Autant le couple Soleil-Lune apparaît comme un attribut facultatif des divinités gréco-romaines, autant il constitue un élément obligé de certains cultes dits « orientaux » : celui de Mithra essentiellement, mais aussi de cultes encore plus mystérieux tels que celui des Cavaliers danubiens, de Jupiter Dolichénien, de Sabazios et du Cavalier thrace.
Article précédent : Lune-soleil : symboles 3) autour d’une déesse
Sol et Luna autour de Mithra
Les inversions sont ici rarissimes, preuve que des deux luminaires faisaient partie intégrante d’un mythe duquel, malheureusement, on n’a qu’une connaissance fragmentaire.
Introduction : les deux scènes fondamentales
Bas-relief d’Heddernheim, Musée de Wiesbaden (CIMRM 1083)
Ce bas-relief stèle a l’avantage de présenter tous les éléments canoniques de la scène de la Tauroctonie [1] :
- Sol et Luna (en jaune), figurés ici par un char montant et un char descendant (flèches jaunes) ;
- les dadophores CAUTOPATES torche baissée et CAUTES torche levée (en bleu) : c’est la position la plus fréquente dans les régions danubienne, la moins fréquente ailleurs ;
- le Zodiaque, entre Bélier et Poissons, représente l’Année solaire qui démarre à l’équinoxe du Printemps, tout en évoquant la grotte native de Mithra ;
- les quatre Vents (en rose) et les quatre Saisons (en vert).
Tauroctonie |
Le banquet de Mithra |
Le bas-relief d’Heddernheim est spectaculaire par son caractère réversible (on connaît une dizaine de tels bas-reliefs bifaces). Ici, Sol et Luna restent fixes, tandis que le panneau central voit succéder, au sacrifice du taureau, la seconde scène fondamentale, celle du banquet de Mithra et de Sol derrière le taureau mort. Les dadophores, sans leur torche, sont maintenant indiscernables.
Tauroctonie |
Le banquet de Mithra |
Stèle de Fiano Romano, Musée du Louvre (CIMRM 441)
L’iconographie de la scène du banquet est beaucoup moins standardisée et polarisée que la tauroctonie : ici Luna apparaît à la droite de Sol (levant son fouet), et de Mithra (levant une torche) tandis que les dadophores dans l’ordre habituel (torche baissée et levée), brandissent l’un une coupe vers le haut, l’autre un caducée vers le bas.
A la différence du bas-relief d’Heddernheim, les luminaires sont ici inclus dans la partie mobile : en faisant tourner la stèle, la série Sol-Mithra-Luna se décalait en Luna-Sol-Mithra, pour faire comprendre que Mithra remplaçait désormais Luna comme compagnon de Sol.
Un cas de double couple
Tauroctonie de Neuenheim/Heidelberg (CIMRM 1283), colorisée
Les tauroctonies dites historiées sont entourées de cases illustrant différents symboles ou épisodes du mythe, malheureusement jamais dans la même disposition : ces bas-reliefs complexes étaient composés au cas par cas. Celui-ci est le seul à comporter deux couples Sol-Luna :
- dans la tauroctonie, à l’emplacement habituel ;
- au centre de la bande du haut : Mithra s’agrippe à la cape du Soleil pour monter dans son quadrige ascensionnel, tandis que le biga de la Lune disparaît derrière des rochers.
Ce motif du passager montant dans le char, nommé souvent apotheosis, est considéré comme la dernière scène du mythe ( [2], p 137)
CIMRM 1972, provenant d’Apulum, Alba Iulia National Museum
Aussi, comme on le voit dans cet autre bas-relief, il figure en général dans le registre inférieur ( Leroy-Campbell, [3] p 324), et est bien distinct du char du Soleil à sa place habituelle, en haut à gauche.
Le concepteur de la plaque de Neuenheim a eu l’idée de fusionner les deux motifs. Ainsi la bande du haut, qui pourrait sembler une narration, est en fait une série de complémentaires emboîtés : les deux vents, les deux arbres, les deux archers, les deux luminaires. Cette trouvaille – apparier la scène de l’apotheosis avec le biga de la Lune – n’apparaît que dans un autre cas, le bas-relief pivotant de Neddenheim (Francfort, à 90km). Elle n’a donc probablement aucune signification symbolique ni narrative : simplement un raccourci graphique bien tourné, inventé localement.
Les causes de la position Sol-Luna
Parmi les sept cent tauroctonies répertoriées dans le Corpus [4] ou découvertes ensuite [5], huit seulement présentent une inversion Luna-Sol (Leroy-Campbell, 1968, [3] p 137). Avant de nous intéresser à ces cas très exceptionnels, il nous faut essayer de comprendre pourquoi la disposition Sol-Luna est aussi écrasante, presque un invariant du culte de Mithra. Pour cela, il faut d’abord présenter ce que l’on sait aujourd’hui sur la signification de la tauroctonie en particulier, et sur la structure des mithreums en général. Il n’y a pas de consensus parmi les spécialistes, aussi je vais surtout résumer (et discuter) les positions de celui qui a le plus fouillé les aspects astrologiques du l’imagerie mithraïque, Roger Beck.
Un affrontement entre Sol et Luna
Une des grandes contradictions ce que que nous savons sur Mithra est qu’il nous est dit dans plusieurs textes qu’il est le Soleil, alors que nous voyons bien, dans la scène du banquet ou d’autres, deux personnes distinctes.
La scène de la tauroctonie est au coeur de cette ambiguïté, puisqu’on y voit d’une part le couple Soleil / Lune, d’autre part Mithra et le Taureau, qui en serait une autre forme.
Un vers de la Thébaïde
Une des sources de cette identification du Taureau avec la Lune est un vers plutôt obscur de la Thébaïde. Stace s’adresse au Soleil en ces termes :
« Soit que je t’invoque sous le nom du pourpre Titan – selon le rite des peuples perses, soit que tu préfères celui d’Osiris, dieu de la fécondité, ou celui, sous les rocs de l’antre de Persée (ou de Perses, ou persique) [6] , tordant les cornes rétives à le suivre, de Mithra. »
Stace, Thébaïde vers 717-18
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seu te roseum Titana vocari, Diciitis Achaemeniae ritu, seu praestat Osirim Frugiferum, seu Persei sub rupibus antri indignata sequi torquentem cornua Mithram.
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Les « explications » de Lactance Placide
Lactantius Placidus est un grammairien du Vème ou VIème siècle, surtout connu pour ses commentaires sur la Thébaïde. Il dissèque quasiment mot par mot les deux malheureux vers de Stace, fournissant un commentaire laborieux et répétitif qui semble avoir grossi au fil des différents manuscrits [7]. Les ouvrages sur Mithra en citent ce qui les arrange, mais jamais l’intégralité, ce qui est dommage car les passages se complètent les uns les autres, et finissent par fournir des informations assez différentes de ce qu’on lit habituellement. J’en propose ici la traduction presque intégrale, non dans l’ordre qu’en donne Cumont, mais dans l’ordre le plus logique du point de vue explicatif.
T1) La tauroctonie symbolise la lumière du Soleil reflétée par la Lune :
« Stace dit qu’Apollon est appelé …chez les Perses Mithra , où il est honoré dans un antre. Et lorsqu’il dit « tord les cornes », il fait référence à son image attrapant les cornes d’un Taureau récalcitrant, ce qui signifie l’illumination de la Lune par le Soleil lorsque celle-ci reçoit ses rayons. » Scholie de « te roseum » [8]
T2) La tauroctonie symbolise l’éclipse du Soleil par la Lune :
« Il est représenté dans une caverne en costume persan avec un turban, saisissant à deux mains les cornes d’un taureau. On les interprète comme la Lune ; car rétive à suivre son frère, elle lui tient tête et couvre sa lumière. Dans ces versets sont exposés les mystères des rites du Soleil. Car la Lune est inférieure et de moindre puissance, comme l’enseigne le Soleil assis sur le taureau, qu’il tord par ses cornes. Par ces mots Stace voulait qu’on comprenne bien la lune à deux cornes, et non l’animal par lequel elle est véhiculée. » Scholie de Sub rupibus [ZZ3]
La toute dernière phrase est en général mal comprise. Elle explique qu’il faut prendre le Taureau :
- au sens figuré, comme symbolisant par ses cornes le croissant de lune ;
- et non au sens propre, comme l’animal qui est le véhicule habituel de la Lune (le boeuf qui tire son biga).
Dans son ensemble, le commentaire semble quelque peu contradictoire, puisqu’il nous dit d’une part que la Lune/Taureau est en position de faiblesse (le Soleil/Mithra est assis sur elle), et d’autre part qu’elle couvre la lumière du Soleil.
T3) La tauroctonie symbolise la Pleine Lune :
« Il donne aux rochers d’une caverne persane le nom de temple de Persée à cause de la représentation de Phoebus attirant à lui la Lune qui est rétive à le suivre. Après la pleine lune, celle-ci devance le Soleil, et ce faisant perd peu à peu sa propre lumière, jusqu’à ce qu’elle cesse entièrement de briller. Tandis qu’en avançant vers le Soleil, elle renouvelle sa lumière, et suit alors le Soleil. Enfin, à la pleine lune, étant maintenant le plus proche du Soleil, on dit qu’elle est saisie par lui. »
Scholie complémentaire, (Parisinus 13046 saec. X) [10]
Le début du commentaire prétend expliquer pourquoi Stace a appelé cette caverne persane « temple de Persée », mais il ne nous en dit pas plus.
La suite semble vouloir pallier la contradiction du texte T2, en expliquant que la baisse de lumière n’est pas celle du Soleil, mais celle de la Lune : en courant devant le Soleil, elle se fatigue et perd sa lumière jusqu’à la nouvelle lune ; ensuite, elle la retrouve progressivement en suivant le Soleil, qu’elle rattrape à la pleine lune.
