Pendants solo : masculin – féminin
Assez rapidement, la confrontation des deux sexes a été utilisée pour signifier autre chose qu’un rapport strictement conjugal.
Vieille femme grotesque Quentin Matsys, vers 1513, National Gallery, Londres |
Portrait d’un vieillard Quentin Matsys, vers 1513, Collection privée |
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Ici, la femme se trouve sur le tableau de gauche à la fois pour suggérer une supériorité grotesque, et pour respecter le sens de la narration : elle tend un bouton de rose au vieil homme, qui le refuse de la main pour des raisons compréhensibles (la métaphore traditionnelle entre la rose et les tétons ajoute encore au comique).
L’Amour Sacré | L’Amour Profane |
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Tapisseries commandées par Guy de Baudreuil, abbé de Saint-Quentin-aux-Bois
Vers 1525, Musée des Arts décoratifs, Paris
Très verbeuses, ces deux extraordinaires allégories emplies de détails amusants et de rébus méritent d’être étudiées en détail [6a]. Je développe ici les éléments liés au fonctionnement en pendant.
Le texte sommital
(au dessus du coeur couronné) « Le <dessin d’un coeur> à Dieu « La lumière est semée pour le juste, et la joie pour ceux qui ont le coeur droit ». Psaume 97, 11 |
(au dessus du brasier sculpté) : « <L’Amour> se nourrit de l’oisiveté, parmi les joies venues des biens de la fortune ». Sénèque (Ocio nutritur inter leta fortuna bona). |
Le texte central
Enroulé autour de l’arbre, au centre du pendant, il constitue la clé de lecture de l’ensemble, et mérite d’être ciré intégralement :
Par le fruict de la Passion,
[Miracle d’intercession,]
Par foy, trauaux et plusieurs penes
Auons esperances certaines
D’eternelle fruition
Comme l’a montré J.Porcher, ce texte signale les quatre rébus du pendant.
1 La Foy
Elle est illustrée en haut à gauche par la poignée de main entre :
- l’Homme et une main masculine sortant du nuage où Jésus ouvre ses bras ;
- la Femme et une main féminine sortant du nuage où Cupidon les yeux bandés décoche une flèche.
Elle s’accompagne des textes suivants :
« je me rassasierai de ton image » Psaume 17, 15 (Saniabor, cum apparuerit gloria tua) |
Aucune confiance en Vénus. Jupiter se rit des parjures des amants et laisse emporter aux vents leurs vaines paroles. (Tibulle, III, 6). (Nulla fides Veneri, perjuria ridet amantum Jupiter, et ventos ferre jubet ) |
2 Les Travaux
Ils sont illustrés visuellement par le petit « travail », dispositif en bois pour ferrer les chevaux, placé sous le pied droit du personnage.
« J’ai les yeux constamment tournés vers Yahweh, car c’est lui qui tirera mes pieds du lacet. » Psaume 25,15 |
« La liberté n’est pas compatible avec l’amour. Un amant n’est jamais qu’un esclave. » Properce, Elégie XXIII :De la servitude de l’Amour |
3 Les Peines
Elles sont illustrées visuellement par les plumes (les pennes), placées sous le pied gauche du personnage.
« Tu me feras connaitre le sentier de la vie » Psaumes 16,11 |
« Ni modéré par les conseils, ni réfréné par la pudeur, ni soumis à la raison, ainsi volette l’amour ». Saint Ambroise |
- Grâce à l’Amour divin, l’Homme peut libérer son pied droit, par le Travail, et poser l’autre sur un chemin de Peines.
- Tandis que l’Amour Profane ne connait si l’un ni les autres : il ne peut se libérer et il volette (ce pourquoi les deux pieds de la Femme sont invisibles).
4 Les Espérances
Il s’agit du rébus « J’ai sphère ».
« En toi, Seigneur, j’ai mis mon espérance : je ne serai pas confondu à jamais » Psaumes 31,3 |
« Ainsi fait l’amour impatient que ce qu’il désire, il l’invente ». Saint Ambroise, III, De Assumptione. |
La logique du pendant
On aurait tort de réduire ce panneau à une critique misogyne : si l’Amour Divin siège à la place d’honneur, l’Amour profane n’est pas moins noble, dans son humaine imperfection : chacun porte sa propre Sphère, sa propre Espérance, matérialisée par les scènes annexes :
Grâce au Sacrifice du Christ (le Pélican et le Passereau), l’Amour Divin a espoir en la Résurrection (Le Phenix).
