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1 A quoi sert midi (dans la journée)

27 février 2011

« Midi le juste » disait Paul Valéry.

  • « Juste » au sens d’équitable, puisqu’il partage la journée en deux moitiés égales.

  • Mais aussi « juste » au sens d’exact : c’est un instant qu’on sait pourvoir déterminer avec précision, même si nous avons tous oublié comment faire.

  • Enfin, « juste » au sens d’indiscutable : le jugement de midi s’impose à tous.


A quoi sert midi ? En premier lieu, à  fixer un repère dans la journée : équitable, exact, et acceptable par tous.

Saint-remy-de-provence-c


Durée et heure

Mesurer une durée n’est pas si difficile : nous  avons mis au point un grand nombre de dispositifs plus ou moins sophistiqués (clepsydre, sablier, horloge, horloge atomique) qui rendent ce service avec la précision souhaitée.

Promulguer une heure est une autre paire de manches : encore faut-il s’entendre sur un point de repère commun, à partir duquel nous allons mesurer les durées.


Un premier candidat

L’instant du  lever ou du coucher du soleil pourrait être un bon candidat, une fois précisée la définition : l’instant où le bord du disque frôle l’horizon, ou celui où le milieu du disque le franchit, une ou deux minutes plus tard (cette dernière convention étant celle des éphémérides) ?

Premier  inconvénient, le relief. On ne dispose pas partout d’un horizon plat :  en montagne, l’instant du lever du soleil diffère si l’on se déplace de quelques mètres.

Second inconvénient, l’altitude. Cet effet est loin d’être négligeable : un guetteur en haut d’un phare de 100m verra le soleil se lever environ 75 secondes avant une personne restée en bas.


Il y a zénith et zénith

Puisque ni le lever ni le coucher ne donnent un repère parfait, il est logique d’essayer le  seul point particulier qui nous reste dans la trajectoire du soleil, celui où il passe à son plus haut.

La langue courante appelle « zénith » ce point de culmination : appellation abusive car le zénith est la verticale d’un lieu.  Or  le soleil ne passe à 90° au dessus d’un lieu que très rarement : seulement deux fois par an, et seulement pour la zone située entre les deux tropiques.

A la latitude de Paris (48° 51 »), le point de culmination du soleil varie entre  65° au dessus de l’horizon (le plus haut, au solstice d’été) et 18° (le plus bas, au solstice d’hiver).


Comment déterminer midi solaire ?

Plutôt que de d’observer directement le soleil, il est plus confortable et plus précis d’observer une ombre. N’importe laquelle fait l’affaire, mais plus l’objet sera haut, plus il devrait être facile de déterminer le moment où l’ombre cesse de décroître et recommence à croître.

En fait, il est impossible de déterminer ainsi l’instant de l’inversion, car l’ombre à son plus court reste stationnaire pendant une bonne heure. Heureusement, il existe une astuce.


Tracer la méridienne

Puisque une observation sur un court moment n’est pas assez précise, élargissons le problème et suivons l’évolution de l’ombre pendant une journée complète. Plantons un piquet vertical (on l’appelle pompeusement un gnomon) et marquons sur le sol,  à plusieurs moments de la journée, l’emplacement de sa pointe. Il en résulte une courbe en forme d’arc, plus ou moins ventrue selon la saison. Quelle que soit sa forme, nous savons que « midi le juste » se trouve en plein milieu.

Mais comment déterminer ce milieu, alors que nous ne connaissons pas précisément les bouts ? Que nous avons tracé la première marque le matin et la dernière le soir, à des moments pas forcément symétriques ?

C’est en exploitant non pas les bouts ni la portion centrale,  mais le tracé dans sa globalité que nous allons pouvoir déterminer son milieu avec toute la précision souhaitable Pour cela, attachons une ficelle à la base du piquet, et traçons un cercle qui coupe en deux points notre arc solaire. Traçons la droite qui relie ces deux points, prenons son milieu, et traçons une autre droite entre  ce milieu et le piquet : nous avons la méridienne du lieu, autrement dit la ligne qui relie le Nord et le Sud géographiques.

