Les oiseaux licencieux
Volontiers phallique lorsqu’il est isolé, l’oiseau en couple devient parfois lubrique…
Vénus et l’Amour attendant Mars
Lambert Sustris, XVIème siècle, Musée du Louvre
Poussées par la main de Vénus, les deux colombes blanches en sont aux bécots. Sa flèche à la main, Cupidon interroge sa mère du regard : est-il temps de porter l’estocade ?.
La Lascivité (Lascivia)
Abraham Janssens , vers 1618, Collection privée
Cette Vénus lascivia a substitué à ses deux colombes deux moineaux paillards, et noué sur son épaule une fourrure de bacchante. Pour la suite de l’analyse, voir Les mythologies et allégories plaisantes de Janssens
Nature morte avec un couple de moineaux
Cornelis de Heem, 1657, Städelmuseum, Frankfort
Le couple de moineaux sur la branche attire l’oeil vers le miroir, lequel nous montre la branche posée sur le cul du melon fendu, une image assez transparente (voir Surprises et sous-entendus).
Nous découvrons ensuite le gland du rideau à l’aplomb d’une figue béante, le coquillage au bout de la flûte, sans parler des huitres aphrodisiaques et de la bogue de châtaigne explosée :
à l’exemple des deux passereaux, la digne nature morte se ranime pour une copulation générale.
Jeune fille avec des colombes
Greuze, date inconnue
Dans ce dessin très enlevé, deux colombes ont profité de l’émoi de leur maîtresse pour copuler hors de la cage.
Jeune fille avec des oiseaux
Greuze, 1780-82 National Gallery of Art, Washington
Ici, une jeune fille se dépoitraille devant deux moineaux affamés.
La justification littéraire de cette bizarrerie zoophile est peut être à chercher chez Catulle :
« Passereau, délices de ma jeune maîtresse, compagnon de ses jeux, toi qu’elle cache dans son sein, toi qu’elle agace du doigt et dont elle provoque les ardentes morsures, lorsqu’elle s’efforce, par je ne sais quels tendres ébats, de tromper l’ennui de mon absence ; puissé-je me livrer avec toi à de semblables jeux, pour calmer l’ardeur qui me dévore, et soulager les peines de mon âme ».
Poésies de Catulle, Au passereau de Lesbie, II
La gourmandise des oiseaux pour les poitrines des jeunes filles s’explique aussi par un point de terminologie :
« Boutons de rose : Pour le bout des tétons d’une femme, qu’on appelle aussi la fraise ».
Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial, Philibert-Joseph Le Roux Beringos, 1752
Exemple d’adaptation littéraire :
« Ta gorge est comme un marbre, et la lumière arrose
Sur ses fermes contours deux frais boutons de rose. »
Banville, Les Stalactites,1846, p. 304.
Exemples d’adaptation graphique :
Les oiselets en cage, Léonnec, « Le sourire » | Les baisers comptes, Umberto Brunelleschi, 1947, illustration pour les Baisers de Dorat |
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Vénus sortant de sa couche
James Ward, 1828, Yale Centre for British Art,
Hartford, Connecticut, USA
Dans ce tableau syncrétique, Vénus a dû emprunter un couple de cygnes à Léda, pour compléter son couple de colombes traditionnel.
Parfois c’est un groupe d’oiseaux qui rend hommage à une demoiselle…
Il y a chez certains Victoriens une part d’humour et d’allusion largement sous-estimée de nos jours.
Ainsi, à gauche, rien n’empêche de penser que les deux grues couronnées symbolisent, non pas deux états d’âme de la femme (Attendre et Regarder) mais deux états du corps de l’homme qu’elle attend et espère regarder.
A droite, le sujet est une vieille chanson ( « Wapping old stairs ») qui joue elle-aussi dans le registre de l’attente. Mollie se plaint que son Tom la néglige, bien qu’elle soit toute prête à laver son pantalon et à faire son grog (« Still your trousers I’ll wash and your grog too I’ll made »). Le verre vide illustre le futur grog, d’accord. Mais que suggèrent la cuillère dans le verre, la pipe, la tabatière qui baille et la proue du bateau qui se dresse au dessus de la jeune fille ?
Gelés (Frozen out) George-Dunlop Leslie |
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Le centre du tableau recèle le détail pré-surréaliste d’un cou prêt à s’emmancher dans un moignon .
Un numéro égyptien au temps d’Auguste
(An Egyptian Difficulty in the Time of Augustus)
John Reinhard Weguelin, 1885, Collection privée
Dans cette iconographie improbable, une compagnie de flamants se trouve dressée par une forte femme, qui désigne de sa baguette le cerceau feuillu à travers lesquels ils sont invités à passer.
Rappelons que, depuis Lotto, la traversée d’un cerceau métaphorise allègrement un autre type de pénétration.
Fantaisie victorienne (Victorian Fantasy)
Arthur Drummond, 1893, Collection Privée
Dans cette production spectaculaire d’un jeune peintre de 23 ans, la famille de pélicans (le père, la mère et les deux petits) est sans doute conçue comme une leçon d’amour vrai, aux pieds de la brune hautaine qui ne songe qu’à faire valoir ses appas et de la rousse, dont l’instinct maternel se réveille à nourrir le petit pélican.
