La souricière

Certaines souricières capturent, mais ne blessent pas ;

certaines souris s’y  trouvent bien.

 
 

Il lève la tête tout d’un coup,

puis essaie d’entrer là-dessous,

il ouvre un peu son petit œil,

puis il trouve le petit trou,

comme une souris ou une chauve-souris.

Lorenzo de’Medici, Rime dubbie , no. 293

Rizza il capo in su di botto,

poi s’ingegna entrar lor sotto, 

apre un tratto l’occhiolino,

poi ritrova il bucolino 

come il topo o il pipistrello’, 

Hercule hésitant entre la Vertu et le Vice

Gravure d’après Saenredam, fin XVième

hercules saenredam

La Vertu casquée expose à Hercule son programme pédagogique : un chemin rocailleux, mais qui mène aux vertus cardinales : la Charité (avec ses nombreux enfants), la Force (avec sa colonne), la Justice (avec sa balance), la Tempérance (avec son vase ).
.

Le Vice nu tire le héros par son gourdin et a posé dans l’arbre un programme plus alléchant  : un festin en galante compagnie.

Dans ce paysage moralisé, la souricière révèle le pot au rose : la voie  du Vice n’est qu’un cul de sac. Au dessus du piège, le chemin de l’arbre enveloppe la femme nue, puis s’épanouit vers toutes les femmes nues du tableau : comme si la malédiction de la souris grimpante remplaçait ici celle du serpent biblique.


Femme à la souricière

Mellan, milieu XVIIème, Bibliothèque municipale, Lyon

Souriciere Mellan

Cette gravure inachevée comporte plusieurs détails compliqués :


Souriciere Mellan detail droite

  • en haut à droite, un couple s’enlace tandis qu’une  femme, qui les regarde à travers un  masque souriant, nous prend à témoin avec son véritable visage : celui de la vieillesse ; elle pose son index sur ses lèvres pour nous demander le silence  ;

Souriciere Mellan detail gauche

  • en haut à gauche, un tableau montre un Dieu ailé ( Chronos avec son sablier sur la tête) qui enlève son enfant à une femme ;

Souriciere Mellan amours

  • au centre, un Amour blond tend une grappe juteuse à un Amour noir, tandis qu’un troisième s’intéresse à la feuille de vigne qui ferme le pubis de la femme ;


Souriciere Mellan souricière

  • à gauche, sur le meuble orné d’un amour qui suce son doigt, une souricière ouverte attend sa proie.

Le thème général est assez clair :

  • la Beauté est fugace,
  • le Temps tue l’amour,
  • les Appas sont comme des grains de raisins qui attirent les prédateurs,
  • lesquelles finissent dans le piège.

Dans la métaphore aviaire habituelle,  des amours ailés sont mis en cage (voir L’Oiseau chéri ) . Dans cette métaphore originale, des amours aptères (blancs comme des souris ou noirs comme des rats)  sont également pris dans la souricière :

l’inconvénient étant que la conclusion logique met en équivalence

le sexe de la femme avec un piège à rats.[1]

On comprend que Mellan n’ait pas achevé sa gravure…


luc-lafnet-ca-1930

… dont le thème ressuscitera deux siècles plus tard sous le burin de Luc Lafnet.



10-_Caricature_-_Napoleon_dans_une_souriciere_1815

Napoléon dans une souricière
Caricature hollandaise, 1815

Profitons de cette caricature pour clarifier le fonctionnement de la  souricière à bascule, modèle que nous allons retrouver sur plusieurs siècles, et dont la caractéristique première est qu’il emprisonne, mais ne tue pas.

On comprend bien comment le prédateur, attiré par le fruit, a délogé le crochet, faisant retomber la porte derrière lui.


USA 1942 Jap trapJap Trap
USA, 1941-45

L’empereur Hiro-Hito fera lui-aussi les frais de ce type de propagande bestialisante, avec un modèle plus moderne de souricière.



Mais revenons au XVIIème siècle, âge d’or de cette métaphore.

Fit spolians spolium

Jacob Cats, Monita amoris virginei, Amsterdam,1620.

