Daily Archives: 22 mars 2017

6.1 Figures de l’ironie

22 mars 2017

Lorsqu’on pressent un sens qui se dérobe, il est facile d’invoquer l’ironie, à défaut d’une meilleure explication. Méfions-nous en, mais cherchons-la quand même. Car Dürer avait au moins autant d’humour que de vague-à-l’âme, ses lettres à son ami Pirckheimer en témoignent. Si Melencolia I est un portrait spirituel de Dürer et un portrait psychologique d’Albrecht,  alors on doit, nécessairement, y trouver l’ironie, ce mélange d’humour et de désillusion.

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Les manches des anges

Melencolia_Anges_Manches

Un détail amusant souligne le parti-pris de rationalité qui imprègne toute la gravure : Dürer a pensé au problème des ailes et prévu, dans le dos des deux anges, des manche pour ces membres surnuméraires (la pièce de tissu froncée que l’on voit retomber le long de l’aile).


L’homme à la tête de clou

Melencolia_Clou_Unique
Nous avons déjà signalé cette interprétation à la fois humble et vaniteuse :
« A côté de vous, Seigneur, je ne suis qu’un clou… et vous, trois ! »




La couronne de perlimpinpin

Melencolia_couronne
Panofski a convoqué la fine fleur des botanistes pour identifier les deux plantes seraient des remèdes à la Mélencolie. Et depuis tout le monde va répétant : renoncule  d’eau, cresson des fontaines

Et si le seul message à retenir est que cette couronne est éminemment périssable ? Ce n’est pas une couronne de laurier pour conquérant, juste une couronne de perlimpinpin. Si Dürer à eu envie de dire, comme l’autre, « Madame Melancolie, c’est moi ! » du moins a-t-il pris soin de ceindre son front tourmenté d’une couronne pour jouer.



La boule repose-pieds

Memling Boule

Polyptyque du Jugement Dernier  (détail)
Memling, 1467-71, Gdansk

Dans les Jugements Derniers, Dieu est assis sur l’arc-en-Ciel et pose ses pieds sur un  globe terrestre, qui est en général  représenté magnifié, en cristal ou en or, comme il sied à une planète en plein nettoyage terminal.



Melencolia_Sphere_Chien

Dans Melencolia I, il y a bien une boule, située sous l’arc-en-ciel, mais très bas, tout en bas de l’échelle. Elle n’est pas transparente ou brillante, elle est opaque, en pierre ou en bois. Si elle représente la Terre, c’est une Terre Totalement Terrestre, fermée sur elle-même, aveugle à tout rayonnement purificateur [1].

Comme elle est isolée et  sans aucun détail qui permettrait d’orienter la lecture,  on considère habituellement qu’elle est là en tant qu’attribut de la Géométrie, dont elle est la figure le plus simple et la plus parfaite. Une bonne manière de progresser est de se poser une question oiseuse…


Qui monte sur une boule ?

Le mieux est de demander à Dürer.Durer La petite fortune 1496

La Petite Fortune,
Dürer,  1496

Une boule posée sur le sol sert de piédestal à la femme nue qui s’appuie sur un long bâton pour conserver son équilibre  : allégorie de  la Fortune, état instable et capricieux. L’idée vient de la Tabula Cebetis, texte traduit par l’ami Pirckheimer (la Fortune y est décrite comme une vieille femme aveugle montée sur une boule de pierre). La plante est de l’eryngium, un aphrodisiaque dénotant la chance en amour.



Durer Songe du docteur

Le Songe du Docteur
Dürer, 1497-98

Le sphère se trouve à la même position que dans Melencolia I, en bas en bas à gauche, juste à côté d’un putto qui essaie de monter sur des échasses. La moralité de cette petite saynète semble claire : si instables que soient les échasses, pour qui veut s’élever, elles sont toujours moins traitres que la boule (Pour une interprétation complète de cette gravure, voir [2] ).

Pour autant qu’on puisse extrapoler à partir de deux exemples,  il semble bien que pour Dürer, une boule posée sur le sol est plutôt un symbole négatif, d’instabilité et de risque. Ce n’est pas, en tout cas, l’idée de la perfection géométrique qui prévaut.

Qui repose ses pieds sur cette boule ?

Celui qui la frôle de ces membres antérieurs :  la sphère de Melencolia I est un escabeau pour les chiens.


Qui peut monter sur cette boule ?

Melencolia_Quatre-centres

La boule de Melencolia I est anonyme, son matériau est incertain. La seule indication que nous avons sur elle, c’est que son centre se situe à l’aplomb du point de fuite. Voilà qui répond à notre question : celui qui est invité à monter sur la boule, pour voir sa tête auréolée par l’arc-en-ciel, c’est soit le spectateur, soit l’artiste.

Le clin d’oeil de la chauve-souris

A l’aplomb du point de fuite, l’oeil douloureux de la chauve-souris et le panonceau qu’elle déploie sonnent comme un avertissement : « ne montez pas sur cette boule ! »


Qui monte sur quoi ?

A droite du point de fuite, nous trouvons le centre de l’arc-en-ciel, à une distance égale à la mesure du Carré. Un peu plus loin encore, nous trouvons l’axe du polyèdre, qui est tangent à la sphère.   Nous sommes ici à la limite de la précision des tracés, et il se peut que ces relations soient de purs coïncidences. Risquons néanmoins une interprétation.

