2 Ponts de Narni : vue de l'Ouest
Ce point de vue donne lieu à de nombreuses variantes, selon la manière dont on cadre le pont médiéval par rapport au pont antique. Le plus souvent, celui-ci est vu à contrejour, afin d’accentuer son gigantisme : ce qui correspond, comme nous l’avons vu chez Corot, à la lumière du matin (voir 1 Ponts de Narni : vue plongeante (de l’Ouest) ).
Les ponts de Narni
Reynolds, 1752, British Museum, Londres
Le plus ancien exemple de ce point de vue est ce croquis rapide par Reynolds.
Les ponts de Narni
1760, eau-forte de Forrester, dessin de Stephens
Effet de contrejour pour cette première gravure « touristique » montrant les deux ponts de Narni.
La composition est divisée en trois bandes verticales bien délimitées :
- les piles et l’église de la rive gauche,
- le vacher, ses deux vaches et la montagne au loin,
- l’arche sous laquelle s’inscrit tout ce que l’on voit du pont médiéval.
La bande centrale vide fait ressentir visuellement la cassure du pont antique, et son absence de symétrie.
En contraste, le pont médiéval possède deux arches de part et d’autre de la tour centrale. Comme nous le verrons sur les gravures suivantes, il n’avait en fait qu’une seul arche à gauche de la tour, et cinq à sa droite.
Forrester a donc inventé délibérément une opposition
entre le pont antique, rompu et dissymétrique,
et le pont médiéval, intact et faussement symétrique.
Les ponts de Narni
Drake, 1768
Copie maladroite de la gravure de Forrester, avec un contre-jour raté.
Les ponts de Narni
Weirotter, 1770, eau-forte (retournée de gauche à droite)
La composition est divisée en deux bandes verticales :
- à gauche le pont médiéval et le fleuve, surplombés par l’arc effondré ;
- à droite l’arche subsistante et le chemin, sur lequel s’éloigne un homme avec un bâton sur l’épaule.
Tandis que Forrester inscrivait le pont médiéval à l’intérieur de l’arche, Weirotter adopte le parti-pris inverse, en l’extrayant en totalité.
La subordination devient substitution, le pont médiéval permet de traverser le fleuve tandis que l’ancienne arche, vide, ne sert objectivement plus à rien.
Première vue des ruines du pont d’Auguste sur la Nera à Narni
Hackert, 1779, gravure
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Cette gravure est la première d’une paire, chacune montrant une face du pont de Narni (voir 5 Narni : Le pont antique en vue de derrière pour la seconde vue).
Le premier plan
La rive gauche sert de repoussoir et occupe presque toute la largeur de la gravure, ne laissant au fleuve qu’un mince filet à droite.
L’oeil est attiré par la vache noire du centre, la seule à avoir remarqué la présence de l’artiste et à le regarder frontalement. A côté, une vache blanche regarde quant à elle le pont.
Le couple assis inverse les couleurs et les attitudes : le vacher en vêtements sombres regarde le pont, la paysanne en robe et foulard blancs tourne sa tête de trois quarts.
Le second plan
A gauche, trois vaches, sur une seconde avancée de la rive.
Les deux groupes de bovidés indiquent au spectateur comment lire la gravure :
« regarde d’abord devant et au centre, puis derrière et à gauche : et tu auras vu les deux ponts de Narni. »
Un réalisme approximatif
La perspective est quelque peu fantaisiste, les piles ayant chacune un point de fuite différent.
Mais pour une fois le nombre d’arches du pont médiéval est exact, ainsi que le fait que les deux ponts ne sont pas exactement parallèles.
Eau forte de Castellari, XVIIème, catalogue de l’exposition de 2015 [3]
La célèbre gravure de Hackert donnera lieu à plusieurs imitations.
Jacob More, 1787 ,Aquarelle, Collection privée, exposition de 2015 [3]
Cette image étrange a bien été faite sur le motif (elle montre avec précision les cannelures de l’arche de gauche, invisibles sur les oeuvres antérieures) ; pourtant le clou du spectacle, la grande arche, est trop petite et vue sous un autre angle, le grand arbres servant visiblement à camoufler ces maladresses.
Les ponts de Narni
Jean-Thomas Thibault, 1790, lavis, Harvard Art Museums/Fogg Museum
Dans ce lavis rapide, fait sans doute sur le motif, seule l’arche antique intéresse le dessinateur : le pont médiéval est réduit à quelques arches dans le lointain.
Les ponts de Narni
Jean-Thomas Thibault, 1790, aquarelle, Indiana University Bloomington
La composition
Dans l’aquarelle, beaucoup plus travaillée, Thibault a rajouté dans le champ la deuxième pile du pont antique, fermant la composition sur la gauche.