Ce schéma situe les moments où la lune apparaît puis disparaît par rapport au coucher du soleil (cercle rouge) et à son lever (cercle rose), ceci pour les huit phases du cycle. Il illustre ce que Lactance Placide explique de manière imagée :
- après la pleine lune, la lune reste visible de plus plus tard après le lever du soleil, avec de moins en moins de lumière ;
- après la nouvelle lune, la lune apparaît de moins en moins tôt avant le coucher du soleil, avec de plus en plus de lumière ;
- à la pleine lune, on la voit à deux moment en même temps que le soleil (en été) : juste avant son coucher et juste après son lever.
T4) La tauroctonie symbolise le combat du Soleil pour sortir d’une éclipse :
« La signification est la suivante : les Perses adorent le Soleil dans des cavernes, et ce Soleil est dans leur propre langue connu sous le nom de Mithra qui, parce qu’il souffre d’une éclipse, est adoré dans une grotte. C’est le Soleil-même à face de lion, coiffé d’un turban et en costume persan, les deux mains agrippant les cornes d’un bœuf. Et cette figure est interprétée comme la Lune qui, rétive à suivre son frère, se met en travers de son chemin et obscurcit sa lumière. L’auteur a encore révélé une autre partie des mystères : Le Soleil, comme s’il conduisait la Lune, son inférieure, « tord » le taureau. L’auteur a merveilleusement bien placé le mot ‘cornes’ afin de faire ressortir plus clairement le sens ‘Lune’, et non l’animal qui, tel qu’on la représente, lui sert de véhicule. Cependant, parce que ce n’est pas le lieu d’aborder les secrets de ces dieux à la manière de la philosophie ésotérique, je ne dirai que quelques mots des figures par lesquelles on croit en eux. Le Soleil indicible, parce qu’il piétine et bride la principale constellation, le Lion, est lui-même représenté avec ce visage ; ou bien parce que ce dieu excelle parmi les autres dans la violence de sa divinité et les assauts de sa puissance, comme le lion parmi les autres bêtes féroces ; ou encore parce que le lion est un animal rapide. La Lune, parce qu’à proximité elle domine et conduit un taureau, est en conséquence représentée comme une vache. »
Scholie de Indignata [11]
Ce commentaire laisse tomber l’idée des phases de la lune, et développe de manière cohérente la théorie de l’éclipse, imagée par la grotte, causée par la Lune rétive, et dont le Soleil tente de sortir en manoeuvrant sa soeur par les cornes. Le texte répète qu’il ne faut pas comprendre le Taureau au sens propre (le véhicule ordinaire de la Lune) mais au sens figuré (la Lune elle-même). Enfin, il ajoute un nouveau thème : celui que Mithra est représenté avec une face de Lion parce qu’il domine la constellation du Lion.
Ainsi, Lactance Placide :
- soit n’avait pas vu de tauroctonie (Mithra n’y a jamais de tête de Lion),
- soit veut décrire en même temps une autre décoration mithraïque (on a trouvé dans plusieurs mithreums une statue à tête de lion [12] ),
- soit brode à partir de notions d’astrologie populaire.
Les domiciles, exaltations et dépressions des planètes, D’après Bouché-Leclercq Astrologie grecque p 195 [13]
Dans ce tableau, qui synthétise les différentes manières d’associer les planètes aux signes, on voit que la Soleil a en effet pour domicile solaire le Lion, tandis que la Lune a pour domicile lunaire le Cancer. R.Beck a remarqué dans le commentaire T4 de Lactance Placide une sorte de symétrie :
« L’argument du scholiaste est le suivant : chaque luminaire domine et maîtrise un animal ; le Soleil domine un lion et est donc représenté avec un visage de lion, la Lune domine un taureau et est donc représentée en vache. Si le lion maîtrisé par le Soleil est la constellation du Lion, son « signe directeur », qui est alors le taureau maîtrisé par la Lune ? la constellation du Taureau, évidemment. » ( [14], p 224)
Or malheureusement, le tableau montre que la Constellation que la Lune domine est le Cancer (dans le Taureau, elle est seulement en exaltation). Beck opère alors sur le mot « à proximité (proprius) » une torsion proprement mithraïque : Lactance voulait dire « Cancer », mais ne voyant pas ce signe dans la tauroctonie, il a choisi un signe « a proximité », le Taureau (il y a quand même les Gémeaux entre les deux) .
Ainsi, « proprius » permet à Beck d’affirmer que la tauroctonie représente le Soleil et la Lune dans leurs maisons, à savoir le Lion et le Cancer.
CIMRM 545, Musée du Vatican
Mon apport à l’exégèse de Lactance sera de proposer qu’il cherche à décrire une de ces rares tauroctonies où on voit la Lune mener les boeufs de son véhicule ordinaire, « à proximité » de la scène primordiale….
CIMRM 88, Musée de Damas
…ou bien une tauroctonie où le croissant des cornes imite ostensiblement celui de la lune.
La contrainte sur la configuration Sol/Luna
Malgré des débauches d’érudition, on n’en sait donc aujourd’hui guère plus que Lactance Placide sur la relation du couple Soleil/Lune avec le couple Mithra/Taureau : mais puisque pratiquement toutes les tauroctonies placent Mithra à gauche et le taureau à droite (dans le sens naturel de la lecture de l’action), sous la configuration Sol-Luna, on comprend que cette relation était particulièrement robuste.
Pas intangible cependant puisque, comme nous verrons plus loin, dans la configuration Luna/Sol, Mithra et le Taureau n’échangent pas leur place.
En aparté : l’astrologie populaire et ses limites (SCOOP !)
Série zodiacale d’Antonin le pieux, Alexandrie, 144/45
Cette série prestigieuse de treize monnaies, où les planètes sont représentées dans leurs domiciles solaire et lunaire, atteste de la large diffusion de ces notions. Elle a probablement été frappée pour commémorer l’entrée dans un nouveau cycle sothique dans la troisième année du règne d’Antonin (en 139/40) : le grand cycle sothique était un cycle calendaire basé sur la coincidence du lever héliaque de l’étoile Sirius avec les innondations du Nil en juillet, une fois tous les 1460 ans [15].
Améthyste, British Museum |
Expédition Ernst von Sieglin, Ausgrabungen in Alexandria (Band 2,1A fig 128), inversée |
Sérapis au centre du Zodiaque et des Planètes
Dans la seconde gemme (inversée pour faciliter la comparaison), une étoile a été rajoutée au centre, au dessus de la tête de Sérapis. A partir du haut, les planètes sont positionnées à l’intérieur du zodiaque dans un ordre tout à fait inhabituel.
Les gemmes recopient en fait une variante très rare (RPC IV.4, 14869) de la monnaie zodiacale, frappée à Alexandrie en 144/45 (le code de l’année, LH figure sur certains exemplaires au dessus de Sérapis). Les sept planètes, à l’intérieur du zodiaque, sont personnifiées de la même manière que dans la série des treize monnaies. L’ordre inhabituel répond en partie au souci de positionner chaque planète au plus près du signe qui constitue sa maison solaire (flèche blanche) ou lunaire (flèche bleue).
Si cette seule considération avait joué, la monnaie « corrigée » par mes soins aurait été plus logique, plaçant Vénus et le Soleil à côté de leurs maisons solaires (la Balance et le Lion) et la Lune à côté de sa maison lunaire (le Cancer).
La configuration retenue permet de placer Sol au centre, en symétrie avec le début de l’année au Bélier, avec à gauche les trois planètes proches , et à droite les trois planètes éloignées.
La gemme va encore plus loin dans le bricolage en déplaçant carrément le signe du Lion, pour le placer juste en dessous du Soleil. On remarquera également, en haut, l’analogie entre les profils tournés vers la gauche de Jupiter (portant une couronne de lauriers) et de Saturne (portant un disque solaire) avec le profil de Sérapis, qui tient de l’un et de l’autre.
On voit là que ces compositions alexandrines sont un compromis entre des notions astrologiques et des considérations de nature formelle ou mythologique. C’est le même état d’esprit, mi-savant mi-esthétique, que nous allons voir à l’oeuvre dans la conception de certains mithreums.
Types de mithreum, ou mithreum type
Contrairement aux églises, et sauf exception, les mithreums ne sont pas orientés selon les points cardinaux, mais implantés selon les contraintes d’urbanisme : c’est particulièrement net pour les seize mithreums découverts à Ostie [16].
Les types de mithreums, de Leroy-Campbell
Dans la foulée de Cumont, Leroy-Campbell a construit des typologies compliquées pour l’orientation des mithreums et des zodiaques, basées sur l’opposition entre « Occidental » et « Oriental » et tenant compte de l’inversion de la symbolique des saisons (en Orient, les saisons fécondes sont l’Automne et l’Hiver). Ces conceptions sont aujourd’hui dépassées, et je renvoie le lecteur intéressé à ces pages particulièrement ingrates ( [3], p 50 et ss ).
Le mithreum-type (« blueprint ») de Roger Beck
Plus récemment, Roger Beck a développé l’idée (très contestée) d’un mithreum-type, à partir du seul mithreum qui comporte à la fois les signes du zodiaque et ceux des sept planètes (Mithreum de Sette sfere à Ostie, CIMRM 239-49) . Il en a longuement expliqué son fonctionnement (pour les justifications voir [14] p 103 et sss) : il ne s’agit pas d’un planetarium, mais d’un espace réglé permettant de mettre en scène différents aspects du rite. Le principe est en somme le même que celui que reprendront les temples maçonniques : tandis que le delta lumineux y sera placé à l' »Orient » théorique (mur du fond du temple), c’est ici la tauroctonie qui est placée sur le mur du fond, au « Sud » théorique du mithreum.
Mithreum-type (d’après [14], fig 1)
Les directions indiquées sont celles du modèle théorique, pas celle du lieu géographique. La disposition est celle des « Sette sfere », dans lequel a été plaqué une tauroctonie-type (le couple Soleil-Lune et le couple Cautes-Carpocatres ne sont pas présents dans la tauroctonie d’Ostie).
