6 Le perroquet, le chien, la femme
Les Femmes au perroquet et les Femmes au chien sont innombrables. Heureusement, celles qui cumulent les deux sont très rares. Peut être parce que cette combinaison symbolique est difficile à interpréter, chaque animal étant ambivalent à lui seul :
- il se peut que leurs significations s’additionnent – Pureté plus Fidélité, ou à l’inverse Lubricité plus Animalité ;
- il se peut qu’elles se neutralisent, et on ne sait plus quoi penser de la Vertu de la maîtresse.
La jeunesse (Les âges de la vie)
Santi di Tito, 1580-1600, Musée Fesch, Ajaccio
Ce panneau est le deuxième d’une série consacrée aux quatre âges de la Femme.
« La deuxième période de la vie, la jeunesse, est figuré ici par une jeune fille, vêtue d’une belle robe rose à motifs, ornée de pierres à la taille et de dentelles autour du col. Elle tient dans sa main droite un éventail, accessoire lié au jeu de la séduction. Elle porte autour du cou un collier de perles, attribut de Vénus la déesse de l’amour. On aperçoit au loin un homme tirant un cheval, qui pourrait être, pourquoi pas, un prétendant. Le cheval symbole de fougue et d’ardeur semble dire que nous traversons le temps de l’amour. L’élément qui domine ce deuxième panneau est le feu. Le personnage est présenté dans une nature qui nous montre l’été par les tonalités chaudes déclinées en teintes ocre et jaune des champs que les paysans sont train de moissonner. »
A droite, le perroquet symbolise probablement la Pureté perchée. Au gauche, le petit chien de la Fidélité surveille de près le Singe, bête notoirement vicieuse et lubrique.
Le geste de la jeune fille, qui montre son bijou tout en brandissant son éventail tel une tapette à mouches, illustre à merveille le jeu de séduction/répulsion des beautés juvéniles.
Portrait d’Arbella Stuart (1575-1615)
Vers 1595, artiste inconnu, National Library of Scottland
L’héritière recherchée du royaume d’Angleterre est représentée ici du temps de sa splendeur, avec un couple d’aras, un couple de perruches et à ses pieds le couple habituel chien/singe, qui évoque l’amant fidèle et l‘amant sensuel qu’il faut tenir en laisse. Emprisonnée à la Tour de Londres, elle finira par se laisser mourir de faim.
https://en.wikipedia.org/wiki/Lady_Arbella_Stuart
Femme à sa toilette
Jacob van Campen, 1650-55, Bredius Museum, La Haye
Le perroquet au dessus du miroir de toilette est l’emblème de la Propreté et de la Pureté, renforcé par le flacon d’eau claire et le chapelet posé sur le genou. Apparemment, la jeune femme s’est baissée pour se concentrer sur la recherche d’une puce ou d’un poux (voir le peigne posé par terre), sous les yeux compatissants d’un chien lui aussi très concerné par la question.
Le sujet de la femme à la puce, prétexte à des déshabillages sensuels, est aussi un sujet moral : malgré les instruments de la propreté et de la piété, le mal rode et peut toujours piquer.
Dans les rutilantes demeures néerlandaises, la Puce a remplacé le Serpent.
Femme avec son serviteur
Ecole Génoise, 1650, Museo Diocesano di Milano (Fondazione Cariplo)
Cette belle dame fait prendre l’air à son perroquet, sous la double garde d’un molosse enchaîné et d’un numide lui aussi fers au pied. La tableau suivant va éclaircir la métaphore.
Jeune femme nourrissant un perroquet
1669, Pieter de Hooch, Collection privée
La jeune femme a trempé un biscuit dans un verre de vin blanc pour le donner à son perroquet. Elle a ouvert la porte de la cage, vers laquelle le chien tend un museau intéressé. Ici, le perroquet cache la porte, qui est le véritable sujet d’intérêt.
Car il faut bien sûr voir, non pas que le visiteur retient le chien, mais qu’il le brandit au contraire à deux mains contre l’entrée de la cage. Pour d’autres exemples de cette métaphore amoureuse, voir La cage à oiseaux : y entrer .
Voici une chanson française de l’époque, dédiée spécialement au perroquet et à sa cage :
Une fille de village
Avecque son bavolet, (sorte de coiffe)
Elle m’a prêté sa cage,
Pour loger mon perroquet.
[…]
La cage était trop petite,
Il n’y entra que le bec.
