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Les Adorations au désert de Filippo Lippi

9 janvier 2025

Il est rare que naisse une nouvelle formule iconographique, et il est encore plus rare qu’on puisse suivre cette naissance avec précision. L’invention des Adorations au désert par Filippo Lippi, entre 1450 et 1460, a fait l’objet de plusieurs études. Mais comme les vernis accumulés par trop de restaurations, la question a fini par être obscurcie par les couches d’érudition discordantes accumulées par les spécialistes.

Une littérature copieuse

L’oeuvre la plus complexe de la série, l’Adoration au désert de la Chapelle des Mages, a intrigué les historiens d’art depuis une centaine d’années, et fait l’objet d’une littérature abondante. Ceux qui ont étudié la série complète sont bien moins nombreux. Il s’agit en tout premier de Jeffrey Ruda dans le chapitre VI, « The wilderness adoration », de son étude pionnière de 1999 [1]. La même année, Megan Holmes [2] est parvenu à une chronologie similaire, en s’intéressant plus spécifiquement aux influences carmélites sur l’art de Filippo Lippi. En 2013, Giulia Puma [3] a analysé les mêmes oeuvres en rapport avec le littérature érémitique italienne, ce qui conduit à diluer quelque peu leur originalité iconographique. Plus récemment, en 2017, Stefanie Solum [4] a consacré un livre entier à l’analyse des innovations dans le panneau de la Chapelle des Mages, qui s’expliqueraient selon elle par le patronage, jusqu’alors méconnu ou nié, de Lucrezia Tornabuoni [5].

Toutes ces études très méritantes sont au service d’une thèse : elles ont donc tendance à mettre en exergue certains points, et à en passer d’autres sous silence. Cet article ne prétend pas résoudre les questions en suspens, mais présenter chronologiquement l’ensemble du dossier, en corrigeant au passage quelques erreurs bien installées. En revenant ainsi à l’essentiel, on distinguera mieux les idées véritablement originales qui sont à la source de cette iconographie, plus quelques trouvailles géniales de Lippi qui sont passées à peu près inaperçues.



Prologue : l’Adoration des Mages (1435-55)

1445 ca Fra angelico et Fra_Filippo_Lippi_-_Adoration_of_the_Magi_NGAAdoration des Mages
Fra Angelico et Fra Filippo Lippi, vers 1445, NGA

Cette composition complexe est mystérieuse dans ses origines : probablement commandée par un membre de la famille Médicis, elle est attribuée à Fra Angelico dans l’inventaire de la collection de Laurent le Magnifique, après sa mort en 1492. Mais les spécialistes la donnent aujourd’hui à Filippo Lippi, tout en postulant une longue période de réalisation qui expliquerait les disparités de style (voir [1] , p 210 et [1a] , p 316).

Certains éléments se justifient par leur valeur symbolique : le paon, de taille géante par rapport à l’âne et au boeuf, s’impose sur le toit de la crèche comme emblème de la Résurrection (à cause de sa chair qu’on disait incorruptible) ; le couple de faisans participe peut être de la même symbolique.

D’autres points restent mystérieux :

  • les cinq jeunes garçons presque nus perchés sur la gauche pourraient évoquer des baptisés (le jour du Baptême du Christ coïncide avec la fête de l’Epiphanie) mais on comprend mal, alors, l’absence de tout point d’eau ;
  • les trois jeunes gens en tunique grège, qui encadrent Joseph – des bergers selon Ruda ( [1a], p 201) : deux sont perchés sur la plateforme rocheuse et le troisième descend par une crevasse du terrain en lui emboitant le pas et en imitant ses gestes : il tient de la main gauche un objet effacé qui aurait peut être expliqué cet étonnante mimétisme.

Ce qui nous intéresse ici est la topographie des lieux : il s’agit d’une des premières Nativités qui oppose aussi clairement la crèche rustique, posée sur deux troncs juste étêtés, et le palais de David, majestueux mais en ruine. La crèche où a eu lieu la naissance n’est plus occupée que par le boeuf et l’âne de Joseph, rejoints par les chevaux des dignitaires qui viennent tout juste d’arriver à l’étable, soignés par des palefreniers. La rencontre a lieu sur un pré fleuri en contrebas, entre les trois Rois aux auréoles constituées de pointillés dorés, et la Sainte famille, aux trois auréoles pleines. Venant de Jérusalem, la caravane des Rois descend à droite en longeant les remparts de Bethléem, contourne le palais de David et se déverse par la grande arche.



1445 ca Fra angelico et Fra_Filippo_Lippi_-_Adoration_of_the_Magi_NGA detail
Treize jours auparavant, venant de Nazareth, la Sainte Famille a traversé la même arche, comme ces voyageurs solitaires que l’on devine dans le désert.



1445 ca Fra angelico et Fra_Filippo_Lippi_-_Adoration_of_the_Magi_NGA detail gens de Bethleem
La porte de Bethléem, qui leur était fermée, laisse maintenant sortir des habitants, hommes, femmes et enfants, dont certains s’agenouillent, impressionnés par l’importance du cortège.

On retiendra quelques parti-pris que nous retrouverons par la suite :

  • placage d’éléments purement symboliques (le paon) ;
  • soin accordé à la topographie : c’est la situation particulière de la crèche, lieu de rencontre mais hors de la ville, qui fait de la composition un précurseur des Adorations au désert ;
  • épuration des éléments anecdotiques : Joseph n’a aucun de ses accessoires habituels, les Rois n’ont pas de couronne et n’apportent pas de cadeaux somptueux, mis à part une unique carafe.



1445 ca Fra angelico et Fra_Filippo_Lippi_-_Adoration_of_the_Magi_NGA grenade
Ils se contentent de rendre hommage au Roi des Rois qui, comme symbole de la Chrétienté en devenir, a posé à côté de lui une grenade dont on devine les graines.



L’Adoration d’Annalena (1450-55)

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi

Adoration d’Annalena, Filippo Lippi, 1450-55, Offices, Florence

Ce panneau a probablement été commandé par Anna Elena Malatesta pour le couvent des dominicaines de San Vincenzo Ferrer à Florence. C’est la première des trois oeuvres que Jeffrey Ruda a fait rentrer dans sa catégorie « Adoration au désert« , bien que plusieurs traits la rattachent encore à une Nativité : animaux, crèche et palais de David.


Une Nativité épurée

Les tendances qui se révélaient dans le tondo de l’Adoration des Mages se retrouvent ici poussées un cran plus loin :

  • le ville de Bethléem a complètement disparu ;
  • un pré fleuri au premier plan isole la Sainte Famille ;
  • la crèche ne sert toujours qu’à héberger le boeuf et l’âne, éloignés de l’Enfant par une barrière rocheuse ;
  • marginalisés à l’arrière-plan derrière un second mur de pierre, les bergers ne voient que la crèche vide.

Ainsi la crèche, les animaux et les bergers ne participent pas à l’action, et ne semblent conservés qu’à regret, comme des éléments obligés réduits à la portion congrue. Seuls les deux troncs qui portent le toit participent à la composition, en formant  portique devant la colonnade qui fait de la forêt une sorte de temple antique.



