Pendants nature morte : bodegons
L’Espagne a une tradition particulière de natures mortes très réalistes, les bodegons, parmi lesquelles les pendants sont fréquents.
Van der Hamen
Nature morte avec fruits et oiseaux Van der Hamen, 1621, Escorial Madrid (56 x 74 cm) |
Nature morte avec fruits et oiseaux Van der Hamen, 1623, Escorial Madrid |
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Sur la nappe rouge, un jour de beau temps, un chardonneret et une mésange se disputent des grains de raisin.
Sur la nappe noire, un jour d’orage, les mêmes se disputent des grains de grenade.
A gauche, on voit dans le bol chinois et sur la table des abricots, des raisins, des pommes et des poires. Nous sommes en Eté. A droite, les abricots ont été remplacés par des grenades, et les oiseaux se sont raréfiés. Nous sommes en Automne.
Cardon et paysage d’hiver | Bol chinois avec pêches et raisins, paysage d’été |
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Van der Hamen, 1623, Collection privée, 67×104 cm
Le coing et le cardon se récoltent au début de l’Hiver, juste avant les premiers frimas, tandis que les pêches et les courgettes sont des fruits de l’Eté.
Ainsi chacune des deux saisons opposées est illustrée par un fruit et par un légume.
Vases de fleurs avec un chien (à gauche) et un chiot (à droite)
Juan van der Hamen, vers 1625, Prado, Madrid
Ces deux panneaux décoraient le palais de Jean de Croÿ à Madrid. Ils étaient accrochés, sans cadre, des deux côtés d’un passage menant à la galerie de peintures, et donnaient probablement l’illusion de prolonger le sol de la pièce.
A gauche, on remarque sur le sol un rafraîchissoir à vin. Sur les dessertes recouvertes de velours vert, des mets délicats attendent le visiteur : cerises dans un bocal, horloge marquant cinq heures (l’heure de la collation), plat de gateaux, aiguière d’aloja (une boisson aromatique de l’époque).
Les deux grands vases en bronze dorée et verre contiennent de splendides et impossibles bouquets, car toutes ces fleurs ne fleurissent pas au même moment de l’année.
Pomone et Vertumne Van der Hamen, 1627, Prado, Madrid |
L’Offrande à Flore Van der Hamen, 1626, Banco di Espana |
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Pomone et Vertumne
A gauche, pour séduire la nymphe Pomone, le dieu des jardins, Vertumne, s’est métamorphosé en vigneron qui lui offre des grappes de raisin. Selon Ovide, avant d’arriver à ses fins, il lui aura fallu prendre quatre apparences successives : laboureur, moissonneur, vigneron et enfin vieille femme, correspondant au quatre saisons du printemps à l’hiver. Le fait que Pomone lui tende une pomme sortie de sa corne d’abondance semble préfigurer sa reddition imminente, lors de la prochaine et dernière métamorphose.
L’Offrande à Flore
Souvent associée à Pomone, Flore aurait été une riche courtisane romaine qui fut ensuite divinisée comme déesse des fleurs : d’où la magnifique jonchée que sa corne d’abondance déverse. La statue gaillarde qui la surplombe pourrait être une allusion à ses antécédents érotiques. Pour faire pendant au vieux vigneron avec ses grappes, Van der Hamen a imaginé le jeune page qui offre une un bouquet de roses.
La logique du pendant
Il illustre la déesse des fruits et la déesses des fleurs, deux femmes difficiles qui ne sortent pas avec n’importe qui.
Vénus, déesse de l’Amour, est présente indirectement dans les deux tableaux par son emblème fruitier (la pomme) et par son emblème floral (la rose).
Nature morte avec un plat d’argent rempli de figues | Nature morte avec un bol de porcelaine chinoise empli de prunes |
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Van der Hamen, 1629, Collection particulière
A partir de 1626, Van der Hamen met au point une nouvelle formule pour ses pendants : les objets sont présentées sur des marches de pierre, qu’il faut apparier de manière à ce que le point de fuite commun se situe au entre les deux.
Une sorte de croisement se produit entre le contenu des paniers et celui de la marche inférieure. A noter aussi qu’il y a deux sources de lumière (à gauche en haut et en bas), puisque tous les plats ont deux ombres.
Nature morte avec fruits et récipients en verre Van der Hamen, 1629, Williams College Museum Williamstown |
Nature morte avec fleurs et fruits Van der Hamen, 1629, Metropolitan Museum, New York |
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On retrouve le même dispositif dans cette composition somptueuse, où la profusion de fruits et de légumes, sans compter le vase de fleurs, prime sur toute symétrie.
Luis Melendez
Nature morte avec raisins, figues et une bassine de cuivre | Nature morte avec deux pigeons et une bassine de cuivre |
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Melendez, vers 1770, North Carolina Museum of Art, Raleigh
A gauche la bassine est ouverte et le plat retourné sur la table ; à droite la bassine est fermée et la pile d’assiette expose une abondance de figues. En plus de cette dialectique du couvert et du découvert, le pendant joue avec le thème du couple : à gauche deux pigeons et deux sachets de sucre, à droite deux grappes de raisin blanc et noir.
Melendez, 1771, Prado, Madrid
La même montagne à l’horizon, sous un ciel tantôt bleu et tantôt gris, sert de point de jonction dans cette composition en V. Le panneau de gauche évoque, avec ses deux étagères rocheuses, une exposition à la Van der Hamen à but purement décoratif. Le panneau de droite, avec ses trois ustensiles (couteau, gourde et panier de pique-nique) rajoute une présence humaine.
Nature morte avec des grenades, des pommes, des cerises et des raisins dans un paysage | Nature morte avec des pastèques et des pommes dans un paysage |
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Melendez, 1771, Prado, Madrid
Cette autre composition en V permet de comparer l’éclatement rouge et rose des grenades et des pastèques.
Nature morte avec un plat d’abricots et des cerises | Nature morte avec un plat de pêches et des cerises |
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Melendez, 1773, Prado, Madrid
Des abricots tombés sur la table servent de point de jonction à cette discrète composition en V, esquissée par l’inclinaison contraire de la branche d’abricotier et de la branche de cerisier.
Nature morte avec pain, jambon, fromage et légumes | Nature morte avec melon et poires |
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Luis Melendez, vers 1772 , Museum of Fine Arts, Boston
Comme Melendez a utilisé le même vocabulaire graphique dans un grand nombre de natures mortes ayant des formats identiques, il est difficile d’avoir la certitude que deux panneaux sont d’authentiques pendants, et non des variantes destinées à être vendues séparées.
C’est le cas de ces deux panneaux, vendus ensemble, ayant la même taille et fortement corrélés. Ainsi de gauche à droite, ils exposent les mêmes types d’objets :
- une seule assiette ou une pile ;
- un grand plat de terre ouvert ou un petit plat avec couvercle ;
- une bouteille de vin ou une bouteille d’eau (dans un rafraîchissoir en liège) ;
- une cruche ouverte avec sa cuillère, et un pot fermé avec la cuillère posée sur le couvercle ;
- une grande forme sphérique : pains avec entaille ou melon côtelé.
Cependant, le fromage dans son papier, à gauche, et le pain dans le linge du panier, à droite, échappent à cette symétrie simple.
On peut néanmoins remarquer que le tableau de gauche expose des récipients ouverts et des objets entaillés (le jambon, le fromage, la tomate coeur de boeuf, le pain avec sa balafre, le tesson posé sur la cruche) tandis que celui de droite montre des récipients fermés et des objets intacts :
dialectique du tranché et du plein que résument assez bien les deux ustensiles symboliques : le couteau et la cuillère.