3 Les pendants de Boilly : humour et caricature
En avançant dans sa carrière, Boilly se consacrera de plus en plus à des paires ou à des séries déclinant un même thème, souvent de manière humoristique ou caricaturale.
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Le Libéral (Jean qui rit) |
L’Ultra (Jean qui pleure) |
Boilly, 1818 , gravure de Caroline Hulot
Ces deux études d’expression reprennent une classique opposition souvent traitée au XVIIème siècle dans les figures d’Epicure – le Philosophe qui rit – et de Démocrite – le Philosophe qui pleure (voir Pendants solo : homme homme). L’idée initiale était d’illustrer ce contraste par un autoportrait de Boilly et un portrait de son père. C’est semble-t-il la graveuse qui, sans l’autorisation de Boilly, a transposé ces types dans le l’actualité politique : le Libéral, le jeune homme rieur, se moque du vieux royaliste chauve qui veint de perdre les élections d’octobre 1818 ([0], p 657).
Les Grimaces
Cette série, constituée de 93 lithographies éditées entre 1823 et 1828, connut un succès constant et apporta à l’artiste de quoi vivre à la fin de sa vie. Elle comporte quelques pendants, qui se passent de commentaires :
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Boilly, 1823, Les Grimaces
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Boilly, 1824, Les Grimaces, Musée National de l’Education
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Boilly, 1824, Les Grimaces
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Boilly, 1824, Les Grimaces
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Boilly, 1825, Les Grimaces
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Boilly, 1825, Les Grimaces
Un hors d’oeuvre et un dessert qui se servent dans des récipients.
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Boilly, Les Grimaces
Un fruit tendre et un fruit coriace.
Réjouissances publiques : Départ pour et retour de la distribution
Boilly, 1826, Les Grimaces
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Boilly, non daté, Les Grimaces
Additions aux Grimaces (édition Aubert 1837)
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Boilly, 1824
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Boilly, 1825
Sur le même thème, voir Départ et retour.
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Et l’ogre l’a mangé, lithographie de 1837 |
Vous serez heureuse en ménage, lithographie de 1824 |
Boilly, d’après des tableaux vers 1824, (CC0) Paris Musées -Musée Carnavalet
Ce pendant grinçant dénonce les fables qu’on raconte aux petits enfants comme aux jeunes filles.
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Embrasse-moi ma soeur (le galant artiste) |
C’est ma bonne maman |
Boilly, lithographies de 1825, (CC0) Paris Musées -Musée Carnavalet
Boilly reprend, sur un mode résolument humoristique, le thème de la leçon de dessin qu’il avait traité, sur un mode badin, dans ses pendants de 1805-07 (voir Du Directoire à la Restauration).
Dans la première scène, une dessinatrice débutante explique à sa famille, peu convaincue par le ressemblance, qu’il s’agit d’un croquis de sa petite soeur. Tandis que la jeune modèle la remercie en l’enlaçant, le maître de dessin profite de la distraction de la famille pour embrasser la main gauche, qui dans cette aventure s’avère la moins maladroite.
Dans la seconde scène, un grand père fait reconnaître à la petite fille le portrait malheureusement très ressemblant de sa grand mère. Le jeune artiste en profite pour éveiller l’intérêt, en agitant son appuie-main, de la jeune fille de la maison.
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Boilly, 1829, Musée Carnavalet
Dans ce pendant improbable, Boilly s’essaie, en version canine, à un pastiche des pendants mythologiques du siècle précédent.Mais c’est surtout une caricature de deux oeuvres de confrères sérieux :
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Pendants incomplets ou perdus
Les numéros sont ceux du catalogue de Harrisse [1]. Les tableaux encore connus sont en gras.
- Levrette habillée à la grecque (367), Barbet en costume élégant (93) : vers 1797 (Satire des Incroyables)
- La comparaison voluptueuse (136), La composition musicale (137)
- Le Rendez-vous (472), La promenade (461)
- La Toilette, La toilette (après N° 538, p 133)
- Parc de Versailles (551), Le bassin des Suisses à Versailles (552)
- La Porte Saint Denis (568), La Porte Saint Martin (569)
- L’amitié filiale (865), Le sommeil de l’innocence (866)
- La couturière (906), La modiste (1096)
- La solitude (1160), L’innocence ?
- La dentellière (154), Femme s’apprêtant à déjeuner (Bréton et Zuber [0] 127P).
En conclusion
Après le souper
Boilly, après 1830, collection particulière
Terminons par ce tableau à la fois crépusculaire et paisible, dont on a établi qu’il est pris dans l’intimité de la salle à manger de Boilly ([0], p 749). Ce n’est pas un pendant, mais il en contient plusieurs :
- sur le mur de gauche, les deux chaises et les deux tableaux de part et d’autre du poêle ;
- sur le mur de droite, les deux bustes romains et les deux étages de tableaux ;
- sur le mur du fond, les deux portes et les deux fenêtres.
Ainsi l’intérieur cossu du vieux peintre obéit parfaitement à l‘obsession de symétrie de son époque.
Le tableau est aussi une splendide démonstration de géométrie conique : sur l’axe vertical s’empilent, du plafond au sol, les ellipses alternativement lumineuses et obscures créées par la suspension. Cependant, cette symétrie centrale est perturbée par la petite bougie qui éclaire le musée du mur de droite, alors que le mur de gauche est coupé en deux par le cylindre d’ombre de l’abat-jour.
Ainsi du coté des vivants, du temporel – le vieux Boilly qui somnole tandis que les deux jeunes femmes lui lisent une lettre – le monde se scinde entre une zone inférieure lumineuse et une zone supérieure obscure ; tandis que du côté de l’Art, de l’Eternité, une simple bougie suffit à ranimer les oeuvres mortes.
Ainsi cette étude d’éclairage techniquement impeccable se double d’une sorte de testament esthétique, par un maître des pendants : la symétrie ne vaut que par ce qui la perturbe.
Bonjour,
Très intéressant.
Je signale cependant qu’une gravure intitulée La mauvaise nouvelle est marquée par vous La Bonne Nouvelle…
Coquille corrigée. Merci beaucoup.