8 Débordements gothiques : quelques cas locaux
A la période gothique, les débordements restent encore autorisés dans les scènes de bataille. On en rencontre également dans quelques manuscrits italiens exceptionnels.
Article précédent : 7 Débordements gothiques : une inhibition généralisée
L’exception des scènes de bataille
Siège de Tyr, 1250–75, Histoires d’Outremer par Guillaume de Tyr, BNF Fr 2630 | Bataille d’ Antioche (1098), 1337, Roman de Godefroi de Bouillon et de Saladin, Maître de Fauvel, BNF Fr 22495 fol 43r |
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Ces scènes se prêtent naturellement au débordement vers le haut des tourelles, oriflammes et armes. Il permet d’introduire un élément de variété dans des scènes par nature répétitives. Malgré l’encombrement, les bords latéraux restent presque toujours intangibles, coupant net soldats et chevaux.
Bataille entre Arthur et Modred
1325-35, Spieghel Historiael (Flandres), la Haye, KB KA 20 fol 163v
Dans ce manuscrit très riche en scènes de bataille, cette image est la seule qui présente un timide débordement des chevaux. Elle illustre bien la concurrence entre les hors-cadres et le texte :
- un texte abondant bloque les débordements vers le haut ;
- les images allant d’une marge à l’autre favorisent les débordements latéraux.
Bataille de la Surne, fol 205r | Bataille de Danablaise, fol 238v |
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Histoire de Merlin, 1280-90, BNF FR 95
Ces deux images mettent en évidence un autre facteur limitant : l’expansion des drôleries, commentaire facétieux à l’extérieur de l’image, a pour contrepartie de comprimer celle-ci dans son cadre.
Siège de Nicée (1097), fol 30r | Pierre l’Ermite au siège de Nish (1096), fol 16v |
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Roman de Godefroi de Bouillon et de Saladin, 1337, Maître de Fauvel, BNF Fr 22495
Les scènes de siège sont propices au débordement des remparts ou des défenseurs, quasi systématiques dans ce manuscrit.
Dans le cas du Siège de Nish, la nécessité de représenter Pierre l’Ermite a conduit l’artiste à une solution astucieuse : scinder l’image en deux moitiés, chacune à son échelle propre, ce qui place un Pierre l’Ermite géant à la hauteur des ennemis miniaturisés. Un débordement des remparts aurait contrarié cette domination.
Maître de Giac, 1400-40, BNF FR 2662 fol 150v | 1412-1415, MS M.804 fol. 110 |
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Bataille de Crécy (Chroniques de Froissard)
Un débordement conventionnel spécifique aux scènes de bataille est celui des drapeaux, permettant d’identifier les camps en présence [62].
Bataille de Neville’s-Cross, fol 109 | Bataille de la Rochelle en 1372, fol 244 |
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Maître de Giac, 1400-25, Chroniques de Froissard, Toulouse BM 511
Dans ces deux images, le débordement sert à signaler la particularité de la bataille :
- la présence de la reine d’Angleterre en personne [63] ;
- le lieu, près des remparts de la Rochelle.
Les libertés de l’enluminure italienne
Le développement industriel et marchand dans la première moitié du Trecento va de pair avec la floraison de toutes sortes d’ouvrages techniques, pour lesquels les artistes développent des iconographies nouvelles. On apprécie aussi les récits épiques de l’antiquité, tels le Roman de Troie.
Ces images émergentes, non religieuses et non codifiées par une longue tradition, sont propices aux débordements, du moins dans les régions d’Italie qui se dégagent en premier de l’influence byzantine : à Padoue et Bologne essentiellement, ainsi que dans un étrange manuscrit florentin.
Le Maître des antiphonaires de Padoue
Soit maître bolonais ayant travaillé à Padoue, soit l’inverse [64], cet artiste novateur importe dans la miniature les apports tridimensionnels de la peinture de Giotto, telles qu’il a pu les observer dans les fresques de la chapelle Scrovegni. On attribue aujourd’hui à cet atelier plusieurs manuscrits dont la datation reste discutée, mais qui témoignent d’un perfectionnement croissant, dans la première moitié du Trecento.
Allégorie des Vices et des Vertus | L’Injustice |
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1303-06, Giotto , chapelle Scrovegni, Padoue
Les grisailles notamment montrent des figures sortant du cadre, les pieds parfois posés sur un socle rocheux. L’Injustice, en particulier, a sous ses pieds deux plateformes en escalier, une où passent des soldats, l’autre plantée d’arbres.
