Les pendants de Pater (2/2) : les Baigneuses
Le thème des Baigneuses est un des grands succès de Pater. Parmi les nombreuses variantes, certaines ont été vendues en pendant : mais la spécificité du thème (uniquement des femmes, postures limitées par la pudeur et l’absence d’accessoires) rendait quasi impossible la mise en correspondance avec l’autre tableau.
Les pendants en question sont donc presque tous la juxtaposition de scènes déjà conçues par ailleurs.
Baigneuses (IG 329, fig 89) | Les Amusements champêtres (IG 239, fig 78) |
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Neues Palais, Potsdam
On reconnaît dans le second tableau une autre variante de La Danse (avec la dame jouant de la flûte).
Le premier tableau utilise comme repoussoirs des femmes habillées (plus trois hommes qui se font éconduire) ; autour du bassin se répartissent des dames à différents degrés de déshabillage, le dernier degré étant atteint par celles qui se baignent. A noter les deux chiens, seuls mâles autorisés à accompagner dans l’eau leur maîtresse.
Les baigneuses (IG 318, fig 42) | Le goûter (IG 51, fig 40) |
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Nelson Atkins Museum of Arts
Le second tableau présente toujours une composition inspirée de La danse, avec deux promeneurs remplaçant les danseurs.
Pour une fois, Pater a renoncé à la composition en V, en construisant le premier selon une diagonale ascendante qui accentue l’idée commune du pendant : la montée vers la collation. Ainsi l’escalier et la statue de naïade du second tableau suggèrent une sorte de continuité topographique entre les deux tableaux, comme si la piscine de l’un se situait en contrebas de l’autre.
Réunion d’acteurs de la Comédie italienne dans un parc, Louvre (IG 4, fig 6) | Le bain, gravure de Duflos (IG 313, fig 219) |
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J’ai tendance à penser que la gravure n’était pas inversée par rapport au tableau disparu, de sorte que ce pendant créait une effet de parallélisme amusant entre :
- les deux tables (pour poser la collation et pour poser les habits),
- le couple à la guitare et le couple à l’éventail,
- le couple fille/vieillard à la vielle et le couple de baigneuses dans l’eau (accompagnés par un chien).
La légende de la gravure oppose le maquillage des coquettes à la fraîcheur des jeunes filles au bain :
« En tous lieux la fine Coquette / Scait avec art accomoder son teint, / Ele paroit aimable à la Toillette, Mais jamais au sortir du bain. / Peut-on aimer des objets qui se fardent, / Ils feroient pour me plaire un effort impuissant, / Pour vous jeune beautés en vous rafraîchissant,/ Vous enflammés les coeurs de ceux qui vous regardent. »
Ainsi le thème commun aux comédiens et aux baigneuses est sans doute le travestissement, assumé ou dénoncé.
Baigneuses (IG 323 fig 95) | Baigneuses (IG 325 fig 96) |
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Collection privée [5]
Ce pendant en V a été conçu comme un tout, du moins pour les décors :
- la statue du Dieu Fleuve fait écho à la statue féminine,
- la vasque, à la table circulaire,
- la planche servant de pont au premier plan (près de laquelle se cachent deux jeunes gens), à la table des buveurs.
Les vêtements de théâtre des hommes, suggérant une scène de fantaisie, rendent plus légitime leur présence au milieu de ces nudités.
Fête champêtre durant les vendanges | Baigneuses près d’une fontaine |
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1730-1733, Dallas Museum of Art
Ce pendant en V a également été conçu comme un tout. Il oppose les vendanges et la baignade, un monde bachique et un monde vénusien :
- à gauche les sexes se mêlent pour cueillir, s’offrir ou se jeter des pommes, entre une fontaine avec nymphe et un hermès bienveillant ;
- à droite un monde purement féminin, entre la statue des amours à la chèvre et deux cariatides dénudées, vaque tranquillement à ses ablutions, seulement épié par trois enfants tapis derrière la haie.
Les Plaisirs de l’été
Ce titre désigne quelques baigneuses en intérieur, qui clôtureront notre parcours.
Les Plaisirs de l’été (IG 314 fig 83) | Les baigneuses (IG 309 fig 85), détruit en 1945. Cliquer pour voir la variante de l’Ermitage. |
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Château de Sanssouci, Potsdam
Le pendant le plus ancien est sans doute celui réalisé pour Frédéric II.
La scène en extérieur comporte les détails habituels : statue de Vénus, marmots derrière la haie, chien dans l’eau.
La scène en intérieur ne manifeste aucune tentative pour créer une symétrie ; le seul point commun est le moment choisi : le séchage en sortie de bain.
Le désir de plaire, Louvre (IG 522 fig 1) | Le plaisir de l’été (The bath), Wallace Collection (IG 307 fig 84) |
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Dans le tableau de droite, Pater reprend la même scène d’intérieur en transformant le rideau de lit en rideau de porte, ce qui permet de caser la figure d’un galant se profilant dans l’ouverture.
Le tableau est cette fois apparié, de manière plus convaincante, avec une autre scène d’intérieur, la toilette dans le chambre. Par symétrie, un autre galant se cache derrière le rideau.
Gravures de Surugue
Lorsqu’aucun personnage n’effectuait un geste exigeant la main droite, le graveur s’épargnait en général la peine d’inverser son cuivre par rapport au tableau : c’est la cas ici. La gravure de gauche révèle un détail complémentaire : le galant donne la pièce à une servante pour avoir le droit de jeter un oeil.
Les textes soulignent la différence de tonalité entre la scène habillée et la scène déshabillée : compliment convenu côté Désir, allusion grivoise côté Plaisir ;
Le désir de plaire
Ce galant attirail qu’un goût coquet éclaire / |
Le plaisir de l’été En sortant de ce bain dont la fraîcheur charmante / |
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