maarten van Heemskerck,Portraits of a Couple, possibly Pieter Gerritsz Bicker and Anna Codde, 1529 Rijksmuseum woman detail panier

Rijksmuseum, Amsterdam

Le panier nous révèle, incidemment, le rôle de celui qui est pendu à la même place derrière la fileuse du Rijksmuseum : il contient les pelotes terminées. Peut être le tissu qui les couvre est-il, lui aussi, un symbole de modestie.



Maarten van Heemskerck,Portraits of a Couple, possibly Pieter Gerritsz Bicker and Anna Codde, 1529 Rijksmuseum mandetail pelote
Un dernier détail très significatif n’a pas été remarqué ; sur la table du mari, entre son visage et son profil impossible est posée un échantillon de la production de sa femme.

Comme si le fil traduisait la continuité du mariage ; et comme si les pelotes, nombreuses mais encore cachées par le tissu (vert comme la robe) étaient une promesse, pas seulement de production, mas de reproduction : d’où la place de la pelote achevée, entre l’homme et son image reproduite.


Man and Woman at a Spinning Wheel, Pieter Pietersz. (I), c. 1560 - c. 1570

Homme et femme en train de filer
Pieter Pietersz. (I), vers 1560, 1570, Rijksmuseum, Amsterdam

Ce contre-exemple montre une femme occupée à l’activité fastidieuse du dévidage,  qu’un homme l’invite à abandonner pour les plaisirs de la boisson, et autres. L’inversion de le dextralité confirme ici le caractère illégitime du couple.


Man and Woman at a Spinning Wheel, Pieter Pietersz. (I), c. 1560 - c. 1570 vase Courbet La fileuse endormie 1853 Musee FabreLa fileuse endormie, Courbet, 1853, Musée Fabre, Montpellier

A noter le détail du petit récipient posé à l’extrême droite :  il  servait à humidifier la laine ou le lin pour faciliter le filage, comme on le verra encore dans la Fileuse de Courbet, accroché au rouet. Ici, il a valeur symbolique : l’importun au pichet de vin interrompt l’activité honnête.


Man and Woman at a Spinning Wheel, Pieter Pietersz. (I), c. 1560 - c. 1570 quenouille pichet

Tandis que le pot d’eau sobre et le rouet laborieux sont relégués sur les marges, le pichet et la bobine, manipulés par chacun des deux sexes, deviennent des substituts suspects, témoignant d’une acceptation réciproque.


Le rouet se révèle donc, a contrario,  l’emblème des vertus féminines : dextérité, patience et modestie.


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Antoine van Dyck, 1641 Le Prince Guillaume d'Orange (14 ans) et son epouse Marie-Henriette Stuart (10 ans) , Rijksmuseum, AmsterdamLe Prince Guillaume d’Orange (14 ans) et son épouse Marie-Henriette Stuart (10 ans)
Antoine van Dyck, 1641 , Rijksmuseum, Amsterdam
Gerard van Honthorst 1641 Le Prince Guillaume d'Orange (20 ans) et son epouse Marie-Henriette Stuart (16 ans) , Rijksmuseum, AmsterdamLe Prince Guillaume d’Orange (20 ans) et son épouse Marie-Henriette Stuart (16 ans)
Gerard van Honthorst 1647, Rijksmuseum, Amsterdam

Ces deux portraits du même couple à six ans d’intervalle sont une autre exception à l’ordre héraldique, qui s’explique par le fait que Marie-Henriette Stuart, fille du Roi d’Angleterre, était princesse royale, tandis que Guillaume II d’Orange n’était que le fils du Stadhouder de Hollande : il devnt lui-même Stadhouder l’année du second portrait, et mourut trois ans plus tard.

Pour d’autres cas particuliers d’inversion héraldique dans le cas des couples de donateurs, voir 1-3 Couples irréguliers.


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Gortzius Geldorp Family Portrait, 1598 M Gortzius Geldorp Family Portrait, 1598 F

Sigismund von und zum Pütz, Catharina Broelman et leurs enfants
Gortzius Geldorp, 1598

Revenons aux pendants maritaux ordinaires :  celui-ci impressionne par sa volonté de symétrie : les blasons, les lourdes chaînes en or et les enfants (garçons avec le Père, filles avec la Mère), toutes les richesses de la famille sont exhibées avec fierté.  Seule exception à cette symétrie  : l’homme pose une main sur le pommeau de son épée, tandis que la femme tient dans sa main un gant.


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Willem Willemsz van der Vliet, A pair of portraits of Willem de Langue and Maria Pijnaeke

Portraits de Willem de Langue et Maria Pijnaeke
Willem Willemsz van der Vliet, 1626, Stedelijk Museum Het Prinsenhof, Delft

Vingt ans plus tard, la mode est devenue plus austère, confondant hommes et femmes dans un même moule vestimentaire : velours noir et fraise blanche. De part et d’autre de la même table, le notaire  et son épouse [4] semblent les reflets l’un de l’autre dans un miroir, au point qu’ils tiennent leurs gants dans des mains opposées. Les seuls éléments différenciateurs  sont les objets posés sur la nappe : des papiers notariaux et un nécessaire d’écriture, côté époux , une Bible côté épouse : pouvoir contre piété, écrits civils contre livre sacré, l’homme s’occupe de l’ici-bas et la femme de l’au-delà.


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Frans_Hals_-_Petrus_Scriverius1626 METL’écrivain Petrus Scriverius
Frans Hals, 1626, MET, New York
Frans_Hals_-_Anna_van_der_Aar 1626 METSa femme Anna van_der_Aar
Frans Hals, 1626, MET, New York

A l’issue de cette uniformisation, l’homme et la femme ne se distinguent plus que par la coiffe. Hals néanmoins casse cette symétrie plane par une utilisation subtile du  cadre ovale, qui fonctionne ici comme une sorte d’objectif : entre la main droite  de l’écrivain, mise en exergue en avant-plan,  et la main droite de la femme,  posée sur son coeur en arrière-plan,  le pendant se déploie dans la profondeur, de la vie sociale à la vie intime.