  • La sphère opaque représente la Terre telle qu’elle apparaît sous le regard de l’homme, piédestal instable et dangereux.
  • L’arc-en ciel représente la Terre en gloire, translucide et tellement stable qu’elle pourra servir de trône à Dieu le jour du Jugement.
  • La distance entre ces deux centres – la mesure du Carré – représente l’écart irréductible  qui sépare la vision humaine et la vision divine.
  • Le polyèdre, dont l’axe tombe à une distance « terrestre » du centre de la Sphère, constitue un piédestal intermédiaire, une sorte de sphère « rectifiée » (pour parler comme un alchimiste).

Nous avions laissé en suspens, à la fin de l’analyse du diagramme néoplatonicien, la dernière phrase qu’il nous avait suggérée  :
« Les Eléments composent un trône pour le Père,  le Corps fait un piédestal pour le Fils ».

L’étude comparée de la sphère et de l’arc-en-ciel confirme cette intuition : la raison d’être du polyèdre, c’est de proposer aux pieds du Christ un socle plus stable que le globe obtus de notre planète : pour représenter une Terre digne de recevoir Jésus, Dürer ne s’est pas contenté de jouer sur le matériau :  il en a  réformé la forme !

Influences subliminales

L’idée d’associer au fauteuil céleste deux repose-pieds  est le coup de maître de « Melencolia I ». Mais il a peut être été préparé,  du moins de manière subliminale, par deux gravures de la série « La Petite Passion » dans lesquelles vont apparaître, consécutivement,  un arc-en-ciel quelque peu original,  puis un piédestal   pour Jésus-Christ.



Durer La petite Passion Descente du Christ aux Enfers

Descente du Christ aux Enfers
Dürer, 1512

Dans la première, on voit un « arc-en-ciel » en pierre, surplombant un Christ auréolé comme un aérolithe, avec un dragon ratiforme qui tente vainement de harponner Adam, Eve et Moïse libérés : prélude satanique à Melencolia I, dont l’arc-en-ciel surplombe lui-aussi un Jésus météore, ainsi qu’un dragon réduit à la taille d’une chauve-souris et au rôle d’animal-sandwich.


Durer La petite Passion Resurrection

Résurrection
Dürer, 1512

La gravure suivante de la série  nous montre le Christ en gloire, debout sur le parallélépipède parfaitement stable de son tombeau.


Melencolia_Polyedre_Jesus
Transportons-le deux ans plus tard et posons-le sur le polyèdre : l’inclinaison de son étendard épouse, quasi exactement, celle de l’échelle mélancolique.

Deux axes irréductibles

Un premier axe vertical unit donc la sphère au point de fuite, puis à la chauve-souris. Tout à côté l’axe de symétrie du polyèdre, très légèrement incliné, part du sommet de l’arc-en-ciel et, vers le bas tangente la sphère. Cette inclinaison n’est pas fortuite : elle résulte du fait qu’en bas, l’écart entre les deux axes est égal à la mesure de la sphère. Tandis qu’au niveau de la ligne d’horizon, la distance entre le point de fuite et le centre de l’arc-en-ciel est égal… à la mesure du carré !



Plusieurs éléments de la gravure sont empreints d’une ironie discrète, d’une autodérision réservée à la compréhension des happy fews : le maître du burin se traite de vieux clou ; le peintre de l’Empereur se coiffe d’une couronne d’opérette ; le savant géomètre taille une sphère pour les chiens.

La confrontation des deux piédestaux, la boule apparemment parfaite et le polyèdre en construction, sonne comme une mise en garde pour ceux qui se contentent d’une  perfection à portée du plancher des vaches, et prétendent prendre pour marche-pied l’emblème même de l’instabilité.

Seule la recherche de l’harmonie, au travers d’approximations successives, peut nous permettre de construire un socle un peu plus stable : pas pour nos propres ambitions, mais pour nous préparer à accueillir ici-bas la descente du Divin.


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Références :
[1] Pour le lien entre l’arc-en-ciel et la boule, voir Ph.L.Sohn, Dürer’s Melencolia : the limits of knowledge, Studies in the History of Art, IX, 1980, p 13-22) http://www.jstor.org/stable/42617907
[2] « Albrecht Dürer : Le Songe du Docteur et de la Sorcière », C.Makowski, 2002,Editions Jacqueline Chambon

6.2 Devinettes acrobatiques

22 mars 2017

A titre de récréation, nous avons recensé ici quelques propositions absurdes, astucieuses  ou invérifiables, que les amateur d’anagrammes et de devinettes ont repéré çà et là.

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Durer Carre Magique

L’âge du capitaine

En 1514, Dürer était âgé de 43 ans. Or étrangement,  en inversant 4 et 3 on retrouve le fameux 34, la constante du carré magique. (Rappel : Tous les carrés de 4 ont pour constante 34)

Le nom du capitaine

Plus fort : Finkelstein [1] a fait  la somme des lettres de « Albrecht Dürer ». En numérologie latine, cela donne 135. Dommage, la somme du carré magique est 136. Qu’à cela ne tienne : la case 1 étant frôlée par l’aile de l’ange, et le chiffre 1 étant plus grand que les autres, Finkelstein pense qu’il ne faut pas le compter, car il représenterait Dieu dans la gravure. 136 – 1 = 135. CQFD.