CatsMonita1620

Dans ce livre d’emblèmes, la souricière a essentiellement une valeur morale générique : tel est pris qui croyait prendre.

Une des devises ramène néanmoins le prédateur captif au cas particulier de l’amant devenu mari :

« Je me suis marié, j’ai perdu la liberté »
« Uxorem duxi, libertate perdidi »



Muscipula Amoris

Emblème 34 de Ludovicus van Leuven, 1629,

Amoris divini et humani antipathia

0149pldl1034

Une souris de belle taille est piégée dans une souricière géante, la queue coincée sous la porte.  Cupidon désigne cet appendice à une jeune fille plus intéressée qu’effrayée [1a] . La devise en français fournit la moralité :

« Qui chasse en parc d’Amour a bien dessein de prendre
Mais las ! Va prisonnier, sans penser de s’y rendre »


N’ayant pas oser représenter carrément un Amoureux en cage,  l’artiste a tranché en deux la difficulté  : la partie animale dedans, la partie virile dehors.



1680 ca Le Centre De L'Amour Embleme 28

Gravure de Peter Rollos, Euterpae suboles, 1608 (édition française vers 1680)

Dans ce recueil de gravures grivoises, les légendes en latin et en allemand mettent en équivalence l’oiseau, organe masculin, et la souris, symbole fourré du sexe féminin.

 

S’il est permis maintenant d’échanger un équivalent contre son égal,
alors tu me donneras, jeune fille, la souris en échange de l’oiseau.
Assurément, je ne te refuse pas, jeune homme, cette souris audacieuse,
mais je dois d’abord inspecter le pinson.

Si licet equivalens iam permutarier aequo .
Pro volucri murem tu mihi virgo dabis.
Non equidem improbulum iuvenis tibi renuo murem .
Verum fringilla est conspicienda prius .

 

Jeune fille, je te propose un échange amical.
Je te donne mon pinson contre la souris.
Oui mon coeur, celà peut se faire,
Mais je dois d’abord regarder le pinson.

Jungfram ich halt ein freundlichn Dauschs ,
Ich gib euch mein sinckten für die maus .
Ja Herz , es kan gar woll geschehen,
Ich mus zuvor euren Sinckn besehen


L’édition française, parue vers 1680 sous le titre de Le Centre De L’Amour, Decouvert soubs Divers Emblesmes Galans et Facetieux, rajoute un commentaire plus ambigu, ou le sexe féminin est assimilé à la fois à la cage à oiseau et à la souricière : le rat évoque donc ici quoi que ce soit qui s’y faufile, selon le désir de la fille :

Conditions de Change.

Vois-tu Thirsis, mon Rat n’est point sauvage.
Si je le change avecque ton Pinson,
Je veux qu’à mon désir, sans aucune leçon,
Il sorte et rentre dans ma cage.


Malgré la popularité des livres d’emblèmes, la souricière est restée très rare  en peinture : la version noble du thème  a presque totalement phagocyté la version sale. En tant que métaphore phallique, l’oiseau qui becquette et étend ses ailes est nettement plus recevable que le rat lubrique qui se faufile dans tous les trous en trainant sa queue  démesurée.

Gerrit Dou a utilisé néanmoins la souricière à plusieurs reprises, sans doute parce que sa production massive le contraignait à exploiter systématiquement tous les objets du quotidien.

La souricière

Gerrit Dou, vers 1650, Musée Fabre, Montpellier

Gerrit Dou-La souriciere ca 1650 Musee Fabre detail

Cliquer pour voir l’ensemble

Un jeune peintre ramène triomphalement une souris prise au piège à sa mère, laquelle pèle des panais (dont la forme et même le nom en français sont adéquats au symbole).


Nicolaas Verkolje after Gerrit Dou, Maid with a Mousetrap Mezzotint National Gallery of Art, Washington D.CServante avec une souricièreMezzotinte de Nicolaas Verkolje d’après une oeuvre perdue de Gerrit Dou, National Gallery of Art, Washington D.C Van-Tol-Mousetrap-Rijksmuseum-1660 - 1676Garçon à la Souricière
Van Tol, 1660 – 1676, Rijksmuseum, Amsterdam

Entre les mains de la servante expérimentée, la bougie remplace le panais pour faire comprendre que la souricière s’intéresse à tout type d’objet oblong, y compris l’index du garçon.

