2 Le Miroir fatal : Un peu de théorie
Avant d’explorer notre galerie de miroirs fatals, et pour éviter les anachronismes, il est sage de faire une courte halte à l’époque médiévale et se demander, à l’appui de quelques exemples, ce que le miroir pouvait alors signifier, ou pas
Article précédent : 1 La Coquetterie : diabolique ou mortelle
Ce que les miroirs fatals ne sont pas
Un miroir magique ?
Dans le chapitre d’Emile Mâle sur les Danses macabres, se trouve un passage souvent invoqué pour expliquer l’origine de l’iconographie du crâne dans le miroir :
« On croyait , au moyen âge , qu’en écrivant avec son sang une formule sur un parchemin , et en se regardant ensuite dans un miroir, on se voyait tel qu’on serait après sa mort » [23].
Je n’ai pu retrouver nulle part la trace de cette superstition. Dans son ouvrage très documenté sur les bizarreries du miroir, et notamment les miroirs magiques, Baltrusaitis [24] n’en parle pas.
Article Divinatio, Encyclopédie Omne Malum, James le Palmer, 1360-75.
British Library, MS Royal 6 E VI, fol 535v
Il rappelle en revanche la bulle de 1326 du pape Jean XXII, « Super illius Specula », condamnant les usages magiques du miroir, notamment les devins qui y font apparaître des démons.
Comme les miroirs montrant un crâne prennent naissance, vers le milieu du XVème siècle, dans des ouvrages de piété ou des Livres d’Heures, c’est un contresens que de leur supposer une origine superstitieuse : c’est au contraire parce que l’Eglise avait fait oublier avec succès ces pratiques magiques que les imagiers se sont autorisé cette spectaculaire innovation .
Un objet de curiosité ?
On a supposé qu’il ait pu exister soit des panneaux peints imitant un miroir avec un crâne, soit des miroirs portant au revers une tête de mort. L’indice en est la mention, dans les livres de compte du Roi René, de l’achat en 1479 au peintre Armant d’Avignon de deux « mirouers de mort » (pour un total de 7 écus et demi) [25]. D’après les registres des Comtes de Provence, il avait déjà acheté au même peintre, en 1477, deux autres « mirouers de mort » (pour un total de 18 livres 9gr cette fois) [26]. Le fait que ces « mirouers » se vendaient par paire jette un gros doute sur l’hypothèse : il pouvait tout aussi bien s’agir de deux panneaux confontant un vif et un vivant (pour des exemples germaniques contemporains, voir La mort recto-verso).
Ce que les miroirs peuvent être
Le support de métaphores pieuses
Vers 1200, l’encyclopédiste anglais Alexandre Neckam [27] récapitule dans un court passage un florilège de métaphores liées au miroir, aussi peu connues que surprenantes (traduction de Lionel-Édouard Martin [28] ).
- 1) Le miroir explique la diversité des Saintes Ecritures, puisqu’un miroir brisé montre autant d’images que de fragments.
- 2) Le tain (plomb) est comparable au péché puisque quand on l’enlève, on ne voit plus rien ; de même, ne pas se reconnaître pécheur, c’est se tromper soi-même.
- 3) Le reflet dans la pupille annonce la mort d’un homme : trois jours avant, il disparaît.
- 4) Le reflet montre la relation entre l’Homme et Dieu :
« D’évidence, le reflet renvoyé par le miroir est à l’accord de celui qu’il reflète. Au rieur, il rit ; si on pleure quand on s’y regarde, le reflet pleure aussi. L’âme est ainsi le miroir de son Créateur, elle doit compatir à la passion du Christ. »
- 5) L’exemple de Narcisse rappelle à l’homme sa mortalité :
« Si tu es beau, bien fait, garde-toi d’être, comme Narcisse, le jouet de ta propre beauté. Crois-m’en, ton corps ne va pas, comme celui de Narcisse, devenir fleur ‒ mais cendre.
