1-2-6 La Vierge dans une église (1438-40) : ce que l’on voit (1 / 2)
Où l’on ressuscite un Van Eyck disparu, et qui était pourtant sous nos yeux.
Cette enquête comporte deux parties : ce que l’on aurait dû voir, et ce qu’on peut en déduire.
Qui a entendu de telles choses ?
La Vierge dans une église
Van Eyck, 1438–40, Staatliche Museen, Berlin
Ce panneau minuscule (31 × 14 cm) a été scruté dans tous ses détails par tous les spécialistes de Van Eyck, qui en ont donné des interprétations captivantes [14]. Je ne reprends ici que quelque points, surtout ceux que l’on n’a pas vus :
car cette oeuvre paradoxale s’explique avant tout par ce qui lui manque.
Le cadre volé
L’encadrement original, disparu depuis 1877, portait sur la droite des traces d’accrochage : c’est un des arguments qui font penser qu’il s’agissait du panneau gauche d’un petit diptyque.
Le panneau manquant
Un autre argument est le format : accolés, les deux volets auraient formé un carré. Troisième argument : le point de fuite décentré, qui décale le spectateur vers la droite. Dernier argument : le mur droit de la nef n’est pas montré, laissant ouverte toutes les possibilités de communication avec le second panneau.
L’essentiel de cet article va bien sûr être de rassembler tout ce que l’on peut dire sur ce panneau disparu…
Le texte manquant
On sait, d’après les transcriptions faites avant le vol du cadre, qu’il portait un texte sur tout le pourtour. En bas, le texte aurait été « FLOS FLORIOLORUM APPELLARIS », du moins d’après les commentateurs qui depuis un siècle et demi recopient ce texte sans sourciller . Or il s’agit d’un barbarisme (FLORIOLORUM n’existe pas). Il faut revenir au livre du baron de Laborde, qui a vu le tableau en 1855 et a lu « FLOS FILIORU APPELLARIS » [15] : expression énigmatique : « On t’appelle la Fleur des Fils » qui n’est la citation d’aucun texte connu.
La Fleur et le Fils (SCOOP !)
Je pense pour ma part qu’il s’agit (sauf erreur de transcription peu probable) d’un jeu de mot délibéré de Van Eyck entre FILIORUM er FLORUM, Fils et Fleur : une manière d’affirmer l’unité de substance entre Marie, la Rose, et Jésus, le Fils.
Car l’expression sous-entendue, FLOS FLORUM, renvoie à une autre citation que tous les lettrés connaissaient ;
Ut rosa flos florum, sic est domus ista domorum |
« Comme la rose est la fleur des fleurs , de même cette maison est la maison des maisons » |
Chapître de la Cathédrale d’York
On trouvait cette inscription au dessus de portes : de salles capitulaires (York), de cathédrales (Ely et Salisbury) [16] ; ou mieux ,en 1443 en Bourgogne, au dessus de la porte de l’hôpital de Dijon [17].
La fleur invisible (SCOOP !)
En la plaçant au seuil de son panneau (qui ne comporte de manière flagrante aucune fleur), Van Eyck invite le lecteur à compléter lui-même la métaphore textuelle ROSE = EGLISE et à la prolonger par une seconde métaphore, visuelle cette fois : EGLISE = MARIE.
Une première explication du gigantisme de la Vierge, bien comprise par tous les commentateurs est que celle-ci ne doit pas être vue comme étant dans l’église, mais comme étant l’Eglise.
Le texte tronqué (SCOOP !)
Sur les autres côtés, le cadre portait le début de la deuxième strophe de l’hymne « Dies est lætitiæ » :
MATER HAEC EST FILIA, |
Cette mère est une fille |
Là encore, le lien avec l’image n’a rien d’évident. Mais l’abréviation ETCET invite le lecteur à se remémorer la suite de la strophe (jamais citée, et pourtant cruciale pour la compréhension du panneau) :
Servus est et dominus; |
Il est esclave et maître. |
L’apogée de ce chapelet de paradoxes est bien sûr l’expression « stupor geminus » (double merveille, ou double étonnement), qui s’applique aux oxymores de l’hymne (mère et fille, père et nouveau-né, homme et Dieu, esclave et maître, proche et lointain).