L’Amour profane espère en une heureuse union, même si la sagesse antique en montre bien les limites :
Je vois le bien, je l’aime et je le fais mal (Ovide,Métamorphoses VII)
Video meliora proboque, deteriora sequor
Les deux figures forment un couple non pas opposé, mais complémentaire : tout comme la culture humaniste complète la culture biblique.
Saint Jérôme en prière dans une grotte | Marie-Madeleine pénitente |
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Van Slingelandt 1657, Louvre, Paris
L’appariement des deux ermites est un standard des pendants hollandais : Gérald Dou notamment en a produit plusieurs, mais aucun n’a été conservé complet.. Ici l‘arbre mort et la lanterne (accrochée ou posée à son pied), assurent la jonction et confirment qu’il convient d’accrocher les deux saints dans l’ordre héraldique.
Saint Jérôme au désert | Madeleine pénitente dans le désert |
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Alonso Cano, vers 1653, , Prado (104 x 205 cm)
Le même duo se retrouve en Espagne, dans un clair-obscur dramatique et austère.
Madeleine pénitente dans le désert | Saint Jérôme au désert |
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Alonso Cano, date inconnue, collection privée (71 x 93 cm)
Dans cette version probablement plus tardive, Cano a interverti les deux saints, homogénéisé leurs attributs et rajouté les angelots en tant que .
Pendants aviaires néerlandais
Paysan ayant cassé des oeufs | Paysanne le lui reprochant |
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Abraham Bloemaert, 1632, Copyright Centraal Museum, Utrecht
Il y a sans doute sous-entendu sexuel dans cette scène d’une paysanne bardée de pots qui réprimande son époux maladroit (les oeufs cassés symbolisant la perte ou le gaspillage de sa virilité).
Paysan avec une poule | Femme avec un chapeau de paille |
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Monogrammiste HSD, Rijksprentenkabinet, Amsterdam
En vuilt mijn hinneken niet te seer genaeken Het soude lichtelyck aen de sprou geraeken |
Noch vint men daeghelycx sulcken gasten Die de hinnekens nae haer eyeren tasten |
Ne t’approche pas trop de ma poule, elle pourrait attraper le coryza |
Chaque jour, on trouve des gens qui touchent les poules à leurs oeufs |
A gauche la poule se réfère au sexe masculin, à droite le femme au chapeau de paille et aux seins opulents regrette que le vieux lubrique préfère se toucher les oeufs [7].
Les portraits avec coq ou poule ont été assez courants aux Pays-Bas vers le milieu du XVIIème siècke, en relation avec la symbolique sexuelle de la volaille ( (du verbe vogelen, copuler , formé sur le mot vogel : oiseau, voir La cage hollandaise).
Jeune femme avec un coq | Vieil homme avec une poule |
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Johannes Baeck 1654 Centraal Museum, Utrecht
Ce pendant adapte en version volaille le thème du couple mal assorti (suggéré par l’inversion héraldique : c’est ici l’épouse qui a pris le dessus) :
- la jeune épouse a attrapé un coq par la patte (un amant) et fait le signe du cocu ;
- son mari âgé tient dans sa main droite l’oeuf que la poule a pondu.
Le geste de sa femme le désigne comme un porteur de cornes (hoorndrager) tandis que son plumet ridicule et l’oeuf qu’il tâte signalent son impuissance et sa mollesse.
Hennetaster, estampe de Harmen Jansz Muller, vers 1595, British Museum | Hennetaster, estampe de Cornelis Bloemaert, Rikjsmuseum |
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Toujours péjorative, la figure du « hennetaster » (le « tâteur de poule ») est au mieux celle d’un mari qui laisse sa femme porter la culotte (estampe de gauche), au pire celle d’un impuissant, comme le confirme le texte de la seconde estampe :
Vois comme le vieillard se sent avec la poule ; même une reine à sec (ie : organe déficient) voudrait aussi faire quelque chose ». [7a] | Siet hoe den ouden voelt het hoen ; Eeen droge queen wil oock wat doen |
Hennetaster
Hendrick Bloemaert, colllection privée
Le tableau qui a inspiré la gravure est encore plus explicite : couteau minuscule à côté de l’énorme bourse, perchoir brisé dépassant de l’énorme cage.