Elève et neveu de Dou, Van Tol reprend le même type de composition dans une arcade de pierre avec rideau : avec le chat, un nouveau thème s’introduit ici, celui du chasseur de souris frustré par la mécanique, thème que nous retrouverons plus loin développé par Van der Werff.


The-mousetrap.-1660-Quiringh-Gerritsz.-van-Brekelenkam RijksmuseumGarçon a la souricière
Quiringh Gerritsz van Brekelenkam, 1660, Rijksmuseum
Louis de Moni Garcon a la souriciere XVIIIeme localisation inconnue RKD Num 224516Garçon a la souricière
Louis de Moni, XVIIIème, localisation inconnue, RKD Num 224516

Plusieurs peintres mineurs reprendront le thème équivoque de la souricière manipulée par un jeune garçon,sous l’oeil intéressé d’une fillette ou frustré d’un matou. A noter que dans tous les cas que nous avons vus, la souricière a fonctionné, ce qui sauvegarde la possibilité d’une lecture naïve : un garçon se moque d’une souris prise au piège.

Mais revenons à Dou, qui est certainement celui qui a mis en scène la souricière dans les situations les plus variées.


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La cave à vin

Gerrit Dou, vers 1660, Collection particulière

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Un vieil homme, privé de tous les plaisirs de  l’existence, se chauffe au fond près du feu.

Dans la cave, un jeune couple (le fils de la maison et une servante) est  venu tirer du vin, dernière consolation de la vieillesse. Le jeune homme le goûte, sous le regard interrogatif de la servante.

A la verticale du verre s’étage une batterie de symboles  :

  • le robinet crache dans la cruche ;
  • la bougie érige sa flamme ;
  • le bouchon comble le goulot ;
  • la souricière, armée, attend sa proie.


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Garçon avec une souricière à la lumière d’une bougie
Dominicus van Tol, 1664–65, Collection privée [2]

Van Tol reprendra les mêmes éléments dans cette composition plus simple où le jeune homme est seul à manipuler la souricière.

En aparté : des volailles mortes

Pieter Slingelandt, Keukeninterieur. Duke of Sutherland Collection, Edinburgh, National Gallery of Scotland

Intérieur de cuisine
Pieter Slingelandt, vers 1670, Duke of Sutherland Collection,Edinburgh, National Gallery of Scotland

Bref aparté sur cette scène singulière : un jeune homme offre à la fille une perdrix morte, tandis que, derrière eux, un cuistot embroche une volaille.

L’offrande ou l’exhibition d’un volatile mort avait donc clairement, en Hollande,   une signification  sexuelle, le plus souvent phallique (voir les analyse de E. de Jongh [1b]) )

 Nous allons en voir tout de suite un bel exemple…



Jeune fille à sa fenêtre avec un chat, une souricière, un canard pendu et un pot en étain

Gerrit Dou, 1670-75, Collection particulière

Gerrit Dou - A Young Girl at a Window Ledge with a Cat and Mouse-Trap

Dans cette apothéose de la symbolique amoureuse, Gerrit Dou a fait très fort :


Gerrit Dou - A Young Girl at a Window Ledge with a Cat and Mouse-Trap_detail aiguiere

  • l‘aiguière utérine

Gerrit Dou - A Young Girl at a Window Ledge with a Cat and Mouse-Trap canard


Gerrit Dou - A Young Girl at a Window Ledge with a Cat and Mouse-Trap cage


Gerrit Dou - A Young Girl at a Window Ledge with a Cat and Mouse-Trap souricière

  • la souricière pleine, sous les yeux souriants de la dame et de son chat (voir Pauvre Minet )

L’équivalence entre l‘oiseau évanoui et la souricière comblée est établie ici de manière quasiment mathématique.

