1 L’hypothèse de l’hostie
Hostie, petit monde, pièce de monnaie ? J’ai développé cette interrogation sur plusieurs articles, après avoir pris connaissance des deux études récentes de François Bougard : l’une qui tranche définitivement la question [1], l’autre qui ouvre de nouvelle pistes [2]. Ceux qui s’intéressent aux détails de la controverse historiographique et à l’état des lieux de la recherche auront profit à s’y reporter.
Ce premier article est consacré à l’interprétation autrefois dominante, la théorie de l’hostie.
L’apparition du disque digital
Evangéliaire de Lorsch, vers 810, Alba Iulia, Biblioteca Documenta Batthyaneum,Folio 72v | Première Bible de Charles le Chauve, 845-846 |
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Au temps de Charlemagne, la main droite du Christ de la Majestas Dei fait le geste de la bénédiction byzantine.
Dans la Première Bible de Charles le Chauve apparaît pour la première fois un objet et un geste totalement différents : tenu entre le pouce d’une part, le majeur et l’annulaire d’autre part, , le petit disque doré est ici marqué d’un chrisme. Ce motif du disque digital va être reproduit ensuite à de nombreuses reprises, avec quelques variantes (pince entre le pouce et le majeur seulement, , suppression de tout motif ou remplacement du chrisme par une croix ou un point, couleur autre que dorée).
Comput digital, Raban Maur, « De Numeris », manuscrit du 13ème,
Instituto da Bibliotheca nacional e do livro, Lisbonne
On remarquera que le geste évite de ressembler à celui de la bénédiction, ainsi qu’à aucune des figures codifiées du comput digital (manière de calculer à l’aide des mains).
La floraison soudaine de ce motif et sa quasi-disparition par la suite ont soulevé de nombreuses questions, puisqu’aucun texte conservé n’explique clairement sa signification.
Les arguments théologiques
L’imaginaire de l’Hostie chez l’évêque Ildefonse
900-1000, Paschasius Radbertus, Latin 2855 fol 63v, Gallica
L’évêque Ildefonse (postérieur de deux siècles à Saint Ildefonse de Tolède) nous a laissé l’image recto verso d’une hostie en pain azyme, large de trois doigts, qui lui était apparue telle quelle, en 845, le septième jour du dixième mois, à l’aube [3]. Le texte explicatif, dense et allusif, commence par une métaphore entre hostie et pièce de monnaie :
Si partout circule valablement la monnaie du roi de la terre, pourquoi avec encore plus de valeur ne circulerait pas toujours et partout la monnaie du roi des cieux ? |
Si valens ubique discurrit moneta terreni regis, cur non melius valens discurrat semper ubique moneta caelestis regis? |
Il évoque ensuite les points marqués sur la circonférence par une comparaison avec les roues merveilleuses de la vision d’Ezéchiel :
« L’aspect des roues et leur forme étaient ceux de la pierre de Tharsis, et toutes quatre étaient semblables ; leur aspect et leur forme étaient comme si une roue était au milieu d’une autre roue.En cheminant, elles allaient de leurs quatre côtés, et elles ne se retournaient point. Elles avaient une circonférence et une hauteur effrayantes, et à leur circonférence les quatre roues étaient remplies d’yeux tout autour. ». Ezechiel 1,17-18
Voici des points, peints sur des roues, les cinq allant en arrière et ces roues, autrement dit ces points, montrent que Dieu, qui demeure au milieu, n’a ni commencement ni fin, de même que les points ou roues tout autour. |
Ecce puncta, quae in rotis sunt picta, retro quinque acta, et rotae, id est puncta, ostendunt quod nec initium habet Deus in medio manens, nec finem sicut nec puncta, nec rota per gyrum. |
Ildefonse interprète ensuite le texte d’Ezéchiel en considérant qu’il y avait non pas une roue au milieu de chacune, mais une fixe au milieu des autres, d’où les cinq :
pendant qu’il y avait une roue dans les roues, se trouvant au milieu |
dum esset rota in rotis, consistens loco medio. |
Et en ce centre réside la Trinité. On comprend alors qu’il décrit le recto de l’hostie, où on lit Rex Deus, Iesus Christus et Lux/Pax/Gloria (remplaçant Spiritus Sanctus, qui figure au verso) ainsi que les trois mots VERITAS VITA et VIA de Jean 14,26, disposés verticalement de manière à évoquer un homme :
Si VIA est les pieds sur les terres, VERITAS est la tête dans les cieux, et VITA est la poitrine, se tenant au milieu, et redonnée aux saints (la vie éternelle). |
Si est VIA pedum in terris, est VERITAS capitis in caelis, VITA pectoris est in medio manens, reddenda sanctis. |
Ainsi le recto de l’hostie est à la fois un condensé de la Vision d’Ezéchiel et un abrégé de la Majestas Domini :
- Dieu au centre, sous la forme d’un homme évoqué par VIA VITA et VERITAS ;
- les quatre évangélistes autour, nommés et symbolisés par les points rouges (celui de Jean, qui s’est approché du trône de Dieu, se trouve assimilé avec le centre).