Hennetaster, estampe de Harmen Jansz Muller, vers 1595, British Museum | Hennetaster, estampe de Cornelis Bloemaert, Rikjsmuseum |
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Dans la même veine des inversions sexuelles et des fines allusions, un homme montre son pot à une voisine qui tient une bougie ; derrière lui sa propre épouse nous indique qu’elle le fait cocu, probablement avec le voisin qui, en retrait, bourre d’un air entendu sa pipe avec son doigt.
Voyageur au repos, The Leiden Collection | L’oeuf cassé, Ermitage |
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Frans van Mieris (I), 1655-57 (21.6 x 17.8 cm)
Il est très probable que ces deux petites peintures sur cuivre soient des pendants [7b] :
- scène d‘intérieur dans une galerie, scène d’extérieur devant une porte ;
- symétrie entre la besace et le panier ;
- signature unique, au centre des deux tableaux.
L’oeuf cassé
Gravure de Pierre Etienne Moitte, 1754 (détail)
La gravure révèle deux détails peu lisibles sur le tableau :
- l’escargot posé sur un caillou ;
- la porte demi-barrée par une planche.
L’escargot joue ici un triple rôle :
- par sa coquille intacte, il nargue l’oeuf cassé ;
- par sa lenteur, il souligne la supposée précipitation de la porteuse et et donne une explication rationnelle au gâchis ;
- par son caractère rampant et gluant, il introduit une notion de péché et de corruption (ce pourquoi on le trouve souvent dans les natures mortes florales, tout comme les mouches, lézards ou serpents).
L’oeuf cassé, la porte mal barrée et les mains douloureusement posées sur le ventre sont autant de sous-entendus que la légende de la gravure explicite plaisamment.
Le voyageur au repos
Cette charge érotique rend, en contrepartie, la posture du voyageur moins innocente : sa main gauche autour du goulot, au dessus du genou vêtu, contraste avec sa main droite flasque, posée sur son genou nu, dans un relâchement post-coïtal.
La logique du pendant (SCOOP !)
- D’un côté un voyageur, armé de son bâton et de sa besace velue, a pénétré jusqu’au fond d’un galerie, et se remet de ses efforts ;
- De l’autre une fille fille au corsage défait s’adosse à une barrière inutile en pressant sur son ventre un torchon dérisoire (voire prémonitoire) ;
- entre les deux, une blancheur fracturée laisse échapper un liquide glaireux
Sous l’alibi de la miniature et du lisse, toute la crudité sournoise de la peinture fine hollandaise.
Soldat se baignant | Femme se peignant |
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Dou, 1660-65, Ermitage, Saint Petersbourg
Avec leur arbre mort de part et d’autre et leur fond identique d’arcades en briques donnant sur une ville, ces deux tableaux se complètent parfaitement.
Femme se baignant
Dou, 1660-65, Ermitage, Saint Petersbourg
Cependant le musée conserve un troisième tableau de la même taille, qui complète parfaitement le second, sans pour autant constituer un trio (l’arbre mort sur la gauche empêche de le placer entre les deux autres.
Tout se passe comme si Dou avait réalisé un diptyque modulaire permettant s’associer baigneur et baigneuses en pendants parallèles ou symétriques, selon l’humeur du moment.
Portrait d’une petite fille avec un couple de daims | Portrait d’une petite garçon avec un oiseau et un chien |
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Nicolas Maes, 1671, collection privée
Dans un décor bucolique, ces enfants évoqueraient la princesse Granida et le berger Daifilo, d’après la tragi-comédie de Pieter Cornelisz Hooft, Granida [7c]. Mais les attributs n’ont rien de spécifique à cette pièce, et se retrouvent dans d’autres portraits d’enfants de Maes. Je pense plutôt que les perles, la conque et le couple d’animaux amoureux sont une manière amusante de transposer les attributs de Vénus, tandis que le petit garçon avec son carquois (mais pas d’arc) et son oiseau favori qu’il promène au bout d’une laisse, est un Cupidon en herbe.
