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La femme au foyer : jusqu’au XIXème siècle

Parfois la femme nue quitte le poêle prolétaire pour la cheminée du salon. Symboliquement prometteur, ce thème n’a pas eu, pendant très longtemps,  la fortune qu’il méritait.

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Les précurseurs

La représentation de la nudité est extrêmement rare au Moyen-Age, en dehors de l’Enfer et des bains. Et les cheminées brûlantes ne se trouvent que dans l’iconographie de l’Hiver où de la Nativité.

Niederrhein. Mstr., Der Liebeszauber
Le Philtre d’Amour (Der Liebeszauber)
Vers 1480, Meister des Bonner Diptychons , Museum der Bildenden Künste, Leipzig

La combinaison des deux est donc tout à fait exceptionnelle. La clé de ce tableau, souvent mal interprété, est une métaphore galante : de la même main la femme enflamme le Coeur avec les escarbilles de son briquet, et le modère avec les gouttes d’eau de son éponge. La métaphore est reprise en écho, dans la chambre, par l’opposition entre le mur chaud et le mur froid, la cheminée qui brûle et le bassin qui nettoie : le Coeur amoureux se retrouve coincé entre l’Enfer et le Paradis.
Pour un analyse plus approfondie, voir 1 Le perroquet et le chien : une vieille histoire.


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Un thème dangereux

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1523 hans_baldung_grien-zwei_hexen staedel museum 1880-90 Edward John Gregory Fanny fanning

Deux sorcières, Hans Baldung Grien, 1523, Staedel museum, Francfort

Fanny à l’éventail (Fanny fanning), Edward John Gregory, 1880-90

En Occident, la proximité des femmes et des flammes renvoie à un imaginaire chargé.

C’est donc avec circonspection, enveloppée dans sa robe fourreau et sous la protection de l’éventail que cette femme fatale recule vers le foyer qui lui ressemble, surplombée par un oeil de sorcière. Le thème de l’artiste pris dans l’orbe, signifiant à la fois sa compétence technique et sa réduction à l’infime devant la féminité triomphante, est particulièrement prisé à l’époque victorienne ( voir 3a Le peintre dans sa bulle : Virtuosité).


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Une symbolique assumée, sous Louis XIII

Parmi les innombrables gravures d’Abraham Bosse, neuf comportent une cheminée allumée. Ce large échantillon nous donne une bonne idée de la manière dont on percevait cet équipement encore luxueux et réservé aux classes supérieures.

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1633-bosse_abraham-Le-Mariage-a-la-ville-laccouchement-Carnavalet 1633 bosse_abraham Le Mariage à la ville La visite de la nourrice British Museum

L’accouchement, Carnavalet

La visite de la nourrice, British Museum

Abraham Bosse, 1633, série Le Mariage à la ville

La cheminée allumée joue ici deux rôles différents :

  • dans la première gravure, elle évoque les tourments infernaux de l’accouchée : « Mon corps s’en va mourant et (il) n’est point de remède aux peines que je sens » ;
  • dans la seconde, elle sert au confort du nouveau-né, en chauffant ses langes ; mais le commentaire étonnamment polisson [14a] suggère qu’elle illustre surtout l’ardeur sexuelle du spectateur, aguiché par ces beautés ancillaires.

1633-ca-bosse_abraham-La-femme-qui-bat-son-mari-CarnavaletLa femme qui bat son mari, Abraham Bosse, vers 1633, Carnavalet.

Ici le feu violent attise les comportements contre nature : la poule qui monte sur le coq, la soeur qui bat le frère, la femme qui bat le mari, et l’amant qui attend derrière le lit qu’elle l’ait chassé par la porte.


1636-bosse_abraham-Les-quatre-ages-de-lhomme-la-vieillesse-Carnavalet- 1637-ca-bosse_abraham-Lhyver-Carnavalet.

