A poil et en armure
Un titre trivial pour une situation qui ne l’est pas moins : le comble du vêtement – l’armure qui couvre le corps jusqu’à le caricaturer – contre l‘absence de tout voile. Cette situation électrique est aussi un choc de textures, et de deux manières de renvoyer la lumière : comme l’acier ou comme la blancheur.
Cet article retrace les différents prétextes que les peintres ont trouvés pour justifier une collision improbable.
Mars et Vénus
Mars et Vénus (Le Parnasse, détail)
Andrea Mantegna, 1497, Louvre
L’armure et la nudité sont les attributs habituels de Mars et de Vénus. Autant on les montre ainsi lorsqu’ils sont séparés, autant lorsqu’ils sont ensemble on les représente la plupart du temps en tant qu’amants, nus ou légèrement vêtus, Mars gardant à la rigueur son casque.
C’est parce que Le Parnasse constitue une sorte de galerie officielle des Dieux que Mantegna a choisi cette représentation symétrique, qui permet de comparer visuellement :
- le casque et la chevelure ;
- la cape et le ruban ;
- la lance et la flèche ;
- la cuirasse et le torse.
Mais nous ne sommes pas encore dans une confrontation de matière entre l’acier et la chair.
Giulio Campagnola (attr), 1497-1516, Brooklin Museum | Jacopo de Barbari, 1509-16, NGA |
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Ces deux suiveurs n’y pensent pas non plus.
Vulcain forgeant un casque ailé, avec Vénus et Mars
Giovanni Battista Palumba (maître IB), 1500-10, , British Museum
Cette gravure, avec son nu féminin vu de dos, très audacieux pour l’art italien de l’époque, nous montre Mars visiblement attiré par Vénus (la branche suggestive qui perce l’armure derrière lui), tandis que le mari légitime se contente de pilonner un casque, sans prendre garde au petit Cupidon dans son dos.
Bien que la chair nue reste disjointe du métal, leur voisinage commence ici à participer à la charge érotique.
Mars et Vénus couronnés par la Victoire | Vénus, Mars, Flore et Cupidon |
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Allégories, Paris Bordone, 1560, Kunsthistorisches Museum, Vienne
La technique des Vénitiens pour représenter le métal permet enfin d’obtenir la première confrontation remarquable. Ces allégories assez obscures faisaient partie d’une série de dix scènes érotico-mythologiques destinées à un cabinet d’Augsbourg.
Dans les deux conservées, Vénus est représentée de la même manière, selon le type de la courtisane vénitienne, blonde, à la poitrine nue et montrant sa cuisse.
Mars en revanche est très différent : on pense que le jeune homme imberbe, très individualisé, est le commanditaire. C’est sans doute un choix de celui-ci de se faire représenter en armure, à la manière des portaits de noble. Car cette carapace noire et hermétique vient plutôt contrarier le thème. Il s’agit de célébrer la victoire de l’Amour sur la Guerre, comme le montrent les nombreux symboles nuptiaux : les deux couronnes de myrte, l’arc et le carquois remplacés par un panier de roses dans les mains de Cupidon, l’échange de roses et l’offrande d’un coing, emblème classique du mariage [1].
Mars désarmé par Vénus
Copie XVIIème d’après Véronese, National Trust, Stourhead
Véronèse a traité a plusieurs reprises le thème du couple de Mars et de Vénus, mais cette composition des années 1570 (connue par cette copie et une gravure) est la seule à représenter Mars en armure. La raison découle du sujet : Vénus s’attaque à la cuirasse tandis qu’un amour retient le cheval et que l’autre finit de déshabiller la déesse. Le geste inverse de Mars, tenant de se remonter sa cape, est donc voué à l’échec : le guerrier se résigne, mélancoliquement, à passer à la casserole.
Mars et Vénus
Sisto Badalocchio, 1610-12, Musée des Beaux-arts, Rouen
Dans cette composition en revanche, Mars n’a aucune réticence à tomber l’armure en vitesse. En bas à droite un amour escamote le glaive de la Guerre tandis qu’à gauche, sous le rideau, un autre nous montre d’un air entendu le carquois bourré de flèches de l’Amour.
Le retour de la guerre : Mars désarmé par Vénus
Rubens et Jan Brueghel l’Ancien, vers 1612, Getty Museum, Los Angeles
Les deux peintres ont cumulé leurs talents, l’un pour la somptuosité de personnages, l’autre pour la profusion de la nature morte. D’emblée la composition se place sous le signe de l’humour, puisque ces préliminaires galants ont lieu en au fin fond des forges de Vulcain, le mari légitime : l’enclume vide dit son absence et la cloche le moque.
La partie « nature morte » accumule les allusions :
- du côté de Mars, les fûts de canon braqués dans toutes les directions, la poire à poudre et la collection de bandoirs à manivelle l’exhortent à des coups redoublés ;
- derrière Vénus, la collection de mors affiche que la Tempérance n’est pas de mise ;
- devant eux, les deux cochons d’Inde signalent qu’il est temps de se déshabiller (les feuilles de vignes qu’ils rongent) avant de déguster les délices de l’Amour (les grappes).