L’idée de Beck est que le mithreum permettait de scénariser les deux grands mouvements de la cosmologie antique :
⦁ la rotation diurne des étoiles (ainsi que du soleil et de la lune), dans le sens des aiguilles de la montre (en bleu) ;
⦁ la rotation annuelle du Soleil parmi les signes du Zodiaque, dans le sens inverse (en vert).
Du point de vue « mouvement diurne », un spectateur situé au centre du Temple voit Mithra au Sud, et le couple Soleil-Lune de la tauroctonie à gauche et à droite : soit la disposition habituelle des frontons de temple ou des couvercles de sarcophage (voir Lune-soleil : dans l’art gréco-romain), avec à gauche le Soleil se levant et à droite la Lune se couchant.
Du point de vue « mouvement annuel », au solstice d’été le Soleil se trouve dans l’hémisphère Nord de la sphère terrestre, ce qui définit un autre système d’orientation (en vert) : le spectateur situé au centre du Temple voit Mithra à l’Est et à l’équinoxe de printemps. C’est cette orientation « annuelle » que décrirait Porphyre :
« Quant à Mithra on lui a assigné sa place près des équinoxes ; aussi tient-il le glaive du Bélier, signe de Mars et est-il porté sur le Taureau, signe de Vénus ; en effet, comme le Taureau Mithra est l’auteur du monde et le maître de la génération, il est situé sur le cercle de l’équinoxe, il a à droite les signes septentrionaux, à gauche les signes méridionaux, Cautes étant placé au sud à cause de la chaleur et Cautopates au nord à cause de la froideur du vent ». Porphyre, « L’antre des Nymphes » [17]
Ce double système d’orientation (un peu attrape-tout) permet de concilier bien des éléments divergents. Néanmoins l’idée d’un modèle astrologique sous-jacent n’a pu concerner qu’un nombre très limité de mithreums [18].
L’inversion des dadophores
Les dadophores bénéficient aussi de cette double lecture (selon une comparaison de Beck, il faudrait les voir comme des « vecteurs » indiquant une direction, pas comme des notions fixes) :
- du point de vue diurne (les deux du fond), ils représentent le lever et le coucher du soleil ;
- du point de vue annuel (les deux à l’avant des bancs), ils accompagnent la descente du soleil après le solstice d’été (banc de gauche) et sa remontée après le soltice d’hiver (banc de droite).
Leur position variable dans les tauroctonies pourrait ainsi s’expliquer par une préférence locale pour l’une ou l’autre lecture, diurne, ou annuelle.
Des zodiaques variables
Banjevic, Zadar (CIMRM Supplement) |
Sisak, Musée de Zagreb (CIMRM 1472) |
A noter que, parmi les très rares tauroctonies incluses à l’intérieur d’un zodiaque, celle de Banjevic est la seule où la position des signes constitue une projection, sur le plan vertical, des signes inscrits à l’horizontale dans le mithreum des Sette Sfere (les signes tournent dans le sens des aiguilles de la montre, à partir du Bélier en bas à gauche jusqu’aux Poissons en bas à droite.
Dans la tauroctonie de Sisak, la césure Bélier-Poissons est à mi-hauteur à droite, et les signes tournent dans l’autre sens.
La variabilité des zodiaques, comme celle de dadophores, fragilise beaucoup l’idée d’un mithreum-type reposant sur des notions astronomiques précises.
Mithreum et planètes
L’ordre des Planètes
Une des rares choses certaines dans le mithraïsme est l’ordre des Sept Grades, chacun étant associé à une Planète. D’après l’épigraphie, il semble néanmoins qu’un grand nombre de communautés mithraïques se limitaient à trois grades , Corbeaux, Lions et Pères ([2], p 363).
D’après Beck ( [19], p 10)
On constate que cet ordre juxtapose :
- pour les trois plus haut grades, l’ordre de la semaine ;
- pour les quatre autres, l’ordre dit « chaldéen » (par éloignement au soleil).
Il aurait été agréable que l’ordre des planètes, dans le mithreum des Sette Sfere, veuille bien suivre l’ordre des grades, mais tel n’est pas le cas (mis à part pour le grade le plus haut, le Père, qui se trouve à la meilleure place, juste en avant de Mithra).
D’après Beck ( [20], p 516)
Ce qui complique encore les choses est qu’il y a à Ostie un autre mithreum, celui des Sette porte, qui présente lui aussi une liste comparable (six planètes, sans le Soleil et avec Saturne en place d’honneur), mais néanmoins différente. Beck en a été réduit à deux positions de repli :
- abandonner l’idée d’un lien entre planètes et signes du zodiaque (ce dernier étant présent à Sette sfere seulement) ;
- considérer seulement le placement relatif des planètes entre elles, et trouver dans la période de construction des deux mithreums une configuration planétaire comparable ( en 172 et 173, voir [20]).
Le fait de devoir recourir à cette explication « ad hoc » affaiblit à nouveau l’idée d’un « mythreum-type ».
Les deux mithreums réconciliés (SCOOP !)
Mithreum Sette Porte
Pour ma part, plutôt que de raisonner sur des listes abstraites de planètes, je préfère revenir à leur représentation figurée et à la topographie des lieux, jamais représentés à l’échelle : on voit que les planètes ne suivent pas la logique d’une liste, mais qu’elles ne se répartissent, tout au long du mithreum, en deux couples sexués tout à fait classiques : Vénus-Mars et Mercure-Lune, plus le couple des deux « autorités », Jupiter et Saturne.
Mitherum Sette Sfere
Pour le mithreum des Sette Sfere, je pense que, malgré tout ce qu’on a dit, la disposition des planètes est exactement la même, pourvu de lire correctement la figure représentant Luna : dans les deux mithreums, il s’agit de la figure dansante avec un velum en forme de croissant au dessus de sa tête.
Vénus (et non Diane/Luna) |
Mars |
La déesse du premier-plan à gauche fonctionne en pendant avec Mars en face d’elle, lui-aussi debout sous une arcade. La pomme est l’attribut le plus courant de Vénus et les deux autres attributs (le croissant au front, l’arc) qui l’ont fait interpréter comme Diane/Luna sont en fait un diadème et une palme, attributs vénusiens comme on le voit sur ces deux fresques de Pompei :
Vénus sur un char tiré par des éléphants (détail), Atelier des Feutriers, Pompei |
Vénus avec une palme, Pompei I.6.2 pièce 21 fig 5.36 [21] |
(La deuxième fresque fonctionne également en pendant avec un Mars tenant sa lance.)
Je tire de cette analyse quatre conclusions :
- les causes graphiques (répartition par couples) sont au moins aussi importantes que les raisons théoriques ;
- dans les deux seuls mithreums à planètes connus, celles-ci sont déconnectées des signes astrologiques et des grades (à Sette porte, ces derniers sont représentés par les sept demi-cercles sur le sol) ;
- il n’y a probablement jamais eu de modèle unifié mettant en concordance les trois séries (signes , planètes et grades) ;
- le couple Sol-Luna de la tauroctonie est lui-aussi une iconographie indépendante, puisqu’il ne figure pas parmi les couples des deux mithreums à planètes.
Tauroctonie et planètes
Reste maintenant à examiner les rares cas où les sept planètes sont , non pas dans le mithreum, mais à l’intérieur de la tauroctonie. Il n’y a que deux exemples connus.
Bronze de Grigetio (Szony), Magyar Nemzeti Muzeum, Budapest (CIMRM 1727)
Les sept planètes sont figurées en bas, classées de gauche à droite selon les jours de la semaine, en commençant par Saturne. Les figurations de Sol (avec un fouet) et de Luna (avec une torche et un croissant) sont reprises en haut pour les deux médaillons habituels, avec des différences : le fouet de Sol et le croissant de Luna ont disparu. Tandis qu’en bas le couple figure de manière statique, arborant ses attributs dans la galerie des planètes, il est représenté en haut en action, à un moment du mythe sur lequel nous ne savons rien : la Lune semble pleine (elle a sa torche, mais pas son croissant) et le Soleil émet un rayon de lumière, le long duquel le corbeau descend vers Mithra.
CIMRM 693, Museo Civico, Bologna
Les sept planètes sont figurées en haut, toujours dans l’ordre des jours de la semaine, mais en sens inverse, en commençant par la Lune et en finissant par le Soleil. Deux signes zodiacaux discrets, un scorpion et une tête de taureau, sont associés respectivement à Cautopates et Cautes. Vu la répartition des planètes le long de la voûte, Beck fait l’hypothèse que les sept positions entre Lune et Soleil correspondent à un demi-zodiaque, soit les sept signes entre Taureau et Scorpion. D’où le le schéma ci-dessous :
Beck ([19], p fig 1)
Contrairement au mithreum des Sette sfere, il existe ici une méthode simple (en tout cas compatible avec l’astrologie de l’époque) pour relier les signes et les planètes :
- diviser chaque signe en trois « décans » (notés 1,2,3) ;
- en partant du début de l’année (trait double entre Pisces et Aries), inscrire les Planètes dans les décans en suivant l’ordre chaldéen ;
- associer à chaque signe la planète inscrite dans son deuxième décan : on retrouve ainsi les planètes telles qu’elles se présentent sur le bas-relief.
D’après Beck ([19], p fig 1)
Le schéma permet donc d’associer un signe à chaque planète (ellipses roses) : les deux qui nous importent (le Soleil/Scorpion et la Lune/Taureau) forment une sorte de triade (carrés jaunes) avec Jupiter/Lion. Beck a rajouté dans son schéma les principales constellations proches du Zodiaque. Comme remarqué depuis le tout début des études mithraïques, Il est patent qu’un bon nombre des éléments de la tauroctonie correspondent à des constellations du zodiaque (en bleu). Beck en tire argument pour proposer qu’un des sous-textes de la tauroctonie soit une sorte de vue sur le ciel, un point très contestable qui dépasse largement notre sujet Soleil/Lune.