Un seul problème : dans l’alphabet qu’utilisait  Dürer (voir son traité « Instruction pour la mesure à la règle et au compas »), le I et le J ne se distinguent pas. A supposer qu’il se soit amusé à faire le total des lettres de son nom, il n’aurait pas trouvé 135, mais 129. Et nutile d’essayer en latin : « ALBERTUS DURER » donne alors 156.

La mort de maman

Renverser un symbole (par exemple une torche  ou un arbre avec ses racines en l’air) peut exprimer, comme le remarque P.Eckhart, l’idée de la mort. Une anomalie souvent commentée dans le carré magique, est que le chiffre 5 est gravé à l’envers, tête en bas. Or la mère de Dürer est morte justement en mai 1514, le cinquième mois de l’année. Ce 5 est donc un chiffre de deuil.

En fait, si on compare la chiffre 5 dans les deux cases où il apparait, le 5 et le 15, on  se rend compte qu’ils sont identiques. Ce cinq « prétendument funéraire apparaît fréquemment dans les dates d’autres gravures : le « Voile de Sainte Véronique », en 1516 ou le « Saint Simon » de 1523. Il  correspond simplement à une graphie enrichie, que Dürer utilise de temps à autre.

De nombreuses interprétations expliquent Melencolia I par l’état d’esprit dépressif de Dürer cette année-là. Et oublient simplement l’atmosphère singulièrement apaisée du Saint Jérôme dans se cellule, la gravure jumelle réalisée la même année.


Melencolia_ChauveSouris

MELE(n)COL-IA J

Voici l’interprétation familiale la plus alambiquée qu’il nous ait été donné de lire, concernant ces douze malheureux caractères. Nous la traduisons telle quelle :

« Mele » en grec signifie « miel, douceur » ; « col » qui aurait dû s’écrire en grcc avec la lettre khi… signifie « souffrant ». Pour prononcer ces deux mots ensemble, il faut ajouter entre les deux  un N non significatif. Le « IA » à la fin du mot pluralise et latinise le grec, faisant référence à des femmes. A côté du mot MELENCOLIA se trouve une « fioriture », puis la lettre I. Les chercheurs ont ignoré ce symbole, supposant qu’il s’agissait d’un embellissement artistique sans importance. Mais la fioriture comporte une barre horizontale, signe qui veut dire « retournant ». Le « I » après la fioriture est différent du I dans le mot : ceci est significatif, car Dürer était un expert en lettrage, et a publié un livre sur le sujet. En Latin et en Grec, il n’y a pas de lettre pour le « J ». A la place, la lettre « I »était utilisée pour représenter le « J », ainsi le « I » à la fin de l’inscription vaut pour un « J », le symbole du Seigneur – Jésus ou Yahweh (Jehovah). L’inscription doit être comprise comme signifiant « dans la douceur et dans la peine, ces deux femmes retournent vers le Seigneur ». Elizabeth Maxwell-Garner, [1a]

Les deux femmes étant Barbara et Margret, la mère et la soeur d’Albrecht, mortes en 1514. Dans la suite de cette étude sont décryptés selon la même méthode l’ensemble des objets, et même le message codé dans les signes de la ceinture, selon le principe que Dürer était non seulement un noble hongrois, mais un juif caché.


MAXIMILIEN Imperator

« Si l’on compte le nombre de lettres qui composent le mot MELENCOLIA, il est de dix, comme le nom de MAXIMILIEN. Six lettres leur sont communes M – E – N – L – I A. Le « I » suivant le signe §(ornement paragraphe) peut alors désigner la lettre « I » du mot IMPERATOR et le « I » (chiffre romain de 1er) : Maximilien Ier – Maximilien Imperator » [3] p 64


SALUS JUSTORUM

Melencolia_ChauveSouris_signe
Sur ce minuscule signe soit disant ignoré ont été échafaudés des embellissements symboliques, dont voici un des plus échevelés :

« Le signe qui suit le titre semble un S très orné mais, comme l’a vu L.Barmont, est en réalité composé de deux volutes, séparées par un petit losange pointé, ce qui semble évoquer les deux spires d’involution et d’évolution,- ajoutons que le petit losange avec son point peut se référer à l’incarnation dans la matière. Il convient d’interpréter non seulement le I mais bien, croyons-nous, le groupe de deux lettres S.I. : ne serait-ce pas SALUS JUSTORUM ? – l’idée étant toujours que les mélancoliques constituent l’élite de l’humanité, en tout cas les seuls initiables ». [2]


 

La fioriture cryptique

Finkelstein [4] lui consacre un important développement, remarquant qu’il a été « omis » par Jan Wierix, un graveur qui a recopié la gravure en 1605. Sans doute pour éliminer des allusions devenues hérétiques. Lesquelles ? Tout comme l’aile de l’ange sacralise la case 1 du carré magique, le motif floral sacralise le I du cartouche : ainsi  tous les I de la gravure sont une image de Dieu. Quant à la fioriture, en forme de double S, ainsi que tous les chiffres en forme de S, ils représentent à la fois le salut (Salus) et le serpent (qui est le symbole de Dieu dans les Hieroglyphica  de Horapollo).