1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi schema1
Les bases de ces deux troncs (ligne rouge) ne sont pas en accord avec le point de fuite qui régit l’escalier (lignes jaunes), de sorte que la crèche dans son ensemble constitue une sorte d’architecture impossible. Le muret avant, parallèle au plan du tableau, se casse en oblique derrière Joseph en passant devant un arbre nain (ovale rouge). Une autre discordance de taille se voit derrière Marie, avec deux arbres morts, l’un dressé et l’autre cassé, de taille encore plus réduite :

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi detail sainte

Si l’on se concentre sur cette partie, on a l’impression que le bas du mur du palais de David se transforme en une falaise rocheuse, derrière laquelle apparaît une Sainte de taille géante.

Cet abandon de la perspective centrale est un archaïsme délibéré : tout comme dans le tondo de l’Adoration des Mages, Lippi n’a pas pour intention de créer une réalité virtuelle optiquement réaliste, mais une topographie dans laquelle il va disposer ses personnages selon une logique symbolique.

Comme le note Stefanie Solum ( [4a] p 205) :

Dans l’Adoration du Palazzo Medici et dans les autres panneaux  » au Désert » peints vers la fin de sa carrière, Filippo s’éloigne manifestement de la construction perspective traditionnelle… Cette démarche ne doit pas être interprétée comme dénuée de sens, mais plutôt comme un nouveau mode expérimental par lequel Filippo a retravaillé les prérogatives et les objectifs de la construction perspective afin de produire certaines de ses images les plus complexes et les plus provocantes.


Une Adoration en gestation

1424 Meister_Francke_Adoraion Thomas altar Hambourg KunsthallePanneau du retable de Thomas Beckett
Maître Francke, 1424, Kunsthalle, Hambourg

Dans les écoles du Nord, les Nativités influencées par la vision de Sainte Brigitte de Suède représentent l’accouchement de Marie, en robe blanche, les bras levés au ciel tandis que l’Enfant se retrouve miraculeusement sur le sol, auréolé de lumière (voir 3 Fils de Vierge). Dans ce moment surnaturel, Joseph laisse la place à Dieu le Père. Maître Francke a conservé les autres détails obligés : la crèche (ici une simple grotte), les animaux, les bergers et les anges.



1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi detail ernfant
Pour son premier essai d’une Nativité sur le sol, Lippi répugne au contact direct avec l’herbe, fut-elle fleurie : il dépose le bébé sur un fagot, côté Joseph, et sur la robe, côté Marie.

L’Enfant ne rayonne pas, mais la lumière divine est néanmoins présente, sous une forme si discrète qu’elle a échappé aux commentateurs :

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi schema2
Partant des anges latéraux en position recto-verso (sur cette formule développée à Florence par Lippi, voir 2 Les figure come fratelli : en Majesté), deux rayons de lumière frappent les saints ermites. Traversant les nuages sous le trio d’anges central, des rayons laissent place, plus bas, à une sorte de flammèche formée de pointillés dorés, qui descend vers la tête de l’Enfant (traits jaunes)

On remarquera que, par leur posture, le Saint et la Sainte font écho aux deux parents (flèche bleue et flèche rose).


Saint Jérôme

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi detail jerome

Saint Jérôme est identifiable par trois de ses attributs habituels : le chapeau de cardinal, le crucifix, et le caillou dont il se frappe la poitrine pour se mortifier. Le lion en revanche est absent, sans doute pour ne pas faire concurrence aux deux animaux de la crèche. La présence de Jérôme dans une Nativité est une innovation iconographique : le seul lien lointain étant que, selon la tradition, c’est dans une grotte de Bethléem qu’il se serait installé pour traduire la Bible (voir 5 Apologie de la Traduction). Mais ce n’est pas en tant que docteur qu’il figure ici, mais en tant qu’anachorète passé par le désert pour faire pénitence.


La sainte ermite (SCOOP !)

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi detail echo

Vu l’importance de son auréole (comparée à celle en pointillés de Saint Jérôme), il s’agit plus probablement de Sainte Marie-Madeleine que de Sainte Marie l’Egyptienne. Souvent confondues, ni l’une ni l’autre n’ont aucun lien avec la Nativité. Outre sa valeur d’exemple pour des moniales, la sainte ermite voit sa présence justifiée par le prénom de Marie.  Elle constitue aussi une sorte d’antithèse à l’Immaculée Conception, en tant que pêcheresse ayant dû se retirer au désert pour expier ses péchés.

Les deux escaliers orthogonaux, l’un parfait du côté de la Vierge, l’autre formé d’un mur écroulé du côté de Marie-Madeleine, renforcent encore cet effet d’écho. Et il y a tout à parier que que les arbres secs plantés dans le mur, qui attirent l’oeil par leur taille bonsaï, figurent ici en tant que symboles de la Chute. Ainsi, tout comme avec le paon dans l’Annonciation des Mages, Lippi utilise la disproportion pour signaler les éléments symboliques.


Saint Hilarion

1455 ca Filippo_lippi Pala Annalena_adorazione_del_bambino_coi_ss._giuseppe,_girolamo,_ilarione_e_maria_maddalena,Uffizi detail hilarion

Le moine en bas à gauche fait exception à cette construction : aucun rayon de lumière ne se dirige vers lui, et son auréole chichiteuse se réduite à quelques traits dorés. L’inscription le désigne comme étant Saint Hilarion, un autre anachorète. La description par Saint Jérôme de son ermitage a été rapprochée du paysage du tableau ( [3], p 12 ), mais les ressemblances, très superficielles, ne suffisent pas à justifier la présence de ce troisième ermite, qui semble un intrus dans l’économie du tableau. Aussi les commentateurs ont supposé très tôt qu’il s’agissant du portrait d’un contemporain : peut être celui de Fra Roberto Malatesta, moine d’Annalena et frère de la commanditaire ( [3] note 16 ). La position latérale et la vue de profil correspondent en tout cas à la position habituelle des donateurs chez Lippi.



Le triptyque pour Alphonse V d’Aragon (1457)

1457 20 Juillet a Giovanni di Cosimo Ruda p 36Lettre du 20 Juillet 1457 à Giovanni di Cosimo de Medici ( [1] p 36)

Au bas de cette lettre autographie de Filippo Lippi figure l’esquisse du triptyque que lui avait commandé Giovanni di Cosimo de Medici comme cadeau diplomatique pour le roi de Naples. Sur les panneaux latéraux figuraient les patrons d’Alphonse V d’Aragon, Saint Antoine abbé et Saint Michel, et au centre une Adoration de la Vierge.


1457 Triptyque pour Alphonse V d'Aragon Cleveland Museum of ArtsReconstitution du triptyque pour Alphonse V d’Aragon, Musée de Cleveland

Le panneau central est perdu, mais peut être appréhendé au travers d’une oeuvre d’atelier tardive qui correspond à la composition esquissée sur le croquis : l’Enfant n’est pas posé sur le sol, mais soulevé par trois anges en direction de la lumière, émise ici par la colombe du Saint Esprit. On ne sait pas si le paysage en arrière faisait partie de la conception initiale : on remarquera en tout cas l’arbre mort bonsaï derrière la Vierge, devenu un truc d’atelier pour évoquer la Chute et l’opposition classique entre Marie et Eve (AVE / EVA).