Ce texte montre combien, vers le milieu du neuvième siècle, la forme ronde de l’hostie pouvait être investie de significations multiples :
- pièce de monnaie,
- roue d’Ezéchiel,
- condensé de la figure divine.
La théologie de l’hostie entre 830 et 850
L’apparition du disque digital est contemporaine d’une grande interrogation théologique sur la nature de l’eucharistie :
- vers 831-33, Paschasius Radbertus, maître enseignant au monastère de Corbie, écrit le « De corpore et sanguine Domini », dans lequel il soutient qu’au moment de la consécration, le pain et le vin sur l’autel deviennent similaires au corps et au sang de Jésus-Christ, de telle sorte qu’une sorte d’empreinte, de marque (caracter) devient perceptible aux sens ;
- en 843, Charles le Chauve visite l’abbaye et demande son avis à l’abbé Ratramnus ; celui-ci rédige un autre texte nommé également « De corpore et sanguine Domini », dans lequel il présente la thèse apparemment contraire, à savoir que le corps et le sang du Christ ne deviennent pas perceptibles par les sens ; Charles le Chauve donne raison à Radbertus, en faveur d’une marque sensible.
- en 844, Radbertus rédige une seconde version de son « De corpore et sanguine Domini »,.
Le disque digital apparaît dans la Première Bible de Charles le Chauve vers 845-46, soit peu de temps après le second « De corpore et sanguine Domini », il est donc tentant de voir dans le disque une hostie, et dans le chrisme qui y est imprimé la représentation visuelle de cette marque sensible.
Ajoutons que cette période, comme le montre l’opuscule d’Ildefonse, coïncide aussi avec l’introduction, dans la liturgie, de l’hostie en pain azyme, à la place du pain avec levain.
Pour M.Schapiro dans plusieurs articles importants [4], la messe est dite : le disque digital est une hostie.
Une querelle surévaluée
La coïncidence des dates peut donc laisser penser que l’invention du motif est lié à la « querelle » entre Radbertus le « réaliste » et Ratramnus le « symboliste ».
Remarquons que s’il s’agissait de promouvoir la théorie de Radbertus, celle de la « marque sensible », ceci ne vaut que pour le prototype de la Première Bible de Charles le Chauve, marqué du chrisme : puisque tous les autres disques digitaux carolingiens seront dorés de manière uniforme.
Par ailleurs, dans son analyse serrée des textes, C.Chazelle [5] conclut que les deux théologiens, appartenant au même monastère, étaient d’accord sur l’essentiel et se différenciaient sur des nuances dont la subtilité excède largement toute représentation graphique. De plus, leur discussion portait sur la perception sensible de la chair et du sang du Christ, donc pas seulement sur l’hostie.
La promotion de l’Eucharistie ?
S’agissait-il plus généralement de promouvoir ce sacrement ? On sait que les carolingiens ont tenté de remonter à une fréquence hebdomadaire la communion, sacrement largement déserté à l’époque. Mais ces illustrations princières n’ont rien d’une propagande à l’usage des masses ; et pourquoi avoir attendu 850 pour promouvoir le sacrement, d’une manière aussi elliptique ?
Une figure illogique
Ce qui rend délicate la théorie de l’hostie est qu’elle implique une sorte d‘auto-référence . Saint Augustin l’avait déjà soulignée à propos de la Cène :
« il se portait lui-même dans ses mains, quand en confiant son propre corps il dit : « Voici mon corps », c’est bien ce corps-là qu’il portait dans ses mains. C’est l’Humilité de Jésus, .le Christ nôtre Seigneur, que de s’être confié à tant d’hommes ». Cité par [6] , p 63
Une des difficultés de l’interprétation eucharistique tient à ce quelle ajoute, dans le schéma déjà chargé de la Majestas Domini, une couche purement christique, et qui plus est auto-référente : le geste des doigts illustre en somme une préhension de soi-même.