Puis poussant et faisant rage
Il y entra tout à fait.Chansons de Gaultier-Garguille (1631) :(éd. E. Fournier, 1858, (p. 87-88)
Le Banquet de Cléopâtre
Jacob Jordaens, 1653, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg (Russie)
« Il y avait deux perles, les plus grosses qui eussent jamais existé, l’une et l’autre propriété de Cléopâtre, dernière reine d’Égypte; elle les avait héritées des rois de l’Orient. Au temps où Antoine se gavait journellement de mets choisis, Cléopâtre, avec le dédain à la fois hautain et provocant d’une courtisane couronnée, dénigrait toute la somptuosité de ces apprêts. Il lui demanda ce qui pouvait être ajouté à la magnificence de sa table ; elle répondit qu’en un seul dîner, elle engloutirait dix millions de sesterces. Antoine était désireux d’apprendre comment, sans croire la chose possible. Ils firent donc un pari. Le lendemain, jour de la décision, elle fit servir à Antoine un dîner, d’ailleurs somptueux –il ne fallait pas que ce jour fût perdu-, mais ordinaire. Antoine se moquait et demandait le compte des dépenses. Ce n’était, assurait-elle, qu’un à-côté ; le dîner coûterait le prix fixé et seule, elle mangerait les dix millions de sesterces. Elle ordonna d’apporter le second service. Suivant ses instructions, les serviteurs ne placèrent devant elle qu’un vase rempli d’un vinaigre dont la violente acidité dissout les perles. Elle portait à ses oreilles des bijoux extraordinaires, un chef-d’œuvre de la nature vraiment unique. Alors qu’Antoine se demandait ce qu’elle allait faire, elle détacha l’une des perles, la plongea dans le liquide et lorsqu’elle fut dissoute, l’avala.» Pline IX 119-121
Marc-Antoine se trouve en situation d’infériorité dans le tableau : face à lui le numide qui apporte le vinaigre, un fou qui se moque de sa déconvenue en le montrant du doigt, et un dignitaire en turban. Le perroquet, comme souvent chez Jordaens, se trouve ici pour la couleur et pour la touche orientale.
Les deux chiens en revanche ont manifestement une signification :
- le grand, dont la tête frôle le manche phallique de l’épée , symbolise Marc-Antoine dans son état antérieur : amoureux mais libre ;
- le petit, lové en position foetale dans le giron de la Reine d’Egypte, représente son état suite à son pari perdu : soumis et diminué.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Banquet_de_Cl%C3%A9op%C3%A2tre
Pour des détails intéressants sur l’acidité du vinaire à l’époque romaine :
La boisson des dieux. À propos du banquet de Cléopâtre, Maria Teresa Schettino, Dialogues d’histoire ancienne, Année 2006, Volume 32, Numéro 2, pp. 59-73 http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2006_num_32_2_3015
Suzanne et les vieillards
Jacob Jordaens, 3e quart 17e siècle, Lille, Palais des Beaux-Arts.
Jordaens a peint ce thème à cinq reprises, chaque fois dans une intention burlesque et ironique. La « chaste » Suzanne est affublée des attributs de la Vanité et de l’Orgueil : paon, perroquet, accessoires de toilette dorés, peigne, miroir. L’animal de compagnie se défend mollement contre la main qui va l’empoigner ou le caresser : en inscrivant son reflet dans le miroir de sa maîtresse, Jordaens nous fait comprendre qu’elle s’est elle-même réduite à la dimension et aux appétits d’une petite chienne.
Sur l’iconographie de Suzanne et les Vieillards, on peut consulter le livre de Jean-Claude Prêtre, un peintre contemporain auteur lui-même de 120 variations sur Suzanne : http://www.jcpretre.ch/site/series-expositions/suzanne-2/suzanne-le-proces-du-modele-1984-1991/
Les Suzanne de Jordaens sont décrites dans cette partie : http://www.jcpretre.ch/livres/Suzanne/Suzanne_36-70.pdf
Jeune fille au perroquet et au chien
Artiste inconnu, vers 1725-1735, York Museums Trust
Avec ce tableau un peu maladroit s’introduit une thématique qui va durer plus d’un siècle : celle du beau parleur contre l’amant fidèle [A]. Ici, le perroquet rouge vif flamboie au-dessus d’une corbeille luxuriante, tandis que le fidèle compagnon gratte en bas du tablier pour essayer d’attirer l’attention.
Portrait de Mathilde de Canisy, marquise d’Antin
Jean-Marc Nattier,1738, musee Jacquemart-André
« Jolie, gracieuse, pétulante et toute jeunette encore ». C’est ainsi qu’a été décrit ce portrait de Françoise-Renée de Canisy, tout juste âgée de 14 ans. Le peintre la représente au pied d’un chêne, devant un paysage qu’elle surplombe.