C’est à cet effeuillage de Mars que s’emploient les amoretti, l’un s’attaquant à sa sandale, un autre à son épée, un autre à son bouclier, tandis que Vénus, en haut de la pyramide, se réserve d’enlever le casque.
Ce qui est intéressant pour notre thème est qu’elle touche le casque, s’appuie sur la cuirasse et frôle la jupe au travers de trois tissus différents, comme si le contact direct entre le métal et la peau féminine était jugé trop vulgaire, ou trop sensuel.
Le couronnement du héros vertueux par la Victoire (inversé)
Rubens, 1613-14, Alte Pinakothek, Münich
Dans la même période, Rubens réalise un de ses très rares pendants (voir Les rares pendants de Rubens) : à un Hercule ivre soutenu par un satyresse et un satyresse, il oppose un Héros vertueux couronné par la Victoire (un « Chevalier chrétien » d’après l’inventaire de 1640 ( [2], p 66)), ici inversé pour favoriser la comparaison :
- La posture du guerrier est pratiquement identique, mis à part le bras droit qui tient la lance : levé pour faire écho au bras droit de la Victoire et baissé pour dégager l’échappée vers le paysage.
- Celle de la femme nue a été plus profondément modifié, puisque la Victoire abaisse la couronne de lauriers tandis que Vénus soulève le casque.
- La grappe de raisin, qui se justifie par le contexte bachique du pendant, est plus incongrue dans le Mars et Vénus, seul élément naturel perdu au milieu des artefacts (avec le couple de cochons d’Inde).
Ces points de comparaison tendraient à prouver que le pendant bachique précède le Mars et Vénus (la chronologie exacte n’est pas établie).
Pour le sujet qui nous occupe, on remarquera que :
- la cuirasse du Chevalier Chrétien reflète une fenêtre (la lumière divine) et est en contact direct avec le sein nu de la Victoire ;
- la cuirasse de Mars reflète le corps de Vénus, mais fait contact au travers d’un tissu.
De même, la main gauche du chevalier touche directement la hanche de la Victoire, totalement nue mis à part un bout de linge pudique ; alors que la main gauche de Mars touche la hanche de Vénus à travers son voile, qui serpente de la tête au sexe.
Tous ces points vont à contresens des intentions alléguées : le tableau supposément moral est plus risqué que le tableau supposément érotique. Les ailes de la Victoire, qui en font une allégorie et non une femme réelle, suffisent-elles à justifier ces audaces ? C’est plus probablement la destination des deux oeuvres qui joue : un pendant à usage privé dans un cas (il est resté jusqu’à la mort du peintre dans sa collection personnelle), un tableau officiel dans l’autre.
Mars et Vénus
Rubens, 1630-35, Dulwich Picture Gallery
Rubens n’a en tout cas jamais peint d’autre contact rapproché entre un corps féminin et une armure. Dans ce tableau familial, les deux amants sont prudemment séparés par le rideau rouge, et par le Cupidon goulu qui monopolise la poitrine de sa mère, tandis que Mars fait tapisserie.
Mars et Vénus
Le Guerchin, 1615-16, Galerie Estense, Modène
Cupidon est ici totalement dans le camp de Vénus : son arc est parallèle au carquois qu’elle touche de la main droite, sa flèche est parallèle à l’index de sa main gauche, qui menace le spectateur (sur ce motif, voir1 Sous l’oeil de l’archer). Mars est au contraire dans le camp adverse, celui des hommes que transpercent les flèches de l’Amour.
L’opposition entre armure et chair nue vaut ici avertissement : aucune cuirasse n’est invulnérable à l’Amour.
Mars et Vénus
Lievens, 1653, Stiftung Preussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg
« La nature sensuelle de l’image se révèle au premier regard. Ce tableau d’extérieur capture un moment intime : Vénus nue regarde rêveusement son amant en armure, qui se penche et étend le bras pour lui caresser un sein. Mars est tellement enchanté par les charmes de Vénus qu’il ne la voit pas confisquer son bâton de commandement – dans une référence ouvertement phallique – pas plus que les trois putti qui lui prennent son épée et son casque à plumes. Le putto en bas à droite tire l’épée du fourreau dans un mouvement qui expose ses organes génitaux de chérubin, tout comme sa cuirasse est une version miniature de celle de Mars. » [3]
Comme l’a montré Jacquelyn N. Coutré, le portrait historié était à la mode à la cour d’Orange. Aussi étrange que cela puise nous paraître, c’est bien Louise Henriette d’Orange-Nassau et son époux l’électeur du Brandebourg Friedrich Wilhelm qui prennent ces poses ouvertement érotiques, à la guise des divinités de l’Amour et de la Guerre. Le tableau s’inspire probablement d’un Mars et Vénus de Rubens, disparu en 1945, peint vers 1617 pour la génération précédente de la famille d’Orange.