Ce sont ces oxymores que Van Eyck a traduit visuellement dans le panneau.
ETCET (SCOOP !)
Les deux tympans du jubé montrent à gauche l’Annonciation, à droite le Couronnement de la Vierge :
autrement dit une scène où elle est la servante du Seigneur, une où elle est la Reine des Cieux (serva et domina).
La comparaison entre le Jésus de chair, porté par la Vierge géante, et celui de pierre, porté par la Vierge de la niche, nous démontre visuellement qu’il est à la fois immense et minuscule, lointain et proche (eminus et cominus).
Ainsi le bas du jubé illustre comme par magie les oxymores manquants, ceux que Van Etck a sous-entendu dans son cryptique ETCET.
Le haut du jubé (SCOOP !)
Le dessus du jubé est orné de quatre statues dorées :
- Jésus en croix entre Marie (à sa droite) et Saint Jean ;
- un oiseau, dont personne à ma connaissance n’a parlé.
Perché juste au dessus mais en dehors du triangle de l’Annonciation (la figure à l’intérieur de la pointe est un ange qui joue de la trompette), l’oiseau représente manifestement l’Esprit Saint, comme monté hors du bas-relief de pierre pour se faire statue de métal (flèche blanche).De le même manière, la couronne de pierre sculptée en haut du tympan du Couronnement est montée à la verticale, explosant dans les quatre fleurs de lys dorées aux extrémités de la Croix.
Il apparaît alors, de part et d’autre du pivot que marque l’oiseau, un équilibre entre les figures de chair et celles de métal doré :
- en bas le nouveau-né, dans le bras droit de Marie couronnée ;
- en haut Marie, à la droite du Christ-Roi.
Car sont absents de cette Crucifixion et la couronne d’épines, et l’écriteau de dérision « Roi des Juifs »:
ce Christ à quatre fleurons est véritablement Roi des Cieux
MATER ET FILIA (SCOOP !)
Il faut maintenant évoquer un autre hymne très important dans la théologie mariale, qui se chantait à l’Offertoire :
Filiae regum in honore tuo, astitit regina a dextris tuis in vestitu deaurato,circumdata varietate… Omnis gloria eius filiae regis ab intus in fimbriis aureis Psaume 45, 10 et 14 |
Les filles des rois vous font honneur ; la reine a pris place à votre droite dans un vêtement tissu d’or, environnée de diaprure…Toute resplendissante est la fille du roi dans l’intérieur |
Ce texte est à la source de l’assimilation de Marie avec la Fille du Roi dont parle le psaume, et que van Eyck nous montre justement enveloppée d’or, à la droite du Christ-Roi.
QUIS AUDIT TALIA ? (SCOOP !)
Ainsi le haut du jubé illustre quasi littéralement deux hymnes :
- le « Dies est lætitiæ » (sa partie inscrite sur le cadre) : « Cette mère est une fille, Ce père est un nouveau-né » :
- Le psaume 45, celui qu’il faut entendre sur les lèvres muettes de l’ange qui chante, tandis qu’un ecclésiastique lui tient ouvert le psautier :
Image aussi frappante que passée inaperçue de la coopération entre Ciel et Terre : mais surtout de l’Inouï rendu audible.
Récapitulatif : un édifice peuplé de présences
Ce schéma récapitule toutes les figures vivantes de l’édifice :
- les quatre occurrences du couple Marie-Jésus, dont nous venons de parler (en rose et bleu clair) ;
- les autres personnages identifiables : oiseau de l’Esprit-Saint, Saint Jean, deux anges (en blanc) ;
- le seul personnage humain : le prêtre (en rouge) ;
- les statues non identifiables (en vert), qui jouent un rôle purement décoratif ;
- enfin les tâches de lumière, dont nous allons maintenant parler.