La vieillesse (série Les quatre âges de l’homme), 1636

L’hyver (série Les quatre saisons), vers 1637

Abraham Bosse, Carnavalet.

Plus classiquement, Bosse utilise aussi la cheminée allumée dans ses deux iconographies traditionnelles :

  • celle de la Vieillesse, où elle permet de contrarier le froid de la Mort qui menace ;
  • celle de l’Hyver, où elle donne de la joie ; le Mardi-gras, les jeunes filles font des crêpes pour les jeunes gens, qui tentent de profiter de cette proximité autour du feu :

Monsieur, dict une Maistresse
Si vous touchez mon tétin,
Je repandray de la graisse
Sur votre habit de satin.

A noter qu’une des jeunes fille se protège le visage par un pare-feu circulaire.


1636 ca Bosse A braham The_Prodigal_Son_in_a_House_of_Ill_Repute_MET 1638-40_bosse_abraham_tactus._le_toucher-Carnavalet

Le fils prodigue dans la maison mal famée, vers 1636, MET

Le Toucher (Tactus), série des Cinq Sens, 1638-40, Carnavalet.

Abraham Bosse

L’association entre chaleur et plaisir sexuel se retrouve de manière encore plus nette dans ces deux gravures :

  • dans la salle à manger, on « allume » le Fils prodigue, et près du fourneau embrasé de la cuisine, on consomme ;
  • le Toucher entre les amants est aussi puissant que la sensation de la chaleur sur le pied.

1635-45-bosse_abraham_les_vierges_folles-jour-Carnavalet 1635-45-bosse_abraham_les_vierges_sages-jour-Carnavalet

Les vierges folles, le jour

Les vierges sages, le jour

Abraham Bosse, 1635-45, Carnavalet

Enfin, Bosse invente une métaphore inattendue pour la cheminée qui flambe, celle du gaspillage chez les vicieuses, et de la paix du coeur, chez les vertueuses.

Le jour :

  •  les vierges folles « s’amusent inutilement » auprès d’une cheminée allumée par pur caprice,
  • les vierges sages étudient devant une cheminée éteinte, « et cherchent le souverain bien / Dans les livres qu’elles lisent / Le coeur bruslant de charité ».

1635-45-bosse_abraham-Les-vierges-folles-somnolent-en-attendant-larrivee-de-lepoux 1635-45-bosse_abraham_les_vierges_sages-Carnavalet

Les vierges folles, la nuit

Les vierges sages, la nuit

Abraham Bosse, 1635-45, Carnavalet

La nuit :

  • les vierges folles s‘assoupissent devant une cheminée qui gaspille ses flammes sans les éclairer : « Leurs lampes sans huile et sans feu / sont pesle-mesle renversées… dans l’obscurité du péché » ;
  • en revanche les vierges sages, ayant allumées leur cinq lampes, « raisonnent et veillent, attendant leur céleste Espous ».


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Une symbolique édulcorée, sous Louis XIV

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1678-1700 Le Feu, Henri Bonnart II British MuseumLe Feu
Henri Bonnart II, 1678-1700, British Museum

L’élément dangereux est ici réduit à la fabrication de confitures, qui produisent chez la belle Phillis « empressement pour vos ardeurs ».


1678-1700 l'Hiver, Henri Bonnart II British Museum 1678-1700 Décembre, Henri Bonnart II British Museum

L’Hiver

Décembre

Henri Bonnart II, 1678-1700, British Museum

La disette, le froid les neiges les frimats,
Font de cette saison le plus bel appanage
Mais quand on est ainsi dans des chaudes maison
Il me paroit qu’on peut se moquer de l’orage.

Quand la rigueur de la saison
Tient au coin de la cheminée
Dorine souffle le tison
Jusqu’à la fin de de la Journée.

La cheminée n’évoque qu’un plaisir bien innocent : celui de se chauffer les pieds tandis que les autres se gèlent. La femme de qualité, dans l’Hiver, prend soin de se protéger le visage avec un pare-feu à main.