Si nous revenons au premier tableau de la série (le jeune homme qui ramène  sa souris capturée), nous pouvons faire raisonnablement l’hypothèse  que la souricière remplie constitue le pendant  masculin de la cage vide :

  • déniaisage  triomphal pour les jeunes garçons,
  • défloration plus problématique  pour les jeunes filles

La dame du tableau, vu son sourire ravi, n’en est  probablement pas à sa première souris.


sb-line

Jeune femme avec une souricière

Abraham Snaphaen, 1682. Leiden, Stedelijk Museum De Lakenhal

Abraham Snaphaen, 1682 Fille avec une souriciere , Museum De Lakenhal Leyde

Même contentement chez celle-ci, qui désigne sa souricière pleine au dessus de sa cruche béante, tandis qu’à droite une bougie remplace le canard mort dans le rôle de l’objet mollissant.

Lorsqu’elle n’est ni une marchande ni une ménagère affairée, la dame  à sa fenêtre  est souvent, dans la peinture hollandaise, une femme légère, comme le confirme ici le papier : « Een kamer te huur » (une chambre à louer).
.



sb-line

La souricière

Willem van Mieris, Museum Smidt van Gelder, Anvers

Willem van Mieris - La souriciere

Peut être faut classer parmi ces dames sûres de leurs charmes cette plantureuse musicienne, faisant à son  chat l’hommage d’une souris.

Dans cette prise de possession en deux temps, ce que la souricière a amorcé (la capture) va être fini par le félin (l’ingestion).



Van der Werff

Adriaen van der Werff jeune homme a la souriciere

Garçon à la souricière
Adriaen van der Werff,vers 1678-9,National Gallery, Londres

Même scène, mais en inter-changeant les sexes  : cette fois c’est un très beau jeune homme qui présente une souris à un chat. Deux papillons volettent autour de lui, symboles de la fugacité des  choses belles.


Werff_Adriaen_van_der-Self-Portrait

Autoportrait
Adriaen van der Werff, 1696, L’Ermitage, St. Petersbourg

Le jeune homme ressemble comme un frère à cet auto-portrait brillant, où Adrien dans sa splendeur s’est représenté en train de peindre une Vanité :  un crâne couronné de lauriers.


Adriaen van der Werff jeune homme a la souriciere detail
Tout comme le peintre tient le pinceau de sa main droite, le jeune homme s’approprie le trébuchet, dont le fil semble se confondre avec la calligraphie de la signature.

En somme, la souricière ferait la nique au chat, et le jeune homme brandissant ironiquement  la souris lui dirait : celle-là, tu ne l’auras pas.

Iconographie très personnelle, mais cohérente avec un autre tableau de Van der Werff, où il vante les jeunes gens qui étudient l’Antique, plutôt que de perdre leur temps à des jeux de vilains (voir L’oiseau envolé )


Van der Werff Un garçon mettant un oiseau en cageUn garçon mettant un oiseau en cage (gravure inversée) Adriaen van der Werff jeune homme a la souriciereGarçon à la souricière

Le tableau avait un pendant aujourd’hui connu seulement par la gravure  : des enfants sages ont donné à manger à un oiseau en écartant le chat furibard (pour la scène inverse empreinte de tout le sadisme de l’enfance, voir Le chat et l’oiseau : autres rencontres).

Chez un  peintre moraliste et sublimateur , tel que  Van der Werff nous apparaît,  il y a fort   à parier que le sujet du pendant ait été la modération en amour, 

 faisant barrage dans les deux cas à la voracité sexuelle du prédateur.


Adriaen_van_der_werff,_ragazzo_con_trappola_per_topi,_1676,_Gemaldegalerie alte meister, Berlin

Jeunes gens avec une souricière, Adriaen van der Werff, 1676, Gemäldegalerie alte Meister, Berlin

L’un des garçons retient en souriant la souricière vivante, l’autre montre la souricière mécanique et la souris qui a été capturée dans le second trou. Les trois autres trous sont armés (une ficelle passée à l’intérieur maintient l’anneau en position basse ; en la rongeant pour atteindre l’appât, la souris libère le ressort [3] ).