Assaut d’une fortification, fol 18v | César combattant Juba, fol 43r |
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Maître des antiphonaires de Padoue, 1325-25, Miscelllanées, Florence Riccardiana, Ricc. 1538
L’atelier introduit dans les scènes de bataille cette idée d’une plateforme en ressaut, portant une frise de guerriers. Le débordement de la tour n’a rien d’original dans les scènes de bataille, mais il va être porté à des hauteurs inusitées.
Les arbres apparaissent ici comme des fioritures externes au cadre, qui ne se raccordent pas à la scène. La queue de la panthère, en revanche, passe sous le cadre, témoignant d’une exploration tous azimuts des débordements.
César dirigeant la construction d’un arc de Triomphe, 1325-25, Miscelllanées, Florence Riccardiana, Ricc. 1538 fol 2r | Le rêve de Dante, 1320-50, Divine Comédie, MS BL Egerton 943, f. 3r |
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Maître des antiphonaires de Padoue
Selon les manuscrits et le type de scène, le cadre peut être plus ou moins épais et ouvragé, la plateforme plus ou moins en ressaut, géométrique ou rocailleuse.
Le roman de Troie
Destruction de Troie, fol 18r |
Reconstruction de Troie, fol 19v |
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1315-25, Maître des antiphonaires de Padoue, Vienne ONB Cod. 2571
Le manuscrit le plus abouti de l’atelier est « Le roman de Troie » de Vienne, qui donne à ce bestseller médiéval une illustration pléthorique et inédite par rapport aux procédés standards des scènes de bataille. Ce type d’image avait déjà existé, mais sur fond blanc, l’édifice étant son propre cadre.
En doublant le mur du fond par un cadre ornementé, l’atelier place l’image dans le champ de la représentation théâtrale, sur tréteau et devant un rideau. L’oeil est alors attiré par ce qui déborde, les maçons et les tours abaissées puis relevées. Le texte qui s’encoche dans une des tours revendique le caractère expérimental et purement graphique de ces débordements.
Le « Roman de Troie » de Vienne a été copié une vingtaine d’années plus tard, dans un manuscrit qui se trouve aujourd’hui à la BNF. La comparaison donne des indications précieuses sur la normalisation du goût dans cette période.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 13v | 1340-50, BNF FR 782 fol 14v |
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Le retour de Jason en Crète, Roman de Troie
Cette image révèle le même esprit de jeu purement formel, avec ces arbres qui ne se plantent sur rien et cette tour posée sur le cadre.
La copie de Paris ne présente plus ces excentricités de jeunesse : en s’étendant à d’autres ateliers, la formule s’est banalisée. A noter l’ajout de textes explicatifs en rouge.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 45r | 1340-50, BNF FR 782 fol 49r |
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Bataille entre Grecs et Troyens
L’exubérance initiale se modère, encore qu’il faille tenir compte de l’emplacement différent des images, en haut ou en bas de page.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 174v | 1340-50, BNF FR 782, fol 189v |
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Vengeance de Nauplios
La comparaison montre clairement l’évolution du goût vers des débordements moins affirmés : l’ajout de l’inscription en rouge n’empêchait pas de décaler le bord du cadre vers le bas, pour conserver l’agressivité des lanceurs de rochers. Le copiste a préféré une composition affadie, mi terre mi mer.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 31r | 1340-50, BNF FR 782 fol 34r |
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Arrivée de Pâris et Hélène à Troie
Le copiste reprend la composition générale, mais fait varier les procédés : il branche les arbres au sol, rajoute une plateforme rocheuse et un baldaquin qui déborde, supprime le cadre derrière la tour : preuve que ces procédés sont bien compris comme purement graphiques, hors de tout enjeu narratif.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 15v | 1340-50, BNF FR 782 fol 17r |
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Bataille entre Nestor et Laomédon
Il lui arrive de faire pousser un arbre, un oriflamme ou une tour là où son prédécesseur n’en avait pas eu l’idée, ou la place (le bâtiment tombant désormais du côté de la marge large). On voit bien que c’est l’encombrement qui gouverne : seul l’étendard de Laomédon déborde.
1315-25, Vienne ONB Cod. 2571 fol 36r | 1340-50, BNF FR 782 fol 39r |
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Conseil présidé par Agamemnon.