Un bretteur (Allégorie de la Colère), 1683 | Une prostituée (Allégorie de l’Orgueil), 1684 |
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Willem van Mieris, Kunsthistorisches Museum, Vienne
On n’a aucun élément indiquant que ces deux tableaux aient été réalisés pour une série des Sept Péchés capitaux. Ils fonctionnent en tout cas parfaitement à deux, en pendant masculin/féminin :
- deux marginaux, un soldat et une prostituée, dans une ambiance italienne ;
- deux lieux opposés : à l’intérieur sous les ruines et à l’extérieur devant le palais,
- deux moments opposés : le matin et le soir ;
- les instruments symboliques de chaque sexe : l’épée qu’on tire et la bourse qu’on remplit ;
- deux passions également sexuées : l’une d’impulsion et l’autre de calcul.
A l’époque de Van Mieris, la représentation des péchés a vieilli, l’intérêt s’est déporté sur celle des émotions.
Miniature de Therèse Cunégonde Sobieska en Vierge Marie et de son fils Jean-Theodore en Saint Jean l’Evangéliste, 1719, Residenz, Munich
C’est sans doute son caractère privé qui explique le catholicisme quelque peu échevelé de ce double portrait :
- tenant une image rayonnante de l’Immaculée Conception, l’Electrice consort de Bavière se met à rayonner elle-même ;
- son fils, transformé en son saint éponyme, écrit lui-même l’Evangile, un aigle d’ombre (Dieu ?) tenant dans son dos l’encrier.
Le vendeur de poissons | La vendeuse de gibier |
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Cipper dit il Todeschini, 1696 – 1736, collection privée
Un pécheur brandit un anguille tandis que son jeune compagnon joue de la flûte ; une paysanne brandit un canard mort tandis que son jeune enfant lui montre une figue.
L’opposition anodine entre les produits de la chasse (la Terre) et les produits de la pêche (la Mer) est sous-tendue par une symbolique sournoise, chaque sexe manipulant les attributs de l’autre :
- les volailles mortes (de préférence à long bec ou à long cous) sont depuis les Hollandais des symboles virils bien connus (voir La cage hollandaise) ;
- les coquillages (conque pubienne, huître offerte) et les poissons (voraces et fuyants) sont des caractères habituels de Vénus.
Etude de garçon a la veste bleue | Etude de fille en rouge |
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Pastels de Benedetto Luti, 1717, MET
Beaucoup de virtuosité et de malice dans ce jeu de regards entre enfants : le garçon jette un coup d’oeil en biais sur la fille, profitant que celle-ci lève les yeux de son miroir pour regarder qui arrive.
Jeune fille avec une ciambella (biscuit en anneau) | Jeune homme avec une poire |
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Piazzetta, vers 1740, Wadsworth Atheneum, Hartford
Le pendant illustre deux expressions italiennes :
- côté garçon : « cascare come pera cotta » ( ‘tomber amoureux comme uen poire cuite) ;
- côté fille : « non tutte le ciambelle riesco no col buco » (toues les ciabelle ne sortent pas du four avec un trou).
La sultane grecque | Un Prêtre de la loi |
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Jean Barbault, 1748, Louvre
« En fait la « sultane » est un homme, un peintre pensionnaire de l’Académie de France à Rome, et le tableau un souvenir de la mascarade de 1748. Les jeunes artistes du palais Mancini avaient l’habitude d’organiser à l’occasion du carnaval un cortège pantomime très apprécié des Romains : celui-ci, sur le thème de la Caravane du Grand Seigneur à la Mecque, eut un tel succès que le Pape Benoît XIV tint lui-même à y assister incognito. En fait, tout n’était qu’illusion : les Sultanes ? Des jeunes gens. Les somptueuses soieries ? Des toiles peintes. Les zibelines qui bordent manteaux et houppelandes? Du lapin… Mais par la magie d’un pinceau sensuel et inspiré qui transcende tout, on y croit. » [8]
Il n’est pas sûr que ces deux panneaux aient fonctionné en pendants. C’étaient plutôt les éléments d’une série, dont voici un troisième membre :
Jean Barbault, Un garde du-Seigneur,1748, Musée de Narbonne
Le Plaisir, MET, New York | La Vérité, Museum of Fine Arts, Houston | L’Innocence (copie) |
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Pastels de Anton Raphael Mengs, 1754
Les trois allégories sont conformes à l‘Iconologie de Ripa, tout en supprimant les attributs trop rhétoriques, démodés :
:
- Plaisir : « un beau jeune garçon, âgé d’environ dix-sept ans. Il porte en la tête une Guirlande de roses, et un habillement vert <avec quantité d’hameçons attachés à un filet, et un Arc en Ciel, qui aboutit d’une épaule à l’autre> ». Iconologie, édition française, 1743, article CXXVII
- Vérité : ‘« une jeune fille nue, qui tient de sa main droite près de son coeur une pêche avec une seule feuille, <et dans la gauche une horloge>. La pêche est l’antique hiéroglyphe du Coeur, et sa feuille de la Langue… elle enseigne que le Coeur et la Langue doivent être conjoints. « Iconologie, édition italienne, 1593
- Innocence : « Jeune Vierge vêtue de blanc avec sur la tête une guirlande de feurs, et un agneau dans les bras… L’Agneau symbolise l’Innocence car il n’a ni force, ni volonté de nuire, ni d’offenser, ni de s’embraser dans un désir de vengeance, mais il supporte patiemment, sans répugnance, qu’on lui prenne et la laine et la vie » édition italienne, 1593
Ainsi ce trio très inventif, nous dit que la rencontre explosive du Plaisir et de l’Innocence doit être modérée, au centre, par l‘exigence de la Vérité.