La guerre est ici ouverte entre les deux favoris que la belle se contente de séparer. Elle ne s’émeut pas de cette jalousie inévitable, tribut à son éclatante beauté.
http://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/collections/portrait-de-mathilde-de-canisy-marquise-dantin
L’Electrice Maria Elisabeth Auguste von der Pfalz, Princesse Palatine,
fille du Prince Joseph Karl Emannuel de Palatine-Sulzbach
Johann Georg Ziesenis, vers 1750, Bavarian State Art Collection, Munich
Pas très heureuse en mariage et vivant séparée de son époux (le portrait au mur), l’électrice s’occupe en lisant, en tissant et en jouant du clavecin. N’ayant pas eu d’enfant, elle se contente de l’affection du bichon et du cacatoès, lesquels se jettent des regards noirs.
Avant la première rencontre
1755-60, Alexander Roslin
Equipée par sa mère de l’arme de son sexe – une rose, la jeune débutante se prépare à aller affronter des soupirants d’une autre trempe que le bichon et le perroquet, rendus coi par le départ de la belle : la page de l’adolescence se tourne, l’école des petits favoris est terminée.
Femme de la Rochelle
1796, LABROUSSE (graveur) PIGELET (editeur, imprimeur)
Encyclopédie des Voyages, Paris ; musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée
Côté peuple, pas autant de chichis. Dans un port, le perroquet n’a rien d’extraordinaire : il se tient à sa place sur son perchoir. Tandis que le chien dort par terre et que le chat joue avec la pelote, la femme de marin tricote une chaussette.
Portrait d’une jeune fille avec perroquet et chien
Vers 1830, style Biedermeier
La jeune fille passe le temps en lisant, entre la cage et la plante verte. Du chien vers le perroquet, du perroquet vers la jeune fille, de la jeune fille vers le spectateur, un enchaînement de regards sans réponse crée une sensation de suspens, d’attente que quelque chose enfin advienne dans cet univers compassé.
Odalisque au perroquet dans un palais oriental
1835 Daniel Alexis Bourrit, Collection privée
En contraste, cette odalisque au pied déchaussé et au lit orné de béliers jouit d’un vaste panorama de possibles. Elle se repose entre son perroquet et son chien, en attendant d’autres visites.
1837 ca Fanny Geefs-Corr Dame avec un perroquet. Groeningemuseum, Brugge
Nouveau changement abrupt de décor : c’est en style gothique troubadour que nous retrouvons nos deux acolytes. Toujours la même idée de concurrence entre plume et poil, mais en bien policée : le perroquet est nourri du bout des doigts, le chien quémande l’attention du bout de la patte.
Jeune femme au perroquet
Vers 1850, Jules Joseph Boulanger, Collection privée
Chien, coussin, foyer ; perroquet, cage, ciel : jeune fille, métier à broder, cadre au mur : un monde parfaitement équilibré où chacun des protagoniste stationne dans sa réalité et rêve de son idéal.
Odalisque au perroquet
1854, Louis-Gabriel Bourbon-Leblanc, Collection privée
Autant entre chien et perroquet la cohabitation pacifique est possible, autant le chat et l’oiseau appartiennent à des camps antagonistes : proie/prédateur dans le réel, sexe féminin carnivore contre sexe masculin expansif dans la métaphore (voir Le chat et l’oiseau ).
Cette odalisque provocante, aux pieds et aux seins nus, s’amuse donc à exciter son chat en érigeant son perroquet.
Dame élégante avec son lévrier Florent Willems, 1867, Collection privée |
Chez le marchand d’oiseaux Camille Leopold Cabaillot Lassale, 1873, Collection privée |
---|
A gauche, l’élégante du XVIIIème siècle se prépare à sortir, après avoir jeté un dernier coup d’oeil à son miroir à main. Derrière elle, un jeune serviteur baisse le regard sur le lévrier tenu en laisse, lequel lève son regard vers le perroquet, lequel regarde du point de l’oeil la maîtresse. Celle-ci porte son regard au loin, sans s’intéresser le moins du monde à cette spirale de regards ancillaires
A droite, les deux jeunes filles modernes sont venues visiter le marchand d’oiseaux, en compagnie du chien de la maison qui lève un regard intéressé vers cette possible acquisition.
Femme au perroquet Steffeck, Carl Constantin Heinrich, vers 1880,Museum Duesseldorf |
Jeune fille avec deux chiens et un perroquet |
---|
A gauche, la femme en Rouge assure l’harmonie et le contact, du bout du museau et du bout du bec, entre ces deux sources d’énergie animale noire et verte. Mais le chien n’a plus rien à voir avec un bichon de salon : c’est une masse de muscles luisants , dont la puissance potentielle fait honneur celle de sa maîtresse.