La tenue d’un conseil est une formule récurrente dans le manuscrit : elle comporte toujours un édifice qui déborde au dessus du personnage principal. Ici il y a trois rois, donc trois tours. A noter que le copiste a accru la symétrie en supprimant un personnage côté droit.
Frontispice, fol 1r | Le baptême, fol 275r |
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Maître des antiphonaires de Padoue, 1320-30, Gratianus, Sienne, Biblioteca Comunale degli Intronati, ms. K.I.3
L’atelier a recyclé cette formule du conseil pour ce traité juridique, dont le frontispice est très codifié :
- au centre le texte principal, dans un encart richement décoré, avec une grande image et des drôleries ;
- tout autour, les gloses.
Quelques petites images viennent parcimonieusement agrémenter le corps du texte, pour faciliter le repérage des chapitres importants : ici celui du baptême.
On remarquera l’arbre qui déborde sans utilité symbolique, comme une signature graphique de l’atelier.
Les manuscrits juridiques bolonais (1330-50)
Il serait aventureux de créditer le Maître des antiphonaires de Padoue de l’invention des « frontispices à plateforme » qui vont se multiplier dans les traités juridiques produits en série par les enlumineurs bolonais. Toujours est-il que ces pages somptueuses, seul agrément de ces textes arides, vont être le théâtre d’une surenchère de créativité.
Frontispice des décrétales de Grégoire IX avec glossa ordinaria, 1330-35 (Bologne), Morgan Library MS M.716, fol 1v | L’Illustratore, 1330-40 (Bologne), Frontispice du Justinianus, Cesena, Biblioteca Malatestiana ms. S.IV.1 fol 1r |
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C’est tantôt le pape Grégoire, tantôt l’empereur Justinien qui président, du centre de leur plateforme, à ces pages surchargée. Si on peut considérer comme un débordement la source qui, dans la page de la Morgan library, coule en bas d’un texte à l’autre, quel est le statut de cet atlante vu de dos qui, dans un cas, porte à bout de bras l’ensemble de la plateforme, et dans l’autre cas seulement le coussin ? La concurrence et l’imitation ont dû faire rage entre les ateliers, certains que les spécialistes ont identifiés (l’Illustratore, le Maître de 1328), d’autres restés anonymes.
1335-40 (Bologne), Frontispice du Justinianus, MS Lat 14343 fol 1 | La demande de dot en cas de divorce, L’Illustratore, 1330-40 (Bologne), Justinianus, Cesena, Biblioteca Malatestiana ms. S.IV.1 fol 3r |
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Incontournable dans le frontispice, la formule du conseil revient aussi parfois dans le corps du texte, pour illustrer un acte judiciaire particulier. On notera ici l’apparition d’un plafond au dessus d’une plateforme rocheuse, laquelle relève plus de la convention graphique que de la réalité du tribunal.
L’Illustratore, 1330-40 (Bologne), Justinianus, Cesena, Biblioteca Malatestiana ms. S.IV.1 fol 12v | 1300-59 (Bologne), Justinianus, Digesta cum glosa, BNF Latin 14340 fol 10v |
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Les règles sur les dépenses liées aux dots
Les images du corps du texte se complètent parfois d’un personnage en débordement, tel ce colporteur qui monte chercher la dot et ce serviteur qui passe la porte pour déverser des épis aux pieds de la mariée, tandis que le mari s’occupe de faire cueillir les cerises.
L’image a été copiée par un imitateur, manifestement sans la comprendre, puisqu’il a remplacé le colporteur par un bûcheron inutile.
Le testament des militaires, L’Illustratore (1330-40) Bologne, Justinianus, Cesena, Bilioteca Malatestiana ms. S.IV.2 fol 88v | Jean d’André enseignant, Maestro della Crocifissione D1330-40, (Bologne) , Novela Super Sexto BM Cambrai Ms 620 fol 173 |
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La plateforme n’est souvent qu’un élément débordant parmi d’autres, tel l’arbre ou le pavillon. Elle peut aussi se développer en une véritable scène de théâtre où s’étagent des figurants, des meubles et des immeubles, devant un rideau florissant : ce n’est plus tant un élément qui déborde que l’image dans son ensemble, qui se déplie vers l’avant, telle les livres en relief pour enfant .
Le Libro del Biadaiolo (1340-50) (SCOOP !)