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1618 ca Daniel Mytens, Thomas Howard, 2nd Earl of Arundel and Surrey, Alathea, Countess of Arundel and Surrey, Arundel Castle

Thomas Howard, second comte d’Arundel et Surrey et son epouse Alathea
Daniel Mytens, vers 1618, Arundel Castle

Ce double portait montre les époux dans leur palais du Stand à Londres, l’un désignant de sa canne la galerie des sculptures, l’autre assise au seuil de celle des peintures. L’artiste n’a pas cherché à créer une perspective unifiée, mais au contraire il a voulu que le spectateur rende hommage tour à tour aux deux amateurs d’art.



1618 ca Daniel Mytens, Thomas Howard, 2nd Earl of Arundel and Surrey, Alathea, Countess of Arundel and Surrey, Arundel Castle detail
A noter, au fond de la galerie de peinture, un double portrait presque identique, mais sans les architectures : la notion de « tableau dans le tableau » s’arrête ici à l’étalage des richesses, en évitant soigneusement la récession à l’infini (voir L’effet Droste).


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Frans_van_Mieris_(I)_1650-55Old Man with a Tankard on his Knee Gemaldegalerie Alte Meister dresdeVieil homme avec un pichet de bois et une pipe Frans_van_Mieris_(I)_1650-55 old_Woman_with_a_Flowerpot Gemaldegalerie Alte Meister dresdeVieille femme plantant un rosier dans un pot de fleurs

Frans van Mieris (I), 1650-55, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde

Dans ce témoignage sensible, un vieux couple prend l’air devant la porte :

  • l’homme, le pourpoint ouvert et le tablier troué, s’est endormi avant de se livrer aux dernières joies de l’existence : le pichet est fermé et la pipe en terre, éteinte, risque bien de se briser ; le couteau inutile est coincé entre tonneau et la pierre ;
  • la femme a gardé sa coquetterie et plante un rosier dans un pot, à côté d’un livre de prières qui exprime son espérance.

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Gerard van Honthorst - Allegorical Portrait of Princess Amalia van Solms in Mourning Holding a Portrait of Frederik Hendrik Gemaldegalerie, Berlin 85 x 83 cm

La princesse Amalia van Solms en deuil, tenant un portrait de Frederik Hendrik
Gerard van Honthorst, 1651-52, Gemaldegalerie, Berlin (85 x 83 cm)

Un cas limite de pendant conjugal est celui où, par la force des choses, il se réduit à un seul tableau : ici la mort a décalé l’époux d’un niveau, le transformant en « tableau dans le tableau ».

 

Coupole de l'Oranjezaal palais Huis ten Bosch La HayeCoupole de l’Oranjezaal, palais Huis ten Bosch, La Haye Gerard van Honthorst avant 1647 Portrait of Princess Amalia van Solms Coupole de l'OranjezaalLa Princesse Amalia van Solms dans a Coupole de l’Oranjezaal, Gerard van Honthorst, avant 1647

Initialement, la princesse Amalia van Solms s’était fait portraiturer seule au sommet du chef d’oeuvre d’architecture qu’elle avait fait édifier, et où il se trouve encore aujourd’hui. A la mort de son époux, elle l’avait fait remplacer par le double portrait funèbre qui se trouve maintenant à Berlin, inversé de droite à gauche de manière à respecter l’ordre héraldique.


Gerard van Honthorst - attr 1650 ca Princess Amalia van Solms Collections royales, La Haye 85cm x 83
La Princesse Amalia van Solms, XVIIIèeme siècle, Collections royales, La Haye (85cm x 83)

Cas exceptionnel : celui-ci a été remplacé une seconde fois au XVIIIème siècle, par ce portrait encore plus macabre, où l’image du défunt a laissé place à son simple crâne.


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Bartholomeus van der Helst 1655 Portrait d’homme coll priv Bartholomeus van der Helst 1655 Portrait de femme coll priv

Portraits d’un couple
Bartholomeus van der Helst, 1655, collection privée

Sur deux chaises ornées d’une tête de lion, ce couple inconnu pose sur son balcon. Derrière l’uniformité austère des vêtements en blanc et en noir, des détails introduisent un discret dimorphisme : vigne et lierre, ville et campagne, horizon de collines et échappée maritime, ciel bleu et ciel nuageux modulent finement l’union inséparable que proclame la balustrade.


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Ter Borch 1666-67 Burgomaster_Jan_van_Duren_METLe Bourgmestre Jan van Duren Ter Borch 1666-67 margaretha_van_haexbergen_METSon épouse Margaretha van Haexbergen

Ter Borch, 1666-67, MET, New York

Dans ce portrait d’un couple de l’élite de Deventer, Ter Borch choisit, pour magnifier la dignité de ses modèles, un décor réduit au strict minimum : la complémentarité de la table et de la chaise suffit à symboliser leur union.


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Faisons un saut  à travers d’innombrables portraits maritaux, jusqu’aux derniers échos de la formule…

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Lilly Martin Spencer 1854 Young Husband, First Marketing METLe jeune mari : premier marché Lilly Martin Spencer 1854 The Young Wife First Stew METLa jeune épouse :premier ragoût (first stew) (étude)

Lilly Martin Spencer, 1856, MET [6]

Ce pendant humoristique s’amuse de l’inexpérience des deux jeunes époux, qui veulent trop bien faire :

  • le mari a tellement rempli son panier que l’anse s’est détachée, faisant tomber des légumes, cassant des oeufs et l’empêchant d’ouvrir son parapluie sous l’orage ;
  • la femme s’est armée d’un tablier et a ordonné tous les ingrédients sur la table pour faire elle-même la cuisine; mais elle échoue à la première épreuve : peler les oignons.

Le passant hilare et la servante interloquée sont les émissaires du spectateur à l’intérieur des deux scènes. La solution que suggère le pendant est toute simple : pour éviter le ridicule, mieux vaut laisser la servante faire le marché et le ragoût.


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Portrait of Tulla Larsen

Munch et sa fiancée Tulla Larsen

En 1902, Munch et Larsen étaient fiancés depuis environ quatre ans ; il fuyait ses avances dans toute l’Europe et elle le suivait. Après une nième dispute et un coup de feu qui a blessé Munch à la main gauche, il a décidé de scier en deux ce panneau, qui a été récemment reconstitué.