Notons que les deux Saints jouent  un rôle très différent :

  • du côté honorable, une main sur le chapelet enroulé sur son bâton, le saint ermite s’inclut, par la force de sa prière, dans l‘Adoration de l’Enfant ;
  • dans le dos de la Vierge, une main sur l’épée et l’autre sur le bouclier, le saint protecteur monte la garde.

Tous les éléments de la Nativité ont maintenant disparu, mis à part les trois anges, passés des nuages à la pelouse.



L’Adoration de la Chapelle des Mages (1457-59)

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-BerlinAdoration dans la Forêt
Fra Filippo Lippi, 1457-59, Gemäldegalerie, Berlin

Ce panneau a été commandé par les Médicis pour l’autel de la chapelle privée de leur Palais, construite entre 1457 et 1459. Son iconographie très novatrice, qui a tant intrigué les historiens d’art, est moins frappante si l’on se place dans la continuité des oeuvres précédentes : nous sommes en présence d’une Adoration par un ermite ayant atteint la sainteté par la pénitence (comme Saint Jérôme dans l’Adoration d’Annalena ou Saint Antoine-abbé dans le Triptyque pour Alphonse V d’Aragon), en présence d’un Saint de fait, dont le caractère sacré est inné (Saint Joseph dans l’Adoration d’Annalena, saint Michel dans le Triptyque). Tout comme dans l’Adoration d’Annalena, le saint ermite se trouve au dessus du saint inné, ici Saint Jean Baptiste enfant : or il se trouve que celui-ci, sacré par sa naissance miraculeuse et sa parenté avec Jésus, cumule les deux caractères, puisque dès l’âge de sept ans il s’était retiré au désert.

Au final, le caractère le plus innovant de la composition est son absence de symétrie : les deux ermites occupent le côté honorable, et il n’y a rien dans le dos de Marie (mis à part le traditionnel arbre mort).

Avant de revenir sur la place  de cette composition  dans l’écrin prestigieux de la Chapelle des Mages, nous allons présenter l’état de la recherche sur quelques points délicats.


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Saint Jean Baptiste enfant

C’est sa toute première apparition en garçonnet, en présence de Jésus bébé. On trouve de nombreuses Madones en présence des deux bébés (puisque Jean Baptiste était né six mois avant son cousin). Ou bien quelques rares oeuvres représentant la rencontre légendaire des deux garçonnets à l’âge de sept ans, alors que la Sainte Famille traversait le désert lors de son retour d’Egypte ( [4a], p 139 ).


Francesco d'Antonio (attr), Vita di San Giovanni Battista, Bibliothèque nationale de Florence, MS Magliabechiano VII, 49, fol. lr

Francesco d’Antonio (attr), Vita di San Giovanni Battista, Bibliothèque nationale de Florence, MS Magliabechiano VII, 49, fol. lr ( [4b], fig 12 )

C’est ce que montre cette initiale historiée : Jésus (identifié par son auréole crucifère) se trouve à l’extérieur, et Jean Baptiste à l’intérieur, avec sa banderole « Ecce agnus dei ». L’originalité est l’effet de miroir entre les deux cousins, chacun avec un bâton cruciforme et désignant l’autre du doigt. Stefanie Solum, qui a démontré que ce manuscrit avait été commandé par Lucrezia Tornabuoni, l’épouse de Piero de Medicis, vers le milieu des années 1450, en tire argument pour sa thèse principale : l’Adoration de la Chapelle des Mages serait également une commande particulière de Lucrezia Tornabuoni, dont la dévotion à Saint Jean Baptiste est prouvée  par  plusieurs poèmes qu’elle lui a consacrés. Nous n’en dirons pas plus sur cette question d’un patronage féminin, très plausible mais qui ne s’appuie que sur des présomptions croisées, faute de sources écrites. On remarquera même, a contrario, que l’Adoration dans la forêt est très différente d’une Rencontre dans le désert : puisque l’âge différent des deux enfants en fait une aberration  chronologique.

Classiquement, les historiens d’art expliquent la présence de Saint Jean Baptiste, dans un tableau destiné aux Médicis, par le fait qu’il était le saint patron de la ville de Florence. Mais pourquoi Saint Jean baptiste enfant, et avec tous les attributs du désert ? Et pourquoi l’avoir associé avec un attribut rare, la hache, magnifiée par un autre détail tout aussi rare : la signature de Filippo Lippi ?


En aparté : Saint Jean Baptiste et la hache

1260 ca Jean Baptiste Cathedrale de Reims revers de la façade Ouest pilier droit
Revers de la façade Ouest (pilier droit), vers 1260, Cathédrale de Reims

La hache est un rare attribut médiéval de Saint Jean Baptiste, à cause de la métaphore musclée qui lui est attribuée par les Evangiles :

« Déjà même la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu ». Luc 3,9


1400-25 St_John_the_Baptist_by_Angelos_Akotantos_Byzantine_museum AthenesIcone signée Angelos Akotantos, 1400-25, Byzantine museum, Athènes

L’art byzantin la conserve comme attribut systématique de Saint Jean Baptiste au désert : la hache au pied de l’arbre, en bas à gauche, fait aussi allusion à la décapitation, en bas à droite.


1325-75 Maestro Delle Tempere Francescane (attr) Museo Diocesano Tursi-Lagonegro
Les deux Saint Jean et la Madone
Maestro Delle Tempere Francescane (attr), 1325-75, Museo Diocesano, Tursi-Lagonegro

En Italie, on la trouve dans quelques rares oeuvres d’esprit encore byzantin.

La grande innovation de Lippi est d’avoir exhumé cet attribut archaïque et de l’avoir associé, non pas au à la rude figure de l’imprécateur du désert, mais à celle de l‘enfant ermite.


1460-81, Vierge à l'enfant et Jean-Baptiste, Domenico di Zanobi, Musée de la cathédrale de Mdina, Malte
Vierge à l’enfant et Jean-Baptiste, Domenico di Zanobi, 1460-81, Musée de la cathédrale de Mdina, Malte

L’idée ne sera reprise que par des assistants de Lippi [5a] (à noter ici une autre poncif de l’atelier, le chardonneret) .


Jacopo Del Sellaio_1480 ca Saint_John_the_Baptist_NGAVers 1480, NGA 1485 Jacopo Del Sellaio Szépmûvészeti Múzeum BudapestVers 1485, Szépmûvészeti Múzeum, Budapest

Jacopo Del Sellaio

Mais c’est surtout un autre élève, Jacopo Del Sellaio, qui se l’approprie, aussi bien pour Saint Jean Baptiste enfant protégeant la ville de Florence (noter le chardonneret à ses pieds) que pour un Saint Jean Baptiste adulte montrant l’arbre mort autour duquel grimpe une vigne. Le bol posé par terre fait allusion au baptême de Jésus.



———- Fin aparté



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La question de la hache

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail hache
Bien que personne ne mette en doute le fait que la hache soit l’attribut de Saint Jean Batiste, certains commentateurs lui trouvent une justification complémentaire.

