4-4 Le donateur-souris : en couple
J’ai rassemblé ici tous les cas où les donateurs-souris se présentent en couple devant la Madonne : situation dans laqulle un des deux doit assumer le côté défavorable… à moins que les deux ne se placent du même côté.
Couple homme-femme
Mis à part de rares exceptions (voir 1-3 Couples irréguliers, le mari est en gauche, en position d’honneur, et l’épouse à droite.
Psaultier de Cuerden
Oxford, vers 1270, Morgan Library MS M.756 fol. 10v
Les deux époux portent le même habit, excepté le couvre-chef : cale pour l’homme, barbette pour la femme. Comme nous le verrons, il n’est pas systématique que l’Enfant Jésus se trouve côté épouse, mais la circonstance particulière de l’allaitement rend cette position logique.
Vierge à l’Enfant avec un couple de donateurs
1200-99, Curia Vescovile, Rieti
La solution est ici tout à fait équilibrée : l’Enfant Jésus se trouve côté épouse, mais il bénit en direction du mari.
Vierge avec six anges et les époux Paci
Maître de 1310, 1310, Musée du Petit Palais, Avignon
L’inscription précise le nom des époux : Filippo Paci et de son épouse Jacobé.
« In nomine Domini an(no) MCCCX de(cimo) m(en)s(is) februarii p(ro) a(n)i(m)a Filippi Pacis (et) d(omi)ne lachobe uxoris sue ; a(n)i(m)e quorum, mi(serico)r(di)a Dei, requiscant i(n) pace ».
Ce type de panneau, où le couple se trouve au paradis aux pieds d’une Vierge entourée d’anges, est donc clairement une épitaphe : « que leur âme repose en paix ».
Annonciation fol 2v | Vierge à l’enfant avec le couple de donateurs fol 3r |
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The Pabenham-Clifford Hours [1]
vers 1315-1320, Fitzwilliam Museum, MS 242
Ce manuscrit a été fait pour John de Pabenham (mort en 1331) et sa seconde épouse , Joan Clifford, qu’il épousa vers 1315.
Le couple apparaît dans plusieurs pages du manuscrit. Ils figurent dans la page de gauche, en dessous de l’Annonciation : comme dans pratiquement toutes les Annonciations avec donateurs, les époux respectent l’ordre héraldique, qui coïncide avec l’ordre traditionnel de l’Ange et de Marie (voir 7 Les donateurs dans l’Annonciation)
On les trouve dans la page de droite, priant tous deux la Madonne, l’époux en armure dans la marge et l’épouse en bas dans le texte.
Trinité, f 28v | Crucifixion, f 55v |
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En revanche, dans les deux Christ en croix du manuscrit, l’ordre héraldique est inversé, ce qui est exceptionnel : l’épouse prend la place d’honneur à la droite du Christ et le mari la place mineure. Plutôt qu’une « courtoisie » médiévale, il faut sans doute invoquer ici un simple souci de variété dans la composition :
- dans la première occurrence, la croix est englobée dans une représentation trinitaire, ce qui lui fait perdre la forte polarisation qu’elle présente dans les scènes de Calvaire ;
- dans la seconde, les deux époux se trouvent à l’extérieur de la lettrine, hors de portée de la polarité de la croix : c’est l’occasion pour l’artiste d’inverser la composition par rapport au folio 3r.
Bernardo Daddi, 1333, Loggia del Bigallo, Florence | Taddeo Gaddi,1334, Gemäldegalerie, Berlin |
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Le second triptyque est une reprise du premier, mais plus expressif dans le traitement du contraste entre les deux scènes des frontons :
- dans le fronton de gauche, saint Nicolas apparaît chez le roi païen qui retient le jeune Adeodatus comme esclave, dans un décor et des habits somptueux, derrière une table garnie de viande ;
- dans le fronton de droite, Saint Nicolas rend Adeodatus à ses parent, attablés dans un décor pauvre pour un repas de poisson.
Au revers les scènes des deux triptyques sont pratiquement identiques (sauf pour un saint) :
- à gauche, Sainte Marguerite surplombe Jésus recommandant Saint Jean à Marie (Berlin), ou Saint Martin (Florence) ;
- à droite, sainte Catherine d’Alexandrie surplombe saint Christophe.
Comme le remarque Andrew Ladis [2], quatre scènes dans le triptyque de Berlin sont liées à un enfant en danger ou perdu (Saint Nicolas, Saint Christophe, « Mère, voici ton fils »). On peut ajouter à ce thème de l’enfant en péril Sainte Marguerite, qu’on invoquait pour le naissances.
