L'âge classique : pendants formels
Ces pendants privilégient la symétrie formelle, peu importe le sujet.
Sujets divers : Pays-Bas
Le Marché aux poissons | Le Marché aux légumes |
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Hendrick Sorgh, 1654, Gemäldemuseum, Kassel (40,1 x 30,5 cm)
On suppose, sans certitude, que le pendant prend prétexte des deux types de marchés pour montrer deux vues de Rotterdam, vers le port et vers la cité. Sorgh a décliné plusieurs fois le sujet des marchés.
Le Marché aux poissons, Rijksmuseum, Amsterdam (65. x 47,5 cm) | Le Marché aux volailles à Rotterdam, Musée des Beaux Arts de Bâle (65 x 49,5 cm) |
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Sorgh, 1650-70
On ne sait a si ces deux variantes très proches constituaient elles-aussi des pendants.
La Leçon de chant | La Leçon de basse de viole |
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Netscher, 1664, Louvre, Paris
En ce temps où les pendants constituaient encore une nouveauté visuelle, le caractère systématique et didactique de celui-ci lui confère un côté candide. Malgré les efforts de l’artiste pour perturber la symétrie, nous voyons bien que chacun se compose d’une musicienne assise, en robe blanche, entourée par un maître de musique en habit noir et par un tiers, grande soeur ou petit frère.
Non content d’opposer le Chant à la Musique instrumentale, nous avons pour le même prix l’Extérieur et l’Intérieur, la Sculpture et la Peinture et , de manière plus discrète, l’Eté et l’Hiver :
- à gauche des verres sont posés à terre dans le rafraîchissoir, des pêches et des raisins sur la table ;
- à droite, le pied gauche de la musicienne est posé sur une chaufferette.
La dame anémique, Rijksmuseum | Deux femmes près d’un berceau, The Quadrangle, Springfield Museum of Arts |
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Samuel van Hoogstraten, 1670
Ce pendant très inhabituel a été expliqué par Wayne E. Franits [1] : je résume ici son analyse, plus quelques compléments sur le rôle comparé des deux trios, et sur la symbolique des objets (sur l’art consommé d’Hoogstraten pour faire parler les décors, voir 2.2 Le Corridor : scène à quatre).
La dame anémique
Elle n’a pas fait venir le docteur dans l’espérance d’être enceinte, comme certains l’ont proposé. E. Petterson [2] a montré que la visite du docteur à une femme visiblement anémiée sous-entend que celle-ci souffre de « fureur utérine » : les médecins de l’époque pensaient qu’en l’absence de grossesse, cet organe devenait dévorant, au détriment des organes vitaux.
Comme le note Wayne E. Franits , Hoogstraten a multiplié les indices en faveur de cette lecture : les doigts contractés de la patiente, sa posture analogue à celle du chat jouant avec la souris – figure habituelle de la libido féminine exacerbée (voir Pauvre Minet).
Ajoutons que l’oeil-de-boeuf dévoilé (impudeur) et barré (infertilité), qui donne sur un corridor décoré de tableaux galants, va dans le sens d’une lubricité ne trouvant pas d’exutoire. A contrario le tableau de l’arrière-salle – un fragment de l’Ecole d’Athènes de Raphaël, au dessus d’une cheminée éteinte – invoque l’état d’esprit de sagesse, de piété et de désir maîtrisé qu’elle est bien incapable d’atteindre.
Deux femmes près d’un berceau (SCOOP !)
Le trio formé par le médecin, le mari, et patiente – celui qui sait, celui qui aime et celle qui a besoin d’aide – est remplacé par un trio équivalent, mais aux sexes inversés : la compagne plus âgée, la mère et l’enfant.
La fenêtre garnie d’un bouquet, la pièce arrière tapissée d’un luxueux cuir de Cordoue doré, et le berceau débordant de fourrures sont autant d’images d’un utérus comblé, opulent et douillet.
La logique du pendant
Laissons la conclusion à Wayne E. Franits :
« Si « La visite du docteur » représente l’utérus enflammé, alors « Deux femmes près d’un berceau » représente l’utérus rétabli par la grossesse et par l’enfantement« .
Sujets divers : Italie
Soldats jouant aux cartes (pratiquement détruit lors de l’attentat à la bombe de 1993) | Un Concert |
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Manfredi, 1614-16 Offices, Florence
Les deux composition sont construites en parallèle :
- au centre, la table avec la partition ou le jeu de cartes ;
- de part et d’autre, un groupe de trois plus un personnages impliqués dans le jeu : musiciens (violoniste, luthiste, chanteur en face du flûtiste) ou joueurs de carte (celui qui est assis sur la table est probablement un tricheur) ;
- à droite, deux personnages debout, qui ne jouent pas.
Le très mauvais état des deux tableaux empêche d’aller plus loin dans la compréhension des deux scènes, mais il est douteux que le pendant repose sur autre chose que sur ces correspondances purement formelles.
Joueurs de cartes | Groupe de musiciens |
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Boncori, 1675, Chrysler Museum of Art, Norfolk
A gauche, dans un bouge, le jeune homme en velours rouge croit tenir la carte gagnante pendant qu’une fille lui soutire sa bourse (sur ce thème, voir Vol simple, vol en réunion).
A droite, dans un extérieur noble, de jeunes musiciens jouent ensemble, sous l’égide d’une statue de Pan avec sa flûte.
On compte une femme et quatre hommes de chaque côté (en incluant la statue), dans des attitudes très symétriques :
- les deux joueurs de cartes du premier plan font écho au luthiste et au contrebassiste (ils ont d’ailleurs les mêmes pantoufles rouge et blanche et les mêmes couvre-chefs) ;
- le spectateur en pourpoint vert qui observe le jeu de cartes d’en haut (et qui tient d’ailleurs un violon) correspond au violoniste debout, qui penche sa tête vers le groupe ;
- la voleuse et la claveciniste rivalisent de dextérité.
Ainsi ce pendant fortement charpenté oppose l‘intérieur et l’extérieur, le divertissement et l’art, les cartes et la partition, le jeu futile et le jeu habile, la discorde et l’harmonie.
Mort de Caton, Musée de Chambéry | Mort de Sénèque, , Louvre, Paris |
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Giordano, 1684-85
Le pendant dispose face à face deux nobles vieillards entourés de disciples montrant toutes les expressions de l’affliction, côté politique, et de l’attention, côté philosophie.
On ne sait pas grand chose du suicide de Caton, sinon qu’il se plongea une épée dans la poitrine pour ne pas survivre à la République, après avoir lu une dernière fois le Phédon de Platon (sans doute le livre tenu par le jeune homme en bleu).
En revanche le suicide de Sénèque, qui s’ouvrit les veines sur l’ordre de Néron, est raconté en détail par Tacite :
« Et, même au moment fatal, gardant toute la maîtrise de son éloquence, il appela ses secrétaires et leur livra longuement ses réflexions. » Tacite, Annales XV
Dans les deux sujets, la dignité de la Peinture d’Histoire impose de faire l’impasse sur les effets grand-guignols : pas de glaive côté Caton, et bandage côté Sénèque.
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