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Schiele Autoportrait aux physalys 1912 Leopold Museum, Vienne. Schiele, Autoportrait aux physalys, 1912 Schiele Potrait de Wally Neuzil 1912 Leopold Museum, Vienne.Schiele, Portrait de Wally Neuzil 1912

Leopold Museum, Vienne

Tout en respectant la position traditionnelle de l’homme à gauche, ce portrait de couple affecte, avec les deux visages s’inclinant l’un vers l’autre, un impression de proximité, de complicité.

Cependant, la vue en  contre-plongée contribue à donner à Egon, assis sur une chaise blanche, un regard incisif et supérieur ; tandis que la vue plongeante  place Wally, coincée dans un fauteuil vert, dans une position plus passive et  réceptive. Nous ne sommes pas devant la simple représentation d’un couple d’amoureux : mais surtout d’un artiste avec sa modèle.

De plus, en mettant en balance les gros fruits rouges de la physalis et les petites baies rouges d’une branche anonyme, la composition dit bien de quel côté se trouvent l’excentricité, la fécondité, l’illumination (même si c’est celle de lampions) et de quel côté le fruit purement consommable. Ce portrait de Schiele avec sa compagne et modèle est aussi un portrait psychologique, où la formule du pendant laisse les deux amants dans leurs postures opposées.

Cette année 1912, ils vivent dans le petit village de Neulengbach, où leur comportement sulfureux vaudra à Schiele quelques jours de prison.


Schiele Two lovers (self portrait with Wally), 1914-15 Coll part Schiele, Deux amants (autoportrait avec Wally), 1914-15, Collection particulière seated-couple-egon-and-edith-schiele-1915 Albertina VienneSchiele, couple assis, Egon et Edith, 1915, AlbertinaVienne

Il faudra attendre sa séparation avec Wally  et son mariage avec Edith Harms, en 1915, pour voir  apparaître des représentations du couple plus équilibrées et fusionnelles.



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JOSEPH CHRISTIAN LEYENDECKER Kuppenheimer Style Book advertising diptych, Fall & Winter 1918-1919

Joseph Christian Leyendecker  
Diptyque publicitaire pour le « Kuppenheimer Style Book », Automne Hiver 1918-1919

Après la guerre, Madame s’est emparé du képi, et son Marine se laisse volontiers lier les mains. Les couples se forment ou se reforment, comme l’illustrent  les deux inséparables sur le tissu du fauteuil.


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rumbelle_diptych_by_thatmadgray 2013-16

Rumbelle diptych
Madeline Gray (ThatmadGray), Deviant Art, 2013-16

La même technique  de la pelote a été récemment redécouverte  par Belle pour domestiquer Rumpelstiltskin (la Bête), dans cette illustration de  la série Once Upon a Time.

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Diptych -Before the date 1949 Norman Rockwell

Avant  le rendez-vous (Before the date)
Norman Rockwell, 1949

Les deux jeunes gens s’activent parallèlement dans leurs chambres respectives,  le réveil indique 18h45 et le  billet du dancing est déjà  dans le chapeau. L’humour tient bien sûr à la symétrie des attitudes : même virtuosité capillaire, même déhanchement comme si les deux cherchaient déjà à se frotter,  au mépris de la bande de séparation. Chacun contemple dans le miroir sa propre image en finition, tandis qu’à côté une photographie montre l’image parfaite de l’âme-soeur (plus un cheval côté garçon).

Car il s’agit bien d’une sorte de cowboy juvénile, foulard dans une poche-revolver et harmonica dans l’autre, et la jeune fille est moins une cavalière qu’une pouliche  à conquérir, croupe rose et jarrets à couture.


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Ben Stahl Femme Ben Stahl Homme

Homme et femme
Benjamin Stahl, années 50

La maison (table ronde, lampe avec abat-jour, grand portait de famille) est opposée au bureau (table rectangulaire, encriers, petits cadres), l’unité étant assurée par le mur vert et les brochures bleu ciel. Il pourrait s’agir d’un couple établi, saisi dans ses activités traditionnelles : la femme à la maison s’occupant de ses dentelles, l’homme au bureau de ses papiers.

Mais il est plus vraisemblable qu’un zeste de galanterie XVIIIème se soit introduit subrepticement en plein puritanisme wasp : la jeune blonde tente son plus audacieux décolleté tandis que le jeune homme, son agenda dans une main et une violette dans l’autre,  se prépare pour le rendez-vous en se moquant bien des paperasses.


Benjamin Stahl

A noter que les deux panneaux n’ont pas exactement les mêmes proportions : la femme est  svelte, l’homme carré.



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TimCockburn morning-I coll partMorning-I TimCockburn morning-II coll partMorning-II

Tim Cockburn, vers 2010, Collection privée

Madame  s’est levée guillerette et se sèche dans une serviette verte.

Serviette que nous retrouvons sur le rebord de la baignoire lorsque Monsieur, en pyjama rouge, vient étudier ses cernes devant le miroir.

Malicieuse inversion des stéréotypes, où la femme s’active tandis que l’homme se contemple.



Références :
[0] « Les manuscrits à peintures en France: 1440-1520 » par François Avril; Nicole Reynaud; Emmanuel Le Roy Ladurie 1995, notice 206
[2] Tal, Guy. 2011. “Switching Places: Salvator Rosa’s Pendants of A Witch and A Soldier, and the Principle of Dextrality.” Notes in Art History 30, no. 2: 20–25.

Pendants solo : femme femme

4 février 2017

Ces pendants confrontent deux personnages féminins différents.

Le cas particulier de la même femme monté sous deux aspects  est traité par ailleurs (voir  Les variantes habillé-déshabillé (version moins chaste) )

Mantegna-1490-The-Vestal-Virgin-Tuccia-with-a-sieve-National-GalleryLa vestale Tuccia avec son tamis (72.5 x 23 cm) Mantegna 1490 A Woman Drinking Sophonisbe National Gallery 72.5 x 23 cmFemme buvant (Sophonisbe ?) (72.5 x 23 cm)

Mantegna, 1490, National Gallery, Londres

Ces deux panneaux sur bois imitant le bronze et le marbre, représentent deux héroïnes antiques :

  • Tuccia, accusée d’inceste, se disculpa en transportant l’eau du Tibre dans un tamis, sans en perdre une goutte ;
  • Sophonisbe, reine carthaginoise, se suicida en buvant du poison plutôt que d’être capturée par les Romains.


La logique du pendant (SCOOP !)