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Trop vulgaire pour le XVIIIème siècle

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1780 ca Nicolas-Réné Jollain La toilette Huile sur cuivre musée Cognacq-Jay 1784-85 Louis_Marin_Bonnet_-_La_Toillette Gallica

Nicolas-René Jollain, vers 1780 (huile sur cuivre), Musée Cognacq-Jay

Gravure de Louis Marin Bonnet

La Toillette

Le thème très XVIIIème siècle de la toilette est une occasion manquée : l’accessoire libidinal obligé est le miroir, tandis que le feu dans l’âtre, trop vulgaire, est escamoté et mis à distance de la maitresse par une croupe ancillaire – la chaleur directe, tout autant que le soleil, étant à proscrire chez une dame de qualité.


D'après Louis_Marin_Bonnet_-_La_ToiletteLa Toillette, Gravure de Louis Marin Bonnet, 1781, NGA [15]

C’est seulement dans la version en couleur que le cadrage s’élargit pour inclure la flambée matinale, qui n’a donc probablement aucune valeur symbolique : il s’agit simplement d’une notion de luxe et de confort, indispensable pour la lente opération de l’habillage, dès sept heures du matin.


Boucher_toilette_1742La Toilette du matin
Boucher, 1742, Fondation Thyssen-Bornemisza, Madrid

Chez Boucher, le feu est moins innocent : surplombé par un ruban rose et à demi démasqué par le paravent, il est l’analogue du chat sous le ruban démasqué par la robe. On comprend que c’est du réveil du désir animal qu’il s’agit. La pince bien mise en valeur dans l’âtre suggère d’ailleurs que la dame est habile à entretenir les flammes. Pour une interprétation détaillée de cette composition débordante de sous-entendus gracieux, voir Le chat et l’oiseau.


Gravure de Jean Charles Levasseur d'après A.Krause La chauferette Gravure de Jean Charles Levasseur D'après G.M. Krause La gayetté sans embarras

La chaufferette, d’après A.Krause

La gayetté sans embarras, D’après G.M. Krause

Gravures de Jean Charles Levasseur, 1781-1789 [15a]

Chez les filles du peuple, le luxe de la cheminée est remplacé par le confort discret de la chaufferette, qui permettait également des effets de chevilles affriolants. C’est encore en relaçant son bas que la grande soeur révèle le pot aux roses, au chat comme au spectateur.


Carte postale, vers 1900 1931 Jules_Marie_Auguste_Leroux_-_Illustration_for_memoirs_of_Casanova

Carte postale, vers 1900

Illustration pour les Mémoires de Casanova, Jules Marie Auguste Leroux, 1931

Une époque moins raffinée illustrera de manière plus directe la rhétorique du désir attisé.


1755 ca Gabriel de Saint Aubin L'Académie particulière Frick Collection 1878-81 Félicien_Rops_-_La_Belle_et_la_bête Cincinnati Art Museum

L’Académie particulière, Gabriel de Saint Aubin, vers 1755, Frick Collection

La Belle et la Bête, Félicien Rops, 1878-81,  Cincinnati Art Museum

En bref : du XVIIIème à 1880 (Rops y compris), la cheminée restera presque toujours noire, servant au mieux à mettre en valeur les courbes et la blancheur de la dame.


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Un cas particulier : le thème de la croupe enflammée

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1785 Angélique Papavoine d'apres Lenain Eduard Fuchs, L'élément érotique dans la caricature p 154 Eduard Fuchs, L'élément érotique dans la caricature; un document à l'histoire des moeurs publiques p 153

Le mal placé, 1785, gravure d’Angélique Papavoine d’après Lenain Eduard

Le curieux abbé [16]

Dans la profusion de natures galantes du XVIIIème siècle, le thème de la croupe enflammée reste marginal et purement pornographique.



