Décès de Jacques Bousquet (1923-2019)
Sans beaucoup s’éloigner de son pays natal, mon père a eu trois vies. Sa vocation lui est venue en découvrant, vers l’âge de quinze ans, près de la ferme où il passait ses vacances, quelques parchemins dans une ruine : il décida qu’il apprendrait à déchiffrer ces vieilles écritures, et qu’il redonnerait vie à ces gens du passé qui avaient laissé ces quelques traces. De la lutte contre l’oubli, il ferait son métier.
On lui expliqua que, pour cela, il fallait monter à Paris pour de longues études. Il fit donc l’Ecole des Chartes, l’Ecole du Louvre et, comme il était sorti premier de sa promotion, il passa encore deux ans en Italie, à l’Ecole de Rome : c’est là qu’il fit ses premières découvertes dans des archives pontificales que personne n’avait explorées : les traces de caravagesques français qui avaient eux aussi fait, trois siècles plus tôt, le voyage de Rome. Ces découvertes lui ouvraient une voie royale vers des carrières prestigieuses : mais chacun savait que Bousquet voulait un seul poste : celui d’archiviste de l’Aveyron.
Ce fut sa première vie : pendant vingt ans, il parcourut en deux chevaux toutes les mairies du département pour se faire donner pour les Archives les vieux documents, les vieux objets folkloriques. Conservateur du musée Denys-Puech, il voulut en faire le musée des artistes aveyronnais, et le remplit à ras bord des oeuvres qu’il récupéra de toutes parts. Toujours la lutte contre l’oubli.
Sa deuxième vie fut celle d’historien du Rouergue. Il découvrit les fresques romanes de l’église de Toulongergues, près de Villeneuve d’Aveyron. Membre de la Société des Lettres, il rédigea de nombreux articles sur des sujets variés, nouant des amitiés avec les érudits et les artistes de la région, se passionnant pour des personnages connus ou moins connus de l’histoire locale : j’ai appris de lui qu’aucune existence n’est négligeable, qu’aucun sujet n’est secondaire, pourvu qu’on s’y intéresse avec curiosité et respect. Se spécialisant dans le Moyen Age, il passa dix ans à rédiger deux grosses thèses, l’une sur l’Histoire du Rouergue au XIème et XIIème siècle, l’autre sur la sculpture de Conques.
Ce qui lui ouvrit sa troisième vie, celle de professeur d’Histoire de l’Art à l’Université Paul Valéry de Montpellier. Sans doute sa vie la plus riche : il ne s’agissait plus d’exhumer la mémoire des morts pour la confier à des livres : mais pour la transmettre à des vivants. Enfant fragile, frappé par la poliomyélite à l’âge de trois ans, il a néanmoins vécu trois vies, et presque bouclé le siècle : à croire que l’esprit de conservation, cela conserve…
Partageant sa retraite entre Montpellier et Rodez, il a poursuivi ses recherches presque jusqu’au bout, avec son épouse Paulette, qu’il a accompagnée dans cette église il y a treize ans. Il va maintenant la rejoindre.
Biographie
- 16 août 1923 : naissance à Rodez (Aveyron)
- 1941-43 : hypokhâgne à Toulouse, licence d’Histoire
- 1944 : préparation Ecole des Chartes à Henri IV
- 1945-48 : Ecole des Chartes
- 1949-50 : Ecole de Rome
- 1948-1967 : Directeur des services d’archives de l’Aveyron
- 1950-1985 : Conservateur du Musée Denys-Puech à Rodez
- 1967-1971 : Maître de Conférences d’Histoire de l’art à l’Université Paul Valéry de Montpellier
- 1971-1986 : Professeur
- 25 février 2019 : décès à Rodez dans sa quatre-vingt seizième année.
Bibliographie
Mes respets pour les 3 vies de Monsieur Jacques Bousquet..Je vous souhaite beaucoup de courage en ce moment douloureux et vous présente mes sincères condoléances.
Gladysz nicolas
Il est bien tard, pour vous adresser un message, mais je découvre seulement ces jours-ci le décès de votre Père. Je souhaite vous faire part de l’admiration que j’avais pour votre Père que j’ai bien connu. Car ayant acheté le petit manoir aux abords de l’Eglise de Toulongergues commune de VILLENEUVE, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le rencontrer.
Il restera dans ma mémoire comme l’exemple de l’érudit et du savant,toujours disponible même pour les personnes comme moi sans grande culture. Que la lumière brille sans fin sur lui et que sa mémoire perdure en Rouergue, lui qui a tant donné pour le département.
Merci pour ce témoignage. J’ai moi aussi de bons souvenirs d enfance dans l église de Toulongergu es : ce n’est pas tous les jours qu’on voit apparaître une fresque préromane sous la paille…
C’est avec grand retard que j’apprends le décès de votre père
Une nouvelle qui m’attriste profondément car étant l’un de ses anciens et nombreux étudiants, j’ai toujours ressenti pour lui autant de respect et de grande admiration que, si vous me le permettez, de réelle affection.
Votre père représentait et représentera toujours pour moi ce qu’est et doit être un véritable humaniste.
A son immense et profonde érudition, il a toujours veillé et ceci sans aucune affectation, à exprimer à l’égard de ses étudiants une bienveillance et une empathie quI ne sont pas toujours si fréquentes chez des savants d’un tel niveau.
Je n’oublierai jamais votre père et je sais que, bien au delà ma petite personne, pour tous ceux qui sont attachés à l’histoire de l’art et à l’archéologie médiévale, son souvenir sera à jamais vivant.
Jacques Fontaine