Un ornement calligraphique

Il se trouve que que cette fameuse fioriture a été utilisée par Dürer dans des contestes variés, qui ont moins retenu l’attention des exégètes.


SignatureAdamEveCartouche d’Adam et Eve, 1514

Exlibris_Hieronymus_EbnerEx-libris de Hieronymus Ebner, 1516

 

Albrecht_of_Brandeburg_inscription
Portrait du cardinal Albrecht de Brandenburg, 1519

Elle sert ici de séparateur entre tous les mots de la devise. Dürer devait la tracer avec son burin avec autant de facilité qu’avec une plume (rappelons que ce n’est pas le burin qui bouge, mais la plaque qui tourne) : il n’accordait visiblement pas une grande importance à sa forme précise : les spirales sont tantôt renversées, tantôt affrontées, sans autre logique qu’un effet de variété.

Albrecht_of_Brandeburg_inscription_1523Portrait du cardinal Albrecht de Brandenburg, 1523

En outre, dans ce portrait moins pompeux du même cardinal, la même devise apparaît avec, cette fois, un simple point comme séparateur. Preuve que le motif cryptique n’est rien d’autre qu’un trait de calligraphie, que Dürer utilisait pour rendre plus solennelle une inscription.

MELAN COELI

Anagramme proposée par M.Calvesi, et signfiant  « le Noir du Ciel ». [5]
Cet auteur lit aussi  LEO (le Lion) en retenant les 3ème, 4ème et 7ème lettre de MELENCOLIA I. (3 4 et 7 étant des nombres importants en alchimie)

ELEM NICOLAI

Partant de l’hypothèse que Dürer aurait pu connaître dès 1514, via l’irremplaçable Prirckheimer,  les premiers élément de la théorie de Copernic (dont le « De revolutionibus Orbium Caelestium » ne paraîtra qu’en 1543), Robert J. Manning résoud l’anagramme en ELEM NICOLAI : les Elements de Nicolas. [6]

CAMELEON § LI I

Nous reprenons ici l’anagramme proposée par Richter [7].

Le mot Cameleon, qui apparaît une seule fois dans la Bible  (Génèse 11 Vers 30), est le nom générique  que Pic de la  Mirandole donne à l’homme  (Oratio § 7,32,  page 10/11). Il est en  effet capable non seulement de changer de couleur, mais aussi de nature : tantôt animale et tantôt divine.

§ LI serait une référence au chapitre  51 du Livre 8 de « Naturalis historia » de Pline l’Ancien, qui traite justement du caméléon.

Enfin, le signe I serait L’Unité, autrement dit Dieu en tant que fons numerorum, source de tous les nombres.

Ainsi le titre de la gravure signifierait, sous une forme prudemment crypté, rien moins que « L’Homme-Dieu », l’homme devenu Dieu.


LIMEN CAELO

Nous reprenons ici l’anagramme proposée avec perspicacité par Finkelstein [4], p 20 et ss

L’orfèvre Albrecht Dürer, père du graveur, s’est installée à Nuremberg en 1455. Il était originaire de Ajtas, en Roumanie (Ajtas signifie porte), et a germanisé son nom  en Thur, devenu bientôt Dürer.

 

Durer Blason 1490, Musee des OfficesDürer, Blason 1490, Musée des Offices Blason, 1523Dürer, Blason 1523

Dans les deux versions du blason, on voit bien la porte posée sur des nuages.

« Les blasons montrent habituellement ce qui fait la fierté de la famille, son grand accomplissement. Pour proclamer son plus grand talent, la gravure, Dürer aurait pu représenter un burin, ou le mot burin lui-même. Or le latin pour burin est caelum. C’est aussi le mot usuel pour « ciel », ou « les Cieux »…Caelo est à la fois le nom (dans les cieux) et le verbe (je grave). Le blason de Dürer est à la fois un idéogramme pour « La porte vers les Cieux » et « Je grave la porte ».

Finkelstein fait également remarquer que la signature de Dürer est elle-aussi un idéogramme :

« Le A tronqué est une porte autant qu’une lettre. Les jambes du A sont les montants. Le linteau est posé dessus pour les connecter.Un renfort juste sous le linteau est la barre du A, plutôt haute pour un A mais correcte pour un portail. Le D entre les montants du A fait écho au D des portes dans le blason. Dans le blason, il a symbolisé son Art par le jeu de mot sur « Caelo ».  Sitôt que j’ai compris ce jeu de mot, j’ai regardé si CAELO rentre dans MELENCOLIA, comme il devrait. Les lettres en trop donnent LIMEN, qui signifie « portail »…. »seuil, linteau, rempart, maison, frontière, selon le contexte. »

Cette explication fortement argumentée est très séduisante, et cadre bien avec ce que nous comprenons de la fierté égotiste de Dürer.

Malheureusement, elle n’explique pas la présence du I.

ILLE ICON MEA

Pour rajouter notre pierre à l’édifice, nous proposons donc (sans aucune conviction) une nouvelle anagramme égotiste : « Celui là, c’est mon image ».