Les arguments iconographiques
L’argument massue de Shapiro : un Sacramentaire de Tours
fol 2 | fol 3 |
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Sacramentaire, 875-900, Tours, BM 184, IRHT
L’argument massue des tenants de l’hostie, en particulier Shapiro, est fourni par ces deux fragments d’un sacramentaire réalisé à Tours :
- la première image, qui illustre la Préface de la Messe (« Vere dignum et justum est.. »), montre la main de Dieu tenant le disque doré entre le pouce et l’annulaire ;
- la seconde, qui illustre le début du Canon, (« Te ígitur, clementíssime Pater, per Jesum Christum Fílium tuum… ») montre le même disque posé sur l’autel, à côté du calice.
Le Canon étant la partie de la Messe qui conduit à la Communion, l’image de gauche montrerait indubitablement une hostie. Nous discuterons de manière détaillée cette « preuve » (voir 2 Une figure de l’Incommensurable).
Un argument très indirect de Kessler
Poème , Recto de la Majestas Domini , Première Bible de Charles le Chauve, 845-46, BNF MS Lat 1, fol 329r
Kessler ([6], p 59) fait remarquer que les mots du poème à Charles, au recto de notre Majestas Dei, décrivent l’Evangile en ces termes :
Voici le moyen de parler, la vertu, l’action pure, |
Hic modus effandi, hic virtus, hic actio munda |
Le mot « cibus » (nourriture) tombe juste au revers du petit disque , comme s’il s’agissait d’expliciter la nouveauté [7].
L’argument de Reynolds : l’Evangéliaire de Lothaire
Une des toutes dernières études en faveur de la théorie de l’hostie, celle de Roger E Reynolds [8] en 2013, trouve dans l’Evangéliaire de Lothaire une profusion de motifs promouvant l’Eucharistie. L’auteur en déduit même que les temps carolingiens ont vu une première étape de l’Adoration de l’Hostie – un rituel qui ne se développera pleinement qu’au XIIIème siècle..
Evangéliaire de Lothaire BNF Lat.266 fol 15r
A première vue, ces deux disques ressemblent beaucoup aux hosties d’Ildefonse. Les caractères Pi et Phi, très rares, signifient probablement Pater et Filius. On remarquera néanmoins que l’Alpha et l’Omega sont suspendus par un fil aux branches de la croix, ce qui donne à ce chrisme le caractère d’une enseigne plutôt que d’un simple tracé sur une « hostie ».
Evangéliaire de Lothaire BNF Lat.266 fol 71r
Les chrismes ne sont pas réservés aux disques puisque, plus loin dans le manuscrit, on les voit décorer des motifs carrés qui n’ont rien à voir avec des hosties.
Evangéliaire de Lothaire BNF Lat.266 fol 15v
Quant aux « disques », ce sont en fait des encadrements circulaires mettant en valeur un élément. Pour Reynolds, l’objet cubique serait un autel, autre motif eucharistique.
Autel, fol 15v |
Livre de l’Aigle, détail fol 2v |
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Mais cet « autel » bizarrement posé sur la tranche est en fait un livre avec ses fermoirs sur la tranche, comme on le voit tenu par les Vivants dans la Majestas Domini,
Fol 1r | Fol 2r |
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Evangéliaire de St Gauzelin, vers 830, Cathédrale de Nancy
Ces deux pages successives de l’Evangéliaire de St Gauzelin, entièrement basées sur le Livre unique comme source des Quatre Evangiles, ne laissent aucune place au doute.
Exhiber ou donner une hostie
Le geste du disque digital est si particulier que Schapiro le qualifie d’« ostentatoire ». Mais le rite de l’ostension de l’hostie ne se développera que bien plus tard, au début du XIIIème siècle. Les autres scènes liées à l’hostie montrent en fait des gestes très différents.
Exhiber l’hostie
Illustrations de la vie de saint Aubin d’Angers, vers 1100, BNF Latin 269 fol 2v, Gallica | Vita Christi, France, vers 1175 MS 44 fol 6v, Morgan Library |
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L’hostie est tenue main vers le haut, mais de manière plus naturelle, entre le pouce et l’index.
Christ du Jugement, Psautier de Rheinau, vers 1260, Ms. Rh. 167 f. 145v, Zentralbibliothek Zurich
Lorsqu’il s’agit de figurer l’Ostension proprement dite, l’hostie est montrée en compagnie du calice et des quatre plaies qui soulignent la dimension eucharistique de l’image.