(Cette méthode est illustrée dans http://www.ac-reims.fr/datice/astronomie/physique/temps/definitions.htm)

Leçons

  • Midi est le seul de moment de la journée qu’on peut déterminer de manière naturelle, avec un piquet et une ficelle

  • Le justesse de Midi est la même que celle du soleil

  • Pour voir plus précis, quelquefois il faut voir plus large.

2 A quoi sert midi (dans l'année)

27 février 2011

Non content de fixer un point de repère commun dans la journée, midi permet également de fixer quatre points de repères dans l’année : les jours de changement des saisons.

gnomon

Notre gnomon tout simple n’est pas seulement une horloge :

c’est aussi un calendrier.


La Terre tourne autour du soleil

Contrairement à la croyance persistante, les saisons ne correspondent pas au fait que la Terre, ayant une orbite elliptique, chaufferait en se rapprochant du soleil et refroidirait en s’éloignant. Dans ce cas, l’hiver arriverait en même temps pour  toute la planète : or nous savons bien  que l’hiver dans l’hémisphère Nord correspond à l’été dans l’hémisphère Sud.

De nos jours, la Terre est au plus près du soleil (au périhélie de son orbite) début janvier : de ce fait l’hiver boréal devait être légèrement plus chaud que l’hiver austral (en juillet), mais il faut tenir compte aussi de l’influence inverse de la surface des océans, bien plus importante dans l’hémisphère Sud.

Si la distance de la terre au soleil à une influence, faible et complexe, sur le climat, elle n’a rien à voir avec le mécanisme même des changements de saison.


La Terre tourne sur elle-même

Le mécanisme des saisons tient en fait à une seule chose : le fait que l’axe Nord-Sud – selon lequel la terre tourne sur elle-même –  n’est pas perpendiculaire au plan selon lequel elle tourne autour du soleil (plan de l’écliptique). Cet axe est incliné de 23°26″ » (de nos jours) et se translate tout au long de l’année parallèlement à lui-même.

On comprend alors qu’en deux points opposés de l’orbite, l’axe se trouvera incliné dans le plan des rayons solaires ; l’inégalité entre des deux hémisphères sera alors à son comble, celui qui présente son Pôle au soleil aura l’ensoleillement maximal et les journées les plus longues : ce sont les solstices d’été et d’hiver.

En deux autres points  intermédiaires, l’axe se trouvera incliné dans un plan perpendiculaire aux rayons : son inclinaison n’aura donc plus aucun rôle dans l’ensoleillement, les deux hémisphères seront à parfaite égalité,  le jour et la nuit auront la même durée de douze heures en tous les points du globe : ce sont les équinoxes de printemps et d’automne.


Le soleil tourne autour de la Terre

La vision héliocentrique satisfait l’esprit, mais elle ne nous dit pas où le soleil va se lever demain matin, derrière le poirier ou derrière le cerisier. Ni si la table de l’apéro sera encore dans l’ombre à midi. Pour répondre à ces importantes questions, il nous faut passer en vision géocentrique, ce qui n’est pas si évident.

Heureusement, nous disposons en nue propriété d’une petite partie de l’axe de rotation de la Terre : la méridienne, que l’ombre du bâton nous a permis de tracer (voir A quoi sert midi dans la journée) , et qui nous donne ponctuellement  le midi solaire chaque jour.


La sphère céleste

Si nous avons la curiosité de sortir plusieurs nuits de suite et à des heures différentes pour admirer notre méridienne, nous constaterons qu’il y a au dessus-d’elle une étoile qui ne bouge pas, tandis que toutes les autres étoiles tournent en permanence. Pour pouvoir retrouver facilement cette étoile fixe, nous inclinerons dans sa direction le piquet qui nous a servi à tracer la méridienne.