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Références :
[2] Jean Richer, revue Hamsa, L’ésotérisme d’Albrecht Dürer 1, 1977, p 32
[3] Mélancolie(s), Claude Makowski, 2012, p64
[4] MELENCOLIA I.1∗, David Ritz Finkelstein, 2007 http://arxiv.org/pdf/physics/0602185
[5] « A Noir (Melencolia I) » Maurizio Calvesi, Storia del Arte 1:2, 1969, p 90
[6] DÜRER’S « MELENCOLIA I »: A Copernican Interpretation, ROBERT J. MANNING, Soundings: An Interdisciplinary Journal Vol. 66, No. 1 (Spring 1983), pp. 24-33 http://www.jstor.org/stable/41178241
[7] Richter, Leonhard G., « Die Weltchiffre des Menschen bei Pico della Mirandola und Albrecht Dürer », Rodopi, Amsterdam, 2007

6.3 Figures de l’Egotisme

22 mars 2017

Une Lettre Capitale

Après ces anagrammes plus ou moins acrobatiques, passons maintenant à un jeu avec une seule lettre, qui n’a jamais été exploré jusqu’ici.

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L’angle du pentagone

On a depuis longtemps remarqué que l’échelle fait par rapport à la verticale un angle très proche de 18° (avec les réserves habituelles liées à la variabilité des tirages).

Or cet angle vaut PI/10, autrement dit le demi-angle d’un pentagone, ou encore le demi-angle d’une pointe de l’étoile à cinq branches. D’où d’innombrables tentatives pour montrer que Dürer a construit sa gravure avec des pentagrammes. Comme cette figure géométrique est régie par le nombre PHI, et que le format de la gravure l’est également (voir carré), il n’ait pas exclu qu’il y en ait une effectivement. Mais nous ne l’avons pas découverte.


L’angle du A

Il se trouve que l’angle de 18° a peut-être une raison moins noble, plus égotiste, d’être ainsi mis en valeur dans la gravure. Plutôt que d’inviter à la traque des pentagrammes occultes, il pourrait s’agir plutôt d’une sorte de marque de fabrique  : l’angle du A selon Albrecht. Car le logo de l’atelier Dürer était connu de toute l’Europe, et plagié : un collègue particulièrement favorisé par ses initiales, Albrecht Altdorfer, signait même d’un A à l’intérieur d’un autre A, surpassant le maître en terme de célébration auto-référente.

Alphabet mnemotechnique Johannes Romberch, Congestiorum Aertficiose Memorie, 1553
Alphabet  mnémotechnique
Johannes Romberch, Congestiorum Aertficiose Memorie, 1553

On voit ici la lettre A associée avec une échelle, une idée que le spectateur lettré aurait donc pu avoir.


Le A de Pacioli

Fra_Luca_Pacioli_Letter_A_1509
De divina proportione
Luca Pacioli, 1509

Ce livre comporte 23 illustrations montrant comment tracer des lettres harmonieuses avec la règle et le compas, en n’utilisant que des droites et des cercles. Le A de Pacioli s’inscrit dans un carré divisé en quatre, et possède un demi-angle au sommet de 22,5°.

Le A de Dürer

A Underweysung
Instructions pour la mesure à la règle et au compas
Dürer,1528, [1]

Dürer reprend les idées de Pacioli et donne tous les gabarits permettant d’inscrire les lettres dans un carré divisé en quatre. De manière générale, les traits pleins doivent avoir comme épaisseur un dixième (pour un carré de côté 1) ; et les traits déliés , un trentième.  Concernant le tracé du A, voici le principe : on trace deux points en bas du carré, à une distance de un dixième des angles, qui serviront de point de départ aux deux jambes. Du fait de leurs épaisseurs différentes (la jambe gauche déliée et la jambe droite pleine) on doit ajuster les points d’arrivée sur le bord supérieur du carré,  de part et d’autre du centre (Dürer explique précisément comment). Ceci donne, pour la jambe de gauche un angle de 20° (sa tangente vaut 11/30). Mieux que Pacioli, mais tout de même assez différent des 18° de l’échelle.


Le A retourné

Melencolia_LettreA_seule
Rappelons-nous qu’une gravure est tracée à l’envers : si nous inversons latéralement le A de Dürer, la jambe pleine passe à gauche : et son angle de 18,43°  ( tangente 1/3) se confond pratiquement avec celui de l‘échelle. Il y a mieux : la largeur de la jambe pleine est, comme nous l’avons dit, le dixième de la largeur du carré. Or la largeur de l’échelle correspond justement à cette proportion de la largeur de la gravure.

Le A du monogramme

Melencolia_Monogramme
Y a-t-il un rapport entre le A des « Instructions » et un autre A très célèbre, celui du monogramme ?
L’angle est-il le même, et comment le  déterminer  ?

Le A dans le carré

Nous avons remarqué (voir 2 La question du Carré) que les nombres du carré, si on les suit dans l’ordre croissant, forment des motifs de « ponts ». Comme pour nous inviter à cette lecture séquentielle, le cadran solaire affiche deux séries de nombres : 9 à 12 et 1 à 4. En  les reportant dans le carré magique, nos faisons apparaître le « grand pont » et le « petit pont » :  autrement dit le A du monogramme.
Melencolia_Monogramme_Carre


L’angle du A du monogramme

Si le quadrillage 4×4 nous donne le module permettant de tracer le A du monogramme, sa pente est facile à calculer : elle vaut 1/3, autrement dit le même angle de 18°45 que pour le grand A  des « Instructions » (retourné).