Le couple qui regarde intensément la Vierge embrassant l’Enfant serait donc des parents ayant perdu leur enfant.
Une ouverture déchirante (SCOOP !)
Les deux scènes de l’avers parlent également d’enfance : joyeusement avec la Nativité, et tristement avec la Croix, en haut de laquelle un pélican se déchire les entrailles pour nourrir ses enfants.
Ouvrir le retable, c’est séparer en bas les deux images de Jésus, naissant et mourant ; et en haut séparer en deux l’Enfant Déotatus : son image triste dans une prison dorée, et son image joyeuse lors du retour chez ses parents.
A l’inverse, fermer le retable, c’est accéder à une forme de consolation : un nouveau fils et une nouvelle naissance (sur Saint Christophe portant l’Enfant comme métaphore de la grossesse, voir 4.2 L’Annonciation de Bruxelles).
Vierge enceinte (Madonna del Parto) avec un couple de donateurs
Maestro della Madonna del Parto, 1390-1410, Accademia, Venise
Ce couple a choisi une iconographie très particulière, celle de la Madonna del Parto , dans laquelle le livre symbolise l‘Enfant à naître, et le lys la Virginité.
S’agissant d’un tableau de dévotion, le livre est aussi utilisé pour apporter à Marie la prière du couple ; ainsi que pour expliquer au spectateur, sur deux pages, le paradoxe de cette mère future, et pourtant vierge :
Salut Mère du Christ Très sainte Vierge Marie enceinte |
Ave Mater Christi Sanc Tissima Virgo Maria Parta |
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Vierge à l’enfant avec des anges et un couple de donateurs de la famille Erlbeck
Ecole de Nüremberg, 1430, Staatliche Kunsthall, Karlsruhe, photo Jean Louis Mazières
Dans ce tableau très symétrique, les prières sont différentiées : chacun des membres du couple profane s’adresse à la personne sacrée qui est la plus proche de lui :
- le mari dit à l’Enfant : « Prends pitié de moi mon Dieu » ;
- l’épouse dit à la Mère : « Prend pitié de nous Marie ».
Il est révélateur que le mari parle à Jésus en son nom (mihi), tandis que l’épouse s’adresse à Marie au nom du couple (nobis) : dans la moitié honorable du panneau, une sorte de solidarité entre mâles autorise la communication directe, tandis que dans la moitié humble l’épouse n’accède à l’autorité suprême qu’au travers de deux médiations : le lien marital et le lien filial.
Cet exemple est typique d’une composition rare, qu’on ne trouve que dans les Pays du Nord (mis à part deux exceptions italiennes que nous verrons plus loin) : l’Enfant du côté du mari, alors qu’il pratiquement toujours, dans les Madonnes avec couple, situé du dessus de la femme.
Retable Requin
Enguerrand Quarton, 1444-45, Musée du Petit-Palais, Avignon
Voici un autre exemple de ce dispositif avec l’enfant au dessus du mari. La présence de Saint Jacques à gauche, a fait penser qu’il s’agirait d’un tableau votif en commémoration ou en préparation du voyage du donateur en Palestine. Le Saint évêque de droite est Saint Siffrein ou Saint Agricol. On ne sait rien sur le couple.
Lues verticalement, les fuyantes du trône (qui ne se rencontrent pas) divisent le panneau en trois zones :
- en bas le triangle des humains ;
- au centre une zone unissant les saints et l’Enfant Jésus ;
- en haut le triangle de Marie.
Tout en créant une forte sensation de profondeur, cette configuration a pour effet de comprimer vers le sol les donateurs vêtus de noir, et de pousser vers le haut le visage de Marie, rehaussé de rouge et d’or.
Lue horizontalement, la composition est scandée par des verticales puissantes, auxquelles fait exception la crosse inclinée du Saint Evêque : d’où un effet d’aspiration du regard vers le haut au niveau de la main qui bénit.
Par ces moyens purement graphiques, le grand artiste qu’est Enguerrand Quarton réussit à insuffler dynamisme et originalité dans un sujet très réglé et conventionnel.
Vierge à l’enfant entre Saint Hugues d’Avalon avec un chartreux , et Saint Ambroise (?) avec un laïc
Anonyme avignonnais, vers 1500, Musée du Petit Palais Avignon
La comparaison est intéressante avec cet autre panneau avignonnais traitant cinquante ans plus tard. la même composition, avec deux donateurs et deux saints patrons. L’artiste a dû lui aussi disposer une crosse dans la main gauche des saints patrons : ce qui l’a conduit, afin d’espacer équitablement les verticales, à la même solution : représenter de profil le Saint de gauche et de trois quarts celui de gauche.