Ce tableau corrobore l’interprétation précédente : comme souvent au XVIIème siècle, l’innoncence des jeunes enfants est utilisée pour transmettre un message à l’intention des adultes : malheureux ceux qui sont victimes de leur voracité (sexuelle), aussi bien les souris (les hommes) que les chats (les femmes).


Daniel Heinsius, Emblem from Emblemata Amatoria, 1621
Daniel Heinsius, Emblemata Amatoria, 1621

Nous sommes ici très proches de l’ambiance de cet emblème, où un Cupidon en armes indique que celui qui est victime de l’amour est comme une souris qui échappe à la souricière (les femmes) pour tomber dans les griffes du chat (la mort).

La cage libère la souris, le chat attend.Le pire nous attend quand nous échappons au mal.

Le mal me poursuit, et la peur du pire me hante.

Expectat felles, laxat captentula muren:Nos mala vitantes deteriora manent

Il mal mi preme, & mi spaventa il peggio


Giacomo Francesco Cipper, dit« il Todeschini»

Ce peintre de genre d’origine allemande a produit vers 1720 une série de tableaux dont le centre est une souricière, tenue en l’air par le pied du trébuchet

Souriciere a bascule

Cipper A vers 1720 SCENA DI GENERE coll priv photo Galleria Giamblanco Milano

Scène de genre autour d’une souricière
Cipper, vers 1720, collection privée, photo Galleria Giamblanco, Milan

Dans ce style à la fois réaliste et caricatural, la mise à mort de la souris prise au piège, à l’aide d’une longue aiguille, semble empreint à nos yeux modernes d’une cruauté onirique, lourde de sens cachés. Ce tableau, le plus complet de la série,  réunit tous les ingrédients habituels  :

  • un plaisantin, qui fait ici office d’exécuteur ;
  • une jeune fille, intéressée mais craintive ;
  • un jeune garçon ;
  • un chat frustré ;
  • une vieille avec sa quenouille ;
  • une bougie éteinte, qui symbolise probablement la mort imminente de la bestiole, et prochaine de l’ancêtre.

Si nous n’avions que ce tableau, il serait tenant de  chercher une signification d’ensemble. Mais les autres version, plus simples, montre que Cipper procède de manière combinatoire, en juxtaposant ses personnages-type.


Cipper B Zeri loc inconnue Cipper D Zeri loc inconnue

  Cipper, localisation inconnue, photothèque Zeri

Ici, la jeune fille a disparu et c’est la vieille femme qui pique. Dans le tableau de gauche, l’amusant est la diversité des regards fixés sur la souricière (concentration, amusement, convoitise) tandis que le petit garçon, en regardant le spectateur, sert de relais vers la pointe de l’aiguille.


Cipper C Zeri loc inconnue

Cipper, localisation inconnue, photothèque Zeri

La vieille a laissé la place à la jeune fille et l’exécution, en présence  d’un jeune homme et d’une soeur plus jeune, prend ici la valeur d’un  jeu ou d’un gage amoureux exécuté par la plus grande. Mais la symbolique sexuelle n’est probablement pas la bonne clé de lecture : le spectateur de ‘époque devait y voir un divertissement  amusant pour tous les âges, aux dépens d’un nuisible détesté.


Cipper E+Boy+With+A+Mousetrap+And+A+MouseJeune homme avec une souricière et une souris, Cipper, collection privée Cipper F Zeri autoportrait coll priv bisAutoportrait, Cipper, collection privée, photothèque Zeri

Quelquefois la souris échappe à l’aiguille :

  •  pour être donnée au chat ;
  • ou pour être immortalisée avec le peinntre, qui pour le moins lui doit bien cela.

L’apparat trompeur et l’ oiseau envolé

Francois Eisen, 1763, Collection privée

Francois Eisen L apparat trompeur et l oiseau envole 1763

Une souris attrapée par un garçon souriant d’un côté ; un oiseau échappant à une jeune fille catastrophée de l’autre : nous retrouvons la mise en balance  humoristique du déniaisage bénin versus la défloration irrémédiable : la souris n’en meurt pas, mais l’oiseau, une fois la porte ouverte,  ne revient jamais dans sa cage.