La raison du choix de ces deux héroïnes n’est pas claire (l’eau qui sauve entre l’eau qui tue ?), mais plusieurs détails confirment une conception en pendant ;

  • l’éclairage inverse dans les deux panneaux suggère que ceux-ci étaient exposés face à face, ou de part et d’autre d’une fenêtre ;
  • le vase aux deux lys, symbole de la Virginité, fait écho au laurier à deux branches, symbole de la Vertu ;
  • enfin la marche de la vestale se passe en extérieur, tandis que la figure immobile de la buveuse s’appuie sur l’encadrement d’une porte.


Deux autres oeuvres, cette fois des toiles, appartenaient au même ensemble décoratif (probablement le premier studiolo d’Isabelle de Gonzague à Mantoue).

Mantegna 1490 ca didon Musee des BA Montreal 65,3 x 31,4 cmDidon (65,3 x 31,4 cm) Mantegna 1495 ca Judith avec la tête d'Holopherne Musee des BA Montreal 65x 31 cmJudith avec la tête d’Holopherne (65x 31 cm.)

Mantegna, 1490, Musée des Beaux Arts, Montréal

  • La reine phénicienne Didon avait juré de rester fidèle à son défunt mari Sychaeus Plutôt que de se remarier, elle préféra se jeter dans un bûcher. Dans l’Eneïde de Virgile, le bûcher est prévu pour se débarrasser des souvenirs d’Enée, son amant qui l’a abandonnée. Mais au lieu d’y mettre le feu, elle se suicide avec la propre épée d’Enée. Mantegna nous montre Didon devant le bûcher éteint, avec dans une main l’urne de son défunt mari, et dans l’autre l’épée de son amant.
  • Judith la juive pénètre dans le tente du général Holopherne pour lui trancher la tête d’un coup d’épée.


La logique de la paire (SCOOP !)

La confrontation des deux femmes est très problématique : s’agit-il d’opposer une vicieuse et une vertueuse, ou bien d’honorer deux vertueuses (car Didon, selon la source à laquelle on se réfère, appartient aux deux catégories [0]) ? Par ailleurs la dissymétrie entre le couple de femmes et la femme seule contrarie le fonctionnement en pendant.

La lumière venant de la droite dans les deux oeuvres, il est probable qu’elles se trouvaient côte à côte sur le même mur, formant une frise continue, à la manière des Triomphes de César (dix tableaux réalisés entre 1484 et 1492).


Giampoetrino a produit vers 1520 une série de quatre belles suicidaires, aussi dénudées qu’internationales :

Giampietrino Suicide par armour Didone-c.-1520 Palazzo Borromeo Isola BellaDidon la phénicienne,Palazzo Borromeo, Isola Bella (94,5 x 71 cm) Giampietrino Suicide par armour Lucrezia Chazen Museum of Art Univeristy of WisconsinLucrèce la romaineChazen Museum of Art ,University of Wisconsin (95.6 x 70.8)

 Le suicide conjugal (le poignard par fidélité)


Giampetrino Suicide pour l'honneur 1520 ca Cleopatra Bucknell University LewisburgCléopâtre l’égyptienneBucknell University, Lewisburg (94.3 x 7.1) Giampetrino Suicide pour l'honneur 1520 casophonibePalazzo Borromeo Isola BellaSophonisbe la carthaginoisePalazzo Borromeo, Isola Bella (94,5 x 71 cm)

 Le suicide politique (le poison plutôt que la prison)

J’ai reconstitué ci-dessus les appariements  originaux,  tels qu’ils étaient probablement présentés avant leur division malheureuse (antérieurement à 1676) [1].


Cranach 1540 ca Lucrece et Judith detruit 1945 bombardement Dresde

 
Lucrèce et Judith
Cranach, vers 1540, détruit en 1945 lors du bombardement de Dresde
 

Le pendant met en parallèle une héroïne romaine et une héroïne  biblique que Cranach a souvent représentées par ailleurs  :

  • Lucrèce, pieuse épouse qui, violée par son hôte, se suicida pour ne pas survivre au déshonneur ;
  • Judith, pieuse veuve qui, se livrant au général ennemi, le tua avant qu’il ne la touche.

Le schéma implicite, un  acte de violence commis par une femme après ou avant un acte sexuel, avait tout, sous prétexte de  montrer la Vertu, pour émoustiller les spectateurs   de  l’époque :

  • plastique longiligne des deux nudités à peine voilées ;
  • symbolique comparée du poignard à la lame courte et de l’épée à la lame longue, manipulées par ces dames.



sb-line

Tournier 1630 Paysanne aux fruits fondation Bemberg ToulousePaysanne aux fruits Tournier 1630 Paysanne à la coupe de fruits fondation Bemberg ToulousePaysanne à la coupe de fruits

Tournier, 1630, fondation Bemberg, Toulouse

La logique du pendant (SCOOP !)

Toujours dans le goût caravagesque pour le cadrage en demi-figure, ces deux portraits de paysannes opposent :

  • couleur froide et couleur chaude de la jupe ;
  • cheveux visibles et cheveux cachés sous la coiffe ;
  • regard direct et regard baissé ;
  • tablier relevé en geste d’offrande et coupe portée à bout de bras ;
  • fruits à pépins et fruits à noyau.

La présence de la figue ouverte en bonne place, à côté de la grappe bachique, complète les allusions à la disponibilité amoureuse de la femme de gauche (les pépins étant une figure de la multiplicité), en contraste avec la pudeur de celle de droite (le noyau figurant l’unicité de l’amour).



sb-line

Cano Alonso Apparition du Christ crucifie a sainte Therese de Jesus 1629 PradoApparition du Christ crucifié à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus Cano Alonso Apparition du Christ triomphant a sainte Therese de Jesus 1629 PradoApparition du Christ triomphant à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

Alonso Cano, 1629, Prado, Madrid

A gauche, la sainte est représentée écrivant à sa table de travail, vue de face, contemplant l’apparition du Christ en Croix dans un ciel tourmenté.

A droite, elle est à genoux, vue de dos, et le Christ lui apparaît triomphant dans un ciel dépourvu de nuages.

Les deux panneaux faisaient partie d’un retable pour le couvent de Saint Albert à Séville, dont la composition précise n’est pas connue.