Cependant, l’esthétique désormais totalement renaissante lui impose des contraintes supplémentaires :
- la perspective géométrique oblige à placer la Vierge assise en contrebas des deux Saints ;
- les donateurs désormais à taille humaine et sur lesquels les saints patrons posent leur main, font désormais corps avec eux (en particulier pour les deux chartreux et le cygne, réunis par la couleur blanche).
Il en résulte une composition statique et sans profondeur, qui permet de mesurer combien, en gagnant en réalisme, la peinture a perdu en expressivité.
Vierge a l’Enfant avec Saint Laurent, Lazare, Antoine, Bernardin de Sienne et un couple de donateurs
Atelier de Benozzo Gozzoli, 1470, Musée national San Matteo, Pise (provient de l’église San Lazzaro fuori le mure)
Les deux donateurs sont désignés par leur prénom et leur ville d’origine : Gianpiero, de Portovenere, et Dona Michele, de La Spezia [3].
Un ex voto ? (SCOOP !)
Ce ne sont donc pas des époux (d’où la présence de l’Enfant côté masculin), mais peut-être des malades de l’hôpital situé à côté de l’église, qui auraient fait don de ce retable en remerciement pour leur guérison.
Les saints n’ont pas été choisis en relation avec leur prénom, mais pour des raisons assez transparentes : Saint Lazare est le patron de l’église (et des malades). Le chien qui lèche ses plaies (suite à une confusion courante avec le pauvre Lazare de l’Evangile) fait écho au cochon de Saint Antoine, lui aussi autre saint guérisseur. Enfin, le gril de Saint Laurent et le monogramme enflammé de Saint Bernardin ont pu être choisis pour évoquer les douleurs des malades.
L’hypothèse d’un ex-voto est renforcée par un retable postérieur de Gozzoli, sur lequel nous avons cette fois toutes les informations utiles.
Saints Nicolas deTolentino, Roch, Sebastien, et Bernardin de Sienne, avec un couple de donateurs
Benozzo Gozzoli, 1481, MET, New York
Ces quatre saints protecteurs contre la peste, les a fait faire Pietro di Battista d’Arrigo di Minore, citoyen de Pise, en 1481 |
QVESTI IIII·SANTI D IFENSORI / DELLA PESTILENTIA A FATTFARE / PIETRO DIBATISTA DA RIGO DIM INOE / CITADINO PISANO·M· CCCC·LXX XI |
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Tandis que huit anges, exécuteurs de la colère divine, décochent leurs traits sur la ville (trois ont déjà tiré), le couple s’est réfugié à l’écart, sur une terrasse en hauteur, à l’abri derrière le rempart des quatre saints traditionnellement reconnus comme efficaces contre le fléau [4].
Une protection équitable (SCOOP !)
Alors que Saint Sébastien et Saint Nicolas de Tolentino sont plutôt invoqués pour écarter les épidémies, saint Roch et saint Bernardin sont connus pour avoir soigné des pesteux.
Ainsi le mari et le femme se répartissent équitablement leurs services :
- derrière chacun un couple de saints, un civil et un religieux ;
- et derrière chacun un spécialiste de la prévention (à gauche) dialogue avec un spécialiste de la guérison (à droite).
Cette bipartition entre l’Avant et l’Après se retrouve dans les deux pages du livre que tient Saint Bernardin :
- à gauche une profession de foi : « Père, j’ai manifesté ton nom aux hommes » (Jean 17:6 ) ;
- à droite le résultat attendu: « Montre-nous ta miséricorde, Dieu clément ».
Vierge a l’enfant avec St Blaise, St Michel Archange et un couple de donateurs
Neri di Bicci, 1475, Musée des Beaux Arts,Montreal [5]
Une architecture structurée
Dans cet ensemble très original, le retable et la prédelle sont unifiés de trois manières :
- par l’éclairage unique, qui crée des ombres longues vers la droite ;
- par les balustres, qui situent la scène tragique de la déploration dans un sorte de galerie inférieure ouvrant sur un paysage terrestre, sous la salle du trône ouverte sur le fond d’or du Paradis ;
- par la présence structurante des donateurs :
- en bas leurs blasons (non identifiés à ce jour) ferment au deux bouts la galerie des éplorés ;
- en haut leur silhouette ponctue précisément l’inscription, encadrant la partie sacrée « IESUS CHRISTUS FILIUS DEI VIVI ».