L’Action | Le Repos |
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Jean-François Colson, 1759, Musée des Beaux Arts, Dijon
Au delà des deux allégories de l’Action et du Repos, le pendant oppose deux jeux d’enfants aux sous-entendus transparents :
- côté garçon, il s’agit de mettre le feu aux poudres et de faire tirer le canon, tandis que le chien énamouré se détourne de la braguette à la baguette ;
- côté fille, il s’agit de feindre le sommeil pour laisser le chat cruel gober l’oiseau retenu par un ruban (pour plus de détails, voir Le chat et l’oiseau).
Les bulles de savon | La camera obscura |
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Van Loo (Charles Amedee Philippe), 1764, National Gallery of Arts, Wahington
Van Loo utilise des pendants ovales pour répartir ses six enfants entre deux lucarnes « oeil de boeuf » : une fille et deux garçons, un garçon et deux filles . Ce mélange des sexes montre bien que le goût n’est plus aux symétries faciles, tout est fait au contraire pour les brouiller : formes, couleurs, mouvements, l’oeil rococo valorise avant tout le raffinement, la distraction, la surprise. Au point qu’il est difficile de décider l’emplacement des deux pendants .
C’est dans la profondeur que se trouve la solution, et que se joue l’unité entre les deux : à gauche, une bulle de savon va s’échapper vers l’extérieur, vers le tablier tout prêt à la recueillir ; à droite, la « camera obscura » du père est brandie à l’extérieur pour observer, sur l’écran en face arrière, le miracle de cette bulle qui vole.
Ce qui réunit les six enfants, ce qui capte intensément leur attention, c’est l’attente imminente de cet envol.
L’artiste et sa mère
Van Loo (Charles Amedee Philippe), 1763, Collection particulière
Ces deux pendants viennent compléter un autre « oeil de boeuf » expérimenté l’année précédente. Le peintre s’est représenté dans une complicité joyeuse avec sa mère, tenant le menton ridé de la vieille femme comme au petit jeu de la barbichette, pour la faire encore une fois sourire.
Marguerite au rouet |
Faust dans son cabinet |
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Ary Scheffer, 1831, Musée de la Vie romantique, Paris
Marguerite Sans lui l’existence Faust, Goethe |
Méphistophélès : |
Le peintre et son modèle
Léon Frédéric, 1882, collection privée
Dans ce double portrait très rimbaldien, Léon Frédéric inverse les positions traditionnelles pour nous montrer qu’il ne s’agit pas d’une vue côte à côte d’un couple amoureux, mais du portrait face à face d’un autre type de relation, celui du peintre et du modèle. En nous montrant derrière la jeune fille la cloison en pleine lumière de l’atelier, et derrière-lui la cloison à contre-jour , il amorce une réflexion sur ce qui se voit (les habits, les bibelots dorés, les bijoux) et sur ce qui ne se montre pas (le squelette, les esquisses, les livres).
Plantée dans son crâne du côté de la création, l’échelle traduit toute l’ambitions de ses vingt six ans.
La dame et son fauconnier
France, vers 1880, collection privée, 190 x 52 cm
Ce pendant très décoratif invite, en taille réelle, deux personnages d’un Moyen-âge idéalisé, repensé selon les conventions bourgeoises :
- pose avantageuse, haute stature, fine moustache, tête et main nue pour l’homme ;
- pose pudique, taille menue, coiffe et gant pour la femme.