En effet, il n’y a rien de miraculeux à passer de l’ordre chaldéen à l’ordre de la semaine en sautant de trois en trois (c’est même la raison de l’ordre de la semaine). Ce qui est remarquable selon Beck, c’est le fait que le demi-zodiaque soit sous-entendu dans la tauroctonie :
« Ce fait s’inscrit dans la composition non pas bien sûr par l’inclusion de Sol et de Luna – ils sont présents pour d’autres raisons – mais par leur placement : Luna à droite en tant que divinité planétaire du décan central du Taureau, Sol à gauche en tant que divinité planétaire du décan central du Scorpion. Le dessinateur du relief de Bologne, dans cette hypothèse, a révélé le mystère en comblant les cinq autres planètes dans leur séquence correcte comme les décans des signes intermédiaires. Il s’agirait alors non pas d’une invention ou élaboration privée, mais d’un élément organique dans le corps des significations de l’icône, un élément consciemment incorporé par les inventeurs de l’icône et accessible par la suite au moins aux savants du culte. » ([19], p 24)
La dernière phrase est typique des extrapolations de Beck : que quelques tauroctonies très particulières constituent des variations savantes à visée astrologique est certain ; mais ceci n’implique pas que ces considérations astrologiques soient sous-jacentes à toutes les tauroctonies et impliquent l’existence de plusieurs niveaux de lecture, qu’on découvrait au fil des grades successifs.
En aparté : l’association Scorpion/Cautopates et Taureau/Cautes
Les deux signes discrets du relief de Bologne se retrouvent dans quelques autres tauroctonies, en général associés aux dadophores de la même manière. Pour Beck, cela permettrait d’expliquer la signification des deux configurations : Cautes/Cautopates et Cautopates/Cautes. La terminologie beckienne étant parfois difficile à suivre, précisons que dans le passage ci-après « vue céleste » est synonyme de « mouvement diurne » (autrement dit regarder la tauroctonie de face) tandis que « carte céleste » est synonyme de « mouvement annuel » (autrement dit regarder le mithreum-type en plan) :
« Le type atypique est le plus facile à expliquer. Cautes à gauche signifie les corps célestes, le Soleil en particulier, se levant à l’est ; son collègue Cautopates à droite signifie le Soleil et tous les autres corps célestes se couchant à l’ouest. La tauroctonie est ici lue comme une « vue » céleste. Cautopates positionné à gauche signifie Scorpius, le signe méridional à travers lequel le Soleil descend à la « chute » de l’année ; Cautes positionné à droite signifie Taureau, le signe septentrional par lequel le Soleil monte au printemps de l’année. La tauroctonie est ici lue comme une « carte » céleste bien que l’on puisse aussi la lire comme une « vue », auquel cas il nous est dit que le Scorpion se lève à l’est tandis que le Taureau se couche à l’ouest » ([14], p 208)
Si l’on reporte sur le mitreum-type la configuration Cautopates/Cautes, on constate :
- que le Taureau (resp. Scorpion) n’est qu’un des six signes durant lequel le soleil monte (resp. descend), et même pas le dernier ;
- que pour que l’association marche, il faudrait inverser les deux rangées de bancs (flèches roses).
Cette contradiction, à l’intérieur d’un même livre, montre bien l’impossibilité de dégager un « modèle-type » de mithreum.
Mithréeum de Ponza
Ironiquement, il existe un mithreum correspondant mieux au « modèle-type » que celui d’Ostie, mais quand Beck l’a étudié en 1974 ( [22] ), il n’avait pas encore eu l’idée de ce modèle.
La niche avec la tauroctonie est détruite, mais quelques vestiges permettent de déterminer qu’elle était du type Soleil/Lune et Cautes/Cautopates.
Le zodiaque en stuc, au plafond, correspond bien à la « vision annuelle », avec son mouvement anti-horaire (flèche verte). Le Lion se place au dessus de la niche. Le Scorpion et le Taureau sur le diamètre, associés comme il convient aux côtés Soleil et Lune de la tauroctonie. Le seul point qui ne marche pas (car rien n’est parfait) est qu’on devrait avoir la configuration Cautopates/Cautes.
La grande idée de Beck, celle des deux visions superposées (diurne et annuelle), est très séduisante, mais ne correspond malheureusement à aucun des rares mithreums savants retrouvés.
Dadophores et équinoxes
Ulansey [23] a développé l’idée selon laquelle les dadophores représentent les équinoxes, et que l’association avec le Taureau et le Scorpion serait une relique de leur position antérieure ( à cause de la précession, les équinoxes changent de signe zodiacal à peu près tous les deux millénaires). Cette théorie est aujourd’hui passée de mode.
Les tauroctonies sous le Zodiaque
Le zodiaque forme, au dessus de ces tauroctonies, une arche évoquant la grotte de Mithra. On en connaît six exemples, dont la tauroctonie réversible d’Heddernheim par laquelle nous avons commencé ce chapitre. Elles partent presque toutes du Bélier, en bas à gauche et finissent aux Poissons, en bas à droite. Tout se passe en somme comme si on avait recollé par leur extrémité avant les deux bancs des Sette Sfere, puis rabattu l’arc ainsi formé sur le plan vertical de la tauroctonie.
Arc de Davitius, milieu 3eme siècle, Mayence, photo Jona Lendering
Cependant cette disposition n’a rien d’ésotérique puisque le Bélier est tout simplement le premier signe de l’année romaine. On la retrouve donc dans cet arc de triomphe, monument public qui n’a rien à voir avec la grotte de Mithra.
D’après Bouché-Leclercq Astrologie grecque p 195 [13]
Il suffit de jeter un coup d’oeil au tableau pour constater qu’il n’y a pas de lien entre les deux signes extrêmes, le Bélier et les Poissons, et notre couple Sol-Luna.
Un cas de zodiaque inversé
Il n’existe que deux tauroctonies avec zodiaque en arc inversé (Bélier à droite), qui partagent la particularité (peut être fortuitement) d’avoir possédé un second zodiaque en arc, mais lui dans l’ordre normal. Nous traiterons plus loin le cas de Doura Europos, car il se complique d’une inversion Luna-Sol.
Fresques Barberini (CIMRM 390)
Ces fresques ont été interprétées par Beck comme illustrant « L’antre des Nymphes » de Porphyre, ce court texte qui donne peut-être, mais c’est très contesté, des précisions sur les croyances mithraïques. Sans entrer dans la controverse [24] , je me contente de résumer en un schéma la lecture qu’en fait Beck. Pour lui, le sens du zodiaque a été inversé dans la fresque afin que le Capricorne se trouve sur le rayon lumineux partant de Sol vers Mithra, intersection qui est désignée par la torche de Cautès. Pour les six autels anonymes, Beck propose raisonnablement de les associer aux planètes selon l’ordre chaldéen.
Le texte de Porphyre est une compilation de plusieurs croyances concernant la descente des âmes depuis le ciel (genesis), via le signe du Capricorne, et leur remontée consécutive (apogenesis), via le signe du Cancer. De manière plutôt convaincante, Beck parvient à trouver dans le texte tous les éléments en bleu, reliés à la Genesis, et tous les éléments en rouge, reliés à l’Apogenesis ( [19], p 90 et ss).
Pour ce qui nous intéresse, le texte de Porphyre désigne explicitement le Soleil comme la porte vers le Ciel, et la Lune comme la porte depuis le Ciel :
« Platon mentionne aussi deux ouvertures : par l’une on monte au ciel, par l’autre on descend sur la terre et les théologiens ont fait du soleil et de la lune les portes des âmes ; par la porte du soleil elles montent, par celles de la lune, elles descendent. Ce sont aussi les deux tonneaux. L’une renferme les maux que donne Jupiter ; l’autre les biens ». L’antre des Nymphes, [25]
(les deux tonneaux de Jupiter ont eu une fortune iconographique très inattendue, voir 4 Paires de globes).
Même si l’interprétation de Beck peut être contestée, il reste que le rayon dirigé du Soleil vers Mithra, qui se retrouve dans quinze tauroctonies ([3], p 102) a certainement contribué à fixer la position de Sol dans le coin en haut à gauche.
Les tauroctonies dans le Zodiaque
Ces cas tout aussi rares (on en connaît six) sont particulièrement intéressants pour la théorie beckienne des deux visions superposées, puisque le cercle du « mouvement annuel » vient se rabattre dans le plan de la tauroctonie, fenêtre rectangulaire sur le « mouvement diurne ».
Tauroctonie de Walbrook (CIMRM 810)
La position du Zodiaque est ici particulièrement robuste : l’année commence à droite, et les deux moitiés gauche et droite correspondent l’une à la chute apparente du soleil (après le solstice d’été), l’autre à sa montée apparente.
Comme l’a remarqué Beck ([14], p 204), le Lion et le Taureau progressent en sens inverse des quadrupèdes voisins, les chevaux de Sol et les boeufs de Luna. C’est une manière de montrer visuellement les deux mouvements en sens inverse (diurne en bleu, annuel en vert). Le concepteur a choisi ici d’assigner les dadophores au mouvement diurne, peut être parce que le mouvement annuel était suffisamment souligné par le zodiaque.
Un autre découverte pertinente de Beck ([14], p 199) est l’accumulation graphique, dans le secteur jaune, de trois éléments bovins : le museau du Taureau, le signe du Taureau et les boeufs du char de la Lune. C’est un exemple de ce que Beck a baptisé le « star-talk », à savoir un discours plus ou moins profond et plus ou moins rigoureux, mêlant les aspects iconographiques et astrologiques, qui pourrait avoir été une des méthodes de l’enseignement mithraïque.