Tandis que souvent les donateurs-souris sont plaqués dans la marge, ils jouent ici un caractère structurant : positionnés sous les montants du trône et au dessus de deux balustres, ils servent de relais entre la salle haute et la salle basse, et nous font voir comment le trône se projette dans le tombeau [6].
Des astuces visuelles
Les ombres portées donnent un léger avantage à l’époux, puisque la sienne touche le montant du trône ; réciproquement la queue du diable, qui dépasse devant l’inscription, fait planer une légère menace sur l’épouse.
Heureusement, chacun des époux est en quelque sorte gratifié par le Saint qui le surplombe : le mari est placé sous la crosse de Saint Blaise,et non sous le peigne à carder de son martyre ; quant à l’épouse, elle est du bon côté de la balance de Saint Michel.
Des exceptions qui confirment la règle
Cette oeuvre est une des très rares Madonnes avec couple qui échappe à la règle italienne intangible : l’Enfant est toujours situé au dessus de l’épouse.
Vierge à l’Enfant avec des anges et un couple de donateurs
Cristoforo di Giovanni da Sanseverino et Angelo da Camerino, 1457, Pinacoteca communale, Camerino
Le seul autre exemple que je connaisse est cette Madonne d’une peintre mystérieux, dont elle est la seule oeuvre connue. Le cartouche fournit le nom du donateur, partiellement effacé (Giovanni <nom inconnu> di San Genesio), ainsi que celui des deux peintres [7].
Fresque anonyme, 1200-99,San Zeno, Vérone |
Madonna delle grazie, Turone, 1362,Santa Maria della Scala, Vérone |
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Madonne avec un couple de donateurs
Une autre exception semble frapper les Madonnes des églises de Vérone. Mais en prenant un peu de recul, on constate que ces fresques sont placées sur le mur droit de la nef.
Fresques du mur droit de la nef, San Zeno, Vérone
Fort logiquement, les huit Madonnes de ce mur (sauf une) portent toutes l’Enfant en direction du choeur.
Couple en position de bénédiction
Dans de rares cas, les deux membres du couple se regroupent sur la gauche, se ramenant ainsi au cas du donateur unique.
Vierge à l’Enfant avec quatre Saints, deux anges et un couple de donateurs
Saint Cecilia Master, 1290-1320, Musée des Beaux Arts, Budapest
Malgré la grande symétrie du panneau (deux saints non identifiables et un ange de chaque côté), les deux donateurs sont latéralisés à gauche.
Malgré le mauvais état du panneau, on voit encore que l’homme est placé en avant, mais surtout à droite de la femme : ce qui est conforme à l’ordre héraldique pour un couple marié. Les couleurs rouge (pour la splendeur) et noire (pour la dignité) viennent à l’appui de la différence de sexe.
Vierge à l’Enfant avec un couple de donateurs
Paolo Veneziano ,1325-30, Accademia, Venise
Ici encore le mari habillé de noir précède doublement l’épouse habillée de rouge. La composition, très exceptionnelle, superpose deux types byzantins :
- celui de la Vierge relevant de la main droite un pan de son manteau (qui justifie la position des donateurs) ;
- celui de de la Vierge Platytera, montrant l’Enfant encore dans son sein
Madonne avec des moines carmélites, vers 1280, copyright Byzantine museum, Nicosie | Vierge Platytera avec trois saints Maestro Francesco,XIIIeme siècle, Scuola di S. Giovanni Evangelista, Venise |
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Vierge de l’Humilité avec un couple de donateurs
Master of the Infancy of Christ (attribué auparavant à Jacopo di Cione), 1375-80, Accademia, Florence
Ici les deux ont revêtu le même vêtement rouge : le mari, dont le capuchon révèle le bonnet noir, se trouve visuellement derrière l’épouse, mais spatialement plus proche de la Vierge, assise sur son coussin (cet effet de proximité n’est pas perceptible lorsque la Vierge est en majesté sur son trône)
Vierge à l’Enfant avec un groupe de dominicains, Saint Dominique et Saint Jean l’Evangéliste
Francesco d’Oberto, 1357-1368, Museo dell’Accademia Ligustica di Belle Arti, Gênes
Cette composition affiche une disproportion hiérarchique écrasante entre Saint Dominique et les moines minuscules qui s’abritent derrière : l’Enfant bénit en priorité le fondateur de l’ordre, avec effet collatéral sur ses subordonnés .