Ici, l’inversion de l’ordre marital, immuable dans les portraits de couple, est à la fois un hommage au pouvoir vénusien et une manière de souligner le caractère allégorique de la scène : l’union des deux souverains, comme celle des deux divinités, apporte la Paix à leurs sujets.
Allégorie de la Guerre et de la Paix
Pompeo Batoni, 1776, Art Institute Chicago
La composition oppose le dragon du casque à la tresse, la lame au rameau d’olivier, la cuirasse à la poitrine nue, la main crispées sur le pommeau à celle qui effleure la garde, la Force à la Tendresse.
1836-37, National Trust, Anglesey Abbey | Non daté, collection particulière |
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Mars et Vénus, William Etty
Fortement influencé par les matières somptueuses de Rubens, Etty trouve dans les sujets mythologiques une manière d’introduire auprès d’un public puritain les nus féminins dont il a fait son miel. Mais l’audace ne va pas jusqu’à frotter la peau à la cuirasse.
L’Armure
Leopold Reutlinger, 1920
Un siècle plus tard, les jambes voilées de gaze frôlent la cuisse d’acier, les mains douces s’attaquent au gantelet : dans le contexte de l’immédiate après-guerre, le spectateur n’avait pas trop de mal à reconnaître dans cette photo suggestive le vieux thème de Vénus désarmant Mars.
Vienne le jour merveilleux…
Publicité pour les gaines Jantzen, 1945
A la fin du conflit suivant, il s’agit de préparer le retour prochain du héros à la maison, et de l’accueillir avec la tenue de combat qui rend toutes les femmes « minces et adorables ».
Persée et Andromède
Persée et Andromède d’après Nicias, fresque de Pompéi
Dans les représentations antique du mythe, le décorum veut que le héros soit nu et la princesse habillée.
Persée et Andromède,
Vasari, 1570-72, Palazzo Vecchio, Florence
A la Renaissance, les conventions s’inversent : le héros se déguise en soldat romain et la princesse en statue antique, ce que justifie faiblement le texte d’Ovide : « si le souffle léger des Zéphyrs n’eût pas agité ses cheveux, si des pleurs n’avaient pas coulé de sa paupière tremblante, il l’aurait prise pour un marbre, ouvrage du ciseau. »
Les nymphes dénudées, quant à elles, sortent strictement du texte des Métamorphoses qui décrit la naissance du corail à partir des algues et du sang de la Gorgone :
« Persée lave dans l’onde ses mains victorieuses, et de peur que les cailloux ne blessent la tête aux cheveux de serpents, il couvre la terre d’un lit de feuilles tendres, sur lesquelles il étend des arbustes venus au fond de la mer ; c’est là qu’il dépose la tête de la fille de Phorcus. Ces tiges nouvellement coupées, et dont la sève spongieuse est encore pleine de vie, attirent le venin de la Gorgone, et se durcissent en la touchant ; les rameaux, le feuillage contractent une roideur qu’ils n’avaient point encore. Les nymphes de la mer essaient de renouveler ce prodige sur d’autres rameaux, et à chaque fois se réjouissent d’y avoir réussi. À diverses reprises, elles en jettent les débris dans les eaux, comme autant de semences. » Ovide, Les Métamorphoses, Livre IV, chapitre V
Le panneau de Vasari était d’ailleurs accroché sur la porte du cabinet contenant la collection de coraux du duc de Toscane.
Persée et Andromède, Rubens et Jordaens, 1639-40, Prado
Cette oeuvre a été commandée par Philippe IV pour la Palais de l’Alcazar de Madrid, comme allégorie de la puissance de la monarchie espagnole ; ce pourquoi Persée porte ici une armure contemporaine. La scène de la délivrance se prête peu à un contact rapproché, mais la cuissarde frôlant la cuisse est néanmoins évocatrice d’un rapprochement de conjoints, sous le double patronage de l’Amour et du Mariage, Cupidon avec son carquois et Hymen avec sa torche.
L’insistance sur l’anneau et le dénouage matériellement impossible sont une manière subtile de signifier que le lien s’est substitué à la chaîne : plutôt que la délivrance d’Andromède, c’est son enjeu et son résultat, à savoir l’union avec Persée, qui est ici célébrée.
Laissé inachevé à la mort de Rubens, le tableau a été achevé par Jordaens.
Le rocher du destin (the rock or doom) , 8ème panneau du cycle de Persée et Andromède
Edward Burne-Jones, 1884-85, Southampton City Art Gallery, Southampton
Les enjeux esthétiques de ce cycle sont multiples (voir Comme une sculpture (le paragone) et 1 Le Bouclier-Miroir : scènes antiques ). Pour ce qui nous intéresse ici, notons que Burne-Jones invente une armure organique qui souligne les lignes du corps au lieu de les casser : adolescent androgyne, double métallisé d’Andromède, Persée repousse de la main le phallus rocheux auquel elle est assujettie.