Fragonard_ma_chemise_brule_louvre

Ma chemise brûle
Fragonard, dessin, Louvre

Fragonard le traite par l’humour, sans montrer grand chose : on comprend que la jeune femme s’est assise dans le fauteuil trop près du feu. Sur le détail de la « cage des filles », voir La cage à oiseaux : y entrer.


1791 Henry_Fuseli Femme en costume du XVIIe siècle esquisse 1791 Henry_Fuseli Femme en costume du XVIIe siècle

Femme en costume du XVIIe siècle, Johann Heinrich Füssli, 1791

Füssli traite le thème par l’allusion :

  • dans l’esquisse au lavis, les deux statues posées sur le manteau suggèrent d’imaginer la femme nue, et de voir dans cette robe extravagante ce qu’elle symbolise vraiment : un sexe féminin de la taille d’une cheminée ;
  • dans l’aquarelle terminée, l’escamotage de l’âtre rend la métaphore moins perceptible.


1795 James Gillray - A keen sighted Politician warming his Imagination 1800 J. Gillray the Comforts of a Rumpford stove Benjamin Thompson, Count Rumford

A keen sighted Politician warming his Imagination, 1795

The Comforts of a Rumpford stove, 1800

James Gillray

La première caricature s’en prend à William Wyndham Grenville, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, représenté comme un « Lord Pogy » (profiteur) qui, plutôt que de s’occuper de la guerre avec la France, laisse son large postérieur s’épanouir sur banc du Trésor ou devant une cheminée bien fournie [17].

La seconde montre en revanche une cheminée qui ne chauffe pas, pour ridiculiser Benjamin Thompson, Comte Rumford, inventeur au maigre derrière.


1801 Charles Williams Luxury or the Comforts of a RumpfordLuxury, or the Comforts of a Rumpford
Charles Williams, 1801

L’année suivante, la caricature est-elle même parodiée avec cette jeune femme exposant ses fesses à la flamme, en tenant à la main le roman gothique Le Moine. D’autres mauvais conseillers l’environnent, comme le tableau représentant Danaé au mur, la pendule où des puttis se bécotent comme des pigeons et deux autres livres inconvenants :

  • Les Baisers ouvert sur la table à côté de la bouteille de liqueur,
  • L’Économie de l’amour posé par terre sur le dos, à côté du chat qui jouit.

Le prétexte moralisateur n’est bien sûr qu’une grosse ficelle pour tourner autour d’un thème interdit.


1810 - 1820 Queen Hortense de Beauharnais in her Private Apartments RijksmuseumUne favorite de Madame Hortense Eugène Beauharnais, ancienne reine de Hollande Anonyme 1810-20, Rijksmuseum

Le sujet continue sa course en Hollande, avec cette charge contre l’immoralité française : les livres sont, de haut en bas : Thérèse philosophe, La Pucelle d’Orléans et Le cabinet des dames.



Un pendant improbable

 

jean-baptiste-mallet (attr)-Femme à la cheminée Louvre frileuse houdon refusee au salon de 1783 Musee Fabre Montpellier

Femme à la cheminée, Jean-Baptiste Mallet, Louvre

La Frileuse (L’Hiver), Houdon, 1783, Musée Fabre, Montpellier

La femme reprend, devant la cheminée, la pose qui avait valu à La Frileuse d’être refusé au Salon de 1783. Plusieurs toiles similaires, de petit format, montrent également une femme nue debout, dans différentes activités. On en a tiré une série de dix gravures, visiblement conçues pour permettre la composition de séries et de pendants [15b] :

1817 Gravure de Cardon d'après jean-baptiste-mallet La Frileuse 1817 Gravure de Cardon d'après jean-baptiste-mallet La Somnambule

La Frileuse

La Somnambule

Gravures de Cardon, d’après Jean-Baptiste Mallet, vers 1817

La Frileuse, vue de dos, un pied sur un tabouret devant l’âtre, avec sa boisson chaude posée sur le guéridon, était mise en pendant avec une antithèse inattendue : cette Somnambule sortie du lit, ayant posé par terre sa bougie pour jouer de la harpe devant une fenêtre grande ouverte, à la clarté de la lune.