Tauroctonie de Sisak, Zagreb, Arch. Museum (CIMRM 1472)
De l’autre côté de l’Empire, cette tauroctonie reprend la même position du Zodiaque, en inversant les dadophores selon la tradition locale, et sans les raffinements formels de la tauroctonie anglaise.
En aparté : le star-talk lunaire selon Beck
La manière robuste de superposer le zodiaque à la tauroctonie, que manifeste le bas-relief de Walbrook, a pour inconvénient de ne pas coller avec l’autre construction sous-jacente à la tauroctonie selon Beck : celle où le diamètre horizontal n’oppose pas les deux équinoxes, mais les deux signes associés aux dadophores, le Scorpion et le Taureau (voir plus haut).
Le « star-talk » lunaire ([14], fig 14)
Beck pense donc qu’en dessous du « star-talk » relativement évident qui décrit les mouvements solaires diurnes et annuels , il aurait existé un « star-talk » plus ésotérique, qu’on découvrait en décalant le zodiaque d’un douzième de tour . Selon lui ([14], p 220 et ss), ce second schéma décrit les mouvemest de la Lune durant son mois draconitique, autrement dit entre deux passages au même « noeud ». Les deux noeuds, intersections de l’orbite terrestre et lunaire, sont les seuls moments où peuvent se produire les éclipses lunaires ou solaires, et ils pourraient selon Beck avoir été également associés aux dadophores, nos deux « vecteurs » attrape-tout.
Comme il n’existe aucun témoignage iconographique de ce schéma (puisqu’il est ésotérique), je n’en dirai pas plus, sinon qu’il présente une difficulté théorique bien vue par Beck : tandis que, dans le schéma solaire, on peut négliger le déplacement des équinoxes par rapport au zodiaque (tour complet en 26 000 ans), dans le schéma lunaire les noeuds se décalent bien plus rapidement par rapport aux signes (tour complet en 18,6 ans) : le schéma ci-dessus ne décrirait donc qu’un « mois draconitique idéal », une situation particulière que ne se produit qu’à un moment du cycle.
Les inversions Luna-Sol
Après cette longue préparation d’artillerie théorique, nous pouvons maintenant attaquer notre objectif principal.
Cas particulier : Les tauroctonies sans Sol ni Luna
Les tauroctonies les plus anciennes sont des sculptures en ronde-bosse autour desquelles on circulait : elles ne comportent pas les luminaires, preuve qu’ils n’étaient pas essentiels au culte, en tout cas à ses débuts. Il existe également quelques rares bas-reliefs de tauroctonies sans luminaires.
Autre cas très particulier : Luna et Sol côte à côte
Kral-Marko, Musée de Kustendil, CIMRM 2245 [26]
Ce bas-relief est le seul où les deux luminaires sont placés côte à côte. La forme en arche, fréquente dans les stèles danubiennes, n’explique pas cette étrange disposition. Elle est probablement corrélée avec les sept autels au dessus : si les deux bustes sont Luna et Sol (ils sont difficiles à distinguer) , ils correspondent bien au 5ème et 6ème grade.
Deux inversions rustiques
Musée de Sétif (CIMRM 148)
Sur ce relief très rustique déterré à Sétif en 1861, on n’en sait pas plus que l’inscription :
La deuxième légion, surnommée l’herculéenne, a élevé ce monument au dieu invincible Mithra; la 10e et la 7e cohorte en ont volontairement accompli le voeu.
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DEO INVICTO MYTRE LEG . II . HERCULEA FEC . COHS . X. ET . VIL VOTUM . SolVERUNT .
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Tauroctonie de Valerius Marcelianus
Provenant de Pregrade, Zagreb, Arch. Museum (CIMRM 1468)
Le fait que les deux dadophores aient leur torche levée traduit une connaissance très limitée de la « théorie » : l’inversion Sol / Luna en est probablement un autre signe.
Une inversion plus évoluée : la tauroctonie de Targusor
Targusor, Muzeul National de Istorie si Arheologie, Constanta (CIMRM 2306) photo lupa.at [27]
L’inscription fournit ici une indication intéressante :
« Flavius Hôrimos, intendant de Flavius Macedo, , sur ordre, au dieu invincible Mithra, a consacré, dans une forêt secrète. Adorez l’Euphrate avec piété. Phoibos de Nicomédie a fait (ce monument) » (traduction [2], p 483)
Le nom d’Euphrate suggère une origine orientale pour le donateur (Leroy-Campbell, [3], p 138) ; elle pourrait expliquer l’inversion, si on considère qu’il s’agit d’un particularisme oriental.
Cautes tient dans sa main gauche une pomme de pin et Cautopates un petit scorpion. Pour Leroy-Campbell, l’une symbolise la vie éternelle et l’autre le retour de la fertilité (début des pluies d’automne).
Beck ( [19], p 28 et note 56) note avec pertinence que l’inversion ne touche pas seulement les luminaires, mais aussi Cautes et Cautopates (par rapport à la norme danubienne), ainsi que le Scorpion, ce qui confirme l’association Soleil/Scorpion que nous avons déjà vue.
Si l’idée de préférence orientale peut comme toujours « expliquer » l’inversion du couple Soleil/Lune, il y a clairement eu ici une réflexion à l’oeuvre pour généraliser cette inversion aux éléments qui lui sont corrélés.
Une inversion explicable : la tauroctonie de Sidon (Saïda, Liban)
Sidon, CIMRM 75
Les douze signes du zodiaque (en vert clair) viennent s’insérer entre les éléments habituels de la tauroctonie. Le début de l’année est : cette disposition inhabituelle du Zodiaque s’explique probablement par la nécessité de réutiliser comme signe zodiacal le scorpion de la tauroctonie (en vert sombre). Ceci a pour effet collatéral de faire apparaître en position centrale le Taureau, et le Bélier, se tournant le dos
Beck ( [19], p 34) remarque pertinemment que :
« Le Bélier, l’exaltation du Soleil, est montré bondissant vers le buste de Sol et le Taureau, l’exaltation de la Lune, bondissant vers le buste de Luna ».
CIMRM 1400 Sterzing, Hof des Rathauses
Ce bas-relief est l’exemple d’une telle association Soleil/Taureau et Lune/Bélier (les deux petits animaux sur la bande du haut).
Dans son autre livre ([14], p 219), Beck y voit clairement l’explication de l’inversion Luna-Sol dans le bas-relief de Sidon. Elle ne correspond donc en rien à un tropisme oriental, mais au fait que le concepteur a délibérément sacrifié la disposition traditionnelle au profit d’un discours astrologique plus savant.
Sidon, CIMRM 75
On remarquera deux autres anomalies dans cette tauroctonie très spéciale (SCOOP !) :
- les quatre Saisons tournent, comme les signes, en sens inverse des aiguilles de la montre, mais sont diamétralement opposées par rapport à leur place naturelle ;
- le corbeau habituel s’est dédoublé en un jeune et un adulte, les deux diamétralement opposés de part et d’autre de Mithra.
Il se pourrait que ces deux anomalies soient corrélées : le jeune corbeau aurait partie liée avec les Saisons (représentées par les quatre jeunes enfants) tandis que le corbeau (comme le scorpion) serait à lire comme un treizième signe. Le concepteur aurait profité de l’inversion Luna-Sol pour rajouter une opposition terrestre /céleste qui évoqurait subtilement deux concept diamétralement opposés (comme les torches vers le bas et vers le haut de Cautopates et Cautes) :
- côté Lune, la Genesis (les enfants, les Saisons terrestres) ;
- côté Soleil, l’Apogenesis (le corbeau monté dans le zodiaque, et qui semble y attendre son double juvénile).
Les deux inversions de Doura Europos
Mithreum de Doura Europos, Yale University Art Gallery
Les deux dernières inversions se trouvent dans un mithreum très étudié, qui comporte deux bas-reliefs de tauroctonie superposés, parfaitement datées par les inscriptions : 169 pour le petit, 170-71 pour le grand.
La coexistence des deux plaques s’explique probablement par la présence de deux mithreums fusionnés ensuite en un seul ( [28], p 132). Des traces de trous suggèrent que les plaques étaient voilées par un rideau.
A noter qu’une troisième tauroctonie, très détériorée, a été peinte vers 240 au dessus de l’arcade (CIMR 45) : il n’en reste que Cautès avec une couronne rayonnante à droite , sept cyprès et sept autels allumés. On n’a malheureusement rien conservé du Soleil et de la Lune.
Le mithreum de Doura Europos se caractérise par la présence de deux zodiaques :
- celui sculpté dans la seconde tauroctonie démarre comme d’habitude au Bélier, et s’inscrit dans la lecture de gauche à droite des scènes de chasse latérales (en rose) ;
- celui été peint dans l’intrados de l’arcade se lit en sens inverse : il démarre et se finit à l’équinoxe d’Automne et culmine à l’équinoxe de Printemps (en vert).
Le second zodiaque a été peint dans la seconde phase, vers 240 (CIMRM 40), et les fresques ont recouvert les deux figures des écoinçons (saisons ou vents ?).
La première tauroctonie
Tauroctonie de 169 (CIMRM 37)
Dans le relief du bas [29], la lune est représentée par un croissant contenant une étoile et le soleil par une masse rayonnante. Les deux ont été brisées dès l’Antiquité, pour récupérer des joyaux qui y étaient incrustés.
La seconde tauroctonie
Tauroctonie de 170-71 (CIMRM 40)
Dans le relief du haut, beaucoup plus complexe [30], on a arasé les bustes de Luna et Sol en même temps qu’on recouvrait par la fresque les figures des écoinçons. La plaque comporte deux éléments iconographiques tout à fait uniques, qui ont été largement commentés :
- les sept boules alignées sous les pattes de devant du taureau (les sept planètes ou grades) ;
- les donateurs / spectateurs représentés (avec leur nom) dans le tiers droit.