En pensant en babylonien, nous dirons que la sphère céleste tourne autour d’un axe qui passe par l’Etoile Polaire.

Manière géocentrique de traduire l’énoncé héliocentrique : l’axe de la Terre se translate toute l’année parallèlement à lui-même.


La trajectoire apparente du soleil

Le soleil décrit dans le ciel une trajectoire en arc de cercle. Puisque toutes les étoiles décrivent des cercles autour de l’Etoile Polaire, le soleil doit aussi décrire un arc de cercle de la même famille. Pour le vérifier, utilisons notre piquet, qui de jour comme de nuit nous indique la direction de l’Etoile Polaire, et fichons un carton sur le piquet. Si le carton est bien perpendiculaire  au piquet, l’ombre de l’extrémité tracera un cercle parfait, centré sur le trou de passage. En été, lorsque le soleil est haut, le cercle sera plus petit ; en hiver il sera plus grand : le soleil tourne dans un plan perpendiculaire au piquet.

Puisque le soleil décrit un cercle, les rayons qui passent par l’extrémité du piquet décrivent un cône : si le carton sur lequel se projette l’ombre n’est pas perpendiculaire au piquet, le lieu de l’ombre ne sera plus un cercle, mais un arc d’hyperbole : c’est ce que nous avons observé lorsque, pour trouver la méridienne, nous avons tracé sur le sol la courbe de l’ombre du gnomon.


Le soleil selon la saison

Représentons-nous la sphère céleste comme une énorme saladier posé à l’envers sur notre jardin, et regardons en direction du Sud. La trajectoire du soleil est un cercle tracé en oblique sur le saladier, qui part le matin sur notre  gauche (vers l’Est), passe au plus haut en face de nous,   et se termine le soir sur la droite (vers l’Ouest).   Puisque le soleil tourne toujours autour de l’axe polaire, les différents cercles qu’il va tracer sur le saladier tout au long de l’année sont tous parallèles entre eux, comme sur une tomate tranchée.

Au solstice d’hiver, la tranche est la plus basse, donc la plus courte de l’année : les points de départ et d’arrivée sont en avant de nous, rapprochés de part et d’autre du Sud.

En avançant vers le printemps, la trajectoire s’élève, donc les extrémités gauche et droite reculent et s’écartent : à l’équinoxe de printemps, le soleil se lève exactement à notre gauche (l’Est) et se couche à notre  droite (l’Ouest). Ceci correspond, en vision héliocentrique, au moment où le soleil est perpendiculaire à l’équateur terrestre (donc au zénith, pour un habitant de l’équateur).

Puis la trajectoire apparente continue de s’élever jusqu’au solstice d’été et les points de départ et d’arrivée reculent derrière nous, vers le Nord-Est et le Sud-Ouest.


Déterminer les équinoxes

Pour trouver le jour de l’équinoxe, il faut tracer à partir de notre piquet la ligne perpendiculaire à la méridienne, qui nous donnera donc l’Est et l’Ouest géographiques : le jour des équinoxes, le soleil se présentera sur cet axe, et l’ombre du piquet ne décrira plus une hyperbole, mais se projettera toute la journée sur cette droite. La méthode est assez peu précise, à cause de la réfraction au niveau de l’horizon, qui crée une incertitude sur le moment du lever et du coucher.

De plus les équinoxes sont déterminés par la position de la terre par rapport au soleil, non par sa rotation sur elle même : il n’y a donc aucune raison pour que leur moment précis coïncide avec le lever ou le coucher du soleil dans votre jardin.

Là encore, c’est midi solaire qui va tirer d’embarras les astronomes : en mesurant tous les jours la hauteur du soleil à midi avec une lunette dite « méridienne » (c’est à dire mobile uniquement dans le plan Nord-Sud), il vont trouver, par interpolation, le moment précis où le soleil a traversé l' »équateur » céleste.