Chacun ne s’intéresse qu’à son propre rapace, tenu au bout de l’index en signe d’animalité maîtrisée. Reste l’éventualité toujours possible d’un retour du refoulé : échappée l’un vers l’autre du couple d’oiseaux et rapprochement subséquent entre la lady et le garde-chasse.
Conte suédois – la princesse et le berger (A swedish fairy tales -Prinsessan och Vallpojken)
Carl Larsson, 1897, Nationalmuseum, Stockholm
Ce triptyque, qui fait partie des quelques oeuvres symbolistes de Larsson, est factuellement un diptyque : la partie centrale, sculptée, n’est qu’une sorte de cadre élargi, dont les têtes de roi et de reine font écho aux deux personnages peints : le berger et la princesse.
Plutôt que d’illustrer une histoire précise, les panneaux mettent en place un sorte de quintessence du conte, une énergie symbolique exploitant trois polarités croisées : sculpture/peinture, femme/homme, jeunesse/vieillesse.
Un tiers-exclu échappe à ces couples: il est peint mais réduit à une tête comme celles du bas-relief ; il n’est ni homme ni femme, ni vieux ni jeune, mais simplement monstrueux : c’est bien sûr la tête coupée du troll roux, portée à l’envers par la princesse, et qui continue à la reluquer d’un oeil haineux.
L’histoire est facile à comprendre : le troll tenait la princesse en son pouvoir, le berger lui a coupé la tête et rendu la princesse à ses parents, la reine éplorée et le roi reconnaissant.
Saint georges et le dragon (Sankt Göran och draken)
Larsson, 1896, lithographie
Cette lithographie, exécutée l’année précédente, constitue déjà un triptyque en puissance :
- la princesse et la tête coupée,
- un chat dormant prés d’attributs royaux (manteau, couronne et sceptre),
- le berger avec son épée saignante et son olifant.
Associés aux trois fenêtres, trois textes explicitent le contexte :
- la gravure « Saint Georges et le dragon » rappelle le devoir sacré de délivrer une princesse ;
- un almanach (Almanakt) suspendu à un clou dit que nous ne sommes pas dans une histoire sérieuse ;
- la gravure « De sju v(ise) » – probablement les sept vierges sages – souligne la pureté de la princesse.
Le chat endormi nous invite une interprétation réaliste et humoristique : deux enfants à la tête farcie de contes se sont déguisés pour jouer au berger et à la princesse, autour de ce dragon bien inoffensif.
Mais les trois attributs érectiles du berger – l’olifant, le plumet et la grande flamberge sanguinolente barrant le bas-ventre d’une vierge – comparés au nez ouvertement phallique du monstre renversé, renvoient plus ironiquement à une vérité universelle :
ce n’est pas aux vieux trolls de se taper les petites princesses.
Femme à la guitare, octobre 1913 | Homme à la guitare, printemps 1914 |
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Georges Braque, Centre Pompidou, Paris
Après avoir lu de nombreux commentaires sur ces deux oeuvres, je suis resté sur ma faim. Elles sont en général le prétexte à une dissertation répétitive sur le cubisme dont elles constitueraient le point culminant, juste avant la fracture de la Grande Guerre. Personne ne s’est intéressé spécifiquement au côté « pendant », sinon pour souligner que les deux toiles ont le même format et pour justifier le coût d’acquisition important de la seconde, afin qu’elles restent ensemble. Si le cubisme avait prétendu révolutionner le pendant, on le saurait !
En fait, les deux oeuvres n’ont pas été conçues pour créer un effet d’interaction ni même probablement pour être accrochées côte à côte : ce sont deux variantes d’un même sujet, conformes à la méthode expérimentale que Braque et Picasso suivaient ensemble en ces années-là, dégagés de la nécessité de vendre par la rente mensuelle de Kahnweiler.
Les signes communs
Dans la raréfaction de signes organisée par le cubisme, notre oeil naïf a tendance à survaloriser ceux qu’il reconnaît : on peut comparer les deux guitares inclinées identiquement, les deux mains droites, les volutes en bas qui doivent évoquer celles d’un fauteuil ou d’un guéridon, et les deux « portraits ».