La lumière du Nord
Les grandes interprétations du tableau s’accordent sur le rôle essentiel de la lumière :
- Panofsky montre que, vu l’orientation vers l’Est du choeur des cathédrales, la lumière qui tombe en diagonale vient du Nord : non pas naturelle, mais divine ;
- Meiss explique que « la lumière du jour remplit l’église tout comme la Lumière divine a rempli l’utérus de Marie » ;
- Harbison note le contraste symbolique entre les deux tâches de lumière des cierges autour de la statue dans la niche, et les deux tâches de lumière sur le sol aux pieds de Marie [19].
Cet intérêt pour le reflet sur la pierre se retrouve dans d’autres oeuvres de van Eyck (voir Lumières sur la pierre). Ce qui est véritablement spécifique à ce panneau est un thème connexe à celui de la lumière : celui de la vision, du regard.
Des regards divergents
Marie couronnée regarde d’en haut ce qui se trouve dans le second panneau, avec une expression de bienveillance.
L’Enfant s’accroche de la main gauche à son encolure, la main droite agrippant son propre poignet : demande-t-il nourriture ou protection ? Son expression n’est pas craintive, mais attentive : que fixe-t-il du regard ?
Il regarde sa future image sur la croix, et sa future image le regarde.
Mais le thème traité ici est plus ambitieux que celui de la prémonition de la croix. Car ce dialogue muet entre le Christ Enfant et le Christ-Roi suit la diagonale que nous avons déjà utilisée, et qui passe par l’oiseau, à savoir l’Esprit Saint.
Et que regarde celui-ci ? La source de lumière divine.
Il est facile de compléter le tableau par deux autres regards : celui que Dieu porte d’en haut sur Jésus et sur Marie, matérialisé par les deux tâches.
Et celui que le possible donateur du panneau droit aurait porté, comme il est d’usage, sur Marie intercetrice.
Ainsi un étagement de regards conduit de la Terre à Dieu, en passant par la Mère, le Fils et le Saint Esprit.
Une cathédrale idéale
Au départ, le tableau a été daté des débuts de la carrière de Van Eyck , à cause du supposé archaïsme de sa Vierge géante. Les historiens d’art s’accordent maintenant à le considérer comme une de ses toutes dernières oeuvres, à cause notamment du rendu extraordinaire des effets lumineux.
Les parties hautes
Les verrières de la nef, à figures humaines alternant sur fond rouge et bleu, laissent voir au travers les arc-boutants ensoleillés. A noter le détail des toiles d’araignée le long des moulures.
Les vitraux du choeur sont translucides, sauf celui juste celui au-dessus de la Croix, avec des motifs de fleurs rouges et bleues. John L. Ward, qui a relié ce détail à d’autres collisions signifiantes observées chez Van Eyck, estime à juste titre que le placement de ce vitrail est intentionnel : il s’agit de donner l’illusion qu’il « s’avance dans l’espace, comme si <les fleurs> poussaient soudainement à partir du haut de la croix placée en face » ([19a], p 17).
A noter le détail des deux câbles qui soutiennent la branche horizontale de la croix.
Autre différence légère entre la nef et le choeur :
- les arcades du triforium sont simples, puis géminées ;
- les ouvertures du couloir de circulation supérieur sont rectangulaires, puis trilobées.
Une vue technique
Une autre raison de la datation tardive du panneau est la complexité de la perspective : dans tous les intérieurs réalisés jusque là, Van Eyck s’était placé en vue centrée, et avait évité d’affronter la complexité polygonale d’un choeur gothique :
- dans le Triptyque de Dresde (voir 1-2-4 Le Triptyque de Dresde (1437)), il est masqué par une tenture ;
- dans la Madone de Nicolas de Maelbeke (voir 1-2-5 La Madone de Nicolas de Maelbeke (1439-41)), les deux pans latéraux sont escamotés.
La perspective n’est pas unifiée, mais construite selon trois points de fuite :
- un pour le sol de la nef (en jaune) ;
- un pour la paroi gauche de la nef (en rouge) ;
- un pour la paroi gauche du choeur (en orange).