A l’intérieur des six premiers signes, des disques, un croissant et une étoile suggèrent que ce bas-relief, d’apparence fruste, est peut-être à ranger parmi les tauroctonies savantes, à prétention astrologique. En outre,
Le zodiaque organisateur (SCOOP !)
Si banal qu’il semble à première vue, le zodiaque organise en fait l’ensemble de la composition :
- l’équinoxe d’automne surplombe la figure centrale, qu’on identifie souvent à Sérapis à cause de son couvre chef (kalathos) ;
- l’équinoxe de printemps relie la tête de Mithra à celle des spectateurs ;
- les solstices bornent les bustes de Luna et de Sol.
On notera également la coiffure radiée (en jaune) qui unifie Sérapis, les deux figures des écoinçons, et deux des trois spectateurs (ceux qui avaient dépassé le grade d’Heliodromus ?).
Enfin, les deux luminaires et les deux dieux forment, au centre, une sorte de quaternité.
Des inversions orientales ?
L‘inversion Luna-Sol est interprétée comme un trait oriental, qui irait de pair avec leur caractère aniconique (du moins pour le bas-relief du bas) ([3], p 219). Cumont en a même tiré argument en faveur de son idée, largement rejetée aujourd’hui, d’un modèle syrien de la tauroctonie, confirmant l’origine iranienne du culte de Mithra. L’idée d’un modèle « oriental » caractérisé par l’inversion Lune-Soleil repose sur un si petit nombre de cas et comporte tant d’exceptions qu’elle est aujourd’hui très contestée [31].
Un monde à l’envers ?
De manière exceptionnelle, Luna et Sol se trouvent sous le zodiaque, alors que rien n’empêchait de les placer, comme d’habitude, dans les écoinçons. Si l’on considère que le zodiaque symbolise le plafond de la grotte, faut-il comprendre que les luminaires sont inversés parce qu’ils se trouvent sous le sol ? C’est un peu le cas dans la tauroctonie de Sidon, où les deux luminaires sont englobés dans le zodiaque circulaire.
Mais il existe au moins deux contre-exemples, où les luminaires sont dans la grotte sans être inversés :
CIMRM 357, Esquilin |
CIMRM 2198, Turda (Potaissa) |
Dans le bas-relief de l’Esquilin, le corbeau joue le rôle de messager de Sol, quelquefois assuré par le rayon de lumière ; et la Lune, alter ego du Taureau, détourne la tête tristement : c’est cette idée de solidarité avec les deux protagonistes de la tauroctonie qui explique ici la présence des luminaires à l’intérieur de la grotte.
Dans le bas-relief de Turda, l’inversion est controversée (Leroy-Campbell la met dans sa liste, mais le CIMRM la réfute). On notera surtout la présence d’une tête de lion entre les deux luminaires.
Par ailleurs, dans toutes les autres inversions que nous avons vues, les luminaires sont placés au dessus de l’arcade. Il faut donc abandonner l’idée d’un monde à l’envers.
Une conception locale (SCOOP !)
Pour le relief du haut, une fois décidé d’intégrer les spectateurs à la tauroctonie, on ne pouvait les positionner qu’à droite, du côté où coule le sang du sacrifice. L’inversion Luna-Sol permet de placer les initiés sous le patronage du Soleil vainqueur, et non de la Lune, alter-ego du Taureau mourant.
Pour le relief du bas, on notera que Mithra n’est pas situé à gauche, à la croupe du taureau comme d’habitude, mais en plein centre de la composition. La présence de l‘Etoile dans le croissant pourrait symboliser la Nuit, du côté de l’animal mourant ; tandis que le Soleil symboliserait ici le Jour, du côté du sang et du chien qui s’y abreuve.
Plutôt que d’invoquer une hypothétique inversion orientale, il est sans doute plus fructueux de voir dans les deux inversions de Doura Europos une interprétation locale de la tauroctonie, comme passage de l’ombre à la lumière.
En aparté : Sol et Luna dans une triade
Sérapis, Walters Art Museum
Sérapis est un dieu chtonien apparu dans l’Egypte ptolémaïque, inspiré par le dieu Hadès (Pluton). il se caractérise par son kalathos ou modius, sorte de panier tressé qui est souvent associé aux divinités de la terre. Son rôle dans le culte mithaïque est aujourd’hui considéré comme mineur, voire inexistant ([2], p 531)
Beck, [19] p 34
Dans quatre cas commentés par Beck, le couple Sol-Luna sert de base à une triade.
La triade avec Jupiter / Sérapis
Dans la tauroctonie de Bologne, Beck ([19] p 89) pense reconnaître le kalathos sur la tête du Jupiter central, qui ressemblerait donc au Sérapis de Doura. Les trois têtes centrales ont été refaites, mais on peut toujours imaginer que le restaurateur s’est inspiré des traces subsistantes.
La triade avec Saturne
Jupiter héliopolitain, bronze Donato, provenant de Baalbek, Louvre
Héritier des dieux syriens de l’orage, le dieu d’Héliopolis (Baalbek) se répand dans tout l’Empire, une fois assimilé à Jupiter. Sur sa poitrine figure le couple Sol-Luna (jamais inversé, malgré le contexte oriental), qui forme une triade avec Saturne en bas.
Jupiter héliopolitain, bronze Sursock, provenant de Baalbek, Louvre
Dans un article important [32], Cumont a expliqué l‘origine de cette triade : en répartissant les planètes verticalement dans l’ordre chaldéen (A, B puis C), on les lit horizontalement dans l’ordre de la semaine. A noter le mufle de Lion juste en dessous de Saturne.
Rien n’indique que cette manière d’organiser les planètes ait été utilisée en contexte mithraïque.
La triade avec un lion
Turda, CIMRM 2198
De cette triade, ce bas-relief rustique est le seul exemplaire connu,
Equidistant de Sol et Luna, le Lion est graphiquement l’équivalent de Jupiter dans le bas-relief de Bologne. Selon Beck, cette équivalence a aussi des raisons théoriques :
- Jupiter est le dieu qui préside au grade des Lions ;
- astrologiquement, dans le schéma des décans qui explique le bas-relief de Bologne, Jupiter au zénith est associé au signe du Lion.
D’un point de vue héliopolitain, nous avons vu que le Lion est plutôt associé à Saturne.
Ce n’est peut être pas contradictoire puisque, dans le mithreum des Sette Porte, Saturne et Jupiter forment couple. D’un point de vue ésotérique, ils semblent se répartir les tâches quant au pouvoir cosmique, comme le laisse entendre Porphyre :
« Certaines forces descendent du ciel et des planètes ; Saturne recueille celles qui viennent du ciel et Jupiter celles qui viennent des planètes. » Porphyre, « L’antre des Nymphes » [25]
La triade avec le léontocéphale
Léontocephale ?, fresque Barberini |
Léontocephale, Villa Torlonia |
Le personnage perché en haut du zodiaque de la fresque Barberini, dont le globe s’inscrit dans le zodiaque et dont la tête rayonnante complète les flammes des six autels, établit une nouvelle triade avec le couple Sol-Luna (base de la série des autels/planètes). Il ressemble beaucoup au léontocéphale, autre icone mithraïque qui n’apparaît jamais dans la tauroctotonie (quelquefois dans les scènes latérales).
« Représenté au milieu de la frise des signes du zodiaque qui borde l’arche stylisée de la caverne du sacrifice, debout sur un globe, il est le temps infini, l’éternité cosmique. Il semble bien en aller de même à Doura, le léontocéphale – si c’est bien de lui qu’il s’agit – étant cette fois représenté en buste, radié et drapé. Si le léontocéphale mithriatique est relié au zodiaque, comme cela est fort probable, les spires du serpent pourraient alors décrire la course du soleil d’un solstice à l’autre, les quatre ailes correspondre aux quatre saisons et la gueule ouverte du fauve symboliser le temps vorace assimilé à un Chronos-Saturne. Il serait alors l’expression iconographique d’un cosmocrator lié aux spéculations solaires, au temps, au cycle des saisons et au pouvoi sur le firmament ». [2]; p 162
Saturne au sommet
Ces témoignages tendent à établir au sommet de la triade une équation fragile :
Sérapis = lion = léontocéphale = Saturne
Beck, à son habitude, en tire une envolée astrologique :
« on peut supposer que le buste au sommet qui porte le kalathos et qui s’identifie ainsi à Pluton-Sérapis est aussi le Soleil… mais un Soleil différent et spécial : le Soleil qui iIIumine et guide dans un monde qui n’est pas celui de la vie terrestre ordinaire, éclairée par le Soleil quotidien, mais plutôt le monde souterrain où « le Soleil brille à minuit ». Ce Soleil de minuit est Pluton ou Sérapis ; mais dans les Mystères… il est aussi, et plus fondamentalement, Saturne. » ([19], page 90)
Tauroctonie provenant d’Hermopolis, Musée du Caire (CIMRM 91)
Cette idée que Saturne est un Soleil occulte n’est suggérée que par les quelques témoignages que nous venons de voir, ainsi que cette tauroctonie qui, comme à Doura, place Saturne en position sommitale. Comme Luna et Sol président respectivement au cinquième et au sixième grade, cela pourrait d’expliquer pourquoi Saturne, divinité secondaire pour les profanes, a été choisie pour présider au septième grade.
C’est peut-être ce que nous suggère le bas-relief de Doura, avec sa figure énigmatique trônant au sommet occulte du panthéon mithraïque : Sérapis/Saturne/Léontocéphale à l’équinoxe d’Automne, au dessus de Luna et Sol aux solstices, et de Mithra à l’équinoxe de Printemps.
Sol et Luna dans le culte des cavaliers danubiens
On ne sait pas grand chose du cette religion synchrétique des 3ème et 4ème siècle dans les régions du Danube, sinon qu’elle empruntait au mithraïsme certaines de ses iconographies, en particulier le couple des luminaires.
Kuzmin, 242-43 |
Prhovo |
La plupart des témoignages conservés sont de petits moulages en plomb.