Le destin accompli (the doom fulfilled), 9ème panneau du cycle de Persée et Andromède
Edward Burne-Jones, 1884-85, Southampton City Art Gallery, Southampton
La suite du cycle laisse entendre que Persée n’en a pas fini avec les complexités de l’autocastration.
Persée et Andromède, 1890, Charles Napier Kennedy
A côté de ces ambiguïtés, les personnages en celluloïd de Kennedy sont d’une simplicité reposante : comme dans tout couple victorien, l’homme y est orthogonal à la femme, séparé par un bouclier et ne la touchant que du bout des lèvres. Ce héros britannique est si craint qu’il n’a même pas besoin d’épée pour tenir en respect le monstre marin : l’ostension de ses victoires passées suffit.
Angélique et Roger
L’épisode est tiré du Roland Furieux de l’Arioste (début 16ème siècle), qui démarque ouvertement le mythe d’Andromède et Persée. Les premières illustrations sont panoramiques, et montrent Roger sur son hippogriffe (qui remplace Pégase), l’orque marine et sa pâture, Angélique nue enchaînée au rocher. Cette jeune princesse « toute nue, tout aussi charmante que la nature l’avait formée, n’avait pas un seule voile qui pût couvrir les lys et les roses vermeilles placées à propos où leur éclat pouvait embellir un si beau corps », et elle provoqua aussitôt « l’amour et la pitié » dans le coeur de Roger, qui « eut peine à retenir à ses larmes ».
L’idée de confronter la nudité de la victime à l’armure du héros ne vient pas de l’épisode principal, Angélique sauvée de l’orque (chants X), mais de sa suite immédiate (chant XI), qui en constitue le retournement.
Angélique sauvée par Roger
Adolphe Pierre François Leofanti, 1862, collection particulière
Déjà, pendant le vol, le héros avait senti sa fureur contre le monstre se transformer en une certaine ardeur :
« Roger, plein de joie et d’amour, et qui sent cette jeune beauté derrière lui, se retourne souvent, et couvre de ses baisers brûlants ces yeux charmants, ranimés par sa délivrance, et ce beau sein qu’il sent encore palpiter. » ( [4], p 34)
Dès l’atterrissage, la situation se tend :
« A peine est-il descendu, que mille nouveaux désirs se succèdent. Il ne se connaît plus ; il sait seulement que des armes dures et incommodes arrêtent ou du moins retardent son bonheur; il les arrache à la hâte, et les disperse de tous côtés. Jamais il n’eut tant de peine, jamais il ne se trouva si maladroit pour s’en débarrasser. Son ardeur pétulante trouble sa tête, égare sa main, qui souvent pour délier le nœud d’une attache, en forme deux plus serrés encore. » ([4], p 35)
Angélique se cache de Roger grâce à son anneau
Giovanni Billivert, 1623-24, Galerie Palatine, Palais Pitti, Florence
Billivert montre à la fois ce dénouage hasardeux, l’hippogriffe qui repart, et Angélique, à qui Roland avait confié un anneau magique, sur le point de le placer dans sa bouche, ce qui va la rendre invisible et sauver sa vertu.
L’image rend compréhensible l’idée qui sous-tend le texte : si la disparition d’Angélique coïncide avec la disparition de l’anneau, c’est que, d’une certaine manière, Angélique est assimilable à l’anneau : pour échapper au viol, il faut qu’elle s’avale elle-même.
Dans cette version du tableau, le voile aurait été rajouté suite aux critiques de la grande duchesse Christine de Lorraine, dont un texte d’époque raconte un dialogue savoureux avec le peintre :
« Alors tu es ce brave homme qui a fait un tableau pour mon fils, qui est jeune et aussi cardinal, avec une femelle qui montre toutes ses parties honteuses ! Après l’avoir laissée dire, il lui avait répondu : elle montre son dos, et moi je ne savais pas que les femmes sont honteuses, sauf par devant. » [5]
Ce bon mot, probablement inventé, montre que la question de la pénétration déjouée, et de l’anneau mis en sécurité, était bien le centre de l’histoire.
Loin de se repentir de sa tentative de viol, Roger se montre d’ailleurs très dépité de la perte de cet objet :
« Ingrate beauté, s’écrie-t-il, est-ce donc là le prix que tu me donnes ! aimes-tu donc mieux m’arracher cet anneau par surprise que le recevoir de ma main? Eh! ne te l’aurais-je pas donné, si tu l’avais désiré ? ce bouclier, ce cheval ailé, moi-même, tout n’était-il pas à toi pour en disposer en souveraine? ([4], p 38)
Offices, Florence
Billibert a produit d’autres versions pratiquement identiques, hormis le voile. C’est peut être sur le rapport visuel trop étroit entre cet anneau magique (prétendûment nuptial) et un orifice plus secret, que se fondaient les réticences de la Grande duchesse [6].