Même idée à droite, mais en extérieur et dans les blancs. Si le petit chien qui tire le bas de la robe est toujours en concurrence d’affection avec le perroquet, le grand épagneul fausse la symbolique. Avec son collier et sa taille, il ne joue pas dans la cour des petites jalousies : il est le muscle et l’animalité, la force brute des instincts dont la jeune fille doit en toute occasion rester maître.
Dame avec un perroquet et deux chiens R.H. Craig, 1882 , McLean Museum and Art Gallery, Inverclyde, Scotland |
Dame nourrissant un perroquet dans un parc |
---|
Dorénavant, la Dame descend nourrir son perroquet, à la porte du castel ou dans le parc, accompagnée de son molosse. La thématique de la Femme Fatale tenant en chaîne ou par la gourmandise un soupirant poilu ou emplumé, a gagné sur celle qui prévalait depuis deux siècles : à savoir, que la femme accomplie est celle qui sait donner à chaque familier l’impression d’être le Favori.
1882 magazine féminin
Côté peuple, on en est resté à la conception antérieure : une seule pomme pour deux, et que le meilleur gagne.
The Motograph, aquarelle et encre noire sur un support photographique couché sur papier
1898, Henri De Toulouse Lautrec, collection privée
Le chat, le perroquet, le chien, la fille et le mari – toute la famille étendue – rapplique pour admirer ce que la dame rousse a posé sur la table.
Couverture du Motograph
Il s’agit du Motograph, un livre magique dans lequel, par un effet de trame, on obtenait l’impression du mouvement. On peut consulter la version digitalisée pour vérifier que la couverture de Lautrec est de loin l’image la plus animée. http://memory.loc.gov/phpdata/pageturner.php?type=&agg=ppmsca&item=05954&turnType=byImage&seq=1
Au vingtième siècle, la demande d’images se déporte vers des supports permettant les grandes séries. Publicités, illustrations, lithos vont produire des combinaisons animalières plus moins maîtrisées, où les non-dits féconds laissent place aux sous-entendus.
Le jeune fille, le perroquet et le chien
Carte postale, vers 1900
On se doute que cette carte postale n’est pas uniquement pour enfants. Le minuscule chien noir met sa patte à l’endroit stratégique de la (fausse) écolière, et le perroquet regarde avec nostalgie la poupée qui tombe du lit, symbole d’une innocence révolue.
Le reposoir, Fantasio
Henry Gerbault, 1918
La maîtresse a trouvé son maître, à savoir le Maréchal Foch. Toute la famille est invitée à l’honorer, par la voix pour le perroquet, par le garde-à-vous pour le chien. Et pour le chat, en s’abstenant de grimper sur les cartons à chapeau.
La ménagerie de Line, Fantasio
1922, Zaliouk
Un noeud papillon noir associe comiquement le pantin et le « singe ». Le perroquet est ici plutôt dans le camp de la garçonne, dont il mime le profil dédaigneux.
Plume et poil, La Vie Parisienne
1922, Georges Pavis
Le titre concerne non seulement le perroquet et le chien-loup, mais aussi cette créature en deux moitiés, mi-soie mi-fourrure :
« Le perroquet : quelle drôle de visiteuse ! Celle-ci a des cheveux de gamin, un froid de loup, la chair de poule, et mon maître l’appelle sa « petite chatte ». Ce n’est pas une femme, c’est toute une ménagerie. »
La Cage Rouge Louis Icard 1928 | La Cage Bleue Louis Icard 1928 |
---|
Les deux temps de l’amour sont ici mis en évidence :
- la cage est fermée, la queue pendouille, la femme et son chat attendent ;
- le perroquet s’est déployé dans l’anneau, la femme s’extasie et son chien bave.
A la cour de Marguerite de Navarre
Norman Alfred Williams Lindsay, vers 1920, Collection privée
Dans ses oeuvres érotiques, Lindsay propulse volontiers une femme nue dans un groupe élégamment vêtu. Ici, la composition est rigoureuse : à gauche, la femme nue (Marguerite de Navarre ?) est entourée par ses intimes : un lévrier, un perroquet et un fou qui se cache derrière le fauteuil.
A droite, son alter-ego, la femme assise a demi-nue, est entourée elle-aussi par une cour de trois personnages, dans une sorte de mimétisme :
- le jeune homme assis par terre la regarde avec admiration, comme le lévrier ;
- la dame en vert debout, tenant ses perles entre ses doigts en griffe, prolonge le perroquet ;
- le gentilhomme debout avec sa toque et ses manches rouge, n’est qu’une sorte de Fou.