Ter_Borch 1652-53 A mother combing the hair of her child, known as Hunting for lice MauritshuisFemme peignant son enfant ((La chasse aux poux), Mauritshuis, La Haye (33.2 x 28.7 cm)
Ter_Borch 1652-53 The Spinner Museum Boijmans Van BeuningenLa fileuse, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam (33.6 x 28.6 cm)

Ter Borch, 1652-53

La modèle est Wiesken Matthys, la belle-mère de l’artiste, en train de se livrer à deux occupations méticuleuses : le petit enfant et le petit chien, la tignasse et la filasse, se font écho avec tendresse.


Netscher La fileuse (die Spinnerin) Gemaldegalerie_Alte_Meister_(Dresden)La fileuse (die Spinnerin) Netscher La brodeuse (die Naherin) Gemaldegalerie_Alte_Meister_(Dresden)La brodeuse (die Naherin)

Netscher, 1660-84, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde (détruits en 1945)

Le pendant oppose une femme mûre au rouet, et une jeune fille au coussin à broder. Chacune a derrière-elle sa matière première : quenouille sur la chaise, linge dans le panier. Les pendants sont accrochés dans l’ordre logique des opérations (la fabrication du fil précède la broderie) mais dans l’ordre inverse des âges : la finesse des travaux d’aiguille est réservée à la jeunesse. Il y a également probablement un sous-entendu sexuel, entre la femme mûre habituée à manier les quenouilles (métaphore phallique courante), et la jeune fille qui en est à préparer son trousseau.


Livio Mehus Maddalena Asteria vers 1660 Palais Pitti FlorenceMadeleine pénitente (précédemment  Asteria) Livio Mehus Maddalena Danae vers 1660 Palais Pitti FlorenceMadeleine en extase (précédemment Danae)

 Livio Mehus, 1660-65, Palazzo Pitti, Florence

Initialement, le pendant était consacré aux amours terrestres de Jupiter :  à gauche celui-ci prenait la forme d’un aigle pour séduire Asteria (Métamorphoses d’ Ovide, IV, 108) ; à droite celle d’une pluie d’or pour s’introduire chez Danaé.

A une époque et pour une raison inconnues, le pendant fut partiellement repeint pour célébrer les amours célestes de la Madeleine. A gauche, on rajouta des accessoires de piété (crâne, croix auréole) et une chemise de nuit, tandis que les anges continuaient à s’enlacer avec une tendresse déconcertante. A droite, les Cupidons qui recueillaient la pluie d’or furent recyclés l’un en porteur de cilice, l’autre en observateur du flacon de parfum.

Au final, ce repeint improbable aboutit à un résultat parfaitement hypocrite, où la sensualité sous-jacente subvertit la piété affichée, et en fait un objet de délectation pour amateur éclairé.


Nicolas Regnier 1660 ca La Vanite Palazzo reale, TurinLa Vanité Nicolas Regnier 1660 ca La sagesse Palazzo reale, TurinLa Sagesse

Nicolas Régnier, 1626, Palazzo Reale, Turin

Présentés aujourd’hui comme dessus de porte aux deux bouts de la galerie de Daniel, ces deux tableaux ont été conçus pour être accrochés côte à côte :

  • en intérieur, la Vanité, entourée d’objets précieux, un masque sur ses genoux, ouvre en souriant un vase précieux, dans un geste à la Pandore qui appelle des catastrophes (voir la couronne tombée à côté du masque) ;
  • en extérieur, la Sagesse, entourée de livres, à côté d’un crâne qui s’étudie dans un miroir, brandit un balance, emblème de la faculté de juger, mais aussi rappel du Jugement dernier (d’où sa position qui semble peser les deux crânes).

Giovanni_Antonio_Pellegrini_-_Allegory_of_Sculpture_1750 accademiaAllégorie de la Sculpture
Giovanni_Antonio_Pellegrini_-_Allegory_of_Painting_-1750 AccademiaAllégorie de la Peinture

 Giovanni Antonio Pellegrini, vers 1750,  Accademia, Venise

L’une, noiraude et rougeaude, a une robe aux couleurs chaudes et une pose avachie, le marteau dans une main et l’index de l’autre montrant on ne sait quoi . L’autre, une blonde vénitienne, a le profil grec, le drapé en couleurs froides et la pose élégante. Difficile de cacher de quel côté penche le coeur de Pellegrini.



Guardi Allegorie de l Abondance 1747 Ringling Museum of artAllégorie de l’Abondance Guardi Allegorie de l Esperance 1747 Ringling Museum of art Allégorie de l’Espérance

 Guardi, 1747,  Ringling Museum of art

L’Abondance et l’Espérance n’ont pas grand chose à se dire : l’une avance en laissant tomber ses épis, l’autre reste plantée sur son ancre, les fleurs dans son tablier symbolisant les récompenses à venir. L’une dilapide, l’aitre thésaurise. Seul le paysage maritime crée une continuité entre les deux pendants, ainsi que les deux anges qui, l’un portant un bout de colonne et l’autre un morceau d’architrave, s’affairent  au premier temps à relever des ruines.


Jeune femme offrant une guirlande de fleurs à la statue de CupidonOffrande à l’Amour
Jeune femme offrant une guirlande de fleurs à la statue de CupidonBacchante dans l’ivresse devant une statue de Pan

Callet, 1778, collection particulière

Ces deux tableaux font partie d’une série de six réalisée par Callet pour décorer le boudoir du Pavillon de Bagatelle. Toujours vendus ensemble, ils présentent de nombreux éléments de symétrie :

  • statues masculines contrastées : un Cupidon discret et un Pan diabolique  ;
  • vases en bas à gauche : l’un posé sur son pied, l’autre renversé et béant  ;
  • tissu bleu, servant de présentoir pour les roses ou de drap pour la  bacchante  ;
  • élément chauffant : foyer ouvert ou cocotte-minute ;
  • offrande à la Divinité : foyer ouvert  ou tambourinade.

Ces oppositions vont toutes dans le sens du couple le plus fantasmatique du XVIIIème siècle : la vierge (vase intact) et la déflorée (vase béant).