De manière très intelligente, la continuité géométrique est assurée par le fait que les fuyantes des deux bords de la section médiane passent par les deux autres points de fuite.
Messe de requiem, fol 116 des Très Belles Heures de Notre Dame de Jean de Berry
Atelier de Van Eyck, 1420-30, City Museum of Ancient Art, Turin
Ceci pourrait être fortuit, si on ne retrouvait exactement la même construction dans cette enluminure. Le fait que le cercueil, bien que très peu en hauteur par rapport du sol, obéisse non pas au point de fuite de celui-ci mais au point de fuite médian, prouve l’application méthodique d’un procédé d’atelier.
La vue en coupe montrant le mur de brique au dessus de l’arc triomphal souligne la volonté de réalisme et de précision technique. Elle sert aussi à expliquer ce que nous voyons : non pas la nef, mais un choeur long composé de trois travées (avec triforium) et d’une abside pentagonale entièrement vitrée.
A noter le panonceau affichant des prières sur deux colonnes : un élément de mobilier courant dans les cathédrales, utile pour donner l’échelle et prouver la virtuosité du miniaturiste.
Un article récent [19b], qui utilise une méthode automatique pout déterminer les points de fuite, a montré que les différents points de fuite sont alignés, et que le choeur pentagonal obéit à une construction rigoureuse. Mais l’auteur a malheureusement oublié les fuyantes de la nef, qui ne rentrent pas dans son schéma.
Annonciation
Van Eyck, 1434-36, NGA, Washington
Même construction dans cet autre intérieur d’église, oeuvre majeure sur laquelle nous reviendrons : ici il s’agit soit d’un chevet plat, soit du mur du fond d’un transept (mais il devrait avoir une porte : les historiens d’art n’ont pas de consensus sur l’origine de cette architecture [19c]).
Dans notre cathédrale, l’élévation est tout à fait correcte : le portail Nord, vu à travers les arcades du bas-côté tombe à peu près au milieu de la largeur du transept. Seule anomalie : le choeur est légèrement plus large que la nef.
En revanche, une particularité unique de cette cathédrale n’a à ma connaissance jamais été commentée…
Le fort décalage vers le haut du triforium du choeur (et du transept) par rapport à celui de la nef est bien supérieur à la surélévation du sol du choeur (6 marches à l’entrée du jubé, une à la sortie).
Il a probablement une raison purement graphique : pour représenter les détails du jubé, il était nécessaire de l’agrandir, et donc de surélever le trimforium (qu’il aurait sinon totalement masqué).
Mais il revêt aussi un sens symbolique :
- empêcher, grâce à la discontinuité des triforiums, le passage par en haut de la nef au choeur (le passage par en bas étant barré par l’ange chanteur) ;
- élever le choeur, lieu de transcendance empli de pure lumière ;
- le diviser verticalement en deux registres :
- celle au niveau du triforium, qu’habite la statue de la Vierge ;
- celle au niveau des verrières, qu’occupe le Christ seul, divinité en ostension dans une chasse de cristal.
La Crucifixion (panneau central du Triptyque de la Rédemption)
Van der Stockt, vers 1450, Prado, Madrid
Je n’ai trouvé que cet autre exemple de décalage vertical, mais qui correspond ici à une nef sans triforium.
La cathédrale de Van der Weyden
Retable des Sept Sacrements
Van der Weyden, 1445-50, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers
Très peu d’années après Van Eyck, Van Der Weyden reprend l’idée des personnages sacrés de grande taille dans une cathédrale, en atténuant leur gigantisme. Il construit le panneau central selon la même logique (décentrage et absence d’un des murs latéraux), mais il homogénéise la nef et le choeur, qui perd tout caractère transcendant. Il utilise de manière très novatrice le format triptyque pour élargir la vue aux bas-côtés.