Une vague symbolique Cigale / Fourmi pourrait justifier cet appariement improbable, mais sans doute ne faut-il pas aller chercher plus loin que l’attrait pour « les nudités de M. Mallet; d’abord la Toilette, gravée par M. Cardon; et le Bain par M. Gérard fils; ensuite sont venues la Frileuse et la Somnambule, de sorte que ces figures, qui toutes n’ont d’autre costume que celui de la Vérité, nous montrent les femmes par les quatre côtés … Il n’y a pas de mal. Tout cela ne nuit à personne et fait plaisir à bien du monde. » [15c]



Entre 1880 et 1900 : un bon sujet impressionniste

1876-77 Degas Femme nue se chauffant MonotypeFemme nue se chauffant (monotype), Degas, 1876-77, collection particulière

Cette composition aborde frontalement le thème totalement nouveau d’une femme nue dans un fauteuil, exposant son entrecuisse à une cheminée qui flambe : elle affirme graphiquement que la femme, pattes en l’air, est comme une cheminée à l’envers.


1880 Degas la cheminee monotype MET 1880–90 Degas Femme devant une cheminee monotype NGA

La cheminée, 1880, MET

Femme devant une cheminée, 1880–90, NGA

Degas, monotype

La version de gauche flirte avec le lesbianisme, puisqu’une autre femme nue, tournant le dos à la cheminée, ouvre le lit comme pour une invitation.

La version de droite exprime le confort après la toilette, tandis que la servante sèche les cheveux et que le miroir de la coiffeuse, à droite au dessus des flacons, renvoie le reflet du foyer.

Certains monotypes de Degas sont des reprises de tableaux ou de pastels, mais ce n’est pas le cas pour ces trois-là, bien trop osés pour l’époque : la technique est de facto confidentielle, puisqu’elle ne permet de produire sur papier qu’un seul bon exemplaire. Et Degas a gardé ses monotypes secrets, jusqu’à sa mort, en 1917.


1885 Federico Zandomeneghi, pastel The-model-resting-in-the-studio-nude-before-a-fireplace 1898 Federico_zandomeneghi-woman_drying_herself-s 1911 Federico Zandomeneghi In front of the fireplace

Modèle se reposant dans l’atelier (nu devant une cheminée), Exposition impressionniste de 1886 (huile)

Femme se séchant, 1898 (pastel)

Devant la cheminée, 1911 (huile)

Federico Zandomeneghi

Si Degas n’a jamais traité le thème en dehors de ses monotypes, son ami Zandomeneghi s’est intéressé à sa composante intimiste. La cheminée est coupée par le cadrage serré et les éléments narratifs sont réduits au strict minimum, la serviette blanche, qui justifie la nudité par le thème de la toilette.


1896 Nikolai Sergeevich Matveev La cheminée Russian Art Center, Kaliningrad

La cheminée, Nikolai Sergeevich Matveev, 1896, Russian Art Center, Kaliningrad

Le thème atteint presque une dimension symboliste  avec cette jeune russe qui se prosterne pour glisser un quartier de bouleau dans le feu, comme une offrande à un dieu barbare dans dans un lieu baptismal.


Delphin Enjolras (French, 1857-1945) - Catherine La Rose (36) pastel

pastel

huile

Delphin Enjolras, vers 1900

Enjolras se fait connaître par ses huiles ou pastels de femmes en intérieur avec effet de lumière, dont celle de la cheminée. Le cadrage large permet d’inclure une bonne partie du mobilier, de très bon goût, et l’érotisme bourgeois de ces dames en déshabillé de soie n’a plus rien de commun avec celui des modèles frileux.