Callet vers 1780 collpart A YOUNG LADY BEFORE A STATUE OF CUPIDJeune femme devant une statue de Cupidon Callet vers 1780 collpart A BACCHANTE PLAYING THE CYMBOLS BEFORE A STATUE OF PAN ALLEGORY OF DEATHBacchante jouant des cymbales devant une statue de Pan

Callet ,vers 1780, collection particulière

Ce pendant réplique celui réalisé pour Bagatelle, en forçant encore sur les oppositions :

  • aux deux colombes innocentes succèdent les deux amours autour du brasero ( orné d’un bélier)  ;
  • le tissu bleu est remplacé par la fourrure de léopard   ;
  • à la poitrine couverte s’opposent les bras déployés (pour les cymbales)   ;
  • la petite torche de Cupidon s’est transformée en un gros thyrse dressé sur la marche ;
  • le panier de fleurs laisse place au vase bavant.

Inhérent  à tout pendant, le plaisir de la comparaison devient ici le  principe du plaisir.


Callet 1778 Offrance a Flore Bagatelle gravure de PatasHommage à Flore (disparu), gravure de Patas Callet 1778 Offrande a Venus musee des Beaux-Arts RouenOffrande a Venus, Musée des Beaux-Arts, Rouen

Callet, 1778

Ces deux autres tableaux de la série formaient eux aussi des pendants sur le même thème : la jeune vierge honorant Flore, la femme accomplie remerciant Vénus et sa pomme.

Le dernier pendant (Adonis partant pour la chasse, couronné par Vénus et Diane au bain accompagné de ses nymphes) n’a pas été retrouvé.


Pour être complet sur les pin-ups à l’antique de Callet, voici un pendant antérieur, dont il me manque malheureusement la moitié la plus émoustillante :

Jeunes filles préparant des dards auprès de la statue de l’Amour Callet 1770 Deux vestales preparant un sacrifice Musee des Augustins ToulouseDeux vestales préparant un sacrifice

Callet, 1770, Musée des Augustins, Toulouse



Michel_Garnier 1788 La jeune musicienne coll privLa jeune musicienne, 1788 Michel_Garnier 1789 Le_jeu_de_cache-cache coll priv 14.6 x 11.4 cmLe jeu de cache-cache, 1789

Michel Garnier, collection privée, 14.6 x 11.4 cm

Ce pendant de très petite taille pousse à l’extrême l’imitation virtuose de la peinture fine hollandaise. A la toute fin de l’Ancien Régime, il met en scène deux facettes de la femme moderne :

  • musicienne savante, à la harpe, lorsqu’elle se montre en représentation au salon ;
  • musicienne légère, à la guitare,) et mère parfaite dans l’intimité du logis (voir le portrait du Père de famille, reflété dans le miroir de la cheminée).

Le fauteuil et la boîte en carton servent de motifs de jonction.



Sigmund Freudenberger 1794 La fileuseLa fileuse Sigmund Freudenberger 1794 La devideuseLa dévideuse

Gravures de Sigmund Freudenberger, 1794 

Ces deux gravures montrent, de part et d’autre de la porte, le coin toilette avec le filage, le coin cuisine avec le dévidage. Dans un esprit didactique, le pendant respecte l’ordre des opérations ;

  • d’abord on fabrique les bobines, puis on en fait des écheveaux ;
  • d’abord on lape, puis on dort.



Ingres Odalisque, d apres La Dormeuse de NaplesOdalisque dormant
Ingres, vers 1820, Victoria and Albert Museum, Londres
(d’après la Dormeuse de Naples, 1808, tableau disparu)
Ingres,_La_Grande_Odalisque,_1814La Grande odalisque,
Ingres, 1814,  Louvre, Paris

Ingres a d’abord peint La Dormeuse« Une femme de grandeur naturelle couchée nue, dormant sur un lit de repos à rideaux cramoisis ». Elle est acquise en 1809 par le Roi de Naples, Joachim Murat, dont l’épouse, Caroline Bonaparte, commande cinq ans plus tard trois nouvelles toiles au peintre. Parmi celles-ci, La Grande Odalisque, une orientale, nue, vue de dos sur fond bleu, qui fait pendant à la jeune occidentale, nue, vue de face et sur fond rouge.

Depuis 1815 et la fuite de Caroline, on est sans nouvelles de La Dormeuse, dont il ne reste que des esquisses faites de mémoire par Ingres, et toute une série de tableaux qui n’en inspirent [2].



En 2007, on a bien cru l’avoir retrouvée, cachée sous un tableau du XVIIème siècle :Giordano_Venus-2c208

Vénus dormant avec cupidon et satyre,
Luca Giordano, 1663, Musée de Capodimonte, Naples

Mais le scoop a semble-t-il fait long feu [2].



Charles Robert Leslie 1840-60 An allegory of virtue 45.7 x 30.5 cm coll partAllégorie de la Vertu Charles Robert Leslie 1840-60 An allegory of vice 45.7 x 30.5 cm coll partAllégorie du Vice

Charles Robert Leslie, 1840-60 (45,7 x 30,5 cm)

La Vertu, jolie rousse en robe blanche, boutonnée jusqu’au cou et au poignet, ne s’occupe que de cueillir des roses dans un jardin clos.

Le Vice, brune piquante à la mantille espagnole, sort dans un parc à la fontaine jaillissante, montre sa cheville et regarde qui la regarde.



Puvis de Chavannes 1870 Le Ballon Musee d OrsayLe Ballon
Puvis de Chavannes, 1870, Musée d Orsay
Puvis de Chavannes 1871 Le pigeon voyageur Musee d OrsayLe pigeon-voyageur
Puvis de Chavannes, 1871, Musée d Orsay

Inscriptions sur le cadre, de la main de l’artiste :

 » La ville de Paris investie confie à l’air son  appel à la France »  » Echappé à la serre ennemie, le message attendu exalte le coeur de la fière cité « 


Une symétrie marquée

Les deux tableaux « se répondent point par point : à la femme armée simplement vêtue d’un austère costume du temps – se tournant vers les hauteurs du fort du Mont Valérien au delà des remparts et accompagnant du geste le ballon, s’oppose la même figure de deuil, vue de face cette fois, recueillant le pigeon qui a échappé aux griffes d’un de ces faucons dressés par l’ennemi, au-dessus d’une vue de l’ile de la Cité, enfouie sous la neige ; pendant ce dur hiver, elle tomba en abondance à partir du 22 décembre. » Notice du Musée d’Orsay

Ainsi, formellement, les deux pendants obéissent à une stricte symétrie :

  • une femme vue de dos, tournée vers les faubourgs, lève la main vers un objet ami qui s’éloigne ;
  • une femme vue de face,  le dos à la ville, lève la main vers un objet ennemi ami qui s’approche.