Les deux attributs du Christ du Jugement, l’épée pour les Méchants et le lys pour les Justes, sont ici en lévitation devant les lèvres et derrière la main gauche. Le globe-siège est recyclé en une porte de l’Enfer qui s’ouvre sous le trône, montrant deux Juifs avec leur chapeau pointu, deux rois, et une cohorte de maudits.
Donner l’hostie
Le Baptême du Christ et la Cène
Sacramentaire de Marmoutier, 840-50, Autun, Bibl. mun., ms. 0019 bis (S019), f. 008v IRHT
Dans cette image minuscule d’un manuscrit de l’Ecole de Tours contemporain de la Première Bible de Charles le Chauve, le disque doré dans la main droite du Christ est considéré par Kessler ([9], p 118) comme la meilleure preuve que le disque digital est une hostie. Cependant, le même objet, non doré, est posé sur la table, et sa taille, comparée à l’assiette avec le poisson, montre bien qu’il s’agit d’une miche de pain, avec ses rayures en carré. Le geste du Christ partageant avec les disciples ce pain consacré (d’où la couleur dorée) est donc très éloigné de son geste dans la Majestas Domini.
Communion de St Denis,, fol 106v | Majestas Dei, fol 15v |
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Missel de St Denis, vers 1050, Latin 9436 , Gallica
Lorsque deux siècles après la Première Bible de Charles le Chauve, l’atelier de l’abbaye de Sant Vaast d’Arras a composé pour celle de Saint Denis ce missel dans un style ouvertement passéiste, le copiste a représenté le Christ donnant la communion debout, l’autel avec calice et ciboire, et l’hostie tenue de manière normale entre le pouce et l’index, comme pour éviter toute confusion avec l’iconographie du « disque digital ».
Celui-ci a d’ailleurs disparu de la Majestas Dei , qui a conservé uniquement le globe-siège carolingien (voir 3b La Renaissance carolingienne. )
Administration du Viatique, Première vie de saint Amand, 1066-1107, BM Valenciennes MS 502 fol 29 | Evangiles de Matilda, San Benedetto Po, 1075-99, Morgan mS 492 fol 100v |
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Le geste naturel pour administrer l’hostie est donc de la tenir entre le pouce et l’index.
Article suivant : 2 Une figure de l’Incommensurable
Pour le texte latin, voir Vision de l’évêque Ildefonse Ouvrages posthumes, Volume 1 Jean Mabillon, Thierry Ruinart, 1724 p 189 https://books.google.fr/books?id=pawWAAAAQAAJ&pg=PA190
[7] L’idée que l’apparition du disque digital puisse être corrélée au contexte immédiat de l’image vaut la peine d’être explorée : dans la Première Bible de Charles le Chauve, la Majestas se trouve à une place qui peut sembler inhabituelle, non pas en frontispice ou en conclusion des Evangiles, mais à l’intérieur de la section Matthieu, précisément après :
- A) la Préface de Saint Jérôme à l’Evangile de Matthieu (fol 328r),
- B) la table des matières de cet Evangile (fol 328r-328v),
- C) le poème à Charles le Chauve (qui n’a pas d’équivalent ailleurs).
Cette inclusion à l’intérieur de la section « Mathieu » se retrouve dans deux autres cas (l’Evangéliaire d’Altfrid en 800, les Evangiles du Mans, non daté). Le « poème » à Charles le Chauve est en fait une introduction textuelle aux Quatre Evangiles, tout comme la Majestas en est une synthèse visuelle : il est donc logique que cette page recto/verso se trouve au plus près du premier texte sacré, celui de Matthieu. Pour une traduction anglaise du poème, voir Paul Edward Dutton, Herbert L. Kessler, Audrad le Petit « The Poetry and Paintings of the First Bible of Charles the Bald », p 114
https://books.google.fr/books?id=uS427pixJYwC&pg=PA114&lpg=PA114&dq=Hic+modus+effandi,+hic+virtus,+hic+actio+munda&source=bl&ots=PjdjMamGgA&sig=ACfU3U07H6QpopHajYxlZPIQPmGl0piu0Q&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiSl6mjueD0AhXCA2MBHbmvCQ0Q6AF6BAgHEAM#v=onepage&q=Hic%20modus%20effandi%2C%20hic%20virtus%2C%20hic%20actio%20munda&f=false
Bonjour! Je reviens vers vous pour vous communiquer mes conclusions concernant cette « custode-livre »: vous aviez raison, mais je n’ai pas tort, néanmoins. Il s’agit d’un calembour plastique, une hybridation, que certains diront « capillaritractée », mais qui présente quelques intérêts notables : le « truc » trahit une iconologie en cours d’élaboration motivée par le désir d’exprimer ou de réitérer une idée.