Couple en position d’humilité
7Vierge à l’Enfant avec Saint Nicolas de Tolentino, saint Antoine et deux donateurs masculins
Girolamo di Giovanni,1449, Pinacoteca e Museo Civico, Camerino (provient de la chapelle Sant’Agostino)
Voici l’inscription sous la fresque :
Cette chapelle a fait faire et peindre Donna Catarina, qui fut l’épouse de Venanzo, le boucher, année du seigneur 1449. Cette image ont fait faire Salvo et Arcangilu. » | « Questa cappella a fatta fare et pengere Catarina donna che fo de Venanzo, beccaio, anno domini XIVXXXXVIII. Questa figura fe fare Salvo e Arcangilu. » |
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Ainsi les deux hommes qui ont profité de la réalisation de la fresque pour se faire portraiturer (en position d’humilité néanmoins) sont Salvo et Arcangilu, exécuteurs testamentaires de la veuve du boucher de Camerino (et sans doute ses fils)
L’artiste évite les complications de la bénédiction sur la droite en montrant l’Enfant à l’instant où il se détourne des donateurs, l’attention attirée par la fleur que lui tend saint Nicolas.
Vierge à l’Enfant avec les saints Jérôme, Jean Baptiste, Augustin avec le donateur Melchiorre Baldini, Saint Vénantius
1473-75, Giovanni Angelo di Antonio, Pinacoteca Camerino (provient de la chapelle Sant’Agostino)
Pour comparaison, cette fresque réalisée vingt cinq ans plus tard pour la même église montre, toujours en position d’humilité, un donateur maintenant à taille humaine : or à Camerino à cette époque, Crivelli ne peint que des donateurs-souris : la taille humaine de a donc clairement ici une valeur ostentatoire, signifiant des moyens financiers importants et un statut social supérieur.
Chevalier de Malte, Baldini s’est fait représenter en habit de choeur noir, tout en affublant la Madonne de l’habit rouge à croix blanche de son Ordre. Le choix de de Saint Augustin comme accompagnateur s’explique doublement : en tant que patron de l’église et en tant que fondateur de l’ordre des Augustiniens, auxquels appartient le donateur : son aube noire, typique de cet ordre , est aussi portée par le saint evêque sous sa chape. A noter qu’il Il y avait deux autres saints aux deux extrémités, Saint Bernardin de Sienne et Saint Nicolas de Tolentino.
Vierge à l’Enfant avec les évêques Guillaume et Raoul de Beaumont 1230-35, Cathédrale d’AngersMadonne avec deux donateurs
Les deux évêques levant leur crosse dorée, prosternés aux pieds de la Madone, sont les pendants terrestres des deux anges laissant pendre leur encensoir doré, en vol au dessus de sa couronne.
La frontières ntre les domaines terrestre et céleste, au centre du vitrail ,est marquée de manière subtile :
- les cercles blancs sont pleins dans la moitié basse et perlés dans la moitié haute, comme formés de joyaux (à l’image du nimbe de Marie) ;
- les évêques y sont confinés alors que le habitants du ciel entrent et sortent par ces trous (leurs ailes et leurs pieds passent devant le cadre).
Vierge à l’Enfant avec deux donateurs masculins
Marco di Martino da Venezia , 1310-15, Pushkin Museum, Moscou
Ce panneau est encore très proche du type byzantin de la Vierge de tendresse (glykophilousa). On ne sait rien sur les deux donateurs, deux hommes en costume civil (d’autant que le panneau a été recoupé en bas). Comme dans le vitrail d’Angers, ils font pendant à deux personnages célestes, ici les archanges Michel et Gabriel.
La Croix dans le globe (SCOOP !)
Vierge entre les archanges Michel et Gabriel Vers 1200, Abside de la cathédrale de MonrealeIls sont ici représentés selon une iconographie typiquement byzantine, tenant des emblèmes de pouvoir : un bâton fleuri et un globe marqué d’une croix à l’intérieur. A remarquer le détail, identique avec Montreale, du drap d’honneur inséré dans le dossier du trône.
Ces globes contenant la croix comme dans un écrin de cristal (et non surplombés par elle comme dans les globes crucifères habituels) symbolisent non pas le monde christianisé, mais la double nature divine (la sphère) et humaine (la croix) du Christ. Elles sont donc à relier avec un détail unique à ma connaissance, celui de la pomme que Marie glisse à l’Enfant qui la dissimule de sa main :
toute comme le cristal absorbe la croix, la Chair divine absorbe le résidu du Péché originel.