Angélique s’apprête à disparaître devant Roger
Cecco Bravo, 1640-45, Smart Museum of Art, Chicago
Dans cette composition évanescente, tout est subtilement suggéré :
- qu’Angélica a déjà mis dans sa bouche l’anneau, puisqu’on ne le voit plus sur sa main ;
- qu’elle est sur le point de s’évanouir, comme l’hippogriffe dans le lointain, la montagne dans la brume, et sa propre chair dans l’ombre – trois manières de traduire visuellement la métaphore du texte : « elle disparaît aux yeux de l’amoureux paladin, comme le soleil s’enveloppe sous le voile d’un épais nuage. »
Cecco Bravo pousse à la limite la tension qui nous occupe : tandis que Roger échoue à se dévêtir de son armure, Angélique réussit à subtiliser jusqu’à sa propre nudité.
La délivrance (Roger et Angélique)
Joseph Paul Blanc, 1876, PBA, Lille
Dans cette composition très étudiée, un tissu évite le contact direct entre Angélique et le rocher, tout comme le métal de la jambière, de la jupe et de la cuirasse évite le contact direct avec la peau de son sauveur. Au deux chimères réussies – le cheval ailé et le tigre à queue de poisson – s’opposent deux unions contrariées : de la femme avec le rocher, de la femme avec le guerrier.
Roger sauve Angélique des griffes du dragon (Ruggiero befreit Angelica aus den Klauen des Drachen)
Böcklin, 1880, Museum Kunstpalast, Düsseldorf (disparu en 1945)
Böcklin, qui avait déjà traité le thème en version panoramique en 1873, y revient ici en cadrage étroit et en contreplongée, dans une composition bizarre qui confine à la caricature. On a dit [7] qu’il s’agissait d’une sorte de satire des lourdeurs du wagnérisme, dans lequel on tentait alors de l’enrôler, une exagération délibérée des héroïnes éplorées et des chevaliers aux larges épaules.
Il me semble que cette composante humoristique n’épuise pas la dimension expérimentale du tableau. Entre la femme nue aux membres fermés et le chevalier noir aux membres ouverts, le tissu rouge constitue à la fois une idée prosaïque (une serviette pour sécher et réchauffer la rescapée) et un symbole astucieux (la cape du chevalier prend possession de la femme sans défense). L’image est à lire comme une sorte de gageure graphique, dans laquelle Böcklin a cherché à superposer les deux épisodes contradictoires : le sauvetage et le viol.
D’où l’ironie du titre : Angélique n’échappe aux griffes du dragon que pour tomber dans les pattes de Roger.
Ainsi, son visage exprime non seulement la terreur rétrospective, mais aussi la crainte de ce qui la menace. De même, la face sombre de Roger anticipe son noir dessin. Sous l’entrejambe de la jeune femme, le cou sectionné du monstre, d’où jaillit un jet rouge, évoque le combat passé, mais aussi la défloration annoncée, puis le désir interrompu : sous l’entrejambe de Roger, la grimace déçue du monstre traduit comiquement leur double échec, d’engloutir et d’être englouti.
Ainsi la jonction impossible de la peau nue et de l’acier, en haut, se conclut en bas par une coupure sanglante.
Persée et Andromède
Lovis Corinth, 1900, musée Georg Shäffer, Münich.
Vingt ans plus tard, Corinth s’approprie l’idée de la cape-serviette de Böcklin, et s’en démarque par le nom du couple, désormais interchangeable. Il élude le risque comique en plaçant la gueule du monstre en hors champ.
Les griffes vides matérialisent le transfert de propriété entre les deux cuirassés.
Persée et Andromède
Lovis Corinth, 1901, collection particulière
Dans cette variante peu fine, le geste de défense d’Andromède a sans doute quelque rapport avec l’hypertrophie de la lance.
Amoretta et Britomart
Ce sujet typiquement anglais est tiré de « The Faerie Queene » d’Edmund Spenser (1570).
La libération d’Amoretta, gravure de Francesco Bartolozzi d’apres John Opie, 1792, British Museum
Amoretta a été enchaînée par le magicien Busirane (la baguette et le grimoire écrit avec le sang de l’innocente jeune fille), qui n’a pas manqué de la torturer (le poignard). Au centre s’interpose un chevalier en armure, Britomart.
Britomart délivrant Amoretta de l’Enchantement de Busirane
Füssli, 1824, Goethe Haus, Francfort
Un artiste aussi retors que Füssli ne pouvait manquer d’exploiter ce qu’Opie ne montre pas : que Britomart est en fait une jeune fille habillée en chevalier. Il inverse la composition et illustre tout autre chose : une dominatrice rousse qui élève son épée contre un vieil homme tombé à terre, avec sa baguette impuissante. A droite, la belle Amoretta, enchaînée dans une posture en miroir, est en fait l’image dénudée de Britomart.
Ainsi le tableau ajoute les charmes du déshabillage à ceux du travestissement.
Britomart rachète la loyale Amoretta (Britomart Redeems Faire Amoret)
Etty, 1833, Tate Britain.
Dans ce tableau qu’il considérerait comme une de ses oeuvres majeures, Etty revient à l’alibi moral qui lui permettait de faire accepter ses nus féminins à une Angleterre qui les avait prohibé depuis 1787 [8]. Dans l’épopée de Spencer, Amoretta symbolise la Vertu conjugale et l’héroïque guerrière Britomart représente à la fois la Chasteté et la Reine vierge, Elizabeth I.