A cause de la signature insolite, la théorie la plus fréquente est celle de la hache « subjective », selon laquelle l’outil marquerait, d’une manière ou d’une autre, l’implication singulière du peintre dans le tableau :

« Le bois mort est une métaphore des obstacles qu’il faut éliminer pour ouvrir la voie à une pratique chrétienne fructueuse (Luc 3:9). La hache emblématique peut représenter le pinceau du peintre, car Fra Filippo démontre que, par son art, au sein de l’imagerie du tableau, il a défriché un terrain propice à la réflexion spirituelle. La relation cruciale avec les Médicis, les mécènes les plus prestigieux de Fra Filippo, et le lieu d’exposition prestigieux du tableau dans la chapelle de leur palais, semblent avoir provoqué cette affirmation de l’action et de la personnalité du peintre. » Megan Holmes ([2], p 157)

A cette lecture subjective, on peut objecter que les suiveurs de Lippi, de même que le peintre qui a réalisé la copie d’époque actuellement présente dans la Chapelle des mages, ont repris la hache sans la signature, la considérant donc comme l’attribut de Jean Baptiste plutôt que comme l’emblème personnel intouchable de leur maître.

Le même Megan Holmes, tout à son interprétation carmélite de l’oeuvre, relie l’outil à un passage biblique (2Rois 6,1-7) racontant comment le prophète Elisée fit ressurgir miraculeusement du Jourdin une hache qui y était tombée ( [2], p 180 et ss). Le problème est que, dans la tableau, la hache est placée à l’opposé du cours d’eau qui pourrait évoquer le Jourdain.

Megan Holmes rappelle également que la métaphore de la hache abattant les arbres se retrouve dans de nombreux écrits de Saint Bernard, qui serait l’ermite figuré en haut à gauche ( [2], p 179).

Bernd Wolfgang Lindemann ( [6], p 87) qui pense quant à lui que cet ermite est Saint Romuald, relie la hache au miracle du hêtre qui menaçait de s’abattre sur la cabane de ce saint. Alors que les moines avaient commencé à élaguer l’arbre à la hache, celui-ci commença à s’incliner dangereusement. Tendant sa croix par le fenêtre, Romuald changea la direction de la chute, et la cabane resta intacte. Les problème est que si les arbres coupés abondent dans le tableau, aucun ne se se situe à côté d’une cabane.


La hache-substitut (SCOOP !)

A l’appui de ma propre thèse – à savoir que les différentes Adorations au désert se déduisent les unes les autres – je m’autorise à formuler une hypothèse qui m’arrange : la hache, signée par Lippi pour attirer l’attention, a effectivement un double sens : elle est la fois l’attribut de Jean Baptiste et le substitut de Joseph le charpentier, placé face à l’Enfant, à la position même qui est la sienne dans les Nativités.


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La question de l’ermite

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail saint Romuald

De même que la hache se situe juste en dessous de Saint Jean Baptiste au désert, deux arbres morts abattus servent d’attribut au saint en prières dans la forêt : comme si l’ermite moderne répondait à l’imprécation de son lointain devancier.


L’ermite serait Saint Bernard de Clairvaux

Trois points soutiennent cette identification :

  • les catalogues anciens de la collection Médicis [7] ;
  • une inscription dans son halo, dans la copie d’époque aujourd’hui exposée dans la Chapelle des Mages ( [4a], p 184 )
  • Saint Bernard était le second patron de Florence, et on fêtait le jour de sa mort, tout comme on fêtait celui de la naissance de Saint Jean Baptiste.

Ces arguments perdent de leur poids du fait que la Chapelle des Mages n’était pas un lieu officiel, mais un espace intime, dédié aux dévotions familiales.

D’autres présomptions tiennent à différents textes de Saint Bernard sur la vie érémitique, que l’on peut plus ou moins rattacher au paysage ( [3], p 23).

Les deux objections majeures sont les suivantes [8] :

  • Saint Bernard était un moine et un fondateur de monastère, pas un ermite ;
  • dans l‘iconographie italienne de Saint Bernard, il est presque toujours représenté imberbe : en particulier dans les oeuvres de Lippi père et fils (voir L’apparition de la Vierge à Saint Bernard).

L’ermite est Saint Romuald, fondateur des Camaldules

C’est l’identification qui semble aujourd’hui assurée, suite à l’article de Bernd Wolfgang Lindemann [6] et aux travaux de Stefanie Solum.

Le paysage ressemble en effet beaucoup à ce que les chroniques disent de l’ermitage fondé par Romuald dans les Appenins : il se situait sur un terrain agréable (campus amoenus) qui appartenait à un certain Maldulus (d’où le nom de ca-maldules). Le terrain était entouré d’une belle forêt de sapins – qu’aucune femme ne pouvait fouler sous peine d’excommunication – et comportait une bonne source. Le sentier étroit qui menait de l’ermitage à la source suivait un cours d’eau et passait sous un rocher dangereux. Un jour, un démon tenta de précipiter Romuald dans les flots tourbillonnants, du haut de ce rocher, mais le Saint, invoquant le Christ, rendit le roc aussi malléable que la cire ([6], p 87).

Les moines camaldules étaient spécialisés dans l’entretien des forêts, abattant les arbres « de manière à ne pas diminuer la forêt et ne rien enlever à sa beauté et à sa grâce » ( [4a], p 188).

Comme le reconnaît Stefanie Solum, il n’y a pas de document permettant de relier Lucrezia aux Camaldules à l’époque du tableau : mais on sait que dix ans plus tard en 1468, elle fit don d’un manteau d’or aux moines de Val di Castro en remerciement à Saint Romuald, qui selon elle et son mari Pietro, l’avaient guéri d’une grave maladie ( [4a], p 181 et ss). On sait par ailleurs qu’en 1463, le couple fonda et fit décorer une cellule dans l’ermitage de Camaldoli (voir plus bas). L’hypothèse d’une dévotion familiale dès 1459 est donc très plausible, bien que non prouvée à ce jour.


Deux géants dans la forêt (SCOOP !)

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail saint Romuald et Dieu

Devant le saint en prière, deux arbres abattus non ébranchés sont posés sur la plateforme rocheuse comme sur une table d’autel. La disproportion de taille est la même que celle, dans l’Adoration d’Annalena, entre Marie-Madeleine en prières et les arbres-bonsaï. Mais ici la logique est inverse : les arbres sont à l’échelle du paysage, c’est Saint Romuald qui se trouve de taille géante : il faut donc le lire non comme une présence réelle mais comme une apparition surnaturelle, ce qui l’apparente à la figure elle aussi géante de Dieu le Père. Celui-ci surplombe l’arrière-plan tandis que la colombe, de taille normale, plane en avant à l’aplomb de l’Enfant. Cette affinité entre d’une part Saint Romuald et Dieu le Père, d’autre part entre la Colombe et la Vierge, s’expliquera un peu plus loin.


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Un paysage symbolique

Les deux pélicans

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail pélicans
On lit souvent qu’un des pélicans se fouaille le flanc avec son bec pour donner à manger à ses enfants. En fait il dévore une vipère qu’il tient dans sa patte.