Déterminer les solstices

Les  solstices correspondent au jour où, sur l’horizon, le mouvement des points de lever et de coucher s’inverse : ils cessent de se rapprocher l’un de l’autre (solstice d’hiver) ou de s’écarter (solstice d’été).

Nous sommes confrontés ici à une double imprécision : celle de mesurer des points à l’horizon (comme pour l’équinoxe), et celle de l’effet de plateau lorsqu’insensiblement un mouvement s’inverse (la plage d’inversion s’étale ici sur plusieurs jours, tout comme la plage de culmination journalière s’étale sur deux heures).


La bonne méthode, celle de Ptolémée, consiste à se placer à midi (pour lever les imprécisions sur l’horizon) et à élargir le problème. On mesure la hauteur du soleil à midi sur une vingtaine de jours avant et après le solstice, jusqu’à ce qu’on tombe sur deux jours (en dehors du plateau) où la hauteur apparente est identique : le solstice tombe pile entre ces deux dates (avec une précision de 6 heures).


Leçons

  • Pour comprendre les saisons, il faut réfléchir en copernicien, et regarder en babylonien.

  • Passer du point de vue héliocentrique au point de vue géocentrique fait mal à la tête : notre cerveau n’est pas conçu pour regarder en même temps la grande roue depuis la foire, et la foire depuis la grande roue.

  • Le soleil se déplace sur un saladier renversé, selon les tranches d’une tomate.

  • La chasse aux équinoxes et aux solstices est comme la chasse aux canards : mieux vaut viser haut que bas, et tirer large qu’étroit.

 

3 A quoi sert midi (sur le globe)

27 février 2011

Midi ne ne contente pas de nous donner des points de repère temporels, dans la journée et dans l’année : il nous permet également de nous situer, en latitude, sur le globe.


L’ombre à midi, selon la latitude et la saison

Nous allons monter le long d’un méridien, de l’équateur au pôle Nord,  et voir, selon la latitude et la saison, ce qu’il advient de l’ombre méridienne.

  • Sur l’équateur,  l’ombre  disparaît deux fois par an à midi, aux équinoxes d’hiver et d’été.
  • Dans les latitudes intermédiaires entre le tropique et l’équateur, elle disparaît  également deux fois par an, à des dates qui s’écartent de plus en plus des équinoxes.
  • Sur le tropique, la disparition de l’ombre s’est décalée de trois mois et se produit aux solstices.
  • Au dessus de la zone tropicale, le soleil ne monte jamais jusqu’au zénith : il y a donc toujours une ombre à midi. Et comme le soleil culmine de moins en moins haut, l’ombre s’allonge de plus en plus.
  • Au cercle polaire, le soleil culmine à 47° au solstice d’été. L’ombre la plus courte de l’année est déjà bien longue : 93 cm pour un piquet de 1 m.
  • Au dessus du cercle polaire, le soleil monte de moins en moins haut : à l’équinoxe, il ne monte plus qu’à 23°6, et l’ombre de notre piquet mesure 2,30m. Enfin, au solstice d’hiver, elle a une longueur infinie, puisque le soleil apparaît seulement quelques minutes autour de midi, au ras de l’horizon.
  • Enfin,  plantons notre piquet au pôle Nord.   Seul problème : le plan de l’horizon est exactement parallèle à celui de l’écliptique. Le soleil n’a donc plus une trajectoire en arc, mais une trajectoire horizontale ; l’ombre mesure donc la même longueur toute la journée. La plus courte, au solstice d’été, mesure 2m30 ; elle s’allonge rapidement pour devenir infinie trois mois plus tard, à l’équinoxe, moment où le soleil disparaît à l’horizon. Ensuite, pendant six mois, l’ombre règnera en maître.