Tout en édulcorant la violence de la scène, Etty améliore la fidélité au récit puisque Britomart intervient au moment précis où Busirane va poignarder la captive. Sa natte chinoise, l’arcade orientale et les motifs païens de la colonne ajoutent à la guerrière la touche très britannique d’un Saint Georges, combattant le Mal sous toutes ses formes.
Britomar dévoilant Amoretta (Britomartis Unveiling Amoret)
Joseph Pitts, Porcelaine de Coalport, 1854, National Museums, Liverpool
Au second degré, le groupe reprend l’idée de Füssli, selon laquelle Amoretta n’est autre que la féminité cachée de Britomart, qui se dévoile en quelque sorte elle-même. Au premier degré, la scène joue habilement avec les conventions de l’époque : un chevalier déshabillant une femme aurait été très choquant, mais si ce chevalier est une fille, pas de problème :
« L’utilisation de la porcelaine de Paros intensifie la sensualité du tissu et de la peau nue d’Amoretta, tout en soulignant la pureté suprême des deux femmes. Cette représentation est fidèle au texte de Spenser, où le couple s’engage dans une conversation intime et érotique. Notamment, après la révélation que Britomart est une femme, Amoretta l’invite dans son lit pour « de dures aventures entre elles seules », une expression typique, dans la littérature de l’époque, pour évoquer le contact érotique entre femmes De telles relations intimes étaient généralement acceptées et considérées comme une démonstration « innocente » de liens émotionnels intenses entre compagnes. Ils étaient considérés comme un moyen de préserver la chasteté féminine et de se préparer aux exigences sexuelles de la vie conjugale, et non à l’infidélité. » [9]
Acrasia et Britomart (The Faire Queene)
Khnopff, 1892, Musées royaux d’art et d’histoire, Bruxelles
Le pendant oppose, dans des poses symétriques, le Plaisir charnel et la Vierge cuirassée.
La Demoiselle et le Chevalier
Colin maillard (Blindekuh)
Menzel, 1867, lithographie
On doit à Menzel des études d’armure d’une bluffante virtuosité, réalisées entre 1861 et 1865 dans la salle de la Garde du Corps du château de Berlin. Il met ici son savoir-faire au service d’un sujet de genre original, où la visière transpose le foulard du jeu de colin-maillard : en la soulevant, la dame va savoir qui se cache sous l’armure.
Bien que le titre ne le dise pas, il s’agit en fait d’un conte populaire, Le Bourreau de Bergen (Der Scharfrichter von Bergen) [9a] : au cours d’un bal masqué donné à Francfort pour l’élection de l’Empereur, son épouse danse agréablement avec un chevalier noir de belle prestance. A la fin du bal, lorsque tous les masques sont tombés, il est obligé de la laisser relever sa visière, et tout le monde reconnaît le bourreau de Bergen. Pour laver l’offense faite à l’impératrice, il propose à son époux la seule solution : le faire chevalier sur le champ. Ainsi le faux noble devient un vrai, et l’audace efface l’infamie.
Colin maillard (Blindekuh)
Menzel, 1867, collection particulière
Ce tableau est une élaboration de la même histoire, délibérément énigmatique : la cuirasse est étincelante et non pas noire, l’impératrice a pour déguisement ses cheveux dénouées et une couronne de fleurs. Le moment montré est celui où le faux chevalier se détourne pour éviter de se laisser démasquer.
Menzel a rajouté deux éléments insolites :
- le garde barbu qui nous fixe, à l’arrière-plan ;
- le bouquet qui s’attaque à la visière, et se fait sentir à travers elle.
La composition donne une clé de lecture :
- à droite, la main nue posée sur l’amure fait pivot entre la main nue du garde et la main gantée du faux chevalier : on comprend alors que ce soldat vulgaire n’est autre que l’image démasquée du bourreau ;
- à gauche les deux mains nues créent un parallèle entre l’épée et le bouquet, autrement dit les deux accessoires de déguisement : pas plus que le chevalier n’en est un vrai, l’impératrice n’est une jeune fille libre de conter fleurette.
Le titre « colin-maillard » invite à un niveau plus profond de lecture : le principe du jeu est de suppléer par le Toucher à la suppression de la Vue ; ici l’armure supprime le Toucher, suppléé à son tour par l’Odorat.
Le Chevalier Errant (reconstitution de la première version)
Millais, 1870, Tate Britain
Lors de sa présentation à la Royal Academy en 1870, le tableau était accompagné d’un texte explicatif dans le catalogue : « L’ordre des chevaliers errants a été institué pour protéger les veuves et les orphelins et pour secourir les demoiselles en détresse» [10].
L’alibi moral n’empêcha pas le scandale : pour la seule et unique fois où il tentait un nu féminin, Millais avait choisi, un peu innocemment, la formule la plus explosive : une femme nue et un chevalier à l’épée échangeant des regards entendus de part et d’autre d’un gros bouleau.