Ma boite-mail reçoit mais me refuse l’envoi : je suis donc contraint de m’exprimer ici dans ce timbre-poste et de façon fractionnée, puisque ce canal paraît fonctionnel.
Comme je suis pas latiniste, je vais sur les sites de traduction pour savoir ou vérifier ce que je crois savoir. A « Semper custodia » j’ai trouvé « rester vigilant », « Se custodio »: être sur ses gardes, tandis que « Custodiam reliquerant » est une sentinelle ou un garde du corps.
Le placement en médaillon traduit une volonté honorifique ou/et mémorielle qui dit : »Memento… » ou bien « Semper… ».Donc, placé à la suite des espèces de la communion, les médaillons rappellent par la forme custode, le devoir de vigilance, et par la forme livre, le moyen de rester vigilant. La série constitue donc une paraphrase plastique des réflexions d’Augustin: la communion ne suffit pas, il faut savoir rester vigilant et intérioriser les Saintes paroles, et méditer…
Les décorations des pages dédiées aux canons évoquent des architectures. Pour les interpréter, il faut examiner leur progression, du plus luxueux au départ (tables canoniques des quatre évangélistes) au moins luxueux (tables de deux évangélistes).
1) Au départ (fols 12r à 14r), le médaillon central évoque une plaque de porphyre, et contient le titre de la page
2) Lorsque la table se subdivise en deux (fol 14v) la présence de la colonne centrale fait que le médaillon se divise lui aussi en deux, monte dans les coins, et contient le chrisme (fol 14v-15r) puis le livre (fol 15v-16r)
3) on trouve ensuite trois architectures plus simples, sans médaillons
Ce que vous appeler « forme custode » ne concerne que les 4 pages de l’étape 2, et dérive clairement du médaillon central avec un titre : il faut donc à mon avis le comprendre plus comme une plaque faisant partie de l’architecture que comme un contenant.
De plus, l’idée de custode ne vient que si on considère que les médaillons de la section 2 évoquent des hosties et ont un lien avec l’eucharistie, ce qui n’a rien à voir avec les canons contenus dans ces 4 pages.
Je ne tentais pas d’analyser l’ensemble des pages, mais juste un détail intrigant qui recèle une sorte de jeu de mot-jeu de forme : le livre suit (dans l’ordre des pages)et prolonge la communion(spirituellement); sa position inusuelle (sur le dos)constitue une invitation à la consulter et à le méditer. Mais j’ai découvert depuis hier que le seul volume ayant conservé sa reluire d’époque dispose d’un dos plat et doit pouvoir tenir debout sur son dos : le Psautier de Charles le Chauve(BNF Lat. 1), frère de Lothaire. Il dispose de ferrures à chaque coin. Je pense qu’il a été conçu ainsi pour pouvoir suivre le roi dans ses déplacements entre ses différents lieux de vie, et supporter les voyages. Lothaire a pu en posséder de semblable, mais nous ne pouvons l’assurer, évidement.
Passant au F°71, nous retrouvons sur la page d’Incipit de Marc quatre médaillons identiques, assortis sur le bord supérieur deux grues, symbole de Vigilance (je suis plus habitué à les trouver avec leur pierre en patte, au XVIe s, mais leur houpette ne laisse aucun doute; j’ignorais qu’elles fussent connues dès cette époque).
Revenons maintenant au portrait de l’empereur, encadré des deux « prétoriens », qui « veillent » sur le monarque (selon le vocabulaire de papiers anciens que j’ai lu il y a des lustres).
Celui placé à la droite de Lothaire lui passe l’épée : les Paroles de Dieu, selon Paul; Celui placé à sa gauche protège son flanc gauche avec le bouclier de la Foi (toujours selon Paul) et porte droit la lance (de la Sagesse et de la Rectutido).
L’Incipit de Luc (fol 106V) est également décoré de 4 demi-cercles (et non médaillons) contenant un livre (les quatre Evangiles), mais sans aucun oiseau : délicat donc de lier les livres aux « grues ».
S’il est vrai que la plupart des oiseaux du manuscrit ont des houpettes, il sont très différents les uns des autres et il est bien difficile d’y voir des oiseaux réalistes.
Pour la figure de Lothaire, voir commentaire suivant.