Delphin Enjolras (French, 1857-1945) - Catherine La Rose LES JEUNEs CHATS huile Delphin_Enjolras_-_Près du feu huile

Les jeunes chats

Près du feu

Des clins d’oeil à Boucher, tel que le chaton au ruban ou la pince à bûches, ajoutent à la respectabilité du thème.


1895-1900_Louis_Amedee_and_Goldschmidt_Edmond__Female_Nude_Seated_by_Fireside_c(mantochrome)Nu assis près d’une cheminée (mantochrome), Louis-Amedée Mante et Edmond Goldschmidt, 1895-1900

Même en photographie, l’incongruité de la nudité se fait oublier par l’accumulation éclectique de richesses (le bahut à marqueteries, le miroir et la cheminée démesurés, la chaise curule), parmi lesquelles la fille n’est qu’une porcelaine supplémentaire.


1896 albert-dagnaux-femme-qui-se-chauffe 1895 Gervex Parisienne a sa toilette musée national des Beaux-Arts Buenos Aires

Femme qui se chauffe, Albert Dagnaux, 1896

Parisienne à sa toilette, Gervex, 1895, Musée national des Beaux-Arts, Buenos Aires

Dagnaux en reste à un traitement authentiquement impressionniste, qui privilégie le prosaïsme du quotidien : la femme lève le pied en prenant appui sur le manteau, ignorant la pose plastique de la statuette dans le miroir.

En revanche, fidèle à sa réputation (voir 1 Les objets d’un scandale), Gervex exploite la composante scandaleuse du thème avec cette rousse flamboyante qui exhibe sa cambrure en s’effeuillant devant la glace, entre des bougies qui ne demandent qu’à s’enflammer.


1898 Camille Claudel Femme agenouillée devant une cheminée (La profonde pensée) 1899 camille-claudel eve-au-coin-du-feu

Femme agenouillée devant une cheminée (La profonde pensée), 1898

Eve au coin du feu, 1899

Camille Claudel

A la toute fin du siècle, les rituels de la vie quotidienne inspirent à Camille Claudel ces deux fortes sculptures…


1900 Julien Caussé
Julien Caussé, 1900

…rapidement imitées.

Article suivant : La femme au foyer : au XXème siècle 

Références :
[14a] La mine de cette accouchée / Me semble si fort en bon point, / Que volontiers pour mon pourpoint / Je voudrais la voir empêchée.
A cette gentille nourrice, / Coiffée de son bavolet, /Quand on devrait troubler son lait / Ferait bon lui rendre service.
Et pour cette jeune servante / Qui chauffe la couche à l’enfant, / Qui lui voudrait en faire autant / Je crois qu’elle serait contente.
J’entends à faire le ménage / Et surtout à dresser un lit. / Mais pour y prendre son déduit Je fais mieux encor cet ouvrage.
[15] Herold, Jacques. Louis-Marin Bonnet (1735-1793): Catalogue de l’oeuvre gravé. Paris: La Societé pour l’étude de la gravure Francaise, 1935, N°654 p 263 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1910064j/f287.item.r
[15a] D’après les dédicaces, ce pendant gravé a été constitué à la toute fin de l’Ancien Régime, à partir de tableaux dus à des peintres différents. Voir Émile Delignières « Catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Jean-Charles le Vasseur, p 32 https://books.google.fr/books?id=b1wOAAAAYAAJ&pg=PA32
[15b] Le Lever / Le Coucher ; Les Cartes / La réussite ; La Toilette / Le Bain ; La Frileuse / La Somnambule ; Le Jour de noces / Le Lendemain de noces (voir Deux moments d’une histoire)
[15c] Armand Henri Ragueneau de la Chainaye « La chronique indiscrète: Juillet-Decembre 1818 » p 170 https://books.google.fr/books?id=OXBFAQAAMAAJ&pg=PA170
[16] Fuchs, L’élément érotique dans la caricature p 97 et 98 https://archive.org/details/lelementerotique00fuch/page/n151/mode/2up

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