Devant le feu des critiques, Millais découpa le torse d’Angélique et le prit pour base d’un autre tableau, La martyre de Solway, dont la radiographie a permis de retrouver la direction initiale du regard [11].
Le Chevalier Errant (retouché en 1871)
Millais, 1870, Tate Britain
La genèse de ce sujet problématique vient certainement de l’intention de transposer dans le monde médiéval le mythe, très à la mode à l’époque, de Persée et Andromède. Pour aider à la compréhension, Millais a multiplié les détails narratifs, mais qui passent inaperçus dans le décor ;
- côté féminin, le croissant de lune et un bout de robe ;
- côté masculin, un torse transpercé et deux voleurs mis en fuite.
La version retouchée trouva finalement un acquéreur en 1874 : c’est donc moins la confrontation entre le nu et la cuirasse qui clochait, que l‘affrontement équilibré des volontés. Une fois redevenue victime honteuse et subsidiaire, la femme nue ne choquait plus.
Et sa chevelure dénouée, symbole de provocation sexuelle, reprenait le rôle pudique de voile de sa nudité.
La Vérite et le Prince des mensonges
Edmund J. Sullivan, 1898, Illustration pour Sartor Resartus de Carlyle, p. 15 (photo George P. Landow)
Le miroir, ajouté dans les mains de la femme pour symboliser la Vérité, transforme la composition en un motif beaucoup plus complexe que celui de Millais (voir 4 Fatalités dans le rétro ). Fermement tenu en main, il est l’instrument de la victoire de la Femme contre la Mort, qui laisse tomber son épée.
Le Chevalier aux Fleurs
Georges Rochegrosse, 1894, Musée d’Orsay
Le wagnérisme produit en France cette spectaculaire composition florale. Dans l’acte 2, scène 2 de Parsifal, le héros met en fuite les chevaliers de Klingsor puis s’égare dans le jardin que la sorcière Kundry a peuplé de séduisantes filles-fleurs. Comme tout paladin qui se respecte, il résiste à leurs tentations et reste chaste, malgré le tripotage de son pommeau.
L’armure ne sert plus ici de conducteur érotique, mais d’isolant. L’effet de miroir de la cuirasse (voir 3 Reflets dans des armures : Pays du Nord) confère un zeste d’invisibilité à cette superposition réussie du héros teutonique à notre Pucelle nationale.
Dame Aventure (Frau Aventure)
Max Slevogt, 1894, Städel Museum, Francfort
Le motif resurgit la même année de l’autre côté du Rhin, probablement sous l’influence non pas du Chevalier errant de Millais, mais du Roger et Angélique de Böcklin, qui avait été exposé à Münich en 1890. La scène semble avoir été inventée par Slevogt, sans référence à une source littéraire précise : Frau Aventure est un personnage du Parzival de Wolfram von Eschenbach (chap 433) mais dans un contexte qui n’a rien à voir avec la violence ambigüe de la scène représentée : on a l’impression que la femme tente de protéger son cou de l’étranglement, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’une victime qu’on relève.
Le Chevalier et les femmes (Der Ritter und die Frauen)
Max Slevogt, 1903 , Staatliche Kunstsammlungen, Dresden
Cette composition est tout aussi ambigüe, entre le viol collectif perpétré par un guerrier fou, et le chevalier tentant d’échapper à une escouade de putains. La femme près de rideau pourrait tout aussi bien appeler des gardes à l’aide ou d’autres courtisanes à la rescousse.
C’est en fait l‘interprétation morale qu’il faut retenir, celle du combat de la Vertu contre les Vices [12].
Dans le jardin magique, avant 1911 | Adam et Eve en costume moderne, 1912 |
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Carl von Marr, collection particulière
Dans ces deux oeuvres d’un peintre germano-américain, la vieille Europe se frotte au Nouveau Monde et le wagnérisme aux temps modernes : le chevalier à la lance tantôt prête allégeance à la Féminité, tantôt la salue par un vigoureux shake hand.
Le chevalier noir (der schwarze Ritter)
Alexander Rothaug, non daté, collection particulière
La composition établit une certaine équivalence entre :
- chevelure et crinière, ligature et bride, victime et monture, du côté des dominés ;
- écorce et armure, du côté des dominants.
La Mort et la Jeune Fille
Nicholas Kalmakoff , 1910, collection particulière
Un guerrier sortant des flammes relève sa visière et son gantelet pour montrer qui il est vraiment. Ainsi le chevalier, qui normalement sauve la demoiselle en détresse, se revèle être sa plus cruelle ennemie. Kalmakoff a le génie de rendre malsains les thèmes éculés : dans La Jeune Fille et la Mort, le squelette est sensé arracher la jeune fille aux plaisirs de la vie. Ici nous est montré l’inverse : le jeune fille enlaçant la genouillère du guerrier, pour l’empêcher d’aller détruire plus loin et pour le retenir auprès d’elle, jalouse de son bourreau hérissé d’armes phalloïdes.