« Les oiseaux aquatiques sur la rive du ruisseau à droite sont facilement interprétés comme le « pélican du désert » du Psaume 102, un ancien symbole de la vie érémitique. Le fait que l’un de ces oiseaux soit en train de vaincre une vipère est une référence facile à comprendre à la lutte contre les démons, l’une des principales occupations de la vie solitaire. » [4a], p 193

Comme le remarque J.Ruda ( [1], p 227), la vipère fait aussi allusion au début de l’imprécation de Saint Jean Baptiste :

Il disait donc à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui : Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ?, Luc 3,7


Les rayonnements (SCOOP !)

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail rayonnements

Comme le remarque avec finesse S.Solum ( [4a], p 211), les rayons émis latéralement par Dieu le Père ne sont pas symétriques : ils sont plus intenses du côté de Saint Romuald que du côté inhabité de la forêt. L’idée est donc la même que dans l’Adoration d’Annalena, où les rayons émis interagissaient avec les auréoles des deux ermites, distinguées selon leur importance hiérarchique.

Ici, les auréoles suivent une hiérarchie à quatre niveaux :

  • translucide pour Saint Romuald ;
  • plus intense et animée de tourbillons pour Saint Jean Baptiste ;
  • pleine pour Marie ;
  • crucifère pour le Père et le Fils.


1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail enfant
Dans l’Adoration d’Annalena, les rayons tombaient depuis le nuage angélique sans déclencher aucun retour. Ici, émis par la colombe du Saint Esprit, ils allument tout autour de l’Enfant une couronne de flammèches qui remontent vers le ciel. Il s’agit très probablement d’une allusion à la fin de l’imprécation de Saint Jean Baptiste :

Il leur dit à tous: Moi, je vous baptise d’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. Il a son van à la main; il nettoiera son aire, et il amassera le blé dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point. Luc 3,16


Le voile interminable (SCOOP !)

Comme dans l’Adoration d’Annalena, l’enfant a la tête posée sur ce qui semble être une gerbe de branches. Son corps est couché, non plus sur le manteau, mais sur un gaze qui, selon J.Ruda, symbolise à la fois le lange et le linceul du Christ ( [1] , p 227 ).

Le chardonneret posé sur une souche, juste à côté, ainsi que les quatre oeillets rouges (allusion aux quatre clous) s’inscrivent eux aussi dans la symbolique classique de l’anticipation de la Passion.

Mais l’idée de Lippi est bien plus originale : car le gaze n’est autre que l’extrémité du voile qui tombe depuis la tête de Marie. Avec ce linge immatériel qui joint la mère et le fils, Lippi reprend une trouvaille symbolique qu’il avait exploitée vingt ans plus tôt dans l’Annonciation Barberini (voir 7-3 Les donateurs dans l’Annonciation : à droite, la spécialité des Lippi) :

1435 Fra Filippo Lippi Galerie nationale d'art ancien, Palazzo Barberini Rome
Annonciation avec deux donateurs inconnus
Fra Filippo Lippi, vers 1440 , Galerie nationale d’art ancien, Palazzo Barberini, Rome


Une ascension spirituelle

S.Solum insiste beaucoup sur le fait que le paysage mis au point par Lippi est à la fois une évocation réaliste des forêts aimées des Camaldules, et une construction symbolique :

La manière dont le paysage de Filippo négocie entre symbole et réalité est, en fait, cruciale pour la lecture du tableau dans son ensemble ( [4a], p 193).

En particulier, la bande de gauche se prête à une lecture en terme d’ascension spirituelle :

La hache, qui détermine la relation du spectateur avec le tableau, est un message de défi. Filippo indique clairement que la forêt sauvage doit être comprise comme un lieu de pénitence et de renoncement à soi-même, incarné par ses deux habitants : saint Romuald et saint Jean-Baptiste. ( [4a], p 207).

Le geste de celui-ci, la main sur la poitrine, invite le spectateur à le suivre,

« exigeant symboliquement la pénitence tout en signalant physiquement ce qui est la seule voie claire à travers le sombre désert de Filippo – un chemin qui commence par la hache menaçante et continue, depuis Jean-Baptiste via une série d’escaliers rocheux, jusqu’à Saint-Romuald et au-delà ( [4a], p 210 ).

Le paysage est conçu pour impulser cette lecture verticale et bloquer la lecture horizontale :

Le ravin central… crée un clivage visuel, parallèle aux rayons verticaux émis par la colombe, et divise le paysage en deux moitiés distinctes. De plus, le ravin délimite la formation rocheuse abrupte sur la gauche, la séparant du reste du paysage et en faisant une montagne indépendante et autonome…. Les orthogonales naturelles de Filippo, qui poussent doucement le flux directionnel du paysage vers le sommet de la montagne du Baptiste, démontrent que le véritable point de fuite n’est pas optique, mais symbolique. Filippo a soigneusement orienté la lecture vers le sommet élevé de la montagne situé au plus profond de l’espace du tableau et accessible uniquement par le chemin physiquement et symboliquement difficile suggéré par la hache. ( [4a], p 212).


La structure d’ensemble (SCOOP !)

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin schema ensemble
Je complèterai cette lecture en soulignant une subtilité de la composition : l’axe de symétrie (pointillés bleus) ne se situe pas au centre, mais est décalé sur la gauche. La dissymétrie des rayonnements place l’étroite bande verticale, à l’extrême droite (ligne bleue), hors de l’influence divine, dans une sorte de hors champ. La lecture ascensionnelle sur la gauche, qui joint l’auréole du Fils à celle du Père via celles des deux saints ermites (flèche verte) est ainsi contrebalancée par une sorte de verticale de la Chute (flèche rouge).



1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail arbres
Le torrent qui dégringole mène l’oeil, derrière les deux pélicans, jusqu’à un arbre arraché qui symbolise, d’une certaine manière, le Pécheur que sa propre faute abat inutilement, sans même servir de pont. Plus bas, juste derrière Marie, une seconde souche fracassée fait contraste avec un tronc correctement coupé et ébranché qui symbolise, quant à lui, le Pécheur réformé par la hache divine.



1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail pont
Dument équarri, il pourra servir de bois d’oeuvre pour le pont, la palissade, et l’ermitage que l’on devine tout en haut, entre les troncs, dans la partie la plus sombre de la forêt.


sb-line

Sur l’autel de la chapelle des Mages

Capella magi ZeuxisVR ensembleModèle 3D ZeuxisVR [9]

La question de l’intégration du tableau de Lippi au sein de la Chapelle des Mages, et de la cohérence du programme iconographique, a longtemps été débattue. Il est vrai que les paysages toscans peints par Gozzoli, avec leurs arbres aérés sur de larges pans de ciel bleu, contrastent fortement avec la forêt fermée et sombre conçue par Lippi. Il faut cependant tenir compte de l’obscurité de la chapelle, éclairée seulement par deux petits oculus : la visite à la lumière des bougies unifiait les deux espaces dans une même expérience [10].



Cappella_dei_Magi,_Palazzo_Medici_Riccardi_Firenze choeur
L’absence de fresques sur le mur du fond, mis à part les quatre Vivants de l’Apocalypse (il ne reste que l’Aigle et l’Ange, le Lion et le Taureau ont été perdus), et le lourd encadrement du retable, créent une solution de continuité avec le décor qui l’environne, même si les deux groupes d’anges, priant en direction du tableau, participent à l’Adoration.