La perspective est en voie d’unification, même si les parties basses et hautes gardent des points de fuite légèrement différents, et si ceux des bas-côtés ne coïncident pas avec ceux de la nef (noter également que l’alignement des colonnes entre la nef et le bas côté droit est légèrement oblique).
Rétrospectivement, on peut se demander si le volet manquant, chez Van Eyck, n’aurait pas également montré le bas côté : mais dans un diptyque à panneaux égaux, la hauteur nécessairement moindre du bas-côté par rapport à la nef aurait posé un problème insoluble de remplissage de la partie haute ; de plus, le ou les personnages auraient paru lilliputiens sous le regard de la Vierge, créant un effet de grand spectacle plutôt qu’une interaction de nature spirituelle.
Il y a donc fort à parier que Van Eyck avait mis en place tout autre chose qu’une continuité purement architecturale.
Le diptyque de l’abbé Christiaan de Hondt
Maître de 1499, 1499, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers
Réalisé plus d’un demi-siècle après Van Eyck, ce diptyque est un hommage appuyé au maître disparu.
Le panneau de droite contient de nombreuses citations de la chambre des Epoux Arnolfini.
Le panneau de gauche est une copie de la Vierge dans une église, avec quelques différences mineures :
- les couleurs des vêtements de la Vierge sont différentes ;
- les carrelages sont ornementés ;
- les deux tâches au sol ont disparu, ce qui permet d’insérer un vase empli de fleurs en pendant à la mitre de l’abbé ;
- le cadrage s’élargit légèrement pour englober la colonne de gauche, ce qui permet d’avancer le panonceau de prières, qui chez Van Eyck était sur la deuxième colonne :
Une copie rationalisée
Il est possible que le maître de 1499 ait recopié non pas le tableau lui-même, mais un dessin à la même échelle (aujourd’hui perdu) ce qui expliquerait les différences dans les couleurs et le traitement de la lumière ([20], p 140).
Effectivement, comme dans le dessin, la voûte du bas-côté et le crucifix sont un peu plus bas. Cependant dans ce dessin il y dans le choeur une fenêtre supplémentaire, alors que le Maître de 1499 a recentré le crucifix sur la fenêtre centrale (mais sans le vitrail floral) : en un demi-siècle, d’autres dessins ont donc dû circuler.
L’important est que, sur plusieurs points, le Maître de 1499 ne comprend plus les intentions symboliques de Van Eyck, et tente de les rationaliser :
- ne comprenant pas que l’Enfant se cramponne au cou de sa mère pour regarder au-delà d’elle le Christ-Roi sur la Croix, il invente un collier avec lequel joue l’Enfant ;
- ne comprenant pas la valeur glorieuse du Crucifix, il rajoute l’écriteau infamant, et un câble de suspension central que Van Eyck avait omis pour donner au vitrail floral toute sa visibilité ;
- ne comprenant pas que l’oiseau de métal est relié à l’Annonciation et symbolise l’Esprit-Saint regardant la lumière divine, il rajoute un Dieu le Père en haut du tympan, retourne l’oiseau et, en le perchant sur une barre, l’interprète comme l’Aigle de Saint Jean.
Dans le panneau de gauche, la perspective est donc restée celle de Van Eyck (sauf pour le voûte au dessus du choeur) et le peintre, dans son parti-pris d’archaïsme, n’a pas tenté de l’unifier d’un panneau à l’autre.
Revers du diptyque
Le revers du panneau de Marie porte un Salvator Mundi. L’autre panneau avait initialement au revers une imitation de porphyre.
Lorsque Le successeur de Christiaan de Hondt, l’abbé Robrecht de Clercq, a pris possession du diptyque (après 1519), il a fait faire quelques modifications sur les armoiries de l’avers, mais surtout a fait rajouter sur le fond en porphyre son propre portrait en prières devant le Christ ([20], p 145) .
Le fait que le Salvator Mundi faisait bien partie de la commande initiale est attesté par sa date, 1499 : c’est d’ailleurs ce tableau qui a valu au peintre son nom provisoire : Maître de 1499.
