3 Narni : le pont médiéval
Le pont médiéval est assez rarement représenté tout seul : quoique moins célèbre que le pont d’Auguste, c’est néanmoins un édifice pittoresque et bien reconnaissable, bas sur pattes et haut du col.
Carte postale de 1899, Collection Patumi Simone, Cassa di Risparmio di Narni e Terni
Point de passage obligé sur la Nera, il fut incendié le 9 juillet 1849 sur ordre de Garibaldi lors de sa fuite de Rome, pour retarder les armées allemande et française qui le poursuivaient [1] . Il fut définitivement détruit par l’armée allemande le 13 juin 1944, pour retarder l’armée anglaise et la brigade garibaldienne de partisans [2]. Il ne reste aujourd’hui qu’une passerelle à usage essentiellement piétonnier [3].
Le pont médiéval de Narni Agostino Martinelli, 1676 [4].
Composé d’une rampe d’accès, d’une tour de péage et de cinq arches, le successeur du Pont d’Auguste était passablement endommagé en 1676, à en croire l’avertissement inscrit sur le parchemin :
« Duquel, étant érodé, on peut craindre l’effondrement ».
Le pont médiéval de Narni
1760, gravure de Forrester, dessin de Stephens
Pour cette première apparition en solo, le pont a été généreusement servi par le dessinateur, qui a rajouté une arche à gauche et une arche à droite de la tour : d’où un effet de « rateau », encore augmenté par les ombres longues des piles.
Le pont rectiligne et dentelé, fiché dans toute la largeur de cette paisible vallée, apparait comme une singularité bien humaine, un artefact des temps primitifs : telle est du moins l’idée que le XVIIIème se fait du Moyen-Age.
En regardant mieux, on constate que les deux promeneurs du premier plan se trouvent sur une sorte de plateforme surélevée.
Bien sûr, ils ont grimpé sur l’arche du pont d’Auguste, que Forrester a illustré dans sa première gravure et qui sert, astucieusement, de transition avec la seconde.
Le pont médiéval de Narni
Francis Towne, 1780 environ, Yale Center for British Art
Vingt ans plus tard, Francis Towne réalise une aquarelle un peu plus réaliste : s’il manque une arche à gauche de la tour, les arches de droite ont le bon nombre (cinq) et la bonne forme : leur arrondi, complété par le reflet dans l’eau, supprime le caractère artificiel et agressif de la gravure de Forrester.
Mais c’est surtout l’effet d’ensemble que Towne a particulièrement soigné. La tour de garde du pont trouve un premier écho dans la tour de l’édifice du col, écho qui se démultiplie ensuite dans les tours des remparts de Narni.
De même, la forme triangulaire de la toiture est rappelée dans le profil des trois collines.
La tour de garde donne le La à la composition, et organise l’harmonie de l’ensemble.
Le pont médiéval de Narni
1826, gravure de Villeneuve, dessin de Michallon
Ici, Michallon (un des maîtres de Corot) n’a retenu du pont que sa tour, ramenant les cinq arches à trois. La charrette de foin va-t-elle ou pas réussir à franchir l’arche étroite, telle est la question que l’artiste se pose, et pose au spectateur.
Question effectivement d’actualité, en ce début du XIXème siècle où, un peu partout se pose la question de la démolition des remparts médiévaux, pour cause de modernité.
Carte postale, vers 1930, Collection Patumi Simone, Cassa di Risparmio di Narni e Terni |
Barbot retient toujours le même point de vue, avec Narni à l ‘arrière-plan.
Le pèlerinage de Childe Harold
Turner, 1832, Tate Gallery
Lors de son exposition, le tableau était accompagné de ces vers de Byron :
… Et maintenant, belle Italie ! |
… and now, fair Italy! |
Le romantisme des ruines et la gloire du couchant magnifient ces symboles de persistance et de fertilité que sont le pin et les jeunes gens qui dansent.
Le pont médiéval de Narni
1832, gravure de Allen, dessin de Harding
La même année, cette gravure anglaise nous montre le contraire : une Italie archaïque et moyennageuse, où les paysans se pressent par la porte étroite, puis par le pont étroit, pour monter jusqu’à la ville crénelée.
En 1832, cela fait déjà sept ans que le premier train de voyageurs a roulé en Angleterre.
Gravure de P S Kelton, The Magazine of Art, 1878, Cassell, Petter & Gallpin p 236
Même impression de lenteur médiévale sous ce point de vue légèrement différent.
Gravure de Paterson, The Magazine of art, 1878, Cassell, Petter & Gallpin, p 238 |
Carte postale de 1915, Collection Patumi Simone, Cassa di Risparmio di Narni e Terni |
La gravure, tirée du même ouvrage, nous montre le pont médiéval après la réparation des dommages de 1849. Le tablier sera ensuite modernisé par une structure en fer, pour faciliter le passage des gros véhicules.
1895, Enciclopedia Illustrata, edition Sonzogno
Dans cette gravure d’après photographie, le pont est une porte fortifiée parmi les autres, sur le chemin qui serpente vers la ville haute.
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