Dans ce registre à usage privé, le marchand et poète florentin Domenico Lenzi consignait presque quotidiennement les prix du blé et des céréales sur le marché d’Orsanmichele, de 1320 à 1335, ainsi que des sonnets et des récits moralisateurs concernant les récoltes et les famines.
Ce manuscrit a été très étudié par les spécialistes de diverses disciplines mais j’en propose ici un parcours original, sur la seule base des débordements.
Les sept enluminures pleine-page, insérées entre 1335 et 1350, marquent l’arrivée dans l’école florentine de l‘influence giottesque, que nous avons vue à l’oeuvre à Bologne. Elles se répartissent en trois bifoliums, plus une image isolée.
Fol 6v | Fol 7r |
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L’abondance, 1340-50, Libro del Biadaiolo Florence BML Tempi 3
Ce premier bifolium célèbre l’Abondance, avec son ciel semé de fleurs. Les deux quarts de cercle célestes assurent une autre forme de continuité graphique, tout comme l’ange aux trois trompettes qui sème des grains dans les deux images : car l’abondance vient de Dieu.
Cependant les lignes d’horizon montent d’une page à l’autre : tout se passe comme si l’image se remplissait, à la manière d’un setier, cette mesure à grain dont on voit un exemplaire côté campagne et deux exemplaires côté ville. Tandis que les paysans ne débordent que latéralement, les acheteurs débordent de trois côtés :
- ils rentrent par la droite,
- font le tour des dix cuves (bigonce) remplies à ras bord,
- et l’un ressort un peu plus bas, avec son sac sur l’épaule.
Les autres restent à deviser, assis sur le bord inférieur avec leurs sacs.
Indépendamment des détails et des textes, la mise en page elle-même exprime l’idée d’Abondance, avec ce cadre qui s’emplit et déborde de plus en plus.
Les pauvres expulsée de Sienne sont recueillis à Florence durant la famine de 1329,
1340-50, Libro del Biadaiolo Florence BML Tempi 3 fol 57v 58r
L’Abondance permet la générosité : les pauvres débordent au compte-goutte d’une image à l’autre, avec enfants et éclopés, accueillis à l’extérieur des remparts. Les édifices quant à eux débordent vers le haut, y compris le campanile de Giotto encore en construction. Car les deux pages représentent des monuments reconnaissables de Florence, la porte de gauche étant juste affublée du blason siennois : manière de saluer graphiquement la magnificence florentine.
Incident du col de Valdelsa en 1329, fol 70r
Cette page fait pendant au second bifolium, avec un autre incident survenu en 1329 : il s’agit ici de dénoncer le comportement des gens de Valdelsa qui livrèrent tout leur grain aux Pisans et le refusèrent aux Florentins : les mulets de ces derniers débordent à gauche, le bât vide, tandis que ceux de leurs ennemis héréditaires débordent à droite, chargés de sacs.
Fol 78v | Fol 79r |
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La famine
En conséquence, la Famine va frapper Florence. Ce second bifolium campagne-ville contredit en tous points celui de l’Abondance : le ciel est vide, l’ange ne sème plus de grains, et ses trompettes sont brisées.
Dans la page de gauche, il monte se réfugier au ciel avec l’accord de Dieu : « il m’a ramené dans un ciel plus clair et plus pur« . Il faut dire qu’au centre de la page s’étend un nuage noir dans lequel l’allégorie de la Famine descend en diagonale : une femme vêtue de noir, aux ailes de chauve-souris, portée par des oiseaux blancs et noirs. Ainsi la page campagne s’est vidée, comprimant les paysans sur le bord inférieur. L’attention est attirée vers la gerbe qui remonte sur bord gauche, attaquée par les oiseaux blancs et noirs, précurseurs de la Famine.
Dans la page de droite, celle-ci remonte en diagonale avec une bourse remplie, emblème de l’Avarice : elle va récupérer un fouet et une épée que Dieu lui tend « pour punir l’âme esclave et le corps » des humains. A l’opposé, la Vierge de l’Orsanmichele (une figuration archéologiquement exacte) ne peut protéger les pauvres qui se morfondent en contrebas. Au centre du marché, cinq cuves presque vides déchaînent le désordre, et la garde doit intervenir [65]. Ici les deux seuls débordements, sur le bord gauche, attirent l’attention sur l‘injustice de la siuation :
- une femme pauvre, en cheveux, avec ses enfants, est empêchée d’entrer par un homme armé d’un poignard ;
- une femme riche, en coiffe et seule, quitte le marché avec deux sacs.