Le diptyque Doria Pamphili
La Vierge dans une église, attribué à Gérard David ou Jan Gossaert | Antonio Siciliano avec Saint Antoine, attribué à Jan Gossaert et/ou Simon Beining |
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Vers 1508 ou 1514-15, Galerie Doria Pamphili, Rome
Mis à part leur taille identique, on n’a aucune certitude, ni sur le ou les auteurs, si sur le fait que les deux panneaux aient été montés en diptyque, dont la logique semble aberrante :.
- le regard de la Vierge, modifié par rapport au tableau de Van Eyck, ne sort pas du panneau de gauche ;
- ni le regard du donateur si celui de son saint patron ne fixent un élément significatif du panneau de gauche.
Outre le regard de la Vierge, l’autre grande modification de cette copie est le rajout d’une troisième porte dans le jubé, avec au tympan la scène de la Nativité et au dessous la statue d’un Saint Evêque (ce qui décale mécaniquement la Croix vers la gauche lui faisant perdre sa superposition avec le vitrail floral, qui a néanmoins été conservé). Accompagnant ce parti-pris de symétrie, les deux cierges allumés flanquent désormais le portail central.
Au passage la perspective a été dégradée, puisque les fuyantes de la galerie supérieure ne convergent plus..
La symétrisation, l’abaissement du regard de Marie et surtout l’ajout d’un mur du côté droit de la nef concourent vers la même conclusion : cette copie est une adaptation autosuffisante du panneau de Van Eyck, et c’est probablement dans un second temps que Siciliano a commandé à un autre peintre un panneau de même taille, non pas pour en faire un diptyque, mais pour l’accrocher en pendant [21].
Pour le dénouement de cette enquête, voir 1-2-6 La Vierge dans une église : résurrection du panneau perdu (2 / 2).
Pour ceux qui veulent trouver par eux-même : la solution se trouve déjà dans cet article..
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vierge_dans_une_%C3%A9glise
https://books.google.fr/books?id=SrBCAQAAMAAJ&pg=PA7
https://books.google.fr/books?id=d6HPafI_1c4C&pg=PA62
Craig Harbison, « Jan van Eyck: The Play of Realism, Second Updated and Expanded Edition », p 193 et ss https://books.google.fr/books?id=n3wQgsBHqgYC&pg=PA193&lpg=PA193#v=onepage&q&f=false
Saint Quentin (Sint-Kwintenskerk) de Tournai, vers le portail Sud Est
Cette église possède une superposition d’arcades romanes au dessus des arcs brisés, un plafond plat, un faux triforium à architrave dans son transept et deux triplets de fenêtres au dessus du portail d’entrée, qui possède la particularité d’être orienté au Sud Est au lieu de l’Ouest (à cause de la contrainte de s’ouvrir sur la Grand Place). Si le chevet antérieur avait été plat (ce qu’on ne sait pas), la lumière y serait donc tombée naturellement depuis la gauche, comme dans le tableau.
Thomas W. Lyman « Architectural Portraiture and Jan van Eyck’s Washington Annunciation » Gesta, Vol. 20, No. 1, Essays in Honor of Harry Bober (1981), pp. 263-271 https://www-jstor-org.ezproxy.inha.fr:2443/stable/766850
Téléchargement complet : https://www.nga.gov/research/publications/pdf-library/prayers-and-portraits.html
N’a-t-on pas fait l’étude dendrochronogique du tableau pour en préciser la date?
L’analyse dendrochronologique de la Vierge dans une église ne nous aide pas : l’arbre date d’un siècle avant, des années 1316-22 (Peter Klein, Dendrochronological findings in the Van Eyck / Chrstus group). Pour le diptyque de Christiaan de Hondt, personne n’a remis en cause la date qu’il porte, 1499.
Si vous vous intéressez au sujet, je vous signale mon autre article 8 Van Eyck et la Majesté de Dieu, qui replace l’oeuvre chronologiquement dans l’iconographie du Christ au globe, et montre son caractère innovant.
Merci en tout cas de me lire.