Il ne fait plus guère de doute, aujourd’hui, que les fresques et le tableau ne constituent un ensemble mûrement réfléchi :

Étant donné que Benozzo a commencé son cycle de fresques après que le retable était déjà en place, son intervention dans la chapelle constitue un commentaire contemporain inestimable sur la peinture préexistante et son rôle dans la chapelle ( [4a], p 197).

Deux éléments majeurs appuient cette assertion :

Cappella_dei_Magi,_Palazzo_Medici_Riccardi_Firenze entree

  • la fresque qui surplombe, à l’extérieur, le seuil de la porte d’entrée :

L’agneau de Benozzo, peint dans un cadre fictif comme s’il était le sujet d’un tableau sur panneau, est posé horizontalement, la tête et le halo cruciforme sur le côté gauche. L’animal est un écho visuel indubitable de l’Enfant Jésus dans le tableau de Filippo, qu’il était censé symboliser. L’agneau renforce également le rôle de Jean Baptiste dans le retable ; de la main gauche, il tient une banderole sur laquelle est écrit « Ecce agnus dei ». ( [4a], p 200).



Cappella_dei_Magi,_Palazzo_Medici_Riccardi_Firenze vue generale

  • le fait que les deux animaux de la Nativité, qui manquent dans le panneau de Lippi, sont en quelque sorte externalisés sur les deux pans de mur de part et d’autre de l’arc triomphal :

« Le bœuf et l’âne disloqués rappellent que les Rois Mages de Benozzo ne voyagent pas vers une Nativité conventionnelle, mais vers l’Enfant Jésus dans la peinture mystique de Filippo. » ( [4a], p 200).

Les deux piliers corinthiens massifs cannelés et les murs latéraux du choeur, vus depuis l’entrée, se comportent comme des orthogonales qui mènent vers le mur de l’autel, créant une aspiration perspective vers le tableau de Filippo… Cet effet est renforcé par les pilastres corinthiens et l’entablement de style classique du cadre du retable aujourd’hui conservé dans la chapelle. Ce cadre, bien que n’étant pas original, a été réalisé pour reproduire le cadre décrit dans l’inventaire de la chapelle de 1492 ( [4a], p 200 et note 11).


Une topographie ternaire

Capella magi ZeuxisVR shema parcours
La topographie de la chapelle crée trois espaces soumis à des dynamiques distinctes :

  • la nef, espace public dans lequel le cortège des Mages impulse un parcours circulaire, pénétrant en haut à droite et sortant en haut à gauche, mais sans aller jusqu’au retable (flèche bleue) ;
  • le choeur, dans lequel les regards des anges propulsent vers le mur du fond celui du spectateur (flèches jaunes)
  • le retable, dans lequel la méditation attentive décèle les deux parcours, ascendant et descendant, de la montagne et du torrent (flèche verte et flèche rouge).

Cette tripartition a été explicitée, vers 1565, par une épigramme de Gentile Becchi ( [2], p 176) :

« à la chapelle de Cosimo, dans la première partie de laquelle sont peints les Rois Mages, dans la deuxième les anges chantants, dans la troisième Marie adorant l’Enfant nouveau né, afin que les visiteurs y sacrifient par leur cœur, par leur verbe et par leur oeuvre. »

Les trois deniers mots (corde, verbo, opere) font allusion à la générosité des Mages, au chant des anges, et à l’oeuvre de Marie, à savoir le Christ.


Le texte de Becchi est une paraphrase de ce qu’il cite juste après, un distique qu’il aurait relevé dans la chapelle :

Les dons des Rois, les prières des Plus haut (les anges), l’esprit de la Vierge sont ce qui est sacré dans l’autel : laisse ton pied à l’écart, foule profane !

Regum dona, preces superum, mens Virginis arae Sunt sacra: siste procul, turba profana, pedem !


Une lecture trinitaire (SCOOP !)

1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin schema trinitaire
Ce qui n’a pas été remarqué jusqu’ici est que ces trois « choses sacrées » ne désignent pas seulement les trois parties de la chapelle, mais aussi les trois composantes du panneau posé sur l’autel :

  • les « dons des Rois » font référence au Fils et à son alter ego Saint Jean Baptiste (rectangles blancs) ;
  • les « prières » renvoient au Père et à son serviteur qui le prie, Saint Romuald (triangles jaunes) ;
  • « l’esprit de la Vierge » invite à associer la Colombe et Marie comme deux émanations du Saint Esprit (ellipses bleues).



Capella magi ZeuxisVR marche
C.Acidini-Luchinat [11] a fait l’hypothèse que le distique aurait été inscrit sur la marche à l’entrée du choeur, à l’emplacement de la grande plaque de porphyre rouge qu s’y trouve aujourd’hui (visiblement refaite puisqu’elle empiète sur les deux cercles latéraux).

Ainsi, dans son ambiguïté, le distique suggérait au spectateur comment lire, tout en restant à distance respectueuse, le retable de Lippi. De même que la marche constituait une barrière physique à l’entrée du profane dans l’espace sacré (réservé aux Médicis), le mur vide de fresques et le cadre autour du retable constituaient une seconde barrière, visuelle cette fois, qui ne pouvait être franchie que par une méditation active, assistée par le distique.


Une expérience mystique à domicile

Je ne peux que faire mienne la conclusion de la thèse de S.Solum ( [4a], p 228 )

Le paysage de l’Adoration représentait pour les Médicis un défi spirituel. Mais en important, dans leur palais privé, l’environnement de l’ermitage alpin, le retable leur donnait également accès au Paradis de Romuald. L’expérience de la topographie camaldule offrait aux membres de la famille un véritable pèlerinage à l’intérieur de leur chapelle… Car le paysage camaldule était en lui-même une construction puissante, imprégnée de la mémoire universelle de l’Eden et des actes de sacrifice solitaire accomplis par la multitude d’ascètes depuis l’époque de Jean-Baptiste jusqu’à celle de Romuald, et au-delà. Le voyage offert par la montagne de Filippo suivait donc de puissantes lignes de force. Il permettait aux Médicis d’accéder à Camaldoli et, ce faisant, d’échapper au monde présent et à l’histoire humaine. Dans l’espace de leur chapelle, les membres de la plus mondaine des familles florentines pouvaient rompre les liens sociaux, privilégier l’âme au corps et rejoindre leurs ancêtres ascétiques en participant à leur quête originelle d’un autre type d’existence. En fin de compte, dans la contemplation du tableau, ils pouvaient espérer atteindre le but de toute vie solitaire – une union directe avec Dieu.



L’Adoration de Camaldoli (vers 1463)

1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi OfficesAdoration de Camaldoli, avec Saint Jean Baptiste Enfant de Saint Romuald
Filippo Lippi, vers 1463, Offices, Florence

Ce panneau a été commandé par les Médicis pour décorer la nouvelle cellule de Saint Jean Baptiste, qu’ils avaient fait construire dans l’Ermitage de Camaldoli. Le cadre portait les armes de Piero de Médicis et de son épouse Lucrezia, mais les documents ne permettent pas de conclure à une commande de cette dernière. Vasari explique clairement qu’il s’agit d’une copie de l’Adoration de la Chapelle des Mages. Mais si les éléments sont effectivement les mêmes, leur inversion en miroir, ainsi que certaines autres différences, méritent explication.