- 6) Ton véritable miroir, c’est un cadavre :
« Si tu veux observer le miroir exact de ta condition : observe le crâne d’un mort décomposé, retourné en poussière. »
- 7) Ton véritable miroir, c’est ton frère mourant :
« A l’infirmerie, scrute le visage de ton frère qui s’apprête à mourir, et imagine tes derniers instants. Que ton frère qui se meurt soit ton miroir – où tu te reconnaisses. »
Ce qui relie tous ces exemples, c’est la capacité à se voir en double ou en multiple (les reflets dans les éclats, l’homme dans la pupille, le cadavre, le frère mourant) et, par là, semblable à tous les autres : tout l’inverse de la conception moderne du miroir, instrument d’introspection et de singularité.
Le miroir remplacé par un crâne
« Ci nous dit » chapitre 332, 1313-30, Chantilly, Musée Condé, MS 0026 (1078) fol 212v IRHT
L’idée que le crâne est le véritable miroir est illustrée par cette historiette savoureuse :
« Ci nous dit comment une bourgeoise fist acheter un miroer par sa chambrière. Lequel ne lui plut mie. Et lui envoya quere un autre et elle lui rapporta une teste d’un cimetière et lui dit : « Tenez et vous mirez ci; car encore n’est un miroir de verre en tout le monde où vous vous puissiez si bien mirer ». Et dès illec se prit à humilier devant Notre Seigneur en connaissant sa fragilité. Et lors s’alla confesser et devint une très dévôte femme ; et pour l’amour de Notre seigneur osta de lie toutes curieusetés .Cela arriva à Paris. »
Un objet négatif : l’exemple du Verger de consolation
L’arbre des Vices
Vrigiet de solas (Verger de consolation), vers 1300, BNF Français 9220 fol 6r
L’arbre des Sept Vices prend ici racine dans l’Orgueil, figuré en bas par une fauconnière désarconnée et engloutie par la bouche d’Enfer. En remontant sur la verticale centrale, on trouve deux médaillons intermédiaires :
- une femme embrochée par une licorne (via mortis, la voie de la mort, )
- une femme qui, inspirée par un démon, cueille un fruit au lieu d’aller au puits, (fructus carnis, le fruit de la chair).
Il faut avoir choisi la voie de la mort puis cueilli le fruit de la chair pour atteindre le vice sommital, la Luxure, une femme nue qui se dévisage dans un miroir. Au dessus un verset peu aimable dénonce la beauté de ce visage :
« La méchanceté de la femme change son visage : elle l’obscurcit comme un ours, et le montre comme un sac ». Sirach 25:17 |
nequitia mulieris inmutat faciem eius et obcaecabit vultum suum tamquam ursus et quasi saccum ostendit. |
Il est probable que ce verset a été choisi parce ce qu’il commente ironiquement le changement imminent qui menace la coquette : le démon arrive à pas d’ours derrière elle, portant à l’épaule sa griffe pour la capturer et la mettre en sac.
Avant de revenir sur cette iconographie courante de la bête derrière la belle au miroir, il faut la peine de détailler une autre image du même manuscrit, où la Luxure est également représentée avec son miroir, mais seule.
Vrigiet de solas (Verger de consolation), vers 1300, BNF Français 9220 fol 10r
Cette composition très complexe est une bonne introduction au thème du miroir et de la mort [29]. Le cercle central montre « l’arbre des péchés, dont tout le monde est entâché ». Mais avec son cadre rouge et son fond doré, il représente aussi un grand « miroir », au sens médiéval d’« image synoptique ». On voit ainsi, au centre du feuillage, la Vie dans ce monde (Vita mundi), couronnée et trônant, menacée par la Mort humaine (mors humana) qui monte l’échelle, et le démon qui la lui tient.
