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– Symbolique du Fer et du Bois au Moyen-Age

Voici ce que Michel Pastoureau [1] nous dit de ces deux matériaux, et de leur opposition.

Le bois

Lettre A Graduel Getty Museum Malibu
Lettre A
Graduel,Getty Museum, Malibu

« Pour la culture médiévale, le bois est d’abord une matière vivante. A ce titre, elle l’oppose souvent à ces deux matières mortes que sont la pierre et le métal… Il est certes moins résistant qu’eux, mais il est plus pur, plus noble, et surtout plus proche de l’homme. Le bois, en effet, n’est pas un matériau comme les autres : il vit et il meurt, il a des maladies et des défauts, il est fortement individualisé… Plusieurs métaphores latines médiévales comparent la chair de l’arbre à la chair de l’homme… » [1] , p 82


Le métal

Forgerons - ONB Han. Cod. 2554 - Bible Moralisee, 13th century.
Forgerons – ONB Han. Cod. 2554 – Bible Moralisée, 13ème siècle

« L’opposition bois/métal « met en relation un matériau pur et sanctifié par l’image idéale de la Sainte Croix, et un matériau inquiétant, pervers, presque diabolique. Pour la sensibilité médiévale, le métal… est toujours plus ou moins infernal : il a été arraché aux entrailles de la terre puis traité par le feu (lequel est le grand ennemi du bois)… Par là-même, dans les systèmes de valeur concernant les métiers, tout oppose le forgeron et le charpentier... Ce n’est pas un hasard si de bonne heure la tradition a fait de Jésus le fils d’un charpentier, alors que les textes canoniques restaient vagues quant au métier exact de Joseph. » [1] , p 83


La hâche

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Charpentiers scandinaves en train d’équarrir.
Vitrail de Chartres, photographie de F. Renucci

« Le cas de la hache et celui de la scie sont exemplaires, parce que, si tous deux servent à abattre et à débiter le bois, elles représentent, sur le plan symbolique, deux pôles totalement opposés…. La grande hache du bûcheron, (la cognée dont le manche est long et le fer étroit) n’a que peu de rapport avec celle du charpentier (la doloire, manche court et fer dissymétrique). Cependant, malgré la diversité de ses emplois, la hache-outil conservera partout la même force symbolique : c’est un objet qui frappe et qui tranche, en s’accompagnant de bruit et d’étincelles. Comme la foudre, elle tombe en faisant jaillir la lumière et le feu, ce qui lui vaut une réputation de fertilité, même lorsqu’il s’agit d’abattre des arbres. Elle frappe pour produire.«  [1] , p89


La scie

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La Colère
Pèlerinage de vie humaine/Pèlerinage de l’âme, Guillaume de Digulleville, 14e s. (seconde moitié)
Aix-en-Provence – BM – ms. 0110

« Tout autre est la réputation de la scie… Les hommes du Moyen Age s’en servent, mais ils la tiennent en abomination : c’est un instrument qui passe pour diabolique… Dans l’iconographie, la vedette du supplice de la scie est ainsi le prophète Isaïe qui, selon la légende, fut scié dans un arbre creux dans lequel il s’était réfugié…. (Scie et lime) sont des outils « féminins », des outils trompeurs et félons qui comptent sur la durée pour parvenir à leur fin. Dans la sensibilité médiévale, scier et limer ont à voir avec la pratique de l’usure, dans tous les sens du terme, parce que ce sont des actions qui jouent sur la durée, qui s’approprient le temps ». [1] , p89


Le bois dompte le métal

« Dans la pratique, l’opposition entre le bois et le métal se traduit souvent par l’association de ces deux contraires : on prête en effet au bois la faculté d’atténuer la nocivité du métal, notamment du fer, le plus « félon » de tous les métaux (un auteur anonyme cité par Thomas de Cantimpré parle de ferrum dolosissimum). Sur plusieurs objets, outils ou instruments faits de bois et de métal (la hache, la bêche, la charrue), le fer est censé conserver ses vertus de force et d’efficacité tout en étant partiellement débarrassé, grâce au manche ou à la partie en bois, de ses aspects inquiétants. Le bois semble dompter le métal et légitimer son emploi. » [1] , p 84



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Références :
[1] Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, Seuil, 2004

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