Saint Jean Baptiste

Il entre maintenant par la droite, désignant l’enfant de l’index et du phylactère, tout en regardant mystérieusement vers l’arrière.


Saint Romuald

Comme une source stipule que la donation avait été faite en l’honneur de Saint Romuald, nul n’a jamais douté que l’ermite du tableau ne soit le fondateur des Camaldules (la ressemblance avec l’ermite de l‘Adoration de la Chapelle des Mages rend intenable l’opinion, encore largement soutenue, qu’il s’agirait de Saint Bernard dans un cas et de Saint Romuald dans l’autre).

L’ermite se place maintenant en dessous de Saint Jean Baptiste, là où se trouvaient la hache et la signature. Sa taille réduite (comparée à celle de l’Enfant) montrent que sa présence est virtuelle : vu de trois quarts, il se situe en avant de l’espace du tableau, selon la convention habituelle des donateurs.

Le bâton noueux qu’il tient dans une main favorise un double processus de substitution :

  • entre Saint Romuald et Saint Joseph dans la scène de la Nativité ;
  • entre l’ermite qui occupait la cellule et son saint patron.

Ainsi, tandis que Saint Jean Baptiste entre en scène dans le plan du tableau, le dévot s’y trouve propulsé orthogonalement, depuis l’avant plan droit.


L’Enfant rayonnant

Dans l’Adoration de la Chapelle des Mages, les deux enfants, de taille similaire et séparés seulement par la hache, se déduisaient l’un de l’autre par rotation. Ici, l’introduction de Saint Romuald casse cette affinité. En outre, l’enfant Jésus est désormais entouré d’un rayonnement surnaturel, ce qui autorise à le coucher directement par terre, sans la protection du manteau ou du voile.


Les deux torrents (SCOOP !)

On retrouve derrière Marie la souche morte et le torrent qui descend : l’interprétation en terme de « verticale de la Chute » reste donc substantiellement la même. De l’autre côté, derrière les deux ermites, Lippi a rajouté un torrent à sec qui forme un escalier rocheux jusqu’au sommet de la montagne. Cette accentuation de l’opposition entre la voie facile, qui conduit à la perdition, et la voie rude, qui conduit au salut, se heurte à la structure même du tableau : puisque la voie négative se trouve maintenant du côté gauche – le côté honorable lorsque Dieu se situe au milieu.




C’est sans doute la raison pour laquelle la figure divine a été remplacée par un emblème plus abstrait : deux anges bleus symétriques, le dos d’une main droite et la paume d’une main gauche : ainsi Dieu repousse d’un revers de sa dextre les pécheurs dans le torrent, et accueille de la senestre les pénitents de l’escalier.


Une Déésis dans le désert (SCOOP !)

1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi Offices detail croix
Les deux anges tristes, couleur de nuit, ont aussi pour fonction de faire voir, dans les rayonnements, la forme d’une croix tenue en haut par les mains divines : ce pourquoi ne sont plus nécessaires d’autres allusions à la Passion (lange/linceul, chardonneret, fleurs rouges…).

Une fois perçue cette structure, la position de la Vierge, à gauche de la croix (donc du côté honorable par rapport à son fils crucifié) devient toute à fait naturelle, de même que celle de Saint Jean Baptiste de l’autre côté : en inversant sa composition, Lippi a transformé son Adoration en une Déésis dans le désert.


La source vive (SCOOP !)

1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi Offices detail
A la place du ravin obscur qui coupait en deux l’Adoration de la chapelle des Mages, Lippi a rajouté, entre la Colombe et l’Enfant, un filet d’eau qui sort du rocher et remplit un bassin tranquille. On peur y voir une allusion à la fonte buona, la bonne source qui a donné son nom au monastère situé à trois kilomètres de l’ermitage de Camaldoli.
Mais sa position sous la Colombe, et le fait que Jean-Baptiste la pointe de l’index, en font une allusion évidente au Baptême du Christ.



1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi Offices detail reflet
Une trouvaille extraordinaire est le reflet, qui montre seulement le haut du monticule, et le tronc qui y est fiché : nouvelle manière de faire apparaître; au centre du panneau, le Golgotha et la Croix .


Vue d’ensemble (SCOOP !)

1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi Offices schema
Tout comme dans l’Adoration de la Chapelle des Mages, l’axe de symétrie (en pointillés bleus) est légèrement décentré, mais pas suffisamment pour faire apparaître une bande latérale en « hors champ » : il s’agit simplement d’une préférence esthétique, courante chez Lippi, pour éviter une symétrie trop pesante. Elle accentue également le dynamisme de l’entrée en scène du jeune Saint Jean Baptiste, une jambe coupée par le cadre.

Un premier thème de la composition est l’opposition entre la voie qui descend, facile mais fatale (en rouge) et la voie qui monte, difficile mais salutaire (en vert). Cette opposition flagrante est passée totalement inaperçue des historiens d’art, sans doute parce qu’elle précède d’une quarantaine d’années les premiers « paysages moralisés » (une catégorie péniblement dégagée par Panofsky [12] ) ainsi que la formule antiquisante d’ « Hercule au croisement des chemins », entre le Vice et la Vertu (voir 4 Les figure come fratelli : autres cas). Mais il n’est pas besoin de postuler une extraordinaire modernité de Filippo par rapport à ses contemporains : il a simplement mis en image une métaphore courante dans les textes monastiques :

« Il y a donc une voie qui monte et une voie qui descend; l’une qui mène au bien et l’autre au mal; gardez-vous donc de prendre la mauvaise; choisissez la bonne… » [13]

Le second thème sous-jacent est celui de la Crucifixion, suggérée par les deux anges tristes, les rayonnements, et le reflet golgothéen dans la source, qui est aussi, d’une certaine manière, la projection de la croix brandie par Saint Jean Baptiste (pointillés blancs) : ainsi le geste de l’index annonce à la fois l’Agneau de Dieu et le lieu de son sacrifice.

Le filet d’eau pure sortant du rocher (flèche bleu) renvoie quand à lui à un autre thème johannique, celui du Baptême du Christ.

Loin d’être une copie simplifiée de l’Adoration de la Chapelle des Mages, l’Adoration de Camaldoli apparaît comme un approfondissement, qui mêle avec virtuosité le thème érémitique de la pénitence dans le désert à celui de la Rédemption, par la Crucifixion et par le Baptême.

Par rapport à cette Crucifixion virtuelle, la Vierge et Saint Jean se retrouvent placés comme dans une Déésis : mais il s’agit plutôt d’une conséquence heureuse que de la cause profonde de cette acrobatique inversion.


