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1 Sainte face : La ligne sans pareille

9 mars 2014

La Sainte Face

Claude Mellan, 1649

de_Mellan_-_Face_of_Christ

En aparté : la plus fine ligne

Pline raconte que le peintre Apelle rendit visite au peintre Protogène, un jour où celui-ci était absent de son atelier.  En signe de son passage, il traça « au travers du tableau une ligne de couleur d’un délié extrême« . A son retour, Protogène « dès qu’il eut contemplé cette finesse, dit que le visiteur était Apelle et que personne d’autre n’était capable de rien faire d’aussi achevé ; puis il traça lui même avec une autre couleur une ligne encore plus fine que la première. »… »Apelle revint et, rougissant de se voir surpassé, il refendit les lignes avec une troisième couleur, ne laissant aucune place pour un trait plus fin« .

Logo Valentin CurioLogo de l’imprimeur Valentin Curio,
 Holbein le Jeune, 1521.

Ce tableau existait encore du temps de Pline  :

« sur une grande surface, il ne contenait que des lignes échappant presque à la vue et , semblant vide au milieu des chefs d’oeuvre de nombreux artistes, il attirait l’attention par lui-même et était plus renommé que tous les autres ouvrages ». Pline (Pline, L’Histoire Naturelle, XXXV)

Mellan lignes


Non Alter

Mellan non alter

Nul doute que la gravure de Mellan ne se place dans la lignée de cette concurrence entre artistes, à la recherche de la plus fine ligne. Ainsi peut-on comprendre l’énigmatique devise « Non alter » , « Pas un autre », placée à côté de la signature, comme une double revendication de la singularité de l’artiste et de l’oeuvre :

  • « Personne d’autre que moi n’aurait pu le faire »
  •  « Aucun autre trait ne peut s’intercaler entre les miens »

Le truc du buriniste

Dans la technique du burin,

« l’outil doit rester dans la même position. C’est la plaque qui tourne et à cet effet, elle sera posée soit sur un coussin, soit sur une planchette en bois » (Wikipedia).

Mellan burin
Remarquons que le copeau s’élève en spirale, d’autant plus parfaite que le mouvement est régulier.

Mellan detail spirale

Dans la gravure, la spirale s’enroule dans le sens des aiguilles de la montre. Donc la spirale tracée sur la plaque de suivre tournait en sens inverse. Ce qui est le sens normal lorsque la pointe du burin, tenue fixement par la main droite, attaque la plaque mise en rotation par la main gauche (ce qui prouve par ailleurs que Mellan était droitier).

Ainsi la spirale est l’emblème du buriniste, puisqu’elle se produit naturellement lorsque celui-ci maîtrise parfaitement son art : à la fois dans la forme du copeau, et dans le tracé qui résulte de la rotation de la plaque.

L’épaisseur du trait

La gravure porte à son apogée la technique de la « taille claire » inventée par Mellan, dans laquelle les noirs sont obtenus, non par le croisement avec d’autres lignes, mais par engraissement du trait.

Bien sûr, cet engraissement se faisait dans un second temps, en repassant sur le tracé. Mais la spirale unique et son  fil  ininterrompu suggèrent  que la main de Mellan était si sûre qu’elle  était capable de contrôler, en un seule passe,  la position et la profondeur du tracé.

 « Un burin en diamant, monté sur un stylet chauffant grave un sillon hélicoïdal. Le stylet est couplé à un système électromagnétique, la tête de gravure, qui le fait vibrer. Au microscope, on peut voir les ondulations des sillons qui ne doivent jamais se toucher. Lors de la gravure, le burin fait un copeau qui, idéalement ne doit pas se briser. »  Wikipedia, notice Disque microsillon

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C’est ainsi que la main de Mellan, plus sûre que celle d’Apelle,

inventa le microsillon.


Plus fin qu’un cheveu

Mellan engraissement
Les cheveux ne sont pas représentés par un trait  »dans le sens du poil ». Bien au contraire, ils apparaissent comme un effet secondaire  du fil infiniment plus fin tracé par la main prodigieuse, avec la virtualité d’une moire.