Formellement, la Famine est évoquée par la campagne presque vide et la ville où se confine une populace grouillante.
Ce jeu longuement médité avec les débordements dénote un esprit agile et novateur, malgré les maladresses de dessin. Un consensus semble s’être établi pour voir dans le Libro del Biadaiolo une oeuvre de jeunesse du Maître des Effigies Dominicaines, chez qui les débordements sont totalement absents : il faut donc en attribuer la conception au poète Domenico Lenzi, plutôt qu’au dessinateur. Ce pourquoi ce manuscrit profane, totalement personnel quant au contenu et au style, n’a pas fait école dans la miniature florentine.
La Bible moralisée de Naples
Codifiées à l’époque gothique, les Bibles moralisées sont des manuscrits princiers dont le principe est de mettre en correspondance un épisode de l’Ancien Testament avec une image allégorique qui en donne une interprétation morale. Les deux scènes sont juxtaposées, en général dans des médaillons hermétiques. La Bible moralisée de Naples, terminée vers 1350 pour la reine Jeanne de Naples, présente, entre autres particularités, de nombreux débordements.
Dieu sépare le Jour et la Nuit (Génèse 1), fol 2v
Le début du manuscrit suit la mise en page habituelle avec les deux médaillons superposés, mais qui dans cette page ne sont pas hermétiques : trois rayons partent de la demi-sphère Jour vers les trois anges, illustrant la moralisation :
« La clarté du jour signifie la clarté des anges et de Sainte Eglise »
Histoire de Sodome (Génèse 19), fol 17r
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Dans le médaillon du haut, Loth a accueilli deux anges dans sa maison ; mais les habitants de la ville arrivent armés de gourdins, dans l’intention de « les connaître » ; ce pourquoi Sodome est détruite. Le hors-cadre exprime à la fois la violence de l’intrusion, et la réprobation envers les Sodomites. Ceux qui, comme l’explique la moralisation :
« assemblent homme à homme et femme à femme contre la volonté de Jésus Christ. Les diables les conjoient par reins et par bouche et par jambes et par tous les membres. »
Loth et ses filles sauvés des flammes (Génèse 19), fol 17v | Le sacrifice d’Isaac (Genèse 22), fol 18r |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Dans le bifolium suivant, l’artiste expérimente pour la première fois le débordement comme un procédé de mise en relation verticale des deux images.
Dans la page verso, Loth réfugié sur la montagne est comparé à « ceux qui s’en vont servir Dieu ». Le problème est que c’est aussi sur la montagne que Loth couche avec ses filles, comparable en cela « au bon ermite qui est déçu par le monde et par sa chair et par le diable ». Ce que le texte dit explicitement, l’illustrateur se garde bien de le mettre en exergue par un débordement : il le dessine en toute petit dans le coin inférieur droit.
Dans la page recto, les débordements sont utilisés différemment :
- celui de l’ange qui arrête l’épée est de pure commodité graphique ;
- celui du Père qui appelle les fidèle à l’eucharistie crée une symétrie avec Dieu le Père envoyant son Fils au sacrifice.
Bétuel confiant Rébecca à Eliézer (Génèse 24), fol 18v | Naissance d’Esaü et Jacob (Génèse 25), fol 19r |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Dans le bifolium suivant, les débordements se multiplient encore.
Dans le registre supérieur de la page verso, ils facilitent la lecture en trois épisodes. et mettent en balance :
- à gauche Abraham, qui envoie Eliézer chercher une épouse pour son fils Isaac,
- à droite Isaac épousant Rebecca.
Dans le registre inférieur, les débordements moins marqués de Dieu le Père à gauche et du Christ à droite suivent la même logique filiale, tout en respectant à la lettre le texte de la moralisation [66].
Dans le registre supérieur de la page recto, le débordement est à la fois :
- narratif – Esaü revient de la chasse ;
- conforme à la moralisation : il insinue l’idée qu’Esaü menace sa mère Rebecca, ce qui n’est pas dans la Génèse, mais permet de le comparer aux méchants qui menacent leur mère l’Eglise.
Après ce bifolium, la mise en page va changer radicalement : comme si la multiplication des débordements, si justifiés soient-ils, avaient convaincu l’artiste ou le commanditaire que le format « médaillon » ne tenait plus. On passe alors à une mise en page unique parmi toutes les Bibles moralisées : la superposition de deux registres encadrés.