La cause de l’inversion (SCOOP !)

eremo di camaldoli Plan general
Pour passer de la somptueuse chapelle Médicis, en plein centre de Florence, à la cellule San Giovanni Battista d’un austère ermitage camaldule (cadre bleu), le panneau n’avait besoin que d’une faible réduction de taille, puisque dans le deux cas il était placé sur l’autel, destiné à une dévotion rapprochée.



eremo di camaldoli Cellule de Saint Romuald
A Camaldoli, les maisonnettes des ermites ont toutes la même structure : un couloir (1) donne accès au centre de la cellule avec sa cheminée d’angle (4), et de là aux espaces de vie : le lit (5), le studiolo (6) et la chapelle (8). Cette structure en spirale, en plus d’offrir un abri contre les rigueurs de l’hiver, pouvait symboliser le cheminement introspectif de l’ermite [14]. L’espace de l’étude (6) et celui de l’oraison (8) prennent jour du côté Sud, par une fenêtre latérale.


1457-59 Fra_Filippo_Lippi The_Adoration_in_the_Forest_-Berlin detail eclairage 1463 Adorazione di Camaldoli with_the_young_St._John_the_baptist,St._Romuald,_Filippo_Lippi Offices detail eclairage

Dans l’Adoration de la Chapelle des Mages, tous les troncs de la forêt sont éclairés de la même manière : non par le rayonnement central surnaturel, mais par une lueur diffuse venant de la gauche, sans créer d’ombre portée.

Dans l’Adoration de Camaldoli, l’éclairage n’est toujours pas surnaturel, mais vient cette fois de la droite, dans une lumière unique qui modèle les troncs, les rochers et les personnages.


Cellule de Saint Romuald eremo di camaldoli reconstitutionReconstitution P.Bousquet (cellule dite de Saint Romuald, eremo di Camaldoli)

L’inversion était nécessaire pour adapter le tableau à l’éclairage naturel de la chapelle : ainsi la Vierge était tournée vers le jour, et le jeune Saint Jean Baptiste semblait tout juste avoir fait irruption par la fenêtre, regardant encore derrière lui.



L’Adoration de Prato (1465-70)

1465-70 Filippo Lippi  Adoration de l'Enfant avec saint Vincent Ferrier et saint Georges Musee palazzo Pretorio Prato
Adoration de l’Enfant avec saint Georges et saint Vincent Ferrier
Filippo Lippi et atelier, 1465-70,  Palazzo Pretorio, Prato

Cette dernière Adoration de Lippi provient peut être de l’église San Domenico de Prato, Vincent Ferrier étant un dominicain récemment canonisé (1455). Comme dans le triptyque pour Alphonse V d’Aragon, le saint protecteur garde les arrières de la Vierge, et le saint moine fait face à l’enfant.

Cette ultime Adoration au désert, moins inventive que celles commandées par les Médicis, marque un retour à une forme de normalisation :

L’écran des personnages, disposés en forme de V, met judicieusement en valeur l’Enfant Jésus, et sa pose est astucieusement intégrée à cette composition. L’espace relativement naturaliste suggère qu’à la fin des années 1460, Fra Filippo ne pouvait plus accepter le placement hiérarchique et irrationnel des saints dans ses Adorations antérieures. ([1], p 233)



L’Adoration de Castello

Maestro della nativita di castello Accademia Florence
Adoration avec Saint Jean Baptiste
Maestro della Nativita di Castello, 1450-60, Accademia, Florence

Hors celles de Lippi, cette composition est une des rares Adorations florentines avec un Saint Jean Baptiste enfant, ici les pieds dans un ruisseau pouvant évoquer le Jourdain. Elle provient de la maison de campagne des Médicis située à Castello, et la prédelle porte sur ses côtés les armoiries des Médicis et des Tornabuoni. Il est difficile de créditer ce peintre mineur de l’invention de l’Adoration au désert ([4b], p 95), d’autant plus que Saint Jean Baptiste est ici un bébé à peine plus âgé que Jésus : il manque donc la grande audace de Lippi : représenter une rencontre chronologiquement impossible, et donc purement symbolique.



Références :
[1] Jeffrey Ruda, Fra Filippo Lippi : life and work, 1999 https://archive.org/details/frafilippolippil0000ruda/page/219/mode/1up?view=theater
[1a] Jeffrey Ruda, Fra Filippo Lippi: Life and Work with a Complete Catalogue, 1993
[2] Megan Holmes, « Fra Filippo Lippi the Carmelite Painter », 1999 p 174 et ss https://archive.org/details/frafilippolippic0000holm/page/174/mode/1up?view=theater
[3] Giulia Puma, « Le désert des anachorètes dans la forêt des ermites : trois adorations de Filippo Lippi (1450-1465) », Arzanà. Cahiers de littérature médiévale italienne, Année 2013 16-17 pp. 157-178 https://www.persee.fr/doc/arzan_1243-3616_2013_num_16_1_1032
[4] Stefanie Solum, « Women, Patronage, and Salvation in Renaissance Florence « : Lucrezia Tornabuoni and the Chapel of the Medici Palace », 2017, https://books.google.fr/books?id=WiMxDwAAQBAJ&pg=PT23&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false
[4a] Stefanie Solum, « Lucrezia’s Saint: The Child Baptist and Medici redemption in fifteenth-century Florence », 2001, PhD Berkeley
[4b] Stefanie Solum, The Problem of Female Patronage in Fifteenth-Century Florence, The Art Bulletin, Vol. 90, No. 1 (Mar., 2008), pp. 76-100 https://www.jstor.org/stable/20619589
[5] Dans ses travaux successifs ([4a], [4b] et [4]), Stefanie Solum a exploité de manière exhaustive toutes les sources disponibles sur Lucrezia Tornabuoni, et tiré cette conclusion d’une accumulation de présomptions, sans preuve définitive. Autant la question de ce patronage féminin reste affaire d’opinion (sauf découverte d’un document inédit), autant les analyses très fines sur les détails de la composition et sur son insertion au sein du programme de Chapelle des Mages sont à mon avis définitives.
[5a] Je remercie Raoul Bonnaffé de m’avoir signalé ces oeuvres : https://lamusee.fr/tags/hache
[6] Bernd Wolfgang Lindemann, Wer ist der Mönch mit dem Bart? Ein Beitrag zur Ikonographie und zur ursprünglichenBestimmung von Filippo Lippis Berliner « Anbetung im Walde », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 78. Bd., H. 1 (2015), pp. 84-93 https://www.jstor.org/stable/43598614
[7] « … e in detta tavola una Nostra Donna che adora il fìgliulo che sta innanzi a piedi e un San Giovanni e uno Santo Bernardo e Dio padre cholla cholomba innanzi » Eugène Müntz, Les collections des Médicis au XVe siècle , Paris 1888, p 62
[8] Pour le détail de la discussion, voir [4a], p 184, note 114
[10] Marie Piccoli-Wentzo (15 juillet 2018), Lorsque voir fait se mouvoir : quelle performance pour le retable de la chapelle des Mages ?, Contextualités https://doi.org/10.58079/n359
[11] Cristina Acidini-Luchinat, « The Chapel of the Magi. The Frescoes of Benozzo Gozzoli », p 12 et ss
[12] La notion a été par la suite fortement remise en cause. Voir Patricia Emison « The Paysage Moralisé », Artibus et Historiae , 1995, Vol. 16, No. 31 (1995), pp. 125-137 https://www.jstor.org/stable/1483501
[13] Saint Bernard, Les degrés de l’humilité, Chapitre IX, 7027 https://clerus.org/bibliaclerusonline/es/jr3.htm