En dessous de l’arbre, la racine centrale porte la même femme qui représente ici le péché principal, celui de l’Orgueil (radix superbiae). Debout entre deux démons qui lui donnent son sceptre et sa couronne, elle exprime dans le phylactère vertical sa raison d’être :
Puisque je règne avec plaisir, pourquoi devrais-je être sans royaume ? |
Quippe libens regno, quare fierem sine regno |
La Luxure est représentée quant à elle sur la première racine (radix luxuriae), par une femme aux cheveux teints, tenant d’une main des gants et de l’autre un miroir. Son phylactère, peu évident à traduire, est en fait ce que lui dit ironiquement son reflet :
Si tu veux une attestation loyale [30] , je me donne à toi comme compagne. |
Si vis per patriam, me tibi do sociam. |
Le texte juste au dessus (sur le diamètre horizontal) sert de lien entre le petit miroir luxurieux et le grand miroir théorique que constitue l’image dans son ensemble :
Par ce miroir de la Mort et de la Vie, Homme, souviens-toi de ta Mort. |
Hoc speculo mortis viteque vir esto me(mor) mortis |
Pour compliquer encore ce thème spéculaire, le cadre porte en haut deux autres petits miroirs dans lesquels se regardent à gauche un vivant et à droite une vivante, terrifiés l’un par la Mort, l’autre par la Vie :
Mort de la chair : si tu es maintenant loin de moi, reste là où tu es. |
Vie de la chair : cette vie sera cendres et fin putréfiée. |
Carnea mors, ubi stas, procul a me si modo distas |
Carnea vita, cinises erit putredoque finis. |
De Philosophia mundi, 1276-77, Bibliothèque Sainte-Geneviève, MS 2200 fol 166
On retrouve le même dispositif (avec moins de textes et sans les deux miroirs du haut) dans cette composition contemporaine : la Luxure ne porte pas de gants et se contente d’ajuster sa coiffe.
Cette composition particulièrement sophistiquée prouve que, dans l’iconographie médiévale des sept péchés capitaux, le miroir est pratiquement toujours l’attribut de la Luxure et non celui de l’Orgueil : celui-ci se pare plutôt des attributs de la Royauté ou bIen, à l’inverse, se retrouve par terre lorsqu’il s’agit de sa punition.
Un objet positif : le miroir de l’Enfance
Dans les Documenti d’Amore
Francesco da Barberino, Documenti d’Amore, 1309-13, Vaticana Barb.lat.4076 fol 76v
Cette compilation très personnelle, illustrée de la main de l’auteur, compare les sept âges de la vie humaine avec les les sept moments de la journée (selon la subdivision canoniale, toutes les trois heures).
Les dessins montrent une figure féminine en robe rouge dans diverses attitudes tandis qu’autour d’elle le soleil s’élève puis décroit ( [31], p 105) :
Après l’Aurore (la figure est assise dans l’ombre), commence véritablement la vie :
- Troisième heure, la petite Enfance (infantia) : soleil à 9h, la femme lève les mains vers ses cheveux blonds ;
- Sixième heure, l’Enfance (pueritia) : soleil à 10h30, la femme debout place une couronne de lauriers sur sa tête et se contemple dans un miroir ;
- Neuvième heure, l’Adolescence (adoloscentia) : soleil à 12h, la femme assise étudie une couronne qu’on lui a offerte ;
- Douzième heure, la Jeunesse (juventus) : soleil à 1h30, la couronne nuptiale est remplacée par un enfant.
Ainsi le « stade du miroir » marque le moment où la jeune femme se reconnaît elle-même comme belle, tandis que le stade de la couronne, au zénith, marque celui où elle célébrée comme telle par les autres.
Il n’y a ici aucune condamnation de la coquetterie : la figure féminine, dont la taille ne varie pas, est une sorte de Femme générique, peut-être même la Vierge, car divers indices suggèrent que la série aurait par ailleurs illustré les différents offices d’un Livre d’Heures perdu ([31], note 30, p 192) .
Dans les Heures De Lisle
Laudes (L’Enfance)
Heures De Lisle, 1316-1331, MS G.50 fol 29r
A peu près à la même époque, mais en Angleterre, ce Livre d’Heures donne une bonne image du livre perdu de Benedetto, puisque huit âges de la Vie y sont associés aux huit offices des Heures de la Vierge. La figure générique est ici celle d’un garçon, qui dialogue avec une dame, probablement la Raison ( [32], p 539).
Le « stade du miroir » correspond à nouveau au deuxième âge, l’enfance et au deuxième office, les Laudes. A la question :
Que retiens-tu de Dieu le Père (Kay remines tu beu pire)
l’enfant répond, en peignant sa chevelure :
Je suis le descendant du Beau Jésus (Si Iesu beus ea line)
Rien ici de péjoratif, bien au contraire : le miroir est l’instrument de reconnaissance de la beauté infantile, reflet de la Beauté divine.