Chevelure bouclée, yeux clos, lèvres fermées, médaillon et courbe de la poitrine pour la femme ; oeil et bouche ouverte, noeud papillon chez l’homme : le strict minimum pour justifier le titre.
Collage et nature morte
Plus intéressante est la moitié inférieure, entre la guitare et les volutes.
Côté masculin, l’accent est mis sur les matières, avec notamment le faux-bois, évoquant une tablette sur laquelle un verre est posé.
Côté féminin, c’est la technique du collage qui domine: on a beaucoup glosé sur l’élision du N de SONATE, et sur celle de la fin du titre, qui transforme LE REVEIL en LE REVE.
Jeux de lettres (SCOOP !)
Le journal existait vraiment, mais sa manchette ne comporte pas le mot « ORGAN ». La principale invention verbale, dans ce collage, est donc celle de ce mot qui, à cet emplacement, revêt une signification à la fois politique, musicale, et sexuelle.
Il ne faut probablement pas surestimer ces différences, à l’appui d’un hypothétique fonctionnement en pendant.
La guitare statue d’épouvante
Braque, novembre 1913, Musée Picasso, Paris
Car exactement à la même époque, Braque a produit cette nature morte avec les mêmes ingrédients : l’élision du N dans CONCERT, la suppression de la finale qui transforme « RONDEAU pour la guitare » en « ROND » (en écho aux formes de la guitare et de la table) et enfin, le collage d’un vrai imprimé cette fois, le prospectus d’un cinéma de Sorgues que Braque et Picasso fréquentaient.
La force de suggestion de l’écrit nous fait chercher cette « statue d’épouvante » que, dans une autre forme d’élision, Braque s’est abstenu de peindre.
Le nouvel Adam | La nouvelle Eve |
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Bortnyik, 1924, Musée des beaux Arts, Budapest (48 x 38 cm)
Ces deux « robots », peints à la fin du séjour de Bortnyik au Bauhaus, constituent une vision ironique de l’utopie de l’homme nouveau et de la femme nouvelle [8a] :
- réduit à un automate en vitrine, l’homme nouveau, arborant les anciens attributs virils (chapeau et canne) mais définitivement efféminé, a laissé derrière ses pouvoirs d’ingénieur (le schéma de la machine à vapeur) pour devenir lui-même un mécanisme ;
- juchée au dessus des lutteurs dans une salle de boxe (les quatre formes verticales sont des sacs de sable), la femme est l’enjeu du combat, tenant d’une main l’appât (la pomme) et de l’autre le drapeau du vainqueur ; derrière elle le mannequin de mode aux formes encore féminines joue le même rôle que le schéma de la machine à vapeur derrière l’homme-automate : montrer l’étendue de la perte.
Tandis que l’homme se retrouve figé et isolé dans un monde orthogonal, la femme au bord de la plateforme oblique, avec sa robe spiralée, reste le dernier principe moteur, même s’il ne s’agit plus que d’un combat obtus.
L’architecte Forbat et son épouse
Sandor Bortnyik, 1924, collection privée
Peint la même année au Bauhaus, ce double portrait d’un couple d’amis constitue une sorte d’antithèse. Les vieux stéréotypes sont conservés : la femme aux formes rondes en intérieur, l’hommé aux formes carrées sur le seuil. Cependant le damier surélevé côté femme, les mains inertes des deux protagonistes, suggèrent déjà qu’ils ne sont que des pions dans le jeu éternel des sexes.
Reaching (Regina) | Reaching (Peter) |
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Francis Cunningham, collection privée
Si Francis Cunningham ne nous avait pas livré les circonstances de cette opposition entre les corps d’une jeune femme et d’un homme âgé[9], nous ne devinerions jamais :
- quel seul le tableau de Regina était prévu au départ ;
- que le second est dû à l’initiative de Peter qui, voyant le premier tableau, prit la place de la modèle sur les coussins ;
- que, si la posture de Peter n’est pas complètement symétrique de celle de Regina (son bras droit est replié sur son ventre et non au dessus de la tête), c’est que Peter est hémiplégique, paralysé du côté droit.
De quoi relativiser sur ce que l’on peut déduire des pendants une fois que toutes les sources ont disparu...
J. Porcher, « DEUX TAPISSERIES À RÉBUS », Humanisme et Renaissance, T. 2, No. 1 (1935), pp. 57-60, Librairie Droz
https://www.jstor.org/stable/20672916
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