Le grand A sur la gravure

Il ne reste donc plus qu’à tracer un grand A de Dürer retourné, selon la méthode qu’il indique. Remarquons que les deux cercles qui définissent le profil du bas des jambes doivent avoir, selon Dürer, le septième du côté du carré. Autrement dit, dans la gravure, la mesure du carré magique. On retrouve donc, dans la construction de la lettre comme dans la composition de la gravure, le même choix de proportions simples (1/3, 1/7, 1/10).

Melencolia_LettreA

Superposons notre grand A à la gravure : non seulement la jambe gauche coïncide avec l’échelle, mais le reste de la lettre s’intègre plutôt bien à la composition : le putto, avec son stylet et son ardoise, se retrouve logé dans le triangle supérieur du A. Melencolia, elle, est coupée en deux : la main qui tient le livre et le compas se retrouve dans le trapèze inférieur de la lettre, l’autre main reste à l’extérieur.

Les six objets de l’Ecriture

Il est intéressant que les deux mains qui tiennent des outils d’écriture soient confinées dans les deux compartiments internes de la lettre. Tandis que les quatre autres objets liés à l’écriture, le panonceau, le carré magique, la signature et l’encrier se retrouvent à l’extérieur de la Lettre.

Les quatre signatures

Nous savons que Dürer a signé deux fois la gravure : une première fois en bas, juste au-dessus de la patte droite du grand A.

Une deuxième fois en bas du carré magique. On peut d’ailleurs également lire A et D comme l’abréviation de Anno Domini, que l’on rencontre fréquemment à côté des dates : d’où une équivalence flatteuse entre Dürer et  Domini.

Si Finkelstein a raison avec son anagramme « LIMEN CAELO » (voir 6.2 Devinettes acrobatiques), Dürer a apposé sa signature à un troisième emplacement, cette fois en haut à gauche du grand A.

Par raison de symétrie, nous nous attendons donc à trouver une quatrième signature juste au dessus de la patte gauche du grand A.

L’encrier de Dürer

Comment nomme-t-on en latin un « encrier décoré » ? « Atramentarium Decoratum ». Tandis que le clou près des trois clous ironise sur les difficultés de Dürer l’artisan , l’encrier près de la boule pourrait faire allusion à Dürer le courtisan, suffisamment prudent pour côtoyer la fortune sans risquer de grimper dessus.



Melencolia_Encrier

Un objet somptueux rempli d’encre noire, mais frappé du signe de l’Etoile : bel autoportait d’un génie atrabilaire.



Aussi étonnantes que soient ces coïncidences, est-il concevable qu’un artiste de la qualité de Dürer s’amuse, pour une de ses oeuvres majeures, à jouer comme un gamin avec son initiale ?

Tout se passe comme si le thème du A avait servi de principe de composition à usage interne, destiné avant tout à l’artiste et à ses familiers : un peu comme le motif B-A-C-H dans l’« Art de La fugue ».

Que maître Albrecht ait développé des réflexions poussées sur la forme de la lettre A, prima littera, premier caractère de l’alphabet et de son prénom, n’a rien d’étonnant.  Qu’il ait souhaité les intégrer dans une oeuvre conçue comme un compendium dürerien est logique. Qu’il ne les ait pas annoncées à grands coups de trompette est compréhensible : l’égotisme bien tempéré rehausse l’oeuvre,  l’exhibitionnisme l’étouffe.

Mais il y a là peut être plus qu’un jeu formel : du A de l’Alphabet au A de Albrecht, du A des « Instructions » au A du monogramme, on retrouve le même rapport qu’entre l‘Idée – universelle et éternelle, et la Chose – individuelle et mortelle. Pour passer du A qui enseigne au A qui signe, il suffit de lui couper la tête. De la même manière qu’en coupant la pointe d’un cube étiré – un solide qui appartient à tout le monde – on obtient le polyèdre de MELENCOLIA I, une forme qui n’appartient qu’à Dürer.

Le grand A que l’échelle et l’imagination surimposent sur la gravure nous fait voir  l’idée platonicienne, qui régit et qui organise.   Les signatures aux quatre coins n’en sont que les thuriféraires.


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[1] Instructions pour la mesure à la règle et au compas : version digitalisée sur
http://digital.slub-dresden.de/werkansicht/dlf/17139/115/

Le peintre en son miroir : 2a L’artiste comme compagnon

22 mars 2017

L’artiste ici accompagne le modèle dans le miroir  : tantôt il prend presque autant de place que lui, tantôt il se rapetisse dans l’arrière-plan : mais l’important est de partager avec lui le même cadre.