Les houpettes suffisent à déterminer les grues pour signaler ce que ces oiseaux symbolisent; l’ornemaniste médiéval n’est pas un naturaliste du XVIIIe. Il énonce un discours plastique à la fois valorisant pour le lecteur-propriétaire du livre et pour renforcer ou paraphraser le texte que son décor agrémente, avec pour but l’invitation à la lecture (et à l’état d’esprit de réception spirituel s’agissant de texte sacrés). Sa démarche n’est pas seulement passive et illustrative, elle est aussi dynamique par la part d’éléments symboliques divers(et dispersés) qui entrent en résonance avec l’esprit du lecteur.Si le livre médiéval sacré doit faire réfléchir le lecteur et pénétrer son esprit, l’ornemaniste sait qu’il doit participer à cette fonction, tout en magnifiant le texte en soi par l’ornementation.
Je suis désolé d’avoir oublié la mise en relation très pertinente que vous avez établi entre le portrait de Lothaire et celui du Christ trônant, tandis que je tâchais de traiter trop d’information sur ce sujet, neuf et intrigant pour moi. Effectivement, les peintures des manuscrits anciens ne peuvent pas se trouver face à face, et donc elles dialoguent entre deux versos ou deux rectos de feuilles. Je dois donc corriger ici : Lothaire ne commet pas un « geste de commandement », mais un geste de désignation de la constance des ses préoccupations vis à vis de Dieu. Mais le passage disant : »Tu le protèges et Tu l’équipes » peut (ou doit) être lu comme métaphore renvoyant aux métaphores de Paul, et à l’armement de la Vertu dans les illustrations de la Psychomahie de Prudence.
La question des deux prétoriens, qui figurent dans toutes les représentations impériales carolingiennes, est effectivement intrigante (d’autant qu’on ne leur connaît aucun antécédent, d’après l’article [3a1] d’Anne-Orange Poilpré). Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’invoquer Prudence et Saint Paul pour les justifier. L’épée et le bouclier forment un couple classique (attaque / défense). Cela m’a donné l’occasion de rajouter dans l’article le trifolium des Evangiles de Saint Emmeram, où ils sont accompagnés de vers explicatifs.
L’empereur fait un geste de commandement du coté gauche, vers où se porte son attention (soutenue): le coté d’où proviennent les calamités peccamineuses, et qui fait si souvent des conneries (c’est bien de cela dont il s’agit). ces gardes (custodia reliquerant)interprètent la Vigilance propre de l’empereur, ce que l’on appelle « surmoi » de nos jours.
Son trône présente une courbure de rouleau ouvert mais qui reste spiralé aux extrémité : il évoque la Sagesse des Livres de l’A T (Proverbes, Salomon, le Siracide…).
Bref, vous aurez compris : tous les détails signifiants des enluminures évoquent de façon soutenue et réitérative la Vigilance, qui vaut aussi pour la Prudence.
Je vous remercie d’avoir attiré mon attention sur cette image, qui pose effectivement question. Et sur le texte qui l’accompagne, jamais traduit à ma connaissance, et qui à mon avis apporte bien des réponses. Voir les explications dans le corps de l’article, à la fin du nouveau chapitre sur l’Evangéliaire de Lothaire.
Or, par exemple sur la Bible de St Paul Hors-Les-Murs, la personnification de la Prudence porte un livre comme attribut. »Prendre garde », « Rester vigilant », « méditer le Livre »(…) constituent les mots d’ordre de l’ornementation de l’Evangéliaire de Lothaire. Nous constatons donc que les moines de Tours ne se gênent pas pour affirmer leur rôle de directeurs de conscience, avec dans la poche l’idée en cours de maturité de la prééminence du spirituel (laquelle émerge dans l’architecture avec le massif occidental et bientôt la tour-porche…)
Mais pour l’analyste iconographique, l’intérêt est de voir une tentative (ratée et sans suite, parce que bien trop littéraire et alambiquée) de fabrication d’un signal par hybridation, comme les époques ultérieures en produiront tant(mais animales).
IL est vrai que dans l’art carolingien la Prudence a pour attribut le Livre. Mais la réciproque n’est pas toujours vraie : objet central de la Renaissance carolingienne, le Livre ne renvoie pas toujours à la Prudence. On voit bien, au moins dans les Incipit de Marc et de Luc, que les quatre livres représentent les quatre Evangiles.
Ainsi, ce petit signal énigmatique et anecdotique m’a-t-il fourni la clef, et conduit à reconsidérer l’Evangéliaire, mais encore, il questionne, et modifie le regard que je portais sur l’époque carolingienne.
Je tenais aussi à vous interpeler sur ce dernier aspect: l’ornementation développe son propre discours parallèle au texte qu’elle accompagne, elle ne se contente pas de l’illustrer, soumise et disciplinée; elle est parfois discursive, et ceci pour renforcer par d’autres chemins le poids du texte.
