– Vulcain, Vénus et Mars alchimiques
Pour comprendre la symbolique de ces Dieux en alchimie, il ne faut pas les prendre au sens vulgaire des métaux Cuivre et Fer, mais dans un sens « philosophique », c’est-à-dire réservé aux praticiens de l’Oeuvre.
Voyons ce que nous en dit Dom Pernety qui, dans Les Fables Égyptiennes et Grecques (1758) a compilé les interprétations alchimiques des mythes grecs.
Vulcain
Vulcain ne représente pas un matériau, mais un des « feux » qu’utilisaient les alchimistes :
« Les Egyptiens avaient donc en vue le feu philosophique, et ce feu est de différentes espèces, suivant les Disciples d’Hermès ».
La notion de « feu philosophique » n’a rien à voir avec le feu du fourneau, et dépend de la phase de l’oeuvre. Précisément, le feu représenté par Vulcain
« est l’agent principal du second oeuvre (…) lui seul est capable, de conduire l’airain philosophique à la perfection de la pierres des Sages. » (Tome II, Chapitre XI , Vulcain)
Frontispice du Tripus Aureus, 1618, publié par Michel Maier à Francfort
Vénus (des philosophes)
Dom Pernety nous explique également que Vénus n’est pas le cuivre, mais « leur matière avant la blancheur », autrement dit l’état de la matière à l’issue du premier oeuvre (oeuvre au noir), et préparée pour le second (oeuvre au blanc) :
« Le terme d’airain que les Adeptes ont souvent employé pour désigner leur matière avant la blancheur, n’a pas peu contribué à faire prendre le change aux Souffleurs et même aux Chimistes vulgaires, qui ont regardé en conséquence le cuivre comme la Vénus des Philosophes. Mais ce qui nous manifeste bien clairement l’idée que les Anciens attachaient à leur Vénus, est non seulement ses adultères avec Mercure et Mars, mais son mariage avec Vulcain. Ce dernier étant le feu philosophique, comme nous l’avons prouvé, et le prouverons encore, est-il surprenant qu’il ait été marié avec la matière des Philosophes ? ». Tome II, Chapitre VIII , Vénus
Mars et une femme
Mylius, 1622, Philosophia reformata, Serie I emblème VII
Cet emblème représente à gauche un guerrier qui a tous les attributs de Mars et au milieu Mercure avec deux caducées. Celui qu’il tient dans sa main gauche porte un aigle qu’il donne à la femme de droite. Logiquement, il devrait s’agir de la « Vénus des Philosophes » à côté de ses deux amants :
- Mars avec qui elle s’est accouplée lors du Premier Oeuvre ;
- Mercure avec laquelle elle s’accouple lors du Deuxième.
D’autant que le fait que Mercure a troqué ses grandes ailes (à ses pieds) par des petites indique qu’il a progressé en « fixité » ; et ses deux Caducées, petit et grand, signifient qu’il a gagné en puissance. Deux détails qui confirment que nous sommes bien dans le Deuxième Oeuvre.
L’emblème a été recopié sur cette version parue quelques années auparavant, très semblable avec son Mercure à deux couples d’ailes et deux caducées, mais différente par ses deux lutteurs. Celui de gauche n’est plus Mars, puisqu’il porte un serpent sur son épée, tandis que l’autre porte un griffon. Il s’agit probablement d’une allusion aux deux sels qui ouvrent successivement la Matière.
Ceci illustre que l’iconographie alchimique du couple Mars et Vénus, rarissime, est loin d’être stabilisée, un siècle et demi après le Mars et Vénus de Botticelli.
Vénus, Mars et Harmonie
Pour compliquer encore les choses, dans l’interprétation alchimique de l’union de Mars et de Vénus, Mars n’est pas à prendre au sens propre (le métal Fer) : il représente plutôt l’un des deux principes alchimiques, le Soufre, qui est effectivement présent en abondance dans le métal Fer :
« Les Anciens l’ont pris pour une certaine vertu ignée, et une qualité inaltérable des mixtes, capable par conséquent de résister aux atteintes du feu les plus violentes. Si l’on met donc la Vénus des Philosophes avec ce Mars dans un lit ou vase propre à cet effet, et qu’on les lie d’une chaîne invisible, c’est-à-dire aérienne, et telle que nous l’avons décrite dans le chapitre de Vénus, il en naîtra une très-belle fille, appelée Harmonie, dit Michel Maïer (Arcana arcanissima 1. 3.), parce qu’elle sera composée harmoniquement, c’est-à-dire parfaite en poids et en mesure philosophique. » Dom Pernetty [1]
Dans cette interprétation, Harmonie, la fille de la Vénus des Philosophes avec « ce Mars », est identifiée au « rebis », le germe androgyne dont l’obtention est le but du Deuxième Oeuvre.
https://books.google.fr/books?id=2DBPAAAAcAAJ&pg=PA119
Je signale deux traductions françaises de Maier, l’alchimiste-médecin de Rodolphe II : Les Arcanes très secrets, et La Table d’or. Beya Editions 2005 et 2015.