Le médaillon de Kuzmin est un des seuls à avoir été daté de manière précise [33] :
» La représentation en relief est disposée en trois zones qui ne sont pas très bien définies.
- Dans la première, on voit les bustes de Luna et de Sol entre lesquels on distingue des étoiles en relief.
- Au centre de la seconde est représentée une déesse vêtue d’un chiton et d’un himation, flanquée de part et d’autre d’un cavalier coiffé d’un bonnet phrygien qui salue, d’un bras levé, la déesse. Sous les sabots de chacun des chevaux, on distingue une figure humaine allongée. Derrière le cavalier de gauche se détache un canthare, derrière le cavalier de droite une figure humaine au bras levé, surmontée d’un coq, d’un quadrupède (chien?) et d’un bucrane stylisé.
- Dans la zone inférieure, on reconnaît de gauche à droite un chandelier, un homme qui vide les entrailles d’un animal suspendu à un arbre, un lion et un poisson. »
Le médaillon de Prhovo présente à peu près la même composition, mais avec Sol et Luna sans inversion.
Plaque de marbre, CMRED 71 |
Plaque de plomb, CMRED 83 |
Mésie inférieure, Musée national, Sofia
La technique du moulage a pu favoriser une certaine indifférence aux inversions. Un des rares exemples de taille directe, à gauche, est inversé. Sa netteté permet de percevoir les emprunts romains : la couronne de Sol à sept rayons,, les bonnets phrygiens semblables à ceux des Dioscures.
Mis à part la position de Sol et Luna, les autres éléments sont pratiquement à la même place dans les deux compositions :
- en haut les deux serpents cosmiques ;
- au centre le poisson posé sur un trépied ;
En revanche, dans le registre du bas, la séquence lion, coq et bélier est inversée.
On pourrait imaginer que le Lion est du côté solaire, mais on trouve rapidement un contre-exemple :
CMRED 120
On a ici une inversion Luna-Sol, mais en bas la séquence Lion / bélier, tandis que le coq est monté à côté de la Lune.
Plaque de calcaire trouvée à Terracina (Italie) CMRED 176
Signalons sur cette plaque, probablement ramenée en Italie par son propriétaire (marchand, soldat ou esclave), une iconographie unique : Luna au centre est entourée par deux figures de Sol, certainement le soleil levant et le soleil couchant. A noter la forme voûtée qui évoque le ciel, mais rappelle aussi la grotte de Mithra.
Le Corpus CMRED [34], peu fourni, montre une prédominance de la forme canonique (sept inversions seulement : CMRED 15, 42, 71, 75, 81, 120, 191). Dumitru Tudor attribue ces inversions soit à une influence orientale, soit au hasard ( [34], II, p 182). Pour lui, il est clair que la religion danubienne emprunte aux reliefs mithraïques antérieurs ([34], II, p 184).
CBd-686 |
CBd-687 |
Intailles, British Museum (numérotation Bonner Campbell Online)
Les cavaliers danubiens apparaissent dans de rares intailles, là aussi sous les deux formes : il est difficile de décider laquelle est inversée, puisque les intailles pouvaient servir de matrice pour imprimer des sceaux.
Tandis que la tauroctonie est une scène polarisée, dont tous les détails sont reliés par une conception d’ensemble, la scène des Cavaliers du Danube est marquée par la symétrie et le placement disparate des éléments. Comparée à la rigidité mithraïque, la fréquence relativement importante des inversions Luna-Sol traduit le relâchement des contraintes et des croyances sous-jacentes.
Sol et Luna autour de Jupiter Dolichénien
Jupiter et Junon dolichéniens
Relief découvert en 1869 dans les ruines du château fort de Waisenberg, Klagenfurt, Landesmuseum (CCID 347) |
Historisches Museum, Veliko Tarnovo (CCID 80 ) |
Jupiter et Junon dolichéniens
Ce culte à mystères, originaire de Doliché, en Syrie [35] s’est assimilé, en le modifiant, au couple Jupiter / Junon. Ils sont ici debout sur un taureau et une biche, surplombés par un aigle, dans un ordre immuable qui est l’inverse de celui du couple Héra-Zeus (voir Lune-soleil : couples affrontés). Cette polarité masculin / féminin de la composition embarque ici le Soleil et la Lune, ce qui n’est pas toujours le cas.
Ainsi, la plaque votive de droite montre, au dessus du même couple divin, les luminaires inversés (sans l’aigle). Cette configuration inversée est moins fréquente, mais se rencontre tout de même quatre fois sur les treize cas de couples Sol / Luna recensés dans le CCID [36] .
« Au Dieu écoutant de Soumana » (CCID 5) |
(CCID 6) |
Plaques votives provenant probable de Doliche, Archäologische Staatssammlung, Münich
Cette relative indifférence vis-à-vis de l’ordre des luminaires apparaît dès l’origine.
La première plaque est dédiée à une divinité locale, le « Dieu écoutant de Soumana ». Deux personnages identiques, vêtus à l’orientale, se transmettent le foudre sous les auspices d’un dieu qui pourrait être Jupiter. On ne sait pas s’il s’agit d’une forme locale des Dioscures, ou bien si la plaque représente une sorte de fusion entre le dieu de Soumana et le Dieu de Doliche. Sol et Luna sont dans l’ordre canonique.
La seconde plaque les inverse, sous un Jupiter Dolichenus portant ses attributs habituels, hâche double dans la main droite et foudre dans la gauche. Ceci montre que les deux luminaires ne sont pas liés aux deux attributs. La figure du haut, qui a disparu, était probablement l’aigle.
Plaque dédiée à Jupiter Dolichenus, provenant de Kömlöd, Hungarian National Museum, Budapest (CCID 201)
Cette plaque très symétrique rajoute aux couples Soleil / Lune et Hache/ Foudre habituels d’autres éléments plus rares :
- une Victoire et un autel allumé ;
- deux figures armées : Hercule et sa massue face à une divinité casquée qui peut être Mars (son costume est le même que celui de Sol) ou Minerve.
Cette symétrie n’implique pas une lecture verticale de l’ensemble, puisque nous savons déjà que les deux registres supérieurs sont découplés.
L’association avec Sérapis et/ou Isis
Sérapis, Luna et Sol
CCID 511 Stadtisches Museum Wiesbaden
Les registres inférieurs de cette plaque ont disparu. Subsiste seulement le couple des luminaires inversé (chacun avec le fouet évoquant son char), surplombé ici par le dieu Sérapis, reconnaissable à son kalathos.
Dans les compositions dédiées à Sérapis seul, il n’y pas d’exemple où il soit représenté avec les luminaire personnifiés : la configuration standard (voir Lune-soleil : symboles 2) autour d’un dieu ) est celle où il est représenté de face ou de profil, encadré par le couple de symboles étoile-croissant.
L’inversion ici n’est donc pas pas à imputer à Sérapis, d’ailleurs séparé par deux étoiles à quatre branches du registre dolichénien, malheureusement disparu.
CCID 365 |
CCID 386 |
Dolichenium de l’Aventin, 140-60
Cette influence mineure des deux divinités égyptiennes ce lit dans ces bas-reliefs provenant du même temple : le couple Sérapis-Isis se plie à la polarité dolichénienne, alors que la configuration pratiquement intangible, lorsqu’ils sont seuls, est la configuration maritale Isis-Sérapis.
Ainsi le couple dolichénien se démarque d’emblée de ses prédécesseurs, Héra / Zeus et Isis / Jupiter, en adoptant la configuration « impériale » (voir Lune-soleil : couples affrontés ).
Un cas de triade babylonienne (SCOOP !)
Plaque votive, Sammlung Nassauischer Altertümer, Museum Wiesbaden
On retrouve Ici les deux divinités disposées verticalement :
- Jupiter dolichénien en haut, sous un buste de Sol (à sept rayons) ;
- Junon dolichénienne assimilée à Isis, en bas, entre les Dioscures portant sur leur tête les bustes de Luna et d’un homme auréolé de cinq rayons.
Dans leur version dolichénienne, les Dioscures sont montrés soit sortant d’une montagne (comme ici) soit portés par des taureaux, ce qui signifie probablement les monts du Taurus (près de Doliché). Cette plaque est le seul cas où ils portent des luminaires : on considère habituellement qu’il s’agit de Luna et Sol [37] , ce qui constitue à la fois une inversion du couple, et une redondance avec le Sol à sept rayons du haut de la plaque.
L’influence des cultes orientaux, matérialisée par Isis, ouvre l’hypothèse que la tête à cinq rayons ne soit pas Sol dupliqué, mais le troisième astre de la triade babylonnienne, Vénus, l’Etoile du matin) (voir Lune-soleil : symboles 3) autour d’une déesse ).
Synthèse sur les inversions Luna-Sol dans un contexte dolichénien
Plaque votive plaque de Brza Palanka, Historical Museum of Serbia, Belgrade [38]
Cette plaque, trouvée depuis la parution du CCID, rajoute une inversion supplémentaire.
Pour autant qu’on puisse tirer des conclusions d’un corpus aussi réduit, on peut noter que, mis à part les deux plaques de Doliché et la plaque « orientalisante » de Wiesbaden, la place naturelle du couple Sol-Luna est « au ciel » de la composition, le plus souvent en compagnie de l’Aigle avec lequel ils forment une sorte de triade.
Bien moins codifiée que l’iconographie de Mithra, l’iconographie dolichénienne montre une grande liberté dans la placement des attributs, sans signification d’ensemble. Les cas relativement fréquent d’inversion Luna-Sol montrent leur indépendance par rapport aux autres couples de personnages ou d’attributs. Leur signification reste pour l’essentiel celle que Franz Cumont leur accorde dans l’ensemble de la culture romaine [39] :
« La réunion des astres qui marquent la succession constante du jour et de la nuit était l’emblème de la durée perpétuelle du temps infini »
Dans une inscription du Dolichenium de l’Aventin, le Dieu est s’ailleurs qualifié d’ « aeternus conservator totius mundi » (conservateur éternel du monde entier).