Deux moments du Siège

Canon josephine bastion 40 à Saint OuenCanon Joséphine, bastion 40 à Saint Ouen

Le premier panneau  a probablement été peint depuis ce bastion. Le ballon s’envole vers le Sud Ouest, en direction de l’Armée de la Loire formée par Gambetta.

Le second panneau montre un Paris revenu au Moyen-Age, rétréci à l’ultime enceinte de l’Ile de la Cité. Le combat militarisé du faucon et du pigeon fait  écho à celui qui, de tout temps, a opposé ces deux volatiles près des tours de Notre Dame : comme si la fatalité de la guerre se dilatait dans le temps, à la manière de la neige  accaparant tout l’espace.

« Entre les deux tableaux, quelques semaines voire quelques mois se sont écoulés, qui ont affaibli le moral des Parisiens. Les deux œuvres enregistrent aussi l’abattement de Puvis de Chavannes qui se sent pris au piège d’une ville dont le paysage agreste, ouvert et comme en creux, se déroulant sous le regard dans Le Ballon, est devenu dans Le Pigeon un espace urbain aux fortifications saillantes agressives – c’est la « ville géante à plusieurs enceintes » dont parle Alphonse Daudet dans ses Lettres à un absent (1871). .D’un tableau à l’autre, comme par un phénomène d’éclipse, l’inquiétude et la peur ont succédé à l’optimisme et à l’espoir incarnés par l’aérostat. » [3]



Toulmouche 1883 Dans la serre Musee d'Arts NantesDans la serre Toulmouche le billet Musee d'Arts Nantes 66 x 45 cmLe billet

Toulmouche, 1883, Musée d’Arts, Nantes (66 x 45 cm)

Présentées au Salon de 1883, ces deux toiles renouent avec la tradition du pendant extérieur – intérieur :

  • dans la Serre, la Femme se fait rose parmi les roses, cachant au mépris des piqûres sa poitrine en fleur sous ses consoeurs ;
  • au Salon, la Rose se fait Femme, extrayant du bouquet ce qui lui importe : le billet d’un admirateur.



Emile Bayard 1886-87 Madame PolichinelleMadame Polichinelle Emile Bayard 1886-87 Madame ArlequinMadame Arlequin

Emile Bayard, 1886-87, gravures coloriées

Féminiser ces deux caricatures viriles que sont Polichinelle, avec son bâton, et Arlequin, avec sa batte, ne va pas sans un frisson érotique. Dans la même veine, Emile Bayard a également exploité le thème des duels entre femmes (voir Deux moments d’une histoire ).


GALLAND Pierre Victor La renaissance des Arts Beauvais Musee de l'Oise 1888La renaissance des Arts GALLAND Pierre Victor La renaissance des Lettres Beauvais Musee de l'Oise 1888La renaissance des Lettres

Galland (Pierre-Victor), 1888, Musée de l’Oise, Beauvais

Ces panneaux décoratifs destinés à l’hôtel particulier de l’architecte Jean-Baptiste Pigny, à Paris, son effectivement décoratifs. Mais pas plus. Après deux siècles d’évolution, l’art des pendants atteint ici son point de gratuité, avec des nuages, des angelots, des branches d’olivier, des envolées d’étoffes et des torses nus, qui semblent avoir été tirés au hasard au profit d’une allégorie paresseuse :  les Arts réduits à une lyre et une trompe, les Lettres à un rouleau blanc.

Comme si le peintre ne retenait que la force plastique de la formule, et  s’excusait du symbolisme.


mucha tete byzantine brune 1897Tête byzantine brune mucha tete byzantine blonde 1897Tête byzantine blonde

Mucha, 1897, lithographies en couleur

Dix ans après, Mucha développe son style décoratif expansif. Sur fond de synapses rayonnantes, deux profils « byzantins »  confrontent leur pureté graphique.  La princesse brune, parée de gemmes aux couleurs chaudes, lève la paupière et entrouvre les  lèvres. En face, la princesse blonde, enchâssée dans les couleurs froides, baisse le regard et garde bouche close.

Deux nuances du mystère fin de siècle, entre la révélation esquissée et le sourire silencieux.


L’affichiste belge Privat-Livemont recycle en style Art Nouveau deux sujets classiques de pendants.

privat-livemont 1901 La sculpture chromolithographLa Sculpture privat-livemont 1901 La peinture chromolithographLa Peinture 

Privat-Livemont, 1901, lithographies en couleur

La complémentarité des deux Arts s’exprime par celle des couleurs vert et rouge.


PRIVAT-LIVEMONT LA Fileuse. - 1904La fileuse PRIVAT-LIVEMONT LA Fileuse. - 1904La brodeuse

Privat-Livemont, 1904, lithographies en couleur

La ligne d’horizon (avec moulins et clochers), la végétation identique, les troncs centraux, les broderies similaires (avec papillons) unifient les deux jeunes filles, saisies dans le geste en écho de passer le fil dans le rouet ou à travers la broderie.


Edmundo Pizzella 1906 Le musicien et Derriere le rideau Pastels

Le musicien et Derrière le rideau
Edmundo Pizzella, 1906 ,Pastels, Collection privée

Ces deux Pierrots ambigus reprennent étrangement, dans une sobriété blanches, la même thématique que les princesses de Mucha. Le Pierrot blond ferme les yeux et la bouche, le Pierrot brun entrouvre les paupières, les lèvres et le rideau. Tandis que l’un fait corps des deux mains avec son violon au repos, l’autre, avec sa parole réprimée par l’index, s’identifie au rideau à peine relevé : d’un côté un sommeil instable, de l’autre une révélation esquissée.Edmundo Pizzella, Pierrot 1907


Pierrot
Edmundo Pizzella, 1907 ,Pastels, Collection privée

Cet autre pastel rend évidente la féminité des Pierrots.



Bruno d'Arcevia 1985 Femmes avec chevaux

Femmes avec chevaux
Bruno d’Arcevia, 1985, Collection particulière

Si l’on regarde la moitié haute, les deux femmes sont vues de face ; et si l’on regarde la moitié basse, celle de gauche est vue de dos.
Pour les chevaux, c’est l’inverse : ils sont opposés en haut et symétriques en bas.