Je teste l’envoi pour voir si ce truc beugue encore…Bonne soirée!
Je suis bien d’accord avec vous que la décoration est souvent buissonnière, et peut suivre son propre chemin. Si ce sujet vous intéresse, je me permets de vous renvoyer à ma série d’articles https://artifexinopere.com/blog/category/interpr/iconographie/au-bord-de-limage/
sur les manuscrits à bordure du XVème siècle: un thème très étudié pour les drôleries du Moyen-Age, mais beaucoup moins après.
Je vous remercie d’avoir répondu à chacune de ces fractions, mais votre dossier a soulevé quelques énigmes qui ne me lâchent pas. Ainsi, en allant voir les sens des mots latin « viaticus » et « viatica » (tous en rapport avec le voyage), ou me souvenant des Evangiles de Rabula, qui montrent des personnages qui portent des ronds aux genoux et aux épaules (apotropaïques, semble-t-il), ou encore, en relisant le texte placé entre Lothaire et Dieu : »…Que Tu l’élèves de ta main droite… », laquelle main tient de deux doigts choisis le disque, je suis conforté dans l’idée que ce disque symbolise le salut (salut du monde, mission de Dieu-Christ sur terre, et/ou salut de chacun), ou ce que nous appellerions de nos jours le destin (et donc pas tout à fait le monde-cosmos, ni l’Auctoritas sur le monde)…Bonne soirée!
Oups! J’ai cité sans vérifier les Evangiles de Rabula, mais il s’agit en fait de la Genèse de Vienne, qui présente Jacob, Isaac, joseph, ainsi que d’autres personnages avec des pois noirs et circulaires aux épaules et aux jambes sur leurs vêtements. Les dessins de ponctuations circulaires (rosettes grises de fer, et simili-pièces d’or) sur l’Evangéliaire de Lothaire (et d’autres manuscrits) m’ont rappelé ces sortes de traces d’onction protectrices. Associés aux mains de Dieu, récurrentes et également protectrices, ils correspondraient peut-être aux imprécations constantes des prières, passées dans le langage courant: « Que Dieu te garde! », « Que Dieu nous protège! », « Que Dieu te donne la force »(les rosettes de fer)…Et sans rapport avec le cosmos ou l’Auctoritas portés par l’orbe sacrée.
On peut avoir une reproduction en couleur de la Genèse de Vienne en téléchargeant le pdf dans https://www.researchgate.net/publication/342954110_Conservation_of_the_Vienna_Genesis_and_the_new_storage_system
Les points noirs sur certains vêtements sont effectivement énigmatiques : ils ne semblent pas liés à la main d’un dessinateur particulier, bien que les spécialistes se disputent beaucoup sur ces mains (voir le tableau comparatif à la fin de https://www.academia.edu/37753462/The_Vienna_Genesis_in_the_Light_of_Early_Byzantine_Illuminated_Theological_Manuscripts)
Le rapport avec le disque digital et/ou les « ponctuations circulaires » de l’Evangile de Lothaire me semble cependant très lointain, dans le temps comme dans l’espace.
Bonjour.
Bravo pour ce gros travail d’investigation.
J’aimerais reprendre des images de votre site, où l’on voit le Christ de la parousie, pour les mettre dans une vidéo. Ce sont sans doute des images que vous avez glanées sur Internet. Donc, a priori je peux les utiliser ?
A la fin de la vidéo, je peux mentionner votre site pour ceux qui veulent avoir plus d’infos.
Bonjour
Je fais très attention ç ce que mes images soient libres de droit, donc oui, vous pouvez les utiliser. Je ne sais pas quel est le sujet qi vous intéresse dans cet article, mais je vous signale que je suis en train de le réécrire complètement et de le diviser en plusieurs, tant le sujet est riche (avec de nouvelles analyses concernant la parousie). J’espère mettre tout çà en ligne mi février.
Si vous pouvez mentionner mon site dans votre vidéo, j’en serai bien sûr ravi.
Bonjour. Je vous avais proposé ici l’identification de l’objet avec l’idée portée par le mot « tessère », je reviens donc sur cette page pour vous donner quelques éléments récoltés à l’issue d’un temps d’enquête qui s’achève avec la fermeture annuelle de la bibliothèque au sein de laquelle je pouvais mener cette tâche (le Saulchoir).