Sol et Luna ans d’autres cultes orientaux
Culte de Sabazios
National History Museum of Albania, Tirana (CCIS 79a [40] ) |
National Museum, Copenhague (CCIS 80, [40]) |
Sabazios se reconnaît à son pied droit posé sur un crâne de bélier. Dans ces deux plaques, les seules où il est accompagné du couple des luminaires, on constate l‘inversion Luna-Sol.
Dans la plaque de gauche, Luna dans le fronton assume le rôle important de tenir à la place de Sabazios son sceptre caractéristique, terminé par une main.
Dans la plaque de droite en revanche, le fronton est dédié au char d’Hélios, encadré par deux étoiles qui sont probablement à relier aux Dioscures des écoinçons.
Plaques d’Ampurias, reconstitution (CCIS 85b [40])
On retrouve dans ce petit triptyque en bronze, autrefois argenté, l’importance des Dioscures dans le Panthéon sabazien, avec leurs grandes étoiles du Matin et du Soir. A l’intérieur du bas-relief, quatre petites étoiles jouent un rôle décoratif et un croissant s’est glissé à gauche, sans Sol pour lui faire pendant. Sans doute sert-il de faire-valoir à la lumière du foudre que Sabazios brandit dans sa main droite, tout près de Dyonisos sortant de l’arbre.
La grande rareté de ces cas laisse penser que le couple Sol-Luna ne jouait pas un rôle-clé dans le culte de Sabazios : c’est plus par compétition avec les tauroctonies mithraïques qu’ils ont été intégrés, l’inversion permettant de s’en démarquer.
Culte du Cavalier thrace
Bas-relief syncrétique
Musée de Plovdiv
La partie haute de ce bas-relief est classée comme une représentation douteuse dans le CCIS ([40], p 45) , mais Margarita Tacheva-Hitova ( [41], N°17 p 170) n’hésite pas à y reconnaître Sabazios avec son bonnet phrygien et son bâton, comme dans la plaque de Copenhague. L’inversion Luna-Sol est en tout cas bien présente et délibérée, puisqu’il aurait été plus logique de placer Sol au dessus des divinités masculines et Luna au dessus des féminines.
La partie inférieure du bas-relief ressemble à un « cavalier thrace de type B », dont il existe d’innombrables représentations, mais sans la lance dans la main gauche. Les bas-reliefs de ce héros comportant les deux luminaires sont excessivement rares (il y en a trois, d’après [41] note 27 p 292) : le couple a probablement été ajouté ici par contagion avec la partie supérieure, mais autant qu’il semble en supprimant l’inversion.
On reconnait actuellement quatre types du « cavalier thrace » : lance à la main, bride à la main (avec présence ou pas d’une lyre) ou saluant à main nue [42].
Plaques provenant d’Abritus, fin 1er-2ème siècle, Razgrad, Istoritcheski Muzej
Ce cavalier, parfois identifié comme Sabazios/Dyonisos, est maintenant plutôt vu comme un cavalier thrace brandissant une corne à boire (rhyton) au lieu d’une lance : il s’agirait d’une représentation très ancienne du cavalier thrace, avant même l’apparition du type A ([34], Volume 2 p 147 et ss). L’inversion Luna-Sol dans la première plaque est en tout cas manifeste. La seconde plaque représente le même dieu, mais sans les deux luminaires.
Musée de Plovdiv
Ce cavalier à trois têtes et qui tient une hache double est une version du « cavalier thrace » qui ne se trouve que dans la région de Plovdiv (il ne figure pas dans les volumes du CCIT [43] concernant la Bulgarie) : c’est plutôt une sorte de Jupiter Dolichenus à cheval, avec une inversion Luna-Sol.
En conclusion sur les cultes orientaux
Image syncrétique [44]
Sous les yeux de Sol et Luna cette fois dans le bon ordre, ce bas-relief ajoute à la hâche double de Jupiter Dolichenus, au cheval du Cavalier thrace, aux deux acolytes imitant Cautes et Cautapates, dont l’un brandit la tête de bélier de Sabazios, le thème des ennemis piétinés, typique des « cavaliers danubiens ».
C’est sur cette plaque polymorphe que se conclut cet article, de manière quelque peu frustrante. Autant le grand nombre et la standardisation des tauroctonies justifiait l’étude des rarissimes inversions Luna-Sol dans le culte de Mithra, autant la. rareté des vestiges et la perméabilité entre les iconographies rend cette tâche impossible, pour tous les cultes orientaux qui en dérivent plus ou moins.
Article suivant : Lune-soleil : thèmes chrétiens
Références :
[2] Laurent Bricault, Philippe Roy « Les Cultes de Mithra dans l’Empire romain », Presses Universitaires Du Midi, 2021
[3] Leroy-Campbell, « Mithraic iconography and ideology » 1968
[6] Sur l’ambiguïté de « Persei », voir Robert Turcan, « Mithra et le mithriacisme », Paris, 1993 p 130. Il y a derrière toute une controverse sur les liens entre Mithra et le mythe de Persée. Peut être s’agit-il seulement, comme le remarque Robert Turcan, d’une contrainte de versification, qui a fait préférer le mot « Persei » à « persici ».
[7] Les textes latins de Lactance Prudence sont tirés de Cumont,
« Textes et monuments figurés relatifs aux Mystères de Mithra » tome II, p 44 et ss
https://archive.org/details/textesetmonument02cumouoft/page/46Pour ne pas alourdir l’article, j’ai reproduit ces textes latins dans les notes. Sauf indication contraire, les traductions sont les miennes.
[8] Scholie de « te roseum »
Seu te roseum t. v. Dicit Apollinem a diversis gentibus variis appellari nominibus. Apud Achaemenios enim Titan, apud Aegyptios Osiris, apud Persas, ubi in antro colitur, Mitra vocatur.Quod autem dicit torquentem cornua ad illud pertinet quod simulacrum eius fingitur reluctantis tauri cornua retentare, quo significatur luna ab eo lumen accipere cum coeperit ab eius radiis segregari.
Traduction Laurent Bricault, Philippe Roy [2] p 44)
[9] Scholie de « in rupibus » :
Persae in spelaeis coli Solem primi invenisse dicuntur. Est enim in spelaeo Persico habitu cum tiara et utrisque manibus bovis cornua comprimens. Quae interpretatio ad Lunam dicitur ; nam indignata sequi fratrem occurrit illi et lumen subtexit. His autem versibus sacrorum Solis mysteria patefecit. Sol enim lunam minorem potentia sua et humiliorem docens taurum insidens cornibus torquet. Quibus dictis Statius lunam bicornem intelligi voluit non animal quo vehitur.
[10] Scholie complémentaire, (Parisinus 13046 saec. X) :
Rupes persei antri vocat templum Persei, ubi ita pingitur Pboebus qualiter adtrahat ad se lunam indignantem sequi eum. Luna post plenilunium solem praecedit et praecedendo lumen suum paulatim amittit, donec iam ex toto lucere desinit. Tandem vero ad solem accedens lumen suum recuperat, et tunc solem sequitur. In plenilunio autem iam soli proxima a sole comprehendi dicitur.
[11] Scholie de « Indignata » :
Sensus talis est : Persae in spelaeis Solem colunt, et est hic sol proprio nomine vocatus Mithras, qui quia eclipsin patitur ideo intra antrum colitur. Est autem ipse Sol leonis vultu cum triara, persico habitu et utrisque manibus bovis cornua comprimons. Quae interpretatio ad lunam dicitur, quae indignata sequi fratrem occurrit illi et lucem eius obscurat. Nudavit autem mysteriorum partem. Sol ergo quasi lunam minorëm docens, ideo taurum torquet ; mire autem cornua posuit, ut lunam manifestius posset exprimere non animal quo illa vehi figuratur. Sed (tamen) quia locus non est secreta deorum istorum iuxta tenorem intimae philosophiae disserere, de figuris tamen quibus creditur, paucis dica- mus. Sol ineffabilis, quia principale signum inculcat et frenat, leonem scilicet, idcirco et ipse hoc vultu lingitur, vel quod hic deus (inter) ceteros vi numinis et potentiae impetu excellat, ut inter reliquas feras leo, vel quod sit rapidum animal. Luna vero quia propius taurum coercet adducitque, ideo vacca (lunae) figurata est
[17] Les noms de Cautes et Cautopates sont une interprétation controversée, refusée par Turcan mais saluée par Beck, qui apparaît dans le nouvelle traduction de 1969 :
« The cave of the nymphs in the Odyssey : a revised text with translation » by Seminar Classics 609, State University of New York at Buffalo.
[19] Roger Beck « Planetary Gods and Planetary Orders in the Mysteries of Mithras » Brill, 1988
[20] Roger Beck “Sette Sfere, Sette Porte, and the Spring Equinoxes of A.D. 172 and 173,” Mysteria Mithrae 1979, p 515-530
[23] Ulansey « Origins of the Mithraic Mysteries », 1989, p.64
[28] Tommaso Gnoli « The Mithraeum of Dura-Europos » dans « Religion, Society and Culture at Dura-Europos », 2016
[31] Susan B. Downey « The excavations at Dura-Europos » Volume 3, Parties 1 à 2, p 220
[36] Corpus Cultus Iovis Dolicheni, Brill
[40] Corpus Cultus Iovis Sabazii (CCIS)
[41] Margarita Tacheva-Hitova « Eastern Cults in Moesia Inferior and Thracia (5th Century B.C.-4th Century A.D.) » dans la collection “Religions inthe Graeco-Roman World Online » volume 95, E. J. Brill Leiden 1983
[43] Corpus Cultus Equitis Thracii (CCIT)
[44] Teohari Antonescu « Cultul cabirilor in Dacia » 1889