Esthétique de la surprise, de l’élongation et de la torsion : résurrection de la virtuosité maniériste.



willi kissmer zwei seiten 1995 gravure recto willi kissmer zwei seiten 1995 gravure verso

Double face (Zwei Seiten)
Gravure de Willi Kissmer, 1995

Autre recto-verso bien balancé, par ce grand spécialiste des plis mouillés.



DANIEL MAIDMAN The Black and White War 2011

La Guerre du blanc et du noir (The Black and White War)
Daniel Maidman, 2011, collection particulière

Le décor, à première vue symétrique et rationnel, est en fait truffé de complexités :

  • les escaliers de gauche sont une empreinte en creux des escaliers de droite ;
  • même en faisant tourner la plaque circulaire sur laquelle sont placées les deux femmes, le carrelage de celle-ci ne se rabouterait pas au reste de la pièce (la diagonale des carreaux de la plaque est égale à la largeur des autres carreaux)
  • les trois alignements centraux de carrés ne sont pas plats, mais en escalier (regarder la limite avec la plaque circulaire pour s’en convaincre).

Heureusement, pour appréhender cette complexité déconcertante, nous disposons du blog de Daniel Maidman. Il y décrit, le 27 octobre 2010, l’oeuvre en cours d’élaboration :

« Je n’avais donc aucune idée de ce qu’était cette peinture avec Alley (nom de la modèle) quand je l’ai commencée. Mais elle s’est révélée à moi pendant que je peignais. Tout d’abord, j’ai découvert pourquoi j’avais pensé à mettre Alley dans cette position. Voici la raison:

St-Gaudens, Diana for Tower 1899

Diane
Augustus St-Gaudens’s , 1892–93, Philadelphia Museum of Art

Maintenant, cette Alley sur laquelle j’avais tâtonné, est une Alley venant du pays des ombres lumineuses, de la forme et de l’optimisme, mais son oeil est dans l’ombre parce qu’elle regarde vers les ténèbres. Je voudrais peut-être vivre dans le monde aérodynamique de St-Gaudens, mais je ne peux pas ; je sais ce qui s’est passé depuis. Ma variante de la déesse regarde vers l’obscurité. Elle se tient au bout de l’impasse de la raison.
Maintenant, c’est ce que la peinture signifie pour moi – assurément. Mais la peinture n’est qu’à moitié faite. La seconde Alley fait face à la première, et son visage est éclairé. Peut-être que je vais découvrir que c’est un espoir. Mais je pense que je vais découvrir que c’est un étrangeté. Les deux se reflètent l’une l’autre, et elles prendront place finalement dans un labyrinthe compliqué et désert d’arches et d’escaliers. Je pense que je trouverai, à la fin, qu’il s’agit d’un tableau sur la crainte de l’analyse, dans un lieu qui est au-delà de l’analyse. Dans ce lieu , persister dans l’analyse est en soi déraisonnable. La raison, dans ce contexte, est comme une tumeur indésirable. L’irrationalité brutale de l’espace réfracte la raison, en produisant deux là où il n’y en avait qu’une. La beauté, la forme, l’espoir, l’humanité – tout cela est indésirable dans la froide inhumanité de la bouillonnante et irréductible complexité du labyrinthe inexploré. » [3]


Dans un autre post, le 20 mars 2011, Maidman nous livre l’autre source de son inspiration :

« Petite note finale: Le titre de La guerre blanche et noire a été à l’origine inspiré par une lecture très large de l’expression « la guerre huit-par-huit », dans le roman Un Lun Dun de Chine Mieville . C’est une guerre dont on sait qu’elle a eu lieu, mais personne ne se souvient de qui l’a gagnée. » [4]

Le roman de Mieville décrit la quête de deux jeunes filles de douze ans, Zanna and Deeba, pour délivrer du Smog maléfique qui la menace Unlondon, le double immatériel de la ville de Londres. S’il a modifié l’âge et la plastique de ces deux héroïnes juvéniles, Maidman en a conservé la blondeur, et la solidarité : elles scellent leur pacte devant un médaillon où s’affrontent un aigle et un lion, symbole d’un guerre de deux principes, sans fin et sans raison.



Références :
[0] Francis Fletcher, « Mantegna’s Fictive Bronze Judith and Dido : Beyond examplarity » dans « Andrea Mantegna: Making Art (History) », p 186 et ss https://books.google.fr/books?id=OyRcCwAAQBAJ&pg=PA186#v=onepage&q&f=false
[1] « Capolavori da scoprire: la collezione Borromeo : mostra, Milano, Museo Poldi Pezzoli, 23 novembre 2006 – 9 aprile 2007 », Mauro Natale; Andrea Di Lorenzo, p 206
[4] http://danielmaidman.blogspot.fr/2010/10/dead-end-of-reason.html
« So I had no idea what this Alley painting was about when I started it. But it’s been showing itself to me as I painted. First, I found out why I thought to have Alley stand like that. Here’s the reason:
Now, this Alley I have groped my way into showing, is an Alley coming from the land of bright shadows, of form and optimism, but her eye is shadowed because she is looking into darkness. I might like to live in the aerodynamic world of St-Gaudens, but I cannot; I know what has happened since. So my variant on this goddess looks into the dark. She is standing at the very dead end of reason.This is what the painting means to me now – sure. But the painting is less than half done. The second Alley faces the first one, and her face is lit. Perhaps I will find out that this is hopeful. But I think I will find out that it is uncanny. The two of them mirror one another, and they will stand (eventually) in an intricate, abandoned maze of arches and staircases. I think that I will find, in the end, that this is a painting about the fearfulness of analysis in a region that is beyond analysis. In this region, to persist in analysis is itself unreasonable. Reason, in this context, is like an unwelcome tumor. The brutal irrationality of the space refracts reason, producing two where there was one. Beauty, form, hope, humanity – all of them are unwelcome in the cold inhumanity of the seething, irreducible complexity of the uncharted maze. »
[5] http://danielmaidman.blogspot.fr/2011/03/my-problem-with-landscapes.html
« A little endnote here: The image of The Black and White War was originally inspired by a very broad reading of the phrase « the Eight-by-Eight War, » in China Mieville’s novel Un Lun Dun. This is a war which is known to have happened, but nobody remembers who won it. »