Retable de Saint François et Saint Nicolas
Maestro delle tempere francescane, 1338-43, église San Nicola (ancienne cathédrale), Ottana, Sardaigne.
Cliquer pour voir l’ensemble
Le fronton de ce retable montre, agenouillés aux pieds de la Madonne, l’évêque franciscain Silvestro et le donateur Mariano, futur gouverneur du Judicat d’Arborea.
De même que Saint François (patron de l’Ordre) est en position d’honneur par rapport à Saint Nicolas (patron de l’église), de même l’autorité religieuse prend le pas sur l’autorité civile.
Cecco di Pietro, 1386, Portland Art Museum |
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Vierge à l’Enfant avec deux donateurs masculins
Ces deux panneaux montrent que la formule médiévale des donateurs-souris est restée de loin la plus courante jusqu’à la fin du XIVeme siècle. Dans les deux cas, l’Enfant Jésus fait le geste de la bénédiction en attrapant de l’autre main un oiseau (dans le tableau de Cecco di Pietro, sa robe est également décorée d’oiseaux) : le chardonneret, qui se cache parmi les épines, est un symbole de la Passion.
Les donateurs, non identifiés, sont :
- un homme en robe rouge face à un frère augustinien ;
- un chevalier de Malte en habit de choeur (noir) face à un homme en rouge, peut être ici un autre chevalier en habit militaire. La place d’honneur serait ainsi accordée à celui qui représente le versant religieux de l’Ordre.
Vierge à L’Enfant entouré de saints avec avec deux donateurs masculins
Ecole de Bernardo Daddi, 1330–35 , MET, New York
Le donateur de gauche, un moine franciscain, renvoie manifestement aux personnages du volet gauche : à Saint François puis, au dessus, à l‘ange de l’Annonciation.
Le volet de droite, contraint par l’iconographie de la Crucifixion et de l’Annonciation, est à dominante féminine, et tendrait à faire prendre le donateur de droite pour une dévote. Mais il s’agit bien d’un homme, comme le montre son saint patron Bartholomé et son bonnet posé sur le sol.
Maître du Codex de Saint Georges, vers 1315, Collection privée
Il est amusant de comparer avec la solution adoptée dans ce diptyque, où le moine est agenouillé côté Madonne tandis qu’une dévote, déplacée côté Crucifixion, remplace la silhouette familière de Marie-Madeleine ([8], p 136) .
Crucifixion avec Saint Augustin et un moine augustinien (avers) | Vierge à l’Enfant entre deux saints et un moine augustinien (revers) |
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Francesco di Vannuccio, vers 1380, Gemäldegalerie, Berlin
On pense que le moine qui apparaît sur les deux faces est une seule et même personne, le possesseur de ce petit panneau biface.
Côté Crucifixion, il laisse la place d’honneur au fondateur de son ordre et, les mains jointes, exprime sa foi :
« Yahweh, en toi j’ai placé mon refuge : que jamais je ne sois confondu ! » Psaume 31:2
Saint Augustin, quant à lui, répond directement au jet de sang qui s’échappe de la plaie :
« Tu m’as nourri Seigneur de ta charité (Nutricasti domine serveum caritate tua)«
Côté Madonne, le moine est passé en position de bénédiction et, les mains croisées sur sa poitrine, demande miséricorde à l’Enfant qui le bénit :
« Aie pitié de moi et entends ma prière » Psaume 4:2
Selon Victor M. Schmidt ([8] p 129), cet exemple illustre bien deux nuances dans la gestuelle des donateurs :
- le geste standard (mains jointes) exprime une prière de méditation ;
- le geste des mains croisées une prière de supplication : ce dernier geste serait plus fréquent chez les clercs, en relation avec le geste liturgique du prêtre durant la prière du « Rogamus te supplica », pendant la messe.
Madonne avec deux donatrices
Vierge à l’Enfant avec des saints et deux donateurs
Jacopo del Casentino, avant 1330, Staedel Museum, Francfort
Ce type de composition très symétrique, où des saints s’étagent de part et d’autre du trône, a été plusieurs fois utilisé par Jacopo del Casentino :
- au premier rang, Saint Jean Baptiste à gauche, porte de la main droite son bâton crucifère et de l’autre l’inscription « EGO VOX CLAMANTIS IN DESERTO » ; Saint André à droite porte de la main gauche son bâton crucifère et de l’autre un livre ;
- Au second rang, on reconnaît par les clés et l’épée le couple prestigieux des apôtres Saint Pierre et Saint Paul, premiers chefs de l’Eglise ;
- Au troisième rang, celle-ci est représentée par un couple constitué de saint Etienne en habit ecclésiastique et un Saint Evêque, chacun accompagné d’un ange ,
- au delà, des anges s’étagent dans une grande symétrie, sinon qu’il en manque un en haut à droite. On peut supposer que ce trou sert à rétablir l’équilibre, en terme de luminosité des auréoles, rompu par l’Enfant Jésus qui se penche de ce côté pour bénir le second donateur. Et que cette bénédiction a elle-même pour but de compenser le caractère négatif attaché au côté droit.