 

 

Bernardino_Licinioautoportrait

Portrait d’un architecte avec un autoportrait en arrière plan
Bernardino Licinio, vers  1520-1530, Martin von Wagner Museum, Würzburg

Dans cet exemple précoce, la technique ne suit pas encore  : la tête du peintre dans le miroir est trop grande, les lignes qui joignent l’architecte et de son reflet (haut du  béret, oeil)   ne tombent pas sur un point de fuite situé entre les yeux du peintre, mais bien plus à droite.Bernardino_Licinio autoportrait mains


En revanche, l’idée est très astucieuse. Le miroir montre une main gauche tenant un pinceau, reflet inversé de la main droite du peintre, en hors champ : ainsi cette main unique du peintre correspond simultanément aux deux mains de l’architecte :

  • en tant que main droite réelle, à celle qui tient le compas ;
  • en tant que main gauche virtuelle, à  celle qui lève l’index.


L’architecte conçoit avec le compas et donne ses directives avec son index.

Le peintre en revanche, qui ne commande qu’à lui-même, n’a besoin que d’un seul instrument : son index qui fait corps avec son pinceau.

Du coup, il devient possible d’inscrire cette peinture dans le débat (dit du paragone), qui faisait rage à l’époque : de l’Architecture et de la Peinture, quel est l’Art supérieur ? La réponse de Bernardino est limpide : la Peinture. (voir Comme une sculpture (le paragone) )


Larsson

 

Carl Larsson Before the Mirror, 1898

Devant le miroir
Carl Larsson, 1898

Le reflet du Peintre, encadré par une série de rectangles, semble vouloir confiner le reflet du Modèle dans le triangle de son chevalet. Tandis que le modèle en chair, campé à l’extérieur, résiste à cette attraction combinée de la Peinture et du Miroir.


Carl Larsson Before the Mirror, 1898 schema

Cette composition qui semble impeccable est en fait totalement fabriquée, avec trois points de fuite distincts :

  • le point de fuite externe (en jaune) se trouve un peu au dessus de l’oeil du peintre ;
  • celui des reflets (en bleu) un peu plus à gauche, sans doute pour « décoller » le modèle de son reflet ;
  • celui du reflet du parquet (en rouge) encore plus à gauche, comme pour éviter de tout soumette au contrôle de l’oeil du Maître.

 


Matisse

 

 

matisse 1919-the-painting-lesson-La leçon de peinture
Matisse, 1919, Scottish National Gallery of Modern Art,Edimbourg
Vermeer Art de la Peinture 1666Vermeer, L’art de la Peinture, vers 1666, Kunsthistorisches Museum, Vienne

Peint dans une chambre d’hôtel à Nice, ce tableau montre la jeune modèle de 18 ans, Antoinette Arnoux, lisant en compagnie de Matisse qui la peint. Un pinceau posé sur la table fait le lien entre le tableau dans le tableau et la modèle.

La  composition pourrait être une piètre resucée de Vermeer, sans  la présence centrale du miroir, qui associe dans son ovale le bouquet et un palmier. Comme si Matisse avait trouvé là  une première solution graphique pour unifier le modèle et l’artiste, ce dernier symbolisé par l’arbre en forme de pinceau.


A partir de 1935, le dessin au trait va lui permettre,  en s’exonérant de la précision optique, d’exploiter magistralement le pouvoir  unificateur du miroir .

Matisse 1935 Artist and Model Reflected in a Mirror1935, L’artiste et le modèle reflétés dans un miroir Matisse 1936 la modele dans le miroir1936, La modèle dans le miroir
Matisse 1935 Le peintre et son modele1935, Le peintre et son modèle Matisse 1937 Femme nue couchee au miroir1937, Femme nue couchée au miroir
Matisse 1937 Nude Kneeling before a Mirror1939, Nu agenouillé devant un miroir

  Petit, mais supérieur

 

alexei-alexeivich-harlamoff-the-artist-and-his-model 1875 coll part

L’artiste et son modèle
Alexei Alexeivich Harlamoff, 1875, collection particulière

Cette composition place Harlamoff,  grand spécialiste des portraits de petites filles, dans une position de supériorité et d’intimité quelque peu audacieuse avec cette jeune lectrice aux cheveux d’or.


sb-line

Frederick Carl Frieseke Artist and Model

Artiste et modèle, Frederick Carl Frieseke, date inconnue

Un demi-siècle après, la modèle se dévêt sans scandale, entre ces  symboles sensuels que sont les fruits avec la carafe de vin, le bouquet de fleurs et le chat qui ronronne. A moins que plus subtilement ils ne représentent le Goût, l’Odorat et l’Ouïe – la Vue étant quant à elle associée au miroir et le Toucher… à la peau dénudée de la modèle.


lement

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Lucrecia Arana avec son fils, Joaquin Sorolla y Bastida, 1906, Collection privee

Lucrecia Arana avec son fils, Joaquin Sorolla y Bastida, 1906, Collection privée

La mère serre contre elle son fils dans le réel, mais le confie dans le virtuel aux bons soins d’un peintre qui sait garder sa distance.


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1912 - Corinth-At the mirror Worcester Art Museum

Au miroir
Corinth, 1912, Worcester Art Museum

L’artiste a esquissé son image en haut de la pyramide, de moins en moins distincte,  qui mène de la modèle au reflet. Le miroir a ainsi l’effet paradoxal de transformer la  vue en plongée vers le modèle, en une contreplongée vers le peintre.