Isaac donnant se bénédiction à Jacob (Génèse 23), fol 19v | Le songe de Jacob à Béthel (Génèse 28), fol 20r |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Dès le premier bifolium avec ce nouveau format, des débordements apparaissent pour :
- le vieil Isaac alité, donnant sa bénédiction à Jacob (fol 19v) ;
- Jacob endormi sur la pierre (fol 20r).
Ces deux débordements, induits par la position couchée, sont ici de pure commodité graphique. L’artiste ne pense pas à faire déborder le Christ dans le registre inférieur, alors que, selon les moralisations :
- Isaac correspond au Christ bénissant les disciples au mont des Oliviers ;
- Jacob correspond aux « bons chrétiens qui dorment sur la poitrine Jésus Christ en bonnes oeuvres ».
Les Frères de Joseph ensanglantant la tunique (Génèse 37), fol 24r | Juda et Bat-Shua (Génèse 38), fol 24v |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Mais an bout de quelques pages s’impose à nouveau l’idée d’utiliser les débordements au service du parallélisme vertical entre les deux registres.
Dans la première page sont comparés, à gauche et à droite :
- le puits dans lequel Joseph a été jeté, avec le tombeau du Christ ;
- la douleur de Jacob devant la tunique ensanglantée de son fils Joseph, avec celle des Chrétiens devant les souffrances du Christ.
Dans la seconde sont comparées, à droite :
- la sage-femme passant un fil rouge à la main du jumeau premier-né, et l’épouse que la sainte Eglise unit à son mari.
Le débordement de gauche n’est pas reproduit en bas car la scène à cinq personnages – Juda épousant la fille de Sué et en ayant trois enfants – correspond à une scène à seulement deux personnages – le Christ épousant la Synagogue puis la répudiant.
Joseph et la femme de Putiphar, fol 26v | Joseph emprisonné, fol 27r |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
La page verso de ce bifolium est assez complexe : l’illustrateur a volontairement resserré le cadre pour laisser à l’extérieur la femme de Putiphar devant sa maison : ceci pour exprimer qu’elle appelle Joseph de loin, mais aussi qu’elle lui est inaccessible, en tant qu’épouse de son maître. Pourtant elle lui fait des avances en le tirant par le manteau, et Joseph doit s’enfuir en le lui abandonnant.
Le registre inférieur montre lui aussi trois scènes :
- un diablotin tirant par le manteau un serviteur qui déchausse son seigneur ;
- deux serpents, un qui s’attaque à Adam accroupi et l’autre qui s’en prend à un prudhomme ;
- le prudhomme qui s’enfuit sans son manteau.
Les débordements de la femme de Putiphar et du diablotin révèlent leur commune nature.
Dans la page recto, c’est maintenant Joseph qui rejeté hors de l’image, lorsque la femme de Putiphar l’accuse faussement de l’avoir violée. En dessous, de la même manière, la Synagogue « se plaint de Jésus Christ aux philosophes et le montre du doigt ». Sur la marge droite, le débordement met en relation la prison de Joseph et les Limbes, dont Jésus délivre les Elus. Une gueule d’enfer grande ouverte dévore le coin inférieur droit.
On notera que la moralisation au bas de la page 27r est la toute première écrite sur trois colonnes, ce qui améliore grandement la lisibilité de l’image.
Joseph explique les songes du panetier et de l’échanson (Génèse 40), fol 28v
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Sans entrer dans les détails de cette moralisation complexe, notons que les débordements frappent les éléments qui concernant le personnage négatif, le panetier :
- les trois oiseaux noirs et le diablotin ;
- le pendu (ainsi finira le panetier) ;
- le diable qui entraîne en enfer la Convoitise, l’Orgueil et la Luxure.
Joseph récompensé par Pharaon (Génèse 41), fol 30v
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Il faudra encore attendre quelques pages pour que la tripartition du texte se transmette à l’image, avec une nouvelle transformation radicale de la mise en page : les scènes sont désormais cloisonnées en trois compartiments bien séparés, ce qui retire tout intérêt aux débordements explicatifs. On ne trouve plus ici qu’un timide débordement dynamique, pour les chevaux, du char d’or offert à Joseph à Pharaon.