Pour plus de détails, cliquer sur le tableau ci-dessous :

Une animation est disponible sur http://www.sciences.univ-nantes.fr/physique/perso/gtulloue/Soleil/Mouvement/Jour_nuit.html


Le basculement de l’ombre entre les tropiques

C’est seulement entre les tropiques que le soleil monte jusqu’au zénith, deux jours par an, faisant complètement disparaître l’ombre. Puis le parcours du soleil passe sur l’autre moitié du ciel, en direction du Nord : durant quelques jours seulement (juste en dessous du tropique du Cancer) ou pour la moitié de l’année (au niveau de l’équateur).

Lorsque le point de culmination bascule du Sud au Nord, l’ombre recommence à s’allonger. Mais, étant passée de l’autre côté du piquet, il faut compter sa longueur en négatif :  en fait, elle continue de décroître.


L’ombre à midi, le long d’un méridien

Plaçons-nous maintenant n’importe quel jour de l’année : avec la convention de compter la longueur de l’ombre en négatif si le soleil culmine au Nord, on a une règle très simple : la longueur de l’ombre à midi augmente de l’équateur au pôle Nord.


Déterminer la latitude

Pour la déterminer, il faut donc relever la hauteur du soleil à midi solaire.

Le jour de l’équinoxe, nous avons vu que l’inclinaison de l’axe terrestre perd toute influence. La latitude est donnée directement par la différence entre 90° et la hauteur du soleil : on trouve bien 0° de latitude à l’équateur (soleil au zénith), et 90° au pôle Nord (soleil au ras de l’horizon)

Les autres jours de l’année, il faudra tenir compte de l’influence de l’inclinaison de l’axe terrestre, qui fait que le soleil, à midi, sera plus haut ou plus bas que sa position à l’équinoxe.  Cet écart, qui varie de jour en jour, s’appelle la « déclinaison » : sa valeur, en plus ou en moins, est fournie par les éphémérides.


La précision sur la latitude

Quelque soit le jour, Il y a toujours 90° d’écart entre la hauteur maximale du soleil (à l’équateur) et sa hauteur minimale ( au Pôle). Une variation de 1° de la hauteur du soleil à midi correspond à 1° de variation de la latitude. Pour un piquet de 1m, dans le cas le plus défavorable (lorsque le soleil est au zénith), une variation de 1° de sa hauteur correspond à un allongement de l’ombre de 1,75 cm ; à Paris, l’allongement le plus faible (toujours pour 1° de variation de hauteur)  se produit au solstice d’été (2,7 cm), et la plus important  au solstice d’hiver (17 cm).

Comme un degré de latitude correspond à 111 km, on voit que si nous sommes capables de mesurer la longueur de l’ombre au millimètre, nous aurons une précision d’environ 5 km (au pire) et de 650m (au mieux) sur la latitude de Paris.


L’ombre à midi, le long d’une parallèle

La longueur de l’ombre varie aussi lorsqu’on se déplace le long d’une parallèle. Mais c’est une variation très faible, et qui dépend de la période de l’année.

Aux solstices,  le point de culmination est pratiquement stationnaire sur plusieurs jours : la longueur de l’ombre à midi sera donc identique à  Brest, Paris ou Strasbourg.

C’est aux équinoxes que le point de culmination (et donc la déclinaison) varie le plus d’un jour à l’autre : de l’ordre de 20′ d’arc (1/3 de degré). Se déplacer de 1° de longitude (110 km) se traduit donc par une infime variation de la hauteur de culmination (8 » d’arc).  Entre Brest et Strasbourg, pour un piquet de 1m, la différence de longueur de l’ombre sera d’environ 0,5mm.


Séparer les variables

La longueur de l’ombre à midi dépend donc très fortement de la latitude et très faiblement de la longitude (comme nous l’avons vu, la déclinaison varie imperceptiblement lorsqu’on se déplace d’Est en Ouest).

Il est heureux que, des deux variables qui régissent la hauteur du soleil à midi (latitude et longitude), l’influence de la dernière soit pratiquement négligeable.  C’est ce qui a permis très tôt aux cartographes et aux navigateurs de se servir du midi solaire pour déterminer précisément la latitude.