Le Tueur de dragon, Von Stuck, 1913, collection particulière
A côté de ces tortuosités, la version de Von Stuck paraît presque anodine. C’est pourtant la première fois que l’homme de fer enlace la pâle beauté, on mesure le chemin parcouru depuis Millais. Le titre générique ne cherche même plus à invoquer une référence connue. Avec sa dent qui sort et la lance qui rentre, le dragon est dans la lignée de ceux de Böcklin, plus comiques que redoutables.
Le destin (Schiksal)
Richard Müller, 1916, oeuvre disparue
Implacable comme la statue du Commandeur, le Destin cuirassé sépare le couple, la femme qui s’incline pour l’accepter et l’homme qui se cache les yeux de désespoir.
La composition est truffée de symboles : la boule dont la femme descend pour la Fortune qui tourne, le bouquet de fleurs pour la vie coupée, le chien pour la douleur du maître, l’aigle dévorant un hamster pour la Mort qui régit la nature. La boucle de l’Elbe, à l’arrière-plan, est une image du Temps qui assiège et érode toute chose.
L’oeuvre s’inscrit au carrefour de deux thématiques : un macabre typiquement germanique et une formule particulière à Müller, consistant à apparier un nu féminin à un partenaire incongru (tapir, marabout, ours…). On ne peut donc pas dire que cette composition soit particulièrement liée à la guerre en cours.
Le chevalier et la jeune fille (Ritter und Mädschen)
Richard Müller, 1919, collection particulière
La jeune fille et le chevalier se font face, dans des postures symétriques. De la main droite, il dirige vers elle le pommeau de son épée, dans une menace immédiate ; de la main droite, elle enlève sa seule protection, la feuille de vigne, et la brute d’acier se fige. A gauche, la Mort, fascinée elle-aussi ce que le spectateur ne voit pas, arrête sa tâche de fossoyeur. Le sablier n’est qu’à moitié vide, le Pouvoir féminin a, pour un temps encore, stoppé la Violence et la Mort.
Femme aux armures, Raphaël Delorme, vers 1945, collection particulière
Cette femme debout, caressant sa tresse serpentine au milieu de cinq cuirasses aux becs saillants, est à lire comme une Léda, ainsi que l’indique le cygne doré sur le casque. Delorme a souvent utilisé le contraste nu/habillé (voir Habillé/déshabillé : la confrontation des contraires)
Sous le chêne (Under the Oak Tree)
Siana Park, 2019
Le Chevalier est comme un chêne, qui protège la fille fauve des renards tourbillonnants.
Les outsiders
La libération d’Arsinoé
La libération d’Arsinoé
Tintoret, 1556, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde
Retenue en otage par les Romains sur l’île de Pharos, la princesse égyptienne Arsinoé est délivrée par l’eunuque Ganymède, qui va prendre la tête des troupes révoltées contre César. Les textes évoquent ce sujet rarissime de manière lapidaire :
« Cependant la jeune sœur de Cléopâtre, Arsinoé, par l’industrie de son esclave Ganymède, parvient au camp des ennemis. » Lucain, La Pharsale, Livre X
Tintoret élabore avec humour, en imaginant :
- qu’Arsinoé était prisonnière dans le phare,
- que Ganymède lui a envoyé une échelle de corde à l’aide de son arbalète,
- que la fuite s’effectue en gondole.
Au premier degré, la cuirasse identifie Ganymède comme un guerrier. Au second, elle fait allusion à son incapacité physique, qui le condamne à ne tirer que des flèches non métaphoriques : l’armure donne ici à voir l’union charnelle impossible.
Ulysse et Calypso
Ulysse et Calypso
Gérard de Lairesse, vers 1680, Rijksmuseum, Amsterdam
Ce tableau est le seul exemple où Ulysse et Calypso sont représentés à la manière de Mars et Vénus, très intentionnellement car Lairesse est un peintre savant appréciant les énigmes visuelles : un oeil inattentif pourrait facilement prendre le petit amour, qui transfère le casque du héros à l’enchanteresse, pour un Cupidon ordinaire.
Mercure ordonnant à Calypso de libérer Ulysse
Gérard de Lairesse, vers 1680, Rijksmuseum, Amsterdam
Le second tableau du pendant, avec l’intervention de Mercure, révèle l’identité des deux Dieux (voir Les pendants complexes de Gérard de Lairesse).
Saint Georges et la Princesse
Sanctus Georgius
Solomon Joseph Solomon, 1906, Royal Academy of Arts,
Dans les compositions habituelles, la princesse sauvée du dragon joue les utilités en marge du combat. Exceptionnellement, le saint Patron de l’Angleterre est représenté ici sous la forme d’un montagnard aux mollets d’acier, cumulant le coup de lance de Persée et de Roger avec la capacité d’emport de Pégase et de l’hippogriffe.
Le contact charnel entre le Saint et sa cavalière est habilement éludé par les tissus qui bouillonnent.
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