L’oeil soupçonneux retient plutôt la taille extraordinaire des nénuphars qui, combinée au pélican tête basse et au pélican tête haute, suggère une érection généralisée déclenchée par la spectaculaire Beauté brune – tandis que la rousse s’intéresse à des modèles plus petits.
Le bassin doré
Gaston La Touche, fin XIXème, Collection privée
On devine, dans le bloc de statues doré, une nymphe cernée par des amours. Dans le bassin, deux baigneuses sont entreprises par une flottille de cygnes. Le jet d’eau blanc, qui retombe en parabole, épouse la forme des cous.
Dans un nid d’arabesques, deux oiseaux de Paradis se disputent une femelle, dont les longues pattes, l’éventail déployable et le bicorne en forme de bec disent bien qu’elle est de la même espèce qu’eux.
Les oiseaux à long cou
La Lune, Willette | L’alerte, Vallotton, 1895 |
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Les oiseaux à long cou sont attirés par la Lune…
Martin Van Maele, Gravure de La Grande Danse Macabre Des Vifs , 1905
…et parfois donnent des hallucinations à la gardeuse.
Pincée, George Pavis, 1923, La Vie parisienne | Au bord du lac Suzanne Meunier, 1924, Eros Magazine | Quand les dindons attaquent Adolfo Busi, carte postale, vers 1925 |
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Becs balourds contre mollets agiles : la fille moderne se joue des gros oiseaux domestiqués.
Emile Friant
L’étudiante aux champs vers 1920Sous prétexte d’étudier le contraste entre la fille des champs (debout, avec sa baguette) et la fille des villes (vautrée par terre avec un livre), Friant titille tout bonnement, avec cette garçonne cul par dessus tête sous l’égide d’un clocher campagnard, le fantasme du gang-bang aviaire (voir également L’oiseau Chéri).
Les oiseaux familiers Emile Friant, 1921, Collection privée
C’est cette fois en intérieur qu’il décline la même thématique, avec cette amie des piiafs en pyjama : les perruches s’intéressent sans s’y poser au perchoir supérieur qui leur est offert, tandis que les gros perroquets ingnorent le perchoir inférieur pour se disputer une babouche : aux poids-plume le voyeurisme, aux poids-lourds le fétichisme.
Icart
L’oiseau préféré Icart, vers 1930La robe de cette colombophile est ornée de trois noeuds fleuris, semblables aux trois pigeons qui restent en approche : le titre prétend qu’un seul, pour l’instant a droit à son affection.
La femme et les oiseaux
Icart, 1922
Cette brune contrôle encore quelque peu ses oiseaux et son corsage…
Les Ailes Blanches
Cette blonde ne contrôle plus grand chose…
Elégante place Vendôme
Cette élégante en revanche contrôle tout du bout de son escarpin, y compris le célèbre symbole phallique fait du fût de mille canons…
Quelques exemples récents exploitant la sensualité multipliée des longs becs, des long cous et des plumes :
Receptivity
Erik Thor Sandberg, 2011
Sans titre
Erik Thor Sandberg, vers 2010
FreshHorses
Barnaby Whitfield, 2010
A l’opposé de ces encouragements à la luxure, il existe heureusement des couples d’oiseaux exemplaires.
Mars et Vénus, Allégorie de la Paix
Lagrenée, 1770, Geyy Museum, Los Angeles
Ici une colombe mâle apporte, en symbole d’abondance future, un épi de blé à sa dame, qui a élu domicile dans le casque désormais inutile : le tout sous les yeux attendris des divinités éponymes.
La leçon d’union conjugale
Gravure de Petit, d’après Boilly, début XIXème
Même notion d’exemplarité aviaire dans cette gravure édifiante.
Le chapeau de Monsieur remplace le casque, et ses gants se chevauchent sans vergogne sur le tabouret, tandis que les colombes restent chastes…
… encouragées par Cupidon qui leur fait le signe de la discrétion
Vénus jouant avec deux colombes
(Portrait de Carlotta Chabert)
Hayez, 1830, museo di arte moderna e contemporanea di Trento e Rovereto
Vous êtes un comte trentinois, et vous avez pour maîtresse une danseuse : vous commandez d’elle un portrait mythologique, et vous le montrez à tout le monde pour susciter le scandale.
Mais, pas fou, vous demandez à l’artiste de bien montrer le fil à la patte qui relie les deux colombes de Vénus et, accessoirement, retient les lombes de Carlotta contre le marbre de votre palais, et ses pieds dans le lac de Trente.
Leçon d’amour
Icart, vers 1920
L’Ecole des Oiseaux est encore ouverte au début du XXème siècle, ainsi qu’un peu du corsage il est vrai…
Mélancolie
Icart, vers 1920
Autre cas où la magie des colombes agit sur les décolletés…
Il peut même arriver qu’un groupe d’oiseaux vienne sauver une jeune fille vertueuse…
La princesse Elisa embrasse le cygne
Illustration de Bertall, fin XIXème
Une des représentations les plus torrides d’un cygne ithyphallique montre en fait l’amour fraternel...
Les cygnes sauvages
Illustration– Svend Otto Sørensen
Dans le conte d’Andersen « Les cygnes sauvages », c’est de joie que rayonne la jeune fille lorsque ses frères, transformés en cygnes, viennent la délivrer du bûcher.
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