Nous touchons ici au paradoxe de la spirale de Mellan : parfaite, elle ne créerait rien d’autre qu’une surface uniforme ; ce sont ses irrégularités qui font émerger une forme, laquelle se révèle ensuite être la représentation d’un cheveu.

Ainsi le problème canonique de la figuration  : « comment transcrire en deux dimensions notre monde tri-dimensionnel » est ici poussé  à son comble : « comment montrer tout l’univers à partir d’une seule ligne« .

Il est temps d’en venir à ce que la gravure représente : le voile de Sainte Véronique.

Sublimes ambiguités


Un objet-espace

Nous est-il présenté à plat ou mystérieusement suspendu ? Aucun pli, aucune main, aucun clou ne nous l’indique. Mellan n’a pas cherché  à inscrire le voile dans l’espace, à en faire l’occasion d’un trompe-l’oeil ou d’un exercice de virtuosité sur le rendu des tissus et des plumes.

DURER_VeroniqueDürer, La Véronique, 1513

Le projet de Dürer est de nous montrer une Sainte Face tellement tridimendionnelle qu’elle sort du voile et se trouve en lévitation devant lui,  telle la tête coupée de Saint Jean Baptiste. Tandis que la plaque carrée de la signature lévite à son imitation, pour la plus grande gloire du graveur.

A l’inverse, le projet de Mellan  est celui d’un collapse entre le sujet et l’objet qui le représente : aplatir  le voile sur la surface du papier,  le circonscrire à son cadre,  en faire une sorte d’objet-espace qui se suffise à lui-même.

Mellan detail signature
Et sa signature minuscule, absorbée dans les fluctuations de cet unique champ,

semble à la limite de se dissimuler derrière lui.


Le support et le voile

Mellan_Voile_Support
La partie « support » se réduit à un triangle minuscule en haut à droite, et à une étroite bande tout en bas,  où se  trouve la signature :

C.MELLAN G(allus). P(inxit). ET F(ecit).  1649   IN AEDIBUS REG(i) .

NON ALTER
C.MELLAN Français, Peignit et fit. 1649. Au palais du Roi
(Mellan habitait depuis 1642 dans les galeries du Louvre).

Les mots « Non alter », qui s’appliquent donc  au monde du support, de l’artiste, du temps présent.

La partie « image », quant à elle, porte une autre devise :  « formatur unus unica » (un Unique fait d’une Unique) qui concerne donc  le voile de Véronique.

« Le voile est contigu à la taille de la feuille de papier de manière que, tout comme la nature double du sujet, elle est à la fois dans ce monde et hors de lui. Le voile qui porte l’image et les mots dont elle est synonyme s’incurve en sa partie inférieure, alors que la signature et la devise de l’artiste sont partie intégrale du support » [1], p 387

Pour comprendre cette « nature double du sujet », voici donc l’histoire de Véronique.


La Véronique

« Il s’agit d’une femme pieuse de Jérusalem qui, poussée par la compassion lorsque Jésus-Christ portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu’il pût essuyer son front. Jésus accepta et, après s’en être servi, le lui rendit avec l’image de son visage qui s’y était miraculeusement imprimée. »  (wikipedia, article Véronique (christianisme))

Cette histoire, construite au cours des siècles, semble fusionner  au moins deux traditions :

  • celle d’une femme, appelée Véronique (Bérénice en grec), qui aurait peint un portrait du Christ au pouvoir de guérison miraculeux (Actes de Pilate),
  • celle selon laquelle il subsisterait une image authentique  de Jésus (Vera Icon) .


Un sujet double, donc singulier

Toute la singularité du sujet choisi par Mellan  est son pouvoir agglomérant, sa capacité à faire fusionner des notions habituellement distinctes ou contraires :

  • l’instrument et l’agent (au point que « La Véronique (Vera Icon) désigne à la fois l’image et la sainte femme) ;
  • l’humain et le divin (le tissu et l’empreinte miraculeuse) ;
  • l’image et le sujet de l’image (puisque la Sainte Face reproduit directement le visage du Christ)
  • le révélé et le caché (l’objet qui nous dévoile le véritable  visage de Jésus était justement celui qui voilait le front de Véronique).