Myriam, Moïse et Aaron (Nombres 12), fol 90v
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Dans les nombreuses pages qu’elle régit, cette troisième mise en page exclut tout débordement, sauf dans un cas de force majeure : pour exprimer que Myriam, devenue lépreuse, est exclue de la tente de réunion.
Nativité, fol 133v | Fuite en Egypte, fol 140v |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Pour les pages du Nouveau Testament, ce manuscrit véritablement protéiforme effectue une quatrième mutation, avec des miniatures pleine page réalisées par un artiste différent, très imprégné par l’influence giottesque. De la même manière que chez les miniaturistes bolonais à la même époque, cette influence se traduit par des débordements rocheux, mais qui restent latéraux : on ne va pas jusqu’à l’idée d’une plateforme en avancée, se substituant au bord inférieur. Le bord latéral, en revanche, peut se trouver complètement substitué.
Le Christ chassant les marchands du Temple, fol 158v | le Christ aux Limbes, fol 185r |
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1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Des édicules en perspective trahissent également l’influence giottesque. Les personnages ou les objets débordent au premier plan pour accentuer l’effet de profondeur, débarrassés de toute intention symbolique ou didactique : les épisodes du Nouveau Testament n’appellent pas de moralisation.
fol 146r | fol 147v | fol 148r |
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Les trois tentations du Christ
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Certains débordements forment néanmoins système, dans une narration parallèle redoutablement astucieuse :
- dans la Première tentation, ils introduisent le motif des trois arbres ;
- dans la Deuxième tentation s’impose le motif du clocher ;
- dans la Troisième tentation, trois anges cernent le diable par en haut, en coopération avec les trois arbres et les trois clochers.
Mise en Croix, fol 176r
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
Une autre narration parallèle se développe autour des pages concernant la Crucifixion : l’artiste commence par nous montrer la croix passant devant le cadre, dans un débordement spatial.
Crucifixion, fol 177v
1340-50, Bible moralisée de Naples, BNF Français 9561
S’insère ensuite une page qui se singularise en de nombreux points :
- elle est isolée, alors que toutes les autres sont en bifolium ;
- elle ne comporte pas de texte ;
- elle ne comporte pas de bord inférieur ;
- Marie est représentée en habit de deuil, qui tranche avec le manteau bleu qu’elle porte dans toutes les autres images ;
- les branches de la croix sont fixées par quatre chevilles.
On notera en bas à droite le détail du centurion levant le doigt pour attester de la divinité du Christ, et pour cela gratifié d’une auréole.
Mais le plus étonnant est que le bord supérieur du cadre masque le montant vertical de la croix , du moins à première vue. A force de regarder l’image, on comprend que c’est en fait le panonceau, entièrement couvert de sang pourpre, qui vient s’encocher dans le fond du cadre.
Sans doute faut-il comprendre que la croix, fichée en bas dans le rocher, est comme soutenue d’en haut par cet élément sacralisant qu’est le cadre, comme si la moitié céleste de l’image empêchait la moitié terrestre de se répandre vers le bas.
Cette page longuement méditée fonctionne comme une image dévotionnelle, qui s’exclut elle-même de la narration.
Marie supplie le centurion, fol 178v | Joseph d’Arimathie décloue le Christ, fol 180v |
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Sur un travelling arrière qui préserve pour un instant encore l’énigme du panonceau sanglant, on retourne à la narration, avec un épisode apocryphe très rarement représenté :
« comment la Vierge Marie pria le centurion qu’il ne fit pas briser les jambes à Notre Seigneur Jésus Chrsit son fils ainsi comme il les avait fait briser aux deux larrons ».
L’image suivant révèle enfin le pot au rose aux lecteurs inattentifs, avec le panonceau pourpre bien en vue, juste sous la cadre redevenu hermétique.
Des débordements narratifs isolés
L’ascension d’Alexandre
1300-10, Roman d’Alexandre, France du Nord, Berlin Kupferstichkabinett Ms. 78.C.1 fol. 66 | 1400-10, Weltchronik (Allemagne) Getty Ms. 33 (88.MP.70) fol 221 |
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L’ascension d’Alexandre
Depuis la cage dans lequel il est assis, Alexandre brandit vers le haut une brochette de viande pour que les aigles, en essayant de la manger, emportent l’ensemble dans le ciel.
