1.5 Instruments de Mesure
Après le Menuiserie et la Fonderie, passons maintenant aux instruments de mesure.
Article précédent : 1.4 Outils d’artisan
Le compas
Le compas est lié à l’équerre en tant qu’instrument du menuisier. Mais sa place centrale dans la gravure en fait un objet polyvalent, capable également d’évoquer l’Astronomie (voir 1.2 Astronomie, Astrologie) et la Géométrie.
Esquisse du Compas, Dresden Skitzzen Buch
D’après l’étude qui nous est restée, Dürer semble avoir hésité sur cet objet très important : il a commencé à gauche par un compas à branches inégales et mécanisme de serrage (plutôt un outil de géomètre qui évoque le compas parfait permettant de tracer toutes les coniques [1], et dont il aurait peut être mis au point un exemplaire [2]).
Finalement, il s’est rabattu sur l’objet le plus neutre qui soit : un banal compas à deux branches égales.
Le sablier
Le sablier est représenté avec une exactitude méticuleuse : on voit les reflets sur le verre, le filet de sable, entre le réservoir supérieur et le tas qui est en train de se former en dessous. D’après le volume des deux tas, le sablier est à mi-course.
Un modèle de luxe
Il s’agit d’un de modèle de luxe, particulièrement raffiné. Il a la forme d’une sorte de gloriette construite avec des éléments végétaux : base entourées de feuilles, colonnes faites de troncs, qui se tressent en haut selon des motifs en accolade ; enfin, terrasse supérieure ornée de six boules.
Cette décoration végétale s’harmonise avec les croisillons du carré magique, en forme de tiges élaguées.
Un sablier singulier
Parmi les innombrables sabliers représentés dans ses tableaux ou des gravures, celui de Melencolia I a une particularité frappante, qui n’a pourtant jamais été commentée : il n’est pas symétrique entre le haut et le bas. Ce sablier magnifique serait-il donc un leurre, un objet inutile, figé, destiné à ne jamais être retourné ?
Il y a, heureusement, une autre explication : les sabliers habituels sont des objets d’intérieur, faits pour être posés et retournés sur des tables, c’est pourquoi ils sont symétriques.Le nôtre est conçu pour être fixé au mur, autour d’un pivot central qui n’est pas visible dans la gravure. Sa décoration asymétrique a alors un avantage : permettre de repérer plus facilement le nombre de tours (pairs ou impairs).
Le cadran solaire
Le petit cadran solaire est d’un type courant à Nuremberg. Les heures sont inscrites sur un rouleau de parchemin décoratif. L’aiguille est renforcée en bas par une tige fichée à angle droit dans le mur.
Il s’agit d’un objet miniature, probablement en métal, amovible et non pas peint ou gravé sur le mur. Il est accroché à la corniche, mais sans que celle-ci lui fasse ombre ; juste au dessus du sablier, mais sans en être solidaire (ce qui empêcherait de le retourner). En donnant les heures, il complète le sablier qui mesure des durées plus courtes. [3]
Un cadran méridional
Le fait que les heures soient réparties symétriquement indique qu’il s’agit d’un cadran solaire méridional, autrement dit que le mur est orienté plein Sud.
Les heures vont de VIIII à IIII, avec midi en bas, comme dans tous les cadrans solaires de l’hémisphère nord (voir A quoi sert midi (sur le globe) ).
Certains ont cru y voir une allusion aux heures nocturnes, pendant laquelle se pratiquent les opérations secrètes du Grand Oeuvre : à ce compte, tous les cadrans solaire sont alchimiques !
Les sabliers à compte-tour
Il faut bien faire la différence avec les autres modèles de sablier (quadrangulaire ou cylindrique) que l’on voit dans des gravures précédentes. La partie supérieure de ces sabliers comporte un cadran circulaire rabattable, gradué de I à XII, avec le XII en haut : l’aiguille, que l’on déplace manuellement, permet simplement de compter les tours.
Eglise St. Andreas de Brodersby
Un double-sablier tournant avec compte-tour pour mesurer le temps du sermon (30 mn les dimanches ordinaires, 60 mn les jours de fête)
La balance
La balance est à l’équilibre, comme l’indique l’aiguille verticale. C’est un modèle de luxe. L’ « Omega » pendu en dessous n’a rien de mystique, c’est simplement un dispositif de blocage évitant de fausser la balance en cas de poids trop lourd.
Esquisse de la Balance, Dresden Skitzzen Buch
Cette balance existait probablement en réalité : nous en avons une étude très précise, toujours à l’équilibre, mais sous un autre point de vue.
En retournant l’esquisse de gauche à droite, on constate que Dürer ne s’est pas contenté de modifier le point de vue : il a aussi modifié les proportions, en rendant l’instrument plus trapu (sans doute pour des raisons de mise en page).
Le point important est que, malgré ces modifications majeures, le détail des enroulements des trois brins est resté exactement le même : comme si ce détail avait eu plus d’importance pour Dürer que la véracité d’ensemble de l’objet. Il faudra attendre 4.4 Harmonies polyédriques pour une hypothèse sur la raison d’être de ces enroulements.
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https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/376560/filename/Trace_continu_coniques-ASP.pdf
http://devittori.perso.math.cnrs.fr/sijzi/Compas.htm
[3] Le cadran soudé au sablier :
Respice Finem, Heinrich Aldegrever 1529
Dans cette gravure réalisée l’année qui suit la mort de Dürer, Aldegrever recycle l’astre rayonnant, la sphère et le sablier solidaire du cadran, sans se poser trop de questions. Le thème tire vers la la Vanité : la femme nue tenant sa pomme est semblable à Vénus pour la Beauté, à la Fortune par le boule instable. La devise lui rappelle de ne pas perdre de vue sa propre fin.
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