Une figure paradoxale

Mais la spirale  elle-aussi possède une nature double  :

  • elle est partout visible, mais n’est pas destinée à être vue ;
  • elle est une ligne qui, à la limite du regard, se transforme en surface ;
  • en tant que ligne elle est dessin, en tant que surface elle est support  (préfigurant en quelque sorte la dualité moderne de la trajectoire  et du champ)

En somme elle est à la fois forme et fond.

Comme Irving Lavin l’exprime d’une autre manière :

« L’un des effets mystérieux de la ligne universelle de Mellan tient à ce que l’image est de fait tissée dans la matière métaphorique qui est à la fois toile et papier. De plus les girations sont parallèles et, puisqu’elles ne se croisent jamais, aucune surface n’est établie : la ligne et le « fond » sont toujours visibles et tous les deux indéfiniment extensibles dans toutes les directions. Avec cet effet que l’image est transparente et que la ligne révèle ce qu’elle voile. » [1], p 388


Rien d’autre que la forme

La Sainte Face de Mellan n’est pas unique seulement par sa virtuosité  technique. Mais surtout en tant que singularité esthétique, dans laquelle  la forme choisie par l’artiste possède exactement les mêmes caractéristiques que le sujet de l’oeuvre :  la Spirale  et la Véronique partagent la même « nature double », étant à la fois « sous le regard » et « hors du regard ».

Mellan_Tableau_Sous le regardJPG

Formatur unus unica

Aussi la devise brodée sur le bas du voile, « Un Unique fait d’une Unique », s’applique simultanément au sujet et à la forme  :

  • le visage miraculeux imprimé par la chair unique de Jésus (ou par la main de Dieu) ;
  • le visage merveilleux tracé par une unique spirale (ou par la main de Mellan).

Dans un autre sens, la devise décrit aussi la propriété proliférante de cette spirale, qui déborde de la partie « voile » pour envahir la partie « support » :

  • le champ dans son entier est constitué d’une seule ligne.

Ainsi la devise de la spirale vient visuellement annexer la devise de l’artiste, la transformant en son simple corrolaire : « Non alter » : pas d’autre trait que la spirale.

Mellan_Tableau_Non Alter

L’unique et le « pas d’autre »

Prise isolément, chacune des deux devises présente une « sublime ambiguité », selon la formule de Irving Lavin.

Mais prises simultanément, les deux ambiguités se renforcent l’une l’autre, puisque  le terme « unique » de la première renvoie au « pas d’autre » de la seconde :  l’Unique est défini d’abord par sa filiation à partir d’un autre Unique, ensuite par l’impossibilité  de le reproduire autrement.

C’est ainsi qu’un ami et collectionneur de Mellan joint les deux devises dans la même explication :

« Formatur unicus una, faisant allusion à la beauté du Fils unique du Père Eternel, né d’une Vierge, et à la seule ligne spirale, dont le peintre artiste a si bien dessiné le portrait, avec cet autre mot écrit encore au dessous, Non alter, parce qu’il n’y a personne qui ressemble à ce premier des Presdestinez, et que le graveur de cette image en a tellement fait un chef d’oeuvre, qu’un autre auroit de la peine à l’imiter pour en faire autant. » Michel de Marolles, ami de Mellan, 1656


Les correspondances verbales

Sous la plume de Marolles, l’idée de  beauté (forma en latin) s’introduit naturellement à partir du mot formatur.

Mellan detail spirale

Mais d’autres correspondances devaient venir à l’esprit du spectateur lettré :

  • la spirale (spira) commence au bout du nez, qui évoque le terme spiro (je respire) ;
  • le visage (vultus) évoque la volute (voluta),  ornement constitué par un enroulement en forme de spirales.

En synthèse, voici la liste (sans doute non exhaustive) des interprétations que l’on peut trouver pour la première devise.

Mellan_Tableau_Unicus


virgil-finlay-eyes

Illustration de Virgil Finlay pour « The Reaper’s Image » de Stephen King,

Startling Mystery Stories N°12, printemps 1969

 

2 Sainte Face : Discrètes constructions

9 mars 2014

 

Discrètes constructions

 

Deux centres organisateurs

Mellan_Construction_Pythagoricien

La gravure est de format 4  X 3, autrement dit les proportions du triangle pythagoricien (l’hypothénuse mesure exactement 5).