Astucieusement, il tire maintenant parti de la superposition des deux édifices pour servir son propos : la démesure du pont d’Auguste.
A droite, une arche du pont médiéval s’inscrit à l’intérieur de l’arche romaine, laquelle a de plus été étirée vers le haut : l’arche naine rend l’autre colossale.
A gauche, la pile avec son départ d’arcature permet à l’oeil d’imaginer l’arche manquante, passant très haut au dessus de la montagne. Tandis qu’en contrebas, une arche minuscule du pont médiéval, qui plus est cachée par les branchages, prouve bien que toute comparaison est impossible.
Les personnages
Par ailleurs, l’aquarelle est animée par quelques personnages : sur la route, un couple de paysans chemine avec deux ânes, sous les yeux d’un autre paysan assis à l’ombre d’un arbre. Un autre est couché plus loin, deux femmes en fichu rouge passent sous le pont, confirmant son échelle gigantesque.
Détail amusant : deux casse-cous ont grimpé sur l’arche, l’un semblant encourager l’autre à avancer : encore une manière de souligner la hauteur prodigieuse de l’édifice.
Les ponts de Narni
Turner, 1794-95, aquarelle, collection privée.
Quatre ans à peine après l’aquarelle de Thibault, le jeune Turner dessine le même motif avec un parti pris tout aussi mensonger, mais en sens inverse : la ruine héroïque n’est plus qu’un vieux pont.
Turner ne voit pas la maçonnerie intacte ni les bossage : seulement de vieux murs à l’appareil rustique. Aucun intérêt de monter sur l’arche : elle n’est pas haute, s’effondre sur sa gauche et porte quelques maigres buissons : rien à avoir avec le monde d’en-haut imaginé par Thibault.
Enfin, le pont médiéval est inversé : les cinq arches sont dessinées à gauche de la tour, alors que sous ce point de vue elles devraient être à droite.
En 1794, Turner a 19 ans, il étudie à l’académie Munro à Londres, n’a encore jamais mis les pieds en Italie, et réalise ce travail d’étudiant en recopiant fidèlement le dessin de Cozens ci-dessous.
Cozens, dessin, 1776-1783, Yale Center for British Art
L’anomalie sur la structure des murs s’explique par l’imprécision du croquis : les pierres de taille ne se voient que si l’on sait qu’elles sont là. En revanche, l’erreur sur le pont médiéval est inexplicable si Cozens a réalisé son croquis sur le motif : sans doute a-t-il rajouté le second pont de mémoire, ce qui expliquerait également sa position beaucoup plus oblique que dans la réalité.
Old welsh bridge at Shrewsbury
Turner, 1795, The Whitworth Art Gallery
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Une aquarelle de Turner, exactement de la même époque, montre la différence entre un travail de copie et une oeuvre déjà magistrale, travaillée directement sur le réel.
La composition transpose dans le pays de Galles le même rapport chronologique que celui des ponts de Narni : au premier plan le pont le plus ancien et le plus décrépit ; au second plan le pont le plus récent, tellement récent d’ailleurs qu’il est ici encore en construction (ce qui était bien le cas en 1795).
La contre-plongée rend gigantesque le pont médiéval et accentue son caractère tridimensionnel : les becs des piles et les encorbellements de la maison le projettent vers l’avant ; les nervures sous les arches le creusent vers l’arrière. En comparaison, le pont néoclassique apparaît plat, bidimensionnel et minuscule :
il s’inscrit entièrement sous une seule arche de l’ancêtre,
telle une jeune pousse entre les racines d’un géant.
Le reflet de l’arche médiévale ajoute à cette signification : elle forme un cercle complet qui enserre dans son anneau protecteur à la fois le petit pont et la barque à l’amarre. Tandis qu’à l’arrière-plan, la nouvelle arche est bien incapable de refermer son emprise.
Le pont neuf apparaît comme en gestation sous cette arche utérine :
il a encore ses échafaudages , et il n’a pas encore son reflet.
Les ponts de Narni
1798, aquatinte de Edward, dessin de Merigot
Nous voici en plein roman gothique : deux barques vides sur la rive, une autre qui part pour une mystérieuse navigation nocturne, des rochers dangereux qui affleurent entre les piles…
En fait, la composition recopie exactement celle de Hackert : sinon que le contrejour a laissé place à la nuit et le ciel vide à des nuages inquiétants. Mais les copistes ont ajouté, peut être involontairement, une trouvaille digne du surréalisme : l’élément focal du premier plan – le regard bovin, a été promu en un regard céleste : celui de la lune, pupille brillante au centre de son oeil de nuages.