Prime (la jeunesse)
Heures De Lisle, 1316-1331, MS G.50 fol 29r
Le dialogue est ici partiellement illisible. A la question :
Jouvenceau que vois-tu là (Iuvensel en (con)vey tour uas)
il répond :
Je vois mon coeur bien examiné (Ie woi quer lu esqua (?))
Pour autant que la traduction soit exacte, le miroir n’a toujours rien de péjoratif : il donnerait au contraire accès à la vérité des sentiments.
Dans le Psautier de Robert de Lisle
La Roue de la Vie
Psautier de Robert de Lisle, vers 1310, BL Arundel 83 fol 126v
Depuis le médaillon central, la figure omnisciente de Dieu observe et régit les dix médaillons qui l’entourent :
Je vois tout en même temps : je gouverne tout par la raison |
Cuncta simul cerno : totum ratione guberno |
Dynamiquement, le schéma peut être vu comme une roue qui tourne et statiquement comme un grand miroir, où Dieu éternel se regarde ainsi que sa créature temporelle. Commme le médaillon divin a la même taille que les médaillons humains, on frise ici la métaphore de miroir fragmenté, dont tous les fragments donnent la même image.
Nous n’allons décrire que les étapes où le miroir intervient. J’ai corrigé l’erreur du copiste, en intervertissant les figures des médaillons 2 et 3, de manière à ce qu’elles correspondent aux vers inscrits sur le pourtour (leur ordre est fixé par les rimes). Très concis, ces vers sont difficiles à traduire, mais s’éclairent par les exemples que nous avons déjà vus.
- 2 Le petit enfant tenant la balance
Jamais je ne serai instable : je mesure mon âge |
Numquam ero labilis : etatem mensuro |
Je pense, avec R. E. Kaske ( [33], p 66) que ces vers sont lègèrement ironique : à cet âge, l’enfant n’a pas d’expérience, il ne pèse rien ; et croit que la balance va rester éternellement stable.
- 3 L’adolescent au miroir
Une vie séculière convenable : c’est dans le miroir qu’on la vérifie. |
Vita decens saeculi : speculo probatur |
La encore l’état d’esprit est ironique : ce que le miroir permet de vérifier, c’est que la « vie du siècle » est convenable, autrement dit l’aspect extérieur.
- 4 Le jeune homme au faucon
Pas le reflet dans le miroir : c’est la vie elle-même qui réjouit |
Non ymago speculi : set vita letatur |
Ce vers ne se comprend que par rapport au précédent : il ne suffit plus au jeune homme de vérifier qu’il est beau, il lui faut partir à la chasse.
Les deux dernières images sont particulièrement mordantes, avec la répétition du cercueil et du verbe « decepit » :
- 9 La messe des Morts
J’ai cru que je vivrais : la vie m’a trompé. |
Putavi quod viverem : vita me decepit. |
- 10 Le cercueil tout seul
J’ai été réduit en cendres : la vie m’a trompé. |
Versus sum in cinerem : Vita me decepit. |
Les cendres du dernier médaillon voisinent avec le feu qui réchauffe la soupe de l’enfant, dans le premier : ce qui ferme visuellement le cycle.
Dans le Verger de consolation
L’Arbre de la Sagesse (détail)
Vrigiet de solas (Verger de consolation), vers 1300, BNF Français 9220 fol 16r
Il est intéressant de comparer cette vision cyclique et tragique avec la vision ascendante et bien plus conventionnelle que donne le Verger de consolation, dix ans plus tôt, pour les mêmes stades :
- 1 Le bébé dans les bras de sa mère (infans) :
« Enfant sans ruse, je ne jouis que du sein de ma mère ».
- 2 Le petit enfant tenant une colombe blanche (puer) :
« Mon sort est pur, plus pur que l’eau de la nature. »
- 3 L’adolescent qui étudie (adolescens) :
« Façonnant mon caractère, la fleur en moi promet ses parfums. »
- 4 Le jeune homme qui chasse au faucon (juvenis) :
« Grâce à l’embellissement naturel, je jouis de ma jeune floraison. »
- 5 Le couple tenant une couronne de mariage (vir) :
« Orné de vigueur, joyeux je règne sur le monde. »
Dans le Verger de Consolation, le miroir, comme nous l’avons vu, a une connotation péjorative : aussi est-il remplacé, au stade 3, par l’image du livre à l’école. Il n’est pas question ici d’introspection ni d’examen de conscience mais de copie purement mécanique :
le livre comme le miroir sont des instruments de formation ou mieux, de conformation.