Remarquons que ce rectangle fait mécaniquement apparaître une croix virtuelle derrière le visage du Christ (en blanc). Son centre donne le point de départ de la spirale, à la pointe du nez de Jésus (en vert).

Par ailleurs, le centre du carré 3×3 du haut donne le centre de l’auréole, qui se situe en haut du nez de Jésus (en bleu).

La construction de Jean Sgard

Mellan_Construction_Jean_Sgard
Le graveur  Jean Sgard a remarqué que le haut de la chevelure forme un demi-cercle, concentrique avec l’auréole.  Ce cercle épouse  également la courbe du bas des lèvres. (en bleu).

Si on trace un cercle de même rayon autour du second centre (en vert), celui-ci est tangent en haut à la couronne d’épines, et en bas au cercle de l’auréole.

Ces deux cercles sont très convaincants. Mais de manière quelque peu artificielle, Jean Sgard propose de tracer entre les deux cercles un troisième de même rayon (en jaune). Si l’on y inscrit une étoile à cinq branches, sa ligne horizontale tombe à peu près au milieu du carré.

Des étoiles naturelles

Mellan_Construction_Philippe_Bousquet
Si on souhaite faire apparaître plus naturellement une étoile à cinq branches, il suffit d’utiliser une propriété remarquable du rectangle pythagoricien :  l’angle entre ses diagonales correspond (à 1% près) à l‘angle de l’étoile à cinq branches (72°).

De ce fait, on peut tracer autour du centre de ce rectangle autant d’étoiles que l’on veut, elle seront toujours exactement positionnées par rapport aux diagonales du rectangle.

L’étoile qui s’inscrit dans le cercle du bas est assez remarquable (en vert) : sa branche horizontale tombe à la jonction entre les deux cercles, et donne la position des yeux ; en bas elle donne la position de la bouche.

On peut aussi tracer l’étoile de même taille que l’auréole  (en jaune) : elle donne en haut  la position de la chevelure, en bas celle des  deux  boucles. Au lecteur de juger si elle ajoute, ou pas, à l’harmonie de la composition.

Un prédécesseur remarquable

Mellan_Construction_Van_EyckLa Sainte Face,
Van Eyck, 1438, Staatliche Museen, Berlin-Dahlem

La Sainte Face de Van Eyck, peinte deux siècles plus tôt, est construite à peu près selon  le même rectangle 4×3 (un peu plus allongé),  et  utilise les deux mêmes centres (celui du carré et celui du rectangle) pour délimiter  les extrémités du nez. Le cercle du bas (en vert) est tangent en haut à la chevelure, et en bas à l’encolure.

Si on applique la même construction que celle de Mellan, on obtient une étoile à cinq branches assez convainquante, qui donne la position des yeux et délimite le haut de la barbe.


Tradition ou invention  ?

Cette construction exploite deux propriétés simples du rectangle pythagoricien 4 X 3 :

  • il renferme un carré 3×3, ce qui fait automatiquement apparaître un autre centre organisateur que celui du rectangle ;
  • ses diagonales permettent de tracer facilement des étoiles à cinq branches.

Son utilisation pour répresenter la Sainte Face  se réfère-t-elle  à un schéma d’atelier oublié ?  Ou bien a-t-elle été inventée indépendamment par deux artistes de génie ?  La seconde hypothèse n’est pas absurde car, du moins dans le cas de Mellan, la présence des deux centres organisateurs  « colle » parfaitement à la symbolique du sujet.


Les deux natures

Mellan_Construction_Deux_Natures
Le centre supérieur (en bleu) définit les deux cercles concentriques de l’auréole et du sommet du crâne, la  partie de l’homme la plus proche du ciel. Appelons-le le centre « divin ».

Le centre inférieur (en vert) se situe  à la pointe du nez, là où l’air d’ici-bas pénètre dans la Sainte Face. Ce second centre, pourrait donc représenter la nature humaine de Jésus. D’autant plus si nous lui ajoutons l’étoile à cinq branches, qui unit le point culminant, céleste, et les pointes  basses, terrestres, de la chevelure.