Le titre du premier tableau, L’apparat trompeur, suggère une ironie supplémentaire : le fil à laquelle la souris   est pendue la transforme en appât, et le chat en proie.

Une fois libérée  de la souricière, c’est maintenant la souris qui va faire enrager les chattes.


La femme et la souris

Martin Drolling, 1798, Orléans, Musée des Beaux-Arts

Martin Drolling la-femme-et-la-souris 1798 Orleans musee des beaux-arts

Moins efficace que la souricière, le chat mortifié se fait réprimander. Le bébé maladroit voudrait bien lui aussi attraper la souris. La scène de genre abolit ici la vieille métaphore érotique.


La souricière

Alexandre Antigna, 1872

mousetrap 1878

Exemple tardif où une jolie bretonne n’hésite pas à relâcher la souris d’un jeune breton hilare, sous les yeux interrogatifs d’une petite fille, trop jeune  pour apprécier   la symbolique.


La souricière

Angelo Martinetti, 1874,  York Museums Trust

La souriciere Angelo Martinetti 1874
Dans cette scène de genre, prétexte à une exhibition d’escarpins dans des frôlements de satin, la souricière est utilisée pour servir d’appât à un chat.

Ainsi un premier effet Ripolin : le fromage attire la souris qui attire le chat

en cache un autre : la souris excite les filles qui excitent… le spectateur.


Beauté et souris

Maurice Millière, gravure, vers 1925

MAURICE MILLIERE ETCHING - BEAUTY WITH MOUSE

La souris a été extraite de la souricière pour être menée à la baguette.


MAURICE MILLIERE ETCHING - BEAUTY WITH MOUSE detail
Le dressage de l’animalcule satisfera-t-il la maîtresse ?

souris dressee


Pinups à la souris

Scandale 1951 Pierre Fix MasseauPublicité pour les bas Scandale, Pierre Fix Masseau, 1951 K.O-Munson-03In Emergency or Out, Call On Us, Knute O Munson, vers 1951

Renversement de situation : c’est ici la souris humaine qui se dresse, imitant l’animal qui, de part et d’autre de l’Atlantique,  lui rend hommage avec ou sans sa queue.

Références :
[1] Sur le danger de la souricière pour la virilité, on trouve une anecdote amusante dans un livre léger du XVIIème :
« Comme il fut au lit, on lui mit sur la selle d’auprès le chevet un pot de nuit : -or, sur la même chaire, il y avoit une ratière carrée et creuse en rond ; ce n’étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le rat par le milieu du corps.: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied de diamètre, et est en cube, étoit fort tendu, et le ressort fort bandé. Frère Jean se réveilla, pour faire de l’eau ; et prit cet engin par le bord, cuidant que ce fût un vaisseau à pisser, et y présenta son outil, qui s’avançant donna jusqu’à la détente; parquoi,le ressort échappa, et prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il se prit à crier si haut, que Lucifer s’en fût éveillé ; et on lui apporta de la chandelle pour se dégager. »
Béroald de Verville, 1610, « Le Moyen de parvenir, oeuvre contenant la raison de ce qui a été, est et sera, avec démonstration certaine selon la rencontre des effets de la vertu » https://books.google.fr/books?id=edxiAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
[1b] E. de Jongh « Tot lering en vermaak Betekenissen van Hollandse genrevoorstellingen uit dezeventiende eeuw », Rijksmuseum, Amsterdam, 1976 ,  p 285 http://www.dbnl.org/tekst/jong076totl01_01/jong076totl01_01_0078.php 
[3] Pour voir cette souricière en fonctionnement : https://www.chaostrophic.com/guy-tests-ruthless-427-year-old-mousetrap-design/

One Comments to “La souricière”

  1. Dear author pf the blog ! Please help me to name you for reference in my scientific paper. Cordially, PhD Ass. Prof. M. Rogov

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