Le problème de la longitude

Pour déterminer  la longitude, il faut commencer par déterminer qu’il est midi, à l’endroit où nous nous trouvons. Puis téléphoner à une personne, à Greenwich, qui nous dira quelle heure il est chez elle : la différence nous indiquera de combien de fuseaux horaires nous sommes éloignés d’elle.

Le problème de la longitude, c’est donc celui de la communication instantanée.

En l’absence de téléphone, il fallait trouver un autre phénomène céleste que le midi solaire, capable de donner un repère temporel indiscutable et visible par tous.

D’où diverses méthodes plus pénibles les unes que les autres, utilisant les éclipses, les occultations de certains astres, les tâches de la lune, les satellites de Jupiter, les distances lunaires… Parallèlement à cette recherche d’un « chronomètre céleste« , on cherchait à développer des horloges maritimes suffisamment précises pour conserver, tout au long  du voyage, l’heure du méridien d’origine. Les deux voies finirent par aboutir simultanément, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, et furent utilisés pendant un bon siècle – jusqu’à l’invention de la radio.


Le déclin du midi solaire

Sur Terre, tout varie tout le temps : la longueur des jours et des nuits, la température, l’éclairement. Pendant très longtemps, la culmination du soleil à midi a été le seul évènement quotidien permettant de synchroniser, au moins localement,  les activités humaines. Chaque ville avait son cadran et son midi solaire, l’idée que toutes les cloches sonnent à la même heure sur tout un pays aurait paru saugrenue.

C’est seulement l’avènement des transports rapides Est/Ouest (le chemin de fer aux Etats-Unis et au Canada) qui a suscité le besoin de synchroniser entre elles les horloges, d’où la création des fuseaux horaires en 1876.


Reste une utilité des cadrans solaires qui subsistent : nous dire, d’un simple coup d’oeil, dans quel hémisphère nous sommes :

Cadran solaire Curitiba

Cadran solaire à Curitiba (Brésil)

Dans l’hémisphère Sud, les chiffres vont en décroissant (merci à Michel Wienin pour son commentaire)


Déterminer le rayon de la terre

Pour conclure sur la technique de l‘ombre à midi,  il faut rappeler une autre application spectaculaire.

Eratosthène (275-195 avant JC) savait que le jour du solstice, à midi, le soleil se reflétait exactement au fond d’un puits à Assouan (en effet, au solstice, le soleil est au zénith sur le tropique). Il mesura donc ce jour là la longueur de l’ombre à Alexandrie. Supposant que le soleil était suffisamment loin pour que ses rayons tombent parallèlement sur les deux villes, il comprit que la différence de hauteur apparente était dû au fait que la terre était ronde.

Connaissant  la distance approximative entre des deux villes (700 km), il estima le rayon de la Terre à 1,5% près.

Assouan et Alexandrie ne sont pas exactement sur le même méridien : mais comme la déclinaison varie très faiblement selon la longitude (et encore plus faiblement au solstice), l’erreur minime d’Eratosthène ne venait pas de là  : la difficulté était d’estimer la distance entre Assouan et Alexandrie, connaissant la vitesse de croisière des  chameaux.

route2-chameau

 

Leçons

  • En général, à midi, l’ombre ne disparaît pas et le soleil n’est pas au zénith
  • Le soleil ne culmine pas toujours au Sud (sous le tropique, il oscille entre  Sud et Nord)
  • Le soleil ne culmine pas toujours (au Pôle, sa trajectoire est plate)
  • Avec l’ombre à midi et des éphémérides, on peut déterminer la latitude.
  • Parmi les phénomènes qui dépendent de deux variables, les plus utiles sont ceux qui ne dépendent que d’une.
  • Les chemins de fer ont tué le cadran solaire.
  • La radio a tué les chronomètres de marine.
  • Avec l’ombre à midi  et des chameaux au pas régulier, on peut déterminer le rayon de la terre.