La cage à oiseaux : en sortir
Présentée ouverte avec l’oiseau qui va ou qui vient de s’échapper, la cage symbolise souvent la défloration (voir L’oiseau envolé). Mais parfois, elle perd ce caractère irréversible et dramatique pour devenir, simplement, un lieu qui héberge un petit oiseau.
La Cage à Oiseau
Lancret, 1735, Alte Pinakothek, Munich
Lancret n’est pas un fanatique du symbolisme galant. Mais ici, les enfants tapis dans le taillis à droite suggèrent qu’il y a quelque chose à voir pour l’éducation de la jeunesse.
Effectivement, la fille de droite taquine l’oiseau dans la cage que le berger-gentilhomme a posé sur sa cuisse, tandis que la fille de gauche, brandissant la houlette, démontre l’effet qui peut en résulter.
Rappelons que la houlette est un « bâton de berger, muni à son extrémité d’une plaque de fer en forme de gouttière servant à jeter des mottes de terre ou des pierres aux moutons qui s’éloignent du troupeau. »
Cage et houlette fonctionnent donc ici comme deux images de l’attribut viril, pris dans des états différents.
Le Pasteur Complaisant
Boucher, 1739, Hotel de Soubise, Paris
Complaisant certes, ce pasteur qui tend sa cage à la bergère, afin qu’elle puisse en extraire l’oiseau pour en faire ce qu’il lui plaira.
La cage joue ici le rôle d’une braguette amovible et champêtre.
Nous allons suivre Boucher dans une autre scène bucolique,
avant de revenir à la cage proprement dite.
Le joueur de flageolet
Boucher, 1766, Collection particulière
Le flageolet frôle visuellement la couronne de fleur, tandis que la calebasse du berger entreprend le chapeau de la donzelle dont le pied, en se posant sur celui du garçon, concrétise ces métaphores.
Pour d’autres exemples de flageolets et de couronnes de fleurs chez Boucher, voir Pendants avec couple .
La Cage
Boucher, 1763, musée Baron Gérard, Bayeux
Tous ces préliminaires nous permettent d’identifier la couronne vide, l’oiseau comme substitut du pipeau, et même le bout de rondin proche de copuler avec la cage ouverte. Bien que située physiquement derrière le garçon, celle-ci se situe métaphoriquement dans le camp de la fille, confrontant sa béance à la plénitude encore intacte du panier.
Panier et cage fonctionnent plutôt ici comme deux images de l’attribut féminin, pris avant et après.
L’inventivité métaphorique et le plaisir du second degré n’est pas l’apanage du seul XVIIIème siècle français. En voici un exemple frappant, qui établit par dessus les siècles et l’Atlantique une forme de continuité, entre la France rococo et l’Amérique des pinups.
Le petit oiseau va sortir
Vaughan Bass, vers 1950
L’appareil photo, avatar moderne de la cage, est ici opéré par une pinup : elle se prépare à actionner la poire pour déclencher la sortie du petit oiseau.
Premier gag : celui-ci est en fait déjà sorti, ridiculisé dans la marionnette que tient du bout des ongles notre explosive photographe, pour faire sourire ses clients.
Second gag : en levant la poire, elle relève involontairement sa jupe, se livrant elle même au ridicule.
Moralité : les femmes qui troussent la majesté virile des appareils à soufflet et des trépieds érectiles risquent fort, elles aussi, de se retrouver troussées.
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