Je suis désormais convaincu que ce sont tout simplement les mots ‘symbolus'(latin)/’symbolon’ ‘symbolaion'(grec)/symbole, qui conviennent, dans certaines de leurs définitions usuelles anciennes, ou bien proches de certains de leurs prolongements modernes:
-« Contrat », « réunion chez un notaire », « acte notarial », objet de céramique brisé en deux parties conservées par les contractant pour une reconnaissance à terme (en grec)
-« Pièce de reconnaissance », « contrat » (en latin)
-« Partie visible d’une réalité immatérielle avec laquelle il forme un tout »(moderne)
(J’ai éliminé ce qui ne nous concernait pas: « confluence », « symposion », « vergue »…)
Vous souhaitiez une citation; Un sermon de st Augustin adressé aux candidats au baptême devrait vous plaire:
« Le nom de symbole est tiré d’une ressemblance, par son sens dérivé du terme: en effet, les marchands établissent entre eux un contrat (‘symbolum’) afin que leur association soit tenue par un pacte de fidélité.
Or, votre association est un échange de biens spirituels afin que vous ressembliez aux marchands qui cherchent la bonne perle. Celle-ci est la charité qui sera diffusée dans vos coeurs par l’Esprit Saint qui vous sera donné. »
(Sermon 222, 1 Pl 38, 1058…Si vous souhaitez retrouver le texte en latin. La perle se référence à Mat 13, 45; et est omniprésente dans l’imagerie du M.Â., par exemple vous pouvez compter 12 perles sur les toits de la « Jérusalem céleste » au dessus de Blanche de Castille et de Louis IX sur la page d’incipit de la Bible de Tolède.)
La notion « d’échange de biens spirituels » est ici essentielle, et l’objet se confond parfois avec une perle, comme celles qui parent les auréoles, celles des 12 portes de st Jean, etc.
La Bible ne dispose qu’une seule occurrence du mot ‘symbolus’, dans le Livre de la Sagesse de Salomon, 16, 6. Le passage évoque le Serpent d’airain, et le mot est traduit en français par « signe de salut »: « …Et ils avaient un signe de salut pour leur rappeler le commandement de la Loi. »
Sinon, le mot ‘symbolon’ apparaît chez Pllaton, Philon, Clément d’Alexandrie, le Pseudo-Denys(…), et ‘symbolus’ apparaît chez Caton (cité par Froton)et les deux Pline…Il était donc bien connu des érudits, et particulièrement par ceux maîtrisant le grec.
Ce « Christ au symbolon » est donc indubitablement transactionnel: il dispose, dans sa position céleste, de l’une des parties de ce contrat « d’échanges de bien spirituel » dont nous possédons l’autre, ici-bas, et qui sera l’objet d’un règlement à terme, au jour du Jugement. L’échange porte bien sur les notions de « rachat »/’Redemptio’, soit du prix de la libération du péché premier, certifié ou non par notre conduite de bon chrétien ou de bien moins bon chrétien. Il sera juge de cela, à terme.
(Je note entre parenthèses que notre esprit moderne – et athée pour ma part – est un peu gêné ou même choqué par l’emploi d’un vocabulaire financier au sein de la Chrétienté ancienne pour exprimer l’innovation psycho-spirituelle et relationnelle portée par Jésus de Nazareth; nous considérons donc de façon intellectuelle, forcée, dira-t-on, que les concepts spirituels se sont greffés sur les logiques de « rachat/redemptio » des esclaves ou des otages, admettant que les hommes sont esclaves et otages des leurs péchés. En tâchant de comprendre cela, nous « démonétisons » le vocabulaire lu ou entendu, et le « spiritualisons »mentalement; mais ce Christ transactionnel exhibe une sorte de monnaie: il se présente donc « remonétarisé » visuellement…Il nous faut encore le « démonétiser » tandis que son origine réside effectivement dans les logiques d’échanges monétaires énoncées par Augustin, à titre pédagogique.)
L’irruption du mot ‘symbolus’ dans la Bible n’intervient pas n’importe quand: le texte évoque les désordres qui ont alors frappé le peuple: vilénies, calomnies, jalousies, crimes divers(…) doivent être imaginés par les métaphores des « bêtes féroces » et les « morsures de serpents » qui reprennent celles de l’Exode.(Nicolas Poussin ne s’y est pas trompé en illustrant le thème, y figurant au premier plan une femme qui écarte son fils de son sein pour donner son peu de lait disponible à une femme âgée qui serait probablement sa mère: un monde cruellement inversé.)
Mais par ailleurs, ce « Christ transactionnel » fait également irruption dans l’imagerie carolingienne à une époque précise: les lendemains de la grande confrontation entre