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Der-maler-und-jo_oppler_1928Double portrait avec Jo
Ernst Oppler, 1928, Collection privée
1930ca-mela-mutter-model-at-the-mirrorModèle au miroir
Mela Muter, vers 1930, Collection privée

 

Occupant la position dominante en haut à gauche (d’où vient  généralement la lumière), Oppler  affirme son double ascendant sur le modèle : en tant que peintre et en tant que père.

Composition similaire chez Mela Muter, mais avec un effet inverse : en se regardant dans le miroir et en tournant le dos au peintre, la modèle  acquiert une autonomie et une supériorité numérique.


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Painter and Model 1953, John Minton, Russell-Cotes Art Gallery and Museum Bournemouth
 
Painter and Model
John Minton, 1953, Russell-Cotes Art Gallery and Museum, Bournemouth

Composition similaire, mais cadrage et esthétique bien différents : en donnant l’essentiel de l’espace au garçon barraqué, assis en jean et en maillot de corps  blanc, bras et pieds nus,  le peintre longiligne, debout en pantalon strict et chandail noir, semble s’abstraire de toute présence physique et reculer devant une sexualité interdite. Tout le tragique de la destinée de Minton s’inscrit déjà dans ce tableau.


john_minton_young_man_seated_Norman Bowler 1955

 Portrait de Norman Bowler
John Minton, 1955, Collection privée


Le jeune homme est Norman Bowler, un bodybuilder des années 50 qui  était à cette époque le mari d’une des meilleures amies de Minton, Henrietta Moraes.  Figure connue de Soho, elle eut une vie cahotique entre Bacon, Lucian Freund et les drogues. Minton quant à lui se suicida en 1957, car Henrietta lui avait ravi un homme dont il était lui-même secrètement amoureux.

Sur les aspects biographiques du tableau, on peut consulter :
https://peterjamesfield.wordpress.com/2017/01/16/john-minton-and-david-tindle/


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Cuno Amiet - Autoportrait avec sa femme 1930 coll part

Autoportrait avec sa femme
Cuno Amiet, 1930,  Collection particulière

En se positionnant à la hauteur du visage de son épouse, et en éliminant  la vue de dos du modèle, Cuno Amiet supprime tout effet de suprématie ou de menace et nous offre un portrait de couple harmonieux, où le peintre et mari se met en retrait derrière la beauté de sa femme pour l’admirer en souriant.


Fairfield Porter The Mirror 1966Le miroir
Fairfield Porter, 1966

Porter a choisi  un point de vue plongeant déconnecté de la position du peintre : celui-ci n’est d’ailleurs pas montré en train de peindre à côté de son chevalet, mais planté à côté du poêle, prenant du recul pour évaluer son oeuvre.Fairfield Porter The Mirror 1966 schema


Du coup se crée un effet d’escalier entre la petite bouteille, la petite fille et le peintre, qui échappe à la miniaturisation et reste maître en son royaume.



Viktor Alexandrovich Lyapkalo

 

LYAPKALO viktor-alexandrovich 1989 Self-portrait1989 lyapkalo viktor-alexandrovich
LYAPKALO viktor-alexandrovich 1998 KatyaKatya, 1998 lyapkalo viktor-alexandrovich-2

 

Viktor Alexandrovich Lyapkalo

A contrario, dans ces quatre variations , le point de fuite se confond avec l’oeil de l’artiste, ce qui exclut le spectateur  de cet intimisme spéculaire.

Ce point de vue subjectif et empathique est particulièrement marqué dans les deux derniers tableaux, où le modèle et l’artiste s’assoient et se lèvent conjointement.



Robert Lenkiewicz

 

Robert Lenkiewicz 1990 The Painter with Karen1990 The Painter with Karen Robert-Lenkiewicz-1992-The-Painter-with-Karen.-St-Antony-Theme1992 The Painter with Karen. St Antony Theme
Robert Lenkiewicz 1993 The Painter with Anna. St Antony Theme1993 The Painter with Anna. St Antony Theme Robert Lenkiewicz 1993 The Painter With Lisa Stokes1993 The Painter With Lisa Stokes
Robert Lenkiewicz 1994 Reflections, Painter with Anna,1994 Reflections, Painter with Anna Robert Lenkiewicz Anna in Yellow Kimono at Lower Compton. St Antony themeAnna in Yellow Kimono at Lower Compton. St Antony theme
Robert Lenkiewicz Roxana With Painter St Anthony ThemeRoxana With Painter St Anthony Theme

 


 Petit et dominé

henri moreau

Autoportait avec modèle
Henri Moreau, vers 1930

Rare exemple de domination manifeste : le peintre sans mains et sans cheveux est réduit à la tétée par cette imposante garçonne. Pour autant qu’on puisse en juger par le reflet de son nez, le point de fuite se situe bien en dessous de la ceinture…


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Jan De Maesschalck 1998

Sans titre, Jan De Maesschalck, 1998

Assise sur le marbre de la cheminée, la femme chauffe son pied nu au dessus du cadre de l’âtre, dans lequel elle a déjà jeté une demi-pile de livres ;  et de son pied chaussé elle désigne une autre pile, laquelle semble menacée de se liquéfier dans le miroir.

A l’opposé de l’escarpin, coincé entre le cadre et le reflet du châssis, le peintre semble être le seul à résister, par son regard, à cette dissolution généralisée par la flamme et par la glace.


Voir la suite : 2b L’Artiste comme détail