Le Martyre de Saint Lambert
1285-90, Psautier de Lambert le Bègue, Université de Liège, MS 431 fol 12r | 1300-10, Livre d’Heures, Liège, Walters Art Gallery W. 37, fol 115v |
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Martyre de St Lambert
Le ou les guerriers à la lance montés sur le toit suivent scrupuleusement la version la plus ancienne du martyre :
« Les assaillants font irruption dans la pièce où Lambert est en prière ; l’un d’eux grimpe sur le toit, dont il ôte le revêtement, aperçoit l’évêque dans sa chambre ; Pierre et Audolet s’offrent d’opposer une résistance à l’agression, mais l’évêque est frappé d’un coup de lance qui lui est fatal. » Vita vetustissima [67]
La chasse à la licorne
La chasse à la licorne
Vers 1300, Rothschild Canticles (Flandres ou Rhénanie) Yale, Beinecke Library, MS 404 fol 106r
Le seau suspendu dans la marge inférieure attire l’attention sur le sang de la licorne, perforée par la lance. Autant les représentations de la Chasse à la licorne sont fréquentes, autant cette scène sanglante est exceptionnelle. Comme l’a montré Jeffrey Hamburger ( [68], p 99), elle illustre une variante très particulière racontée dans un manuscrit allemand, « Der Römer tat » (lequel transpose à la licorne le récit de la chasse à l’éléphant de la Gesta romanorum) :
« Il y avait un souverain qui possédait une forêt dans laquelle vivait une licorne. La licorne aimait une jeune fille nue et pure… Or le seigneur rechercha dans tout son royaume deux jeunes filles belles et pures… Elles s’en allèrent dans le désert de la forêt et étaient complètement nues. L’une des jeunes filles avait une cruche et l’autre une épée. Et elles chantaient très doucement dans la forêt. Une licorne les entendit et courut vers elles et se mit à téter à leur mamelle. Les jeunes filles l’allaitèrent si longtemps que la licorne s’endormit sur leurs genoux, sur les genoux de celle qui portait la cruche. Mais lorsque la jeune fille qui portait l’épée vit que la licorne s’était endormie sur les genoux de sa compagne de jeu, elle lui coupa la tête et le tua. L’autre recueillit son sang dans la cruche, et avec ce sang le roi teinta une robe précieuse. »
Le rêve du Pèlerin
La Voie du Paradis
Vers 1400, Guillaume de Deguileville, Pèlerinage de la vie humaine, France du Nord, Arras, BM Ms. 845, fol. 75v
Cette page sert de frontispice au « Pèlerinage de la vie humaine », d’où la présence dans la marge du moine Guillaume tel qu’il se voit en rêve, habillé en pèlerin et regardant dans un grand télé-miroir la Cité de Jérusalem [69].
Le texte inscrit en dessous est un court poème, la « Voie du Paradis » : d’où la représentation de celui-ci comme une haute forteresse, que cinq bénédictins escaladent par une échelle et cinq franciscains par une grande cordelière, chacun accueilli en haut par son saint. En bas à droite, un Juste en longue robe blanche doit passer le contrôle de saint Pierre tandis qu’à gauche un mondain en tunique rouge est pourfendu par un séraphin, qui lui montre un extrait de la règle de Saint Augustin :
Qu’ils aient un cœur ascendant et ne recherchent pas les vanités terrestres |
Sursum cor habeant et terrena vana non quaerant |
L’originalité de ce frontispice est son caractère composite, qui joue sur l’ambiguïté de la ville forte pour illustrer les deux textes à la fois :
- dans l’image, le Paradis du poème ;
- dans la marge, la Jérusalem du rêve de Guillaume.
L’épée qui se teinte de rouge en traversant la tunique et le cadre joint graphiquement les deux villes [70].
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Federica Toniolo « Il Maestro degli Antifonari di Padova: prassi e modelli » dans « Medioevo : le officine, 2010 https://www.academia.edu/36074247/Il_Maestro_degli_Antifonari_di_Padova_prassi_e_modelli_2010
Qui m’avint en religïon
À l’abbaïe de Chaalit,
Si com j’estoië en men lit.
Que je pelerins estoie
Qui d’aler estoie excité
En Jerusalem la cité.
En Ie mirour, ce me sembloit,
Qui sanz mesure grans estoit
Celle cité aperceue
Avoie de loing et veue.
Vera Beyer « When Writers Dream …Directing the Gaze Beyond the Material Aspects of French and Persian Manuscripts » dans Clothing sacred scriptures: book art and book religion in Christian, Islamic and Jewish cultures, 2019, p 217
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