La femme, le perroquet et le pékinois
Pinup de Gene Pressler, vers 1930
Cette composition rutilante renouvelle avec élégance la vieille formule, en montrant la femme vue de dos et le pékinois (animal aussi exotique que le perroquet) porté presque à la hauteur de celui-ci. Les deux favoris se positionnent en limite de deux cercles : l’anneau d’exercice pour l’oiseau, la bordure du décolleté pour le petit chien.
Soyons amis (Let’s be friend) Pinup de John Bradshaw Crandell, vers 1940 |
Blonde retenant son chien et parlant à un perroquet Pinup de John Bradshaw Crandell, vers 1950 |
---|
L’historiette classique [A] reproduite dans deux styles différents (la vamp des années 40 et la fille sympa des années 50) : il s’agit dans les deux cas de faire accepter l’un par l’autre deux favoris que tout oppose : le Fidèle et le Magnifique (comprenons mari et amant).
Publicité avec Bebe Daniels pour les chaussures Clarks
Vers 1942
Le texte fait allusion à la prestation de l’actrice dans la comédie musicale « Panama Hattie », d’où le décor hispanique. Le chien et le perroquet, disposés pour attirer l’attention sur les chaussures, échappent à cette première intention en explicitant la scène tropicale qui se déroule sous nos yeux : le fox-terrier se détourne dédaigneusement à l’instar de sa maîtresse tandis que le perroquet, placé au bon endroit devant le garçon, s’incline vers la belle actrice. Laquelle se prépare à porter à ses lèvres un verre de liqueur blanche.
Portrait de la Comtesse Phyllis della Faille de Leverghem
1950, photographie de Jack Birns pour Life
Quatre pékinois, un lévrier afghan et un couple de perroquet suffisent au bonheur simple de la comtesse dans sa villa près de Tanger (qui hébergeait en fait 35 chiens, 37 chats et 129 oiseaux) . Le perchoir, rapproché du lit pour les besoins de la photographie, fait apparaître la communauté d’innocence entre deux catégories de volatiles, le perroquet blanc et l’angelot doré.
Il existe un dernier type de familier chez la comtesse : l’homme noir, condamné à porter le plateau de la table de nuit, sur lequel est posé la sonnette, juste à côté de la poignée de la chaîne du perroquet :
la dame garde à portée de main ses instruments de contrôle.
Ce raccourci, grâce auquel la comtesse fait étalage d’une familiarité horizontale et quelque peu scandaleuse avec ses bêtes, témoigne, sur quatre siècles, d’une évolution conséquente du modèle occidental de la Femme.
[A] « Le Chien et le Perroquet », Fable de Hillemacher Jean Guillaume, 1864
Médor, pour la fidélité
Le modèle de son espèce.
Dès longtemps possédait avec tranquillité,
L’affection de sa maîtresse.
Il jouait avec elle en toute liberté,
Elle permettait tout à sa furtive adresse,
Et dans leurs jeux, avec bonté,
Lui rendait fréquemment caresse pour caresse.
Médor, pour mériter un destin si parfait,
A ses côtés faisait exacte sentinelle;
Il ne frétillait que pour elle,
Et chaque jour il lui donnait
De sa reconnaissance une preuve nouvelle.
Ils aimaient de la sorte à vivre de concert-
Lorsque, comme un autre Vert-Vert,
(A l’innocence près, que les fastes des grilles
Disent qu’avait d’abord ce séducteur de filles),
Un vilain perroquet à Jenny fut offert.
La belle, inconstante et légère,
De cet oiseau fait son mignon chéri;
Il devient sur-le-champ son plus cher favori ;
A son bec recourbé, peu fait à ce mystère,
Sa bouche demi-close offre un tendre baiser;
Sur son plumage épais sa main vient se poser;
Son stupide regard, sa voix rauque et sauvage
Ont aux yeux de Jenny mille attraits en partage.
On a beau critiquer ce singulier amour,
Avec son perroquet on la voit tout le jour,
Et les songes, la nuit, lui tracent son image.
Médor est oublié. Confus, désespéré,
Méprisant, haïssant ce rival préféré,
Sans compter désormais ramener la volage,
Il meurt dans son réduit… L’histoire ne dit pas
Si l’ingrate a du moins regretté son trépas.Ce récit peut confirmer cet adage :
Chez les femmes souvent le caprice fait tout;
La nouveauté suffit pour captiver leur goût.
Aucun commentaire to “6 Le perroquet, le chien, la femme”