Les donateurs n’ont pas été identifiés : il s’agit probablement de deux femmes, ou bien d’une femme et d’un ecclésiastique : mais leur position exclut qu’il s’agisse d’un couple constitué. Ils n’ont probablement pas de rapport direct avec les deux saints du premier plan, qui semblent avoir été plutôt choisis pour des raisons de prestige et de symétrie.
Triptyque de dévotion (detail)
Jacopo del Casentino, vers 1340, Denver Museum of Art
Dans cette autre composition symétrique dont Jacopo del Casentino s’était fait une spécialité, c’est Saint Jean-Baptiste avec sa croix qui cette fois forme couple avec Saint Pierre avec ses clés.
Noter qu’ici l’Enfant Jésus ne bénit pas, mais reste inclus dans le trône : et le nombre d’auréoles de part et d’autre est rigoureusement égal.
Vierge à l’Enfant avec des saints et deux donatrices
Lippo d’Andrea, 1410-20, Museo San Pietro, Colle di Val d’Elsa
Aucune informations sur ces donatrices strictement identiques, qui s’inscrivent dans la symétrie rigoureuse de la composition. La position quasi-centrale de l’Enfant et son absence d’interaction évitent tout favoritisme.
La ressemblance suggère qu’ pourrait s’agir de deux soeurs, mais on peut tout aussi bien penser à deux membres d’une confrérie de dévotion, portant le même uniforme.
Vierge enceinte (Madonna del parto) avec deux donatrices
Rossello di Jacopo Franchi, 1410-20, Museo della Casa fiorentina Antica, Palazzo Davanzati, Florence
On n’a aucune certitude sur les rapports entre ces deux élégantes donatrices, sinon qu’elles se différencient cette fois par leur costume : celle de gauche est vêtue d’une riche robe bordée d’hermine et porte une toque, tandis que celle de droite est vêtue plus simplement, avec un bonnet noir et une longue tunique blanche ceinturée très haut. L’analogie avec le vêtement de la Vierge enceinte suggère qu’il s’agit d’une jeune fille, l’autre femme étant peut-être sa mère.
Madonne avec un parent et un enfant
Vierge à l’enfant avec deux donateurs
Goodhart Master, 1315-30, MET, New York
Dans une représentation officielle, on s’attendrait à ce que le père occupe plutôt la place d’honneur, à droite de la Vierge (voir ci-après dans la Vierge au lait de Barnaba da Modena). Mais la bénédiction de l’Enfant transforme la signification de la scène.
On suppose qu’il s’agit ici d’un père priant pour l’âme de son fils mort ([8], p 111) Le croisement des regards, parallèles aux accotoirs du trône, traduit bien le dialogue muet : le père humain implore la mère divine d’intercéder auprès de l’enfant divin pour qu’il accueille l’enfant humain.
Triptyque de la Vierge à l’Enfant avec Saint Dominique, Sainte Elisabeth de Hongrie et deux donateurs
Lippo Vanni, 1344-76, Lowe Art Museum, University of Miami
Les deux donateurs sont habituellement identifiés comme étant la reine Elisabeth de Pologne (d’où sa saint patronne dans le volet droit), accompagnée de son fils André [9] . Les deux sont en habit de cour : la reine porte sa couronne et le jeune homme un bouclier à son bras gauche. La supériorité sociale et la supériorité familiale se combinent pour placer la reine-mère à la droite de son fils. Mais nous allons voir un autre exemple où elles se contrarient, avec une autre reine accompagnée cette fois de son père.
Couples royaux : Barnaba da Modena à Murcie
Vierge au lait
Barnaba da Modena, vers 1370, Musée de la Cathédrale, Murcie.