Un instrument synoptique
A la fin du Moyen-Age, les artistes ne s’intéressent pas encore à la représentation réaliste des reflets. Le « miroir » n’est pas vu comme un instrument d’optique, mais plutôt comme un outil conceptuel, une vue synoptique sur un des aspects du monde.
Miroir de la Raison (Spiegel der Vernunft), 1488, Staatliche Graphische Sammlung, Münich
Cette estampe bon marché fait partie de celles qu’on pouvait trouver, à la fin du 15ème siècle, affichées un peu partout, dans des lieux publics ou privés. Elle imite un miroir suspendu par une cordelette (le clou se trouvait en haut au centre, dans la partie arrachée).
Autour de cette cordelette, les deux enroulements portent les inscriptions suivantes (à lire en montant, puis en descendant) :
Nous sommes trois, Dieu et Seigneur, au dessus de tous les êtres. Aussi, pèlerin, regarde bien, dans…
( le Miroir de la Raison)
…d’où tu viens, qui tu es et comment vis-tu, demandai-je, où tu vas, et où tu resteras éternellement.
Lu horizontalement, le miroir répond dans l’ordre aux quatre premières questions :
- D’OU : des plaisirs du Monde, vers lesquels le diable le ramène ;
- QUI : un pèlerin entre 25 et 35 ans (les poutres sont numérotées : à l’instar de la cordelette, elles montent puis descendent, les plus lisses avant le milieu de la Vie et les plus rugueuses après) ; on lit dans la banderole son imploration :
O Seigneur, tu connais le chemin de la Grâce, Que ta volonté soit faite, aide-moi à venir à toi.
- COMMENT : l’Ange gardien lui répond en lui montrant du doigt la table des Commandements :
« Aime Dieu ton Seigneur entièrement, et ton prochain comme toi-même, si tu veux vivre éternellement. »
- OU : vers la Mort physique, et au-delà vers le Jugement Dernier, qui décide de la Vie ou de la Mort éternelles.
Pour répondre à la dernière question (où tu resteras éternellement), il faut lire le miroir verticalement : le corps du pèlerin n’est pas au Ciel, puisque le Jugement Dernier n’a pas encore eu lieu. Il attend avec les âmes du Purgatoire, séparé de l’Enfer par un rempart et gardé par des anges ; ceux-ci communiquent probablement avec les deux autres qui, au déversoir de la « fons pietatis », recueillent le sang du Christ dans un calice [34].
A noter qu’il existe une autre version de la gravure, un peu simplifiée (les poutres par exemple ne sont pas numérotées), non coloriée, et avec des textes légèrement différents [35].
Les quatre anges du cadre montrent chacun un texte qui explique au pèlerin ce qui se trouve derrière lui, sous lui, devant lui, et au dessus de lui [36]. J’en relève deux passages particulièrement éloquents :
Espère et crois en Dieu, pour qu’il te donne sa Grâce et, par là, la Vie éternelle.
Tu dois mourir… et ne sais quand, comment, où, et quoi après. Aussi dois-tu t’en occuper toujours et chaque jour.
C’est cette idée :
échapper à la Mort éternelle, celle de l’Ame, en pensant chaque jour à la Mort du corps
qui va justifier, à ses débuts, l’iconographie du miroir fatal : le thème de l’introspection individuelle et de l’examen de conscience ne se surajoutera que plus tard.
Article suivant : 3 La fatalité dans le miroir
https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=pPBYAAAAYAAJ&q=mirouer#v=snippet&q=mirouer&f=false
https://books.google.fr/books?id=6GZ5bTQRXhoC&pg=PA911&dq=%22mirouers+de+mort
https://archive.org/details/agesofmanmedieva00sear/page/106/mode/1up?q=mirror
Pour une analyse détaillée, et l’interprétation de la gravure comme une sorte de thérapie de l’âme, voir
Mitchell B.Merback, « Return to your True Self ! Practicing spiritual therapy with the Spiegel der Vernunf in Münich », chapitre 27, dans « The Primacy of the Image in Northern European Art »
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