Pentagram_and_human_body_(Agrippa)
Car depuis au moins Agrippa de Netelsheim, tout le monde sait que cette étoile est l’emblème de  l’homme debout,  en équilibre entre  le macrocosme et le microcosme.

Mais il est possible que Mellan ait voulu rajeunir  cette vieille figure en lui superposant, autour du même centre, sa spirale universelle : symbole de la précision mécanique de l’homme moderne, et de sa capacité à embrasser tout le chemin qui mène de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

La gravure de Mellan révèle donc une grande ambition. à la fois théologique et théorique.

En tant que « Sainte Face », elle se construit autour de deux centres qui organisent l’un les aspects divins, l’autre les aspects humains du sujet.

En tant que « Chef d’oeuvre absolu de Mellan », elle substitue au symbolisme de l’homme en équilibre celui de l’homme en expansion, à l’ingéniosité sans limite.


La double  gloire


De l’auréole à la couronne

Mellan_Construction_Aureole_Couronne
La gravure montre comment l’auréole divine se contracte dans  le cercle de la chevelure (en bleu),  lequel descend ensuite jusqu’à la base du nez pour former un second cercle (en vert), que nous n’avons pas interprété jusqu’ici.

Il se trouve que ce cercle vient se poser en bas sur la partie cachée de l’auréole, et tangenter en haut la couronne d’épine, comblant l’espace entre ces deux objets circulaires.

Ainsi la couronne d’épines, emblème de la Royauté terrestre de Jésus,

se trouve  mise en relation géométrique

avec l’Auréole, emblème de sa Royauté dans le ciel.


Deux impressions parallèles

Nous avons vu que la composition de Mellan tend à identifier la gravure et le voile, le papier et le tissu. Il n’est pas difficile de mettre en parallèle leurs deux histoires similaires, qui n’est rien d’autre  qu’un processus d’impression mettant en jeu un support, un marqueur et l’image qui en résulte :

  • le papier imprégné d’encre expose une image ;
  • le tissu  imprégné de sang expose une image.


Deux travaux parallèles

Une seconde métaphore met en parallèle ces deux pointes blessantes que sont le burin et les épines. Il s’agit ici d’un travail dans lequel un matériau est soumis à un instrument en suivant un plan :

  • le cuivre est travaillé par le burin selon la spirale ;
  • la chair du Christ est travaillée par les épines  selon  la couronne.

On comprend bien la première partie : la spirale est le projet de Mellan, la contrainte qu’il se donne pour contrôler son burin.

La seconde partie rappelle que la Passion de Jésus faisait partie du plan divin : elle a été voulue pour rendre manifeste, à ceux qui savent voir, la royauté réelle cachée derrière l’objet de dérision :

l’auréole derrière la couronne d’épines.


Du dessin au dessein

Nous pouvons maintenant tisser  et enchaîner ces deux réseaux de métaphores :

Le papier imprégné d’encre expose une image
qui reproduit (mécaniquement)
le cuivre travaillé par le burin selon la spirale
qui reproduit (artistiquement)
le tissu  imprégné de sang qui expose l’image
qui reproduit (miraculeusement)
la chair travaillée par les épines selon la couronne.

Entre deux processus de reproduction mécanique (celle de la presse d’impression) et miraculeuse (celle de la main de Dieu), vient s’insérer la main à la fois mécanique et miraculeuse de l’Artiste.

Ainsi son chef d’oeuvre constitue une sorte de syllogisme visuel qui nous conduit, en partant de l’image imprimée et en remontant la chaîne des représentations, par l’intelligence des métaphores :

  • du dessin de l’Artiste jusqu’au dessein du Créateur ;
  • de la Gloire de Mellan à L’Auréole du Christ.

 Mellan_Tableau_DoubleGloire

References

  • [1] Irving Lavin, La Sainte Face de Claude Mellan, dans République des lettres, République des arts: mélanges offerts à Marc Fumaroli, de l’Académie Française. Dirigé par Christian Mouchel, Colette Nativel, Librairie Droz, 2008
  • [2] Jean Sgard La Sainte Face de Claude Mellan, 1957, Etudes picardes