L’arche centrale absente se trouve ainsi doublement soulignée :
- barrée par le reflet rectiligne de la lune,
- et évoquée par la rondeur de l’astre.
Les ponts de Narni
Ernst Fries, 1826, dessin, Kurpfälzisches Museum der Stadt, Heidelberg
Enfin un dessin réaliste, la même année que l’esquisse de Corot.
Le réalisme n’exclut pas la composition : il suffit de bien choisir son point de vue. Fries s’est placé de manière à ce que le pont médiéval soit centré verticalement au milieu du pont romain. Et de manière à ce qu’horizontalement, les piles du premier encadrent exactement deux arches du second. Ainsi les irrégularités d’écartement du pont romain compensent la dissymétrie du pont médiéval.
L’impression de solidité, d’harmonie ne résulte pas du hasard…
Aquarelle de Fries, 1826, Kurpfaelzisches Museum der Stadt, Heidelberg
Cette étude de la même année s’intéresse uniquement au pont d’Auguste.
Ernst Fries, 1833 , Galerie Joseph Fach, Oberursel im Taunus
Fries reprendra le même point de vue pour cette toile déconcertante, où non seulement le pont médiéval, mais aussi l’arche la plus reconnaissable du pont d’Auguste, ont été escamotés.
Dessin de Michallon, lithographie de Jean Jacottet et Victor Adam, 1850, exposition de 2015 [3]
Pris d’un peu plus loin, ce dessin multiplie au contraire les détails et les indications contradictoires : la maison à l’avant, la tour médiévale à l’arrière, les effets de lumière différents sur chaque pile du pont d’Auguste, les baigneurs à gauche, les grands arbres et la barrière en contre jour à droite, attirent l’oeil dans toute les directions de ce paysage fragmenté.
Les ponts de Narni
Thomas Hiram Hotchkiss, 1860-62, New-York Historical Society Museum
Du pont médiéval, Hotchkiss n’a représenté que l’arche de pierre terminale (les autres avaient déjà été remplacées par un tablier de bois), en l’agrandissant considérablement pour permette la comparaison : il rampe au dessous des collines, tandis que l’ancêtre embrasse le ciel.
Bellermann a visité l’Italie en 1853-54 et en a ramené cette composition solide, arrimée autour des rocs de bonne taille qui, au premier plan, semblent tombés des ruines de l’arrière-plan. Le point de vue légèrement latéral a pour avantage d’éliminer le pont médiéval, camouflé dans les arbres.
Son élève John (Hans) Gast a fidèlement recopié l’aquarelle.
1876, Aquarelle de Franz Ettore Roesler, collection privée |
Point de vue quasiment identique pour ces deux compositions.
Photographie de Gioacchino Altobelli et Pompeo Molins, 1865, Museum of Fine Arts, Boston |
Aquarelle de Augustus John Cuthbert Hare, vers 1875, collection privée |
La photographie a été réalisée vers 1865 (à l’occasion de la construction du chemin de fer) et l’aquarelle dix ans plus tard : la troisième pile est encore intacte.
Carte postale vers 1914, Collection Patumi Simone, Cassa di Risparmio di Narni e Terni |
Dans la plupart des sources on prétend qu’elle se serait effondrée en 1855. En fait, la date réelle est 1885, lors d’une crue [2].
Bartolucci-Alfieri, 1927, eau forte, exposition de 2015 [3]
Cette magnifique eau-forte cadre la tour médiévale à l’aplomb de la pile cassée en deux, et fait ressortir l’étroitesse du cours de la Nera en basses eaux.
https://www.semanticscholar.org/paper/Augustus-Bridge-in-Narni-(Italy)%3A-Seismic-of-the-of-Milani-Milani/17774f1466c910d6617f6597da3eae62ebfd425e
We live in Narni
and we like to Know if are possible have in high resolution the Photographie de Pompeo Molins .
This for study exploration
Thanks in advance
Giuseppe Fortunati
Merci nous sommes de Narni , merci pour votre Travaille sour notre Ville
[…] Successivamente, compare come direttore del “Premiato Stabilimento Fotografico di Enrico Verzaschi”.Si hanno sue notizie fino alla fine del 1878. Le foto che ci hanno lasciato tali artisti sono tra le prime ad immortalare il nostro territorio e ci permettero di poter rivivere un pezzo importante della Narni a cavallo dell’Unità d’Italia. Per approfondimenti sulle immagini del ponte vedere anche il sito francese http://artifexinopere.com/?p=3805 […]