La donatrice de droite, présentée par Sainte Claire, serait Juana Manuel (1335 – 1381), reine de Castille à partir de 1369. Le donateur de gauche, introduit par Sainte Lucie, serait soit son père décédé, l’écrivain Don Juan Manuel (1282-1348), soit son premier ministre le comte de Carion (mort en 1384). Le retable ayant été réalisé à Gênes, la question de la ressemblance avec les donateurs reste ouverte.
La scène du Jugement dernier incite à retenir l’hypothèse paternelle : le panneau aurait été destiné à orner la chapelle funéraire dédiée à Juan Manuel par sa fille , dans le cloître de la cathédrale de Murcie [10].
Ainsi trois supériorités, de défunt, de mâle et de père, se conjuguent ici pour primer sur la hiérarchie sociale.
Vierge à l’enfant avec deux donateurs
Barnaba da Modena, 1374, National Gallery
On retrouve probablement les deux même donateurs dans ce panneau commandé également pour Murcie. Le père défunt est présenté à la Madonne par l’archange Raphaël. La reine Juana se trouve placée à la fois à la suite de son père et à sa droite, ce qui confirme bien qu’il ne peut s’agir d’un couple marié.
Le panneau fait partie d’un retable à quatre scènes, sans doute un diptyque à l’origine. La Vierge à l’Enfant fait clairement pendant à l’autre scène céleste, celle du Couronnement de Marie, tandis que la Trinité et la Crucifixion sont ancrées sur Terre.
Retable de Sainte Lucie (detail)
Barnaba da Modena, vers 1380, Musée de la Cathédrale, Murcie
Il existe un autre polyptyque commandé pour Murcie à Barnaba da Modena, avec la même nouveauté, pour l’Espagne de l’époque, d’un couple de donateurs. Bien qu’habillés également en rouge, l’homme est plus jeune et la femme ne porte pas de couronne : il s’agirait ici de Fernando Oller et de son épouse Juana Perez, possesseurs de la chapelle de Saint Lucie, et qui auraient imité le retable de la chapelle voisine [10].
Ascension de la Vierge avec Saint Thomas et deux donateurs, Ser Palamedes et son fils Matthier
Andrea Di Bartolo, 1390, Virginia Museum of Fine Arts, Richmond
D’après un Evangile apocryphe, la Vierge aurait laissé tomber sa ceinture afin de prouver à Saint Thomas,paradigme du sceptique (voir 2 Thomas dans le texte) que son Ascension était bien réelle, et non un pure vision. Il existe dans le monde byzantin et en Occident plusieurs reliques de la Saine Ceinture : en Italie, la Santa Cintola est vénérée à Prato.
En avant du tombeau dont la Vierge vient se sortir, deux donateurs assistent également à la scène, et attestent de sa réalité auprès du spectateur moderne : la situation ajoute donc au rôle habituellement contemplatif des donateurs un rôle très particulier de témoins.
Ce pourquoi la magnifique inscription donne tous les détails sur leur identité : la peinture a été faite par Domenica, « honnête épouse », pour les âmes de son mari Ser Palamedes d’Urbino et de leur fils Matthieu.
«Andreas Bartoli de Magistri Fredi de Senis pinxit — Hoc opus fecit fieri dormina Honesta uxor quondam ser Palamides de Urbino pro animabus diti viri sui Mathei filii eorum»
Vierge à l’Enfant avec Mastro Jacopo et Maestro Giovanne
Mariotto di Nardo, 1404, Museo del Tesoro della Basilica di S. Francesco, Assise
L’inscription au bas du panneau identifie les deux donateurs :
«fecit fieri m[agister] giovanne m[agistr]i jacobi p[ro] a[n]i[m]e su[a]e s[uorum] MCCCCIIII»
Un document explique que Maître Giovanne a fait réaliser, en 1404, un retable d’autel pour la chapelle dominicaine San Jacopo de San Miniato (aujourd’hui San Domenico), en exécution du testament de son père Jacopo (fait en 1384) [11].
Les deux donateurs, dont l’artiste a volontairement accentué la ressemblance et minoré la différence d’âge,sont donc très probablement un père et son fils, l’un mort et l’autre vivant, poursuivant aux pieds de la Madonne une prière éternelle.
« Painting for a Confraternity? Heraldic Details and Familial Connections: Neri di Bicci’s Montreal altarpiece of the Virgin and Child with St Blaise and Michael » Anabel Tomas, dans « Coming About– a Festschrift for John Shearman », p 105
Sur les doutes concernant le donateur :
https://www.academia.edu/9422652/Intorno_a_Bartolomeo_di_Tommaso._Ricerche_sulla_scuola_di_Ancona p 122
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