Pendants paysagers : la nature
Ces pendants ont pour but d’élargir le panorama, grâce à deux points de vue qui se complètent.
Les paysagistes hollandais
Dans l’ouvre des grands paysagistes hollandais, Ruisdael et Hobbema, on sait par les catalogues de vente que quelques pendants ont existé, mais aucun d’incontestable n’a été conservé.
Moulin à eau, vers 1660, Louvre (80 x 66 cm) | Ferme dans un rayon de soleil, 1668 , NGA (81.9 x 66.4 cm) |
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Hobbema
Le format vertical, rare chez Hobbema, et la fait que ce deux vues semblent prises dans la même région (province of Overijssel) font de ces deux toiles des pendants probables. La symétrie des masses d’arbre et des orientations des maisons milite également en ce sens.
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Cependant, la différence des avants-plans déconcerte : l’un est vide de toute présence humaine tandis que l’autre abrite toute une famille de paysans.
Quoiqu’il en soit, il est clair que la représentation réaliste de lieux existants ne facilitait pas l’émergence de pendants, qui supposent une symétrie formelle ou thématique rarement rencontrée au naturel.
Les pendants paysagers d’Eglon van der Neer
Le paysages d’Eglon van der Neer sont encore classiques au sens de Poussin : c’est-à-dire recomposés en studio. Mais la scène religieuse et pastorale qu’ils hébergent, trop minime pour servir de sujet au tableau, sert seulement à le rattacher au genre noble de la peinture d’histoire : la pure délectation du paysage n’est pas encore à l’ordre du jour.
On connait de lui quatre pendants paysagers, très différents, qui illustrent bien les flottements du genre à ses débuts.
Couple de bergers, 1698 | Ismaël, Agar et l’Ange au désert, 1697 |
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Eglon van der Neer, Staatsgalerie im Neuen Schloss Bayreuth (50 x 40,5 cm )
De taille identique et appartenant à la collection de l’Electeur Palatin, ces deux tableaux sont des pendants probables : même premier-plan formant repoussoir, même couple de grands chênes, même échappée sur la vallée.
Cependant, tandis que l’un montre une scène pastorale iconographiquement flottante, l’autre illustre avec précision une scène biblique parfaitement déterminée : lorsque l’outre est vide, Agar pose son enfant Ismaël sous un arbuste, puis s’en éloigne pour ne pas assister à sa mort et sanglote. Dieu entend et voit la détresse d’Agar, il envoie son ange pour la rassurer.
Visuellement, le pendant fonctionne : deux troncs,, une jeune femme assise, au décoleté audacieux, réconfortée par un jeune homme. Mais aucune signification d’ensemble ne s’en dégage.
Paysage avec Tobie et l’Ange | Paysage avec la Tentation du Christ |
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Eglon van der Neer, 1698-1703, Alte Pinakothek, Münich , sur cuivre (14 x 10 cm)
Ce pendant avéré apparie quant à lui un épisode de l’Ancien Testament et un du Nouveau ,une scène dynamique et une scène statique. Mais là encore le rapport entre les deux sujets est très faible : d’un côté un Ange conducteur, de l’autre un Démon tentateur (il propose à Jésus affamé de transformer une pierre en pain).
En revanche les deux paysages se complètent parfaitement : il pourrait s’agit du même fond de vallée boisé, avec sur la colline à l’arrière-plan une route ou passent des voyageurs.
Passagers clandestins de décors qui se suffisent de plus en plus à eux-mêmes, les personnages s’anonymisent et se miniaturisent : deux pêcheurs dans un lac, un berger et une bergère près d’un torrent. Les deux grands arbres, les masses rocheuses, les plantes grasses et les fleurs du premier plan, ainsi que l’échappée centrale vers un ciel tourmenté, construisent quant à eux un pendant paysager parfaitement balancé .
Paysage rocheux | Paysage montagneux |
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Eglon van der Neer, 1702, Staatsgalerie im Neuen Schloss Bayreuth, sur cuivre (33 x 23 cm)
Mis à part les détails insignifanst des troupeaux sur la gauche et des voyageurs sur la droite, les deux compositions n’ont plus rien à voir. Le rapport entre elles est celui de deux vues prises lors d’un voyage. Accolées, elles offrent une profondeur de champ saisissante, entre les plantes géantes du premier plan et la ville à l’arrière-plan.
Les chutes du Niagara depuis une terrasse supérieure, côté anglais, 1807 | Les chutes du Niagara vues depuis le bas de la Grande Chute, côté anglais, 1808 |
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John Trumbull, Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford
Les deux vues sont tirées de dessins faits par Trumbull lors de deux voyages sur place, en 1807 et 1808.
Dans le second tableau il s’est représenté au pied même de la chute, en compagnie de sa femme, abrité sous un parapluie. Cette signature naïve témoigne de sa présence risquée sur les lieux ; mais indirectement, elle traduit aussi sa volonté de capter le phénomène sous tous ses angles, puisque le centre de l’arc-en-ciel trahit sa position réelle.
The Niagara River at the Cataract | Horseshoe Falls from below the High Bank |
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Gustav Grunewald, vers 1832, De Young Museum [1]
Les deux vues constituent un panorama touristique complet des chutes : la première est prise depuis Niagara Falls, on voit au fond la deuxième cataracte en fer à cheval. La seconde vue nous montre celle-ci de plus près, avec le belvédère de la rive gauche.
Mais ce qui intéressait Grünewald, arrivé un an plus tôt de sa Moravie natale, c’est de montrer à travers cette merveille naturelle la toute puissance divine : ainsi les personnages et les constructions humaines apparaissent dans leur petitesse.
En bas des chutes, des débris d’arbres en forme de croix impriment dans le paysage le signe d’un Dieu à la fois destructeur et créateur.
L’été dans les collines (Summer in the Hills)
Jervis McEntee, Septembre 1867, Birmingham Museum of Art
Dans l’état de New York, les Catskill Mountains ont attiré beaucoup d’artistes. In 1867, McEntee y fit un voyage avec son ami, le peintre Sanford Gifford, que l’on voit ici en train de contempler la vallée profonde de Kauterskill Clove.
La première vue est probablement prise depuis une escarpement rocheux nommé Inspiration Point, en direction du Sud Est. Et la seconde dans le sens opposé, en direction du Nord Ouest.
Le pendant crée donc une continuité factice entre deux paysages qui sont en fait diamétralement opposés.
Cyprès au Monte Mario près de Rome | Cyprès et couvent de San Miniato près de Florence |
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T.H. Hotchkiss, 1868, Collection privée
Ce pendant oppose un fleuve et une montagne, une vue en contreplongée et une vue plongeante, avec un éclairage rasant venant de directions opposées. Si on respecte la convention classique d’un seul soleil situé entre les deux tableaux (voir Les pendants architecturaux), il faut placer à gauche la vue du Monte Mario.
Celle-ci est conforme à la topographie : elle est prise en direction du Nord Est, vers les Apennins enneigés. Nous sommes au soleil levant. Dans la boucle du Tibre on reconnait le pont Milvius avec sa tour romaine caractéristique, sous laquelle passent tous les voyageurs venus du Nord.
Le Tibre et la campagne vue depuis le Monte Mario
Salomon Corrodi, 1873
Le paysage, encore campagnard, n’a guère changé depuis l’Antiquité.
La vue de San Miniato est moins précise. L’unique clocheton se trouve à gauche de la façade, auquel cas la vue est prise vers la Sud Ouest, et au soleil levant. Il est possible que Hotchkiss ait divisé en deux arches l’ouverture, pour faire écho aux deux moines, voire même aux arches du pont de l’autre pendant.
En confrontant un paysage romain et un paysage florentin, l’Antiquité et la Renaissance, le pendant nous montre une civilisation qui meurt et qui revit, au pied des cyprès toujours verts.
Femme assise dans un fauteuil (Woman Seated in an Armchair) | Femme lisant sur un banc (Woman Reading on a Bench) |
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Vuillard, 1898, Collection privée
Ces deux panneaux ont été commandés par Jean Schopfer, riche tennisman et écrivain, pour décorer son luxueux appartement de l’avenue Victor Hugo [3].
A gauche sont représentés le peintre Bonnard de dos, jouant avec un petit chien, et sa future femme Marthe Meligny.
A droite, la femme assise est Misia Natanson, avec debout derrière-elle la silhouette à peine esquissée de sa belle soeur Cipa.
La vue est prise dans le jardin d’une maison de Villeneuve sur Yonne où les Natanson avaint passé l’été de 1898. Cette maison apparaît en grand à gauche, et en petit à droite. Ainsi, avec le massif de fleurs et la terrasse qui semblent se prolonger d’un pendant à l’autre, Vuillard s’amuse à suggérer au centre une fausse continuité, selon la convention classique des pendants architecturaux.
Fenêtre donnant sur les bois (Window overlooking the Woods)
Vuillard, 1899, Chicago Art Institute.
Ces toiles géantes (l’un légèrement plus large que l’autre) ont été réalisées pour décorer la bibliothèque du banquier Adam Natanson. La bande du bas évoque l’appui d’une fenêtre, tandis que les trois autres imitent le style des tapisseries de « verdure ».
Les vues ont été prises depuis la fenêtre d’une villa de L’Etang-la-Ville (chemin de la Coulette), où Vuillard avait passé l’été 1899, avec la famille de sa soeur, Marie Roussel, qui est peut-être la femme arrosant ses géraniums à la fenêtre.
Vu leur taille, les deux panneaux étaient destinés à se faire face, non à être contemplés côte à côte. L’impression panoramique est donnée par la vue plongeante, côté village et la vue en légère montée, côté jardin. Ainsi, en se retournant, pouvait-on passer :
- de la vue sur les bois à la vue sur l’arbre fruitier ;
- de la vue publique à la vue privée ;
- de la campagne (avec une femme cueillant des grappes et un homme menant un cheval) au potager (avec une petite fille en rose regardant à gauche un jardinier en canotier et à droite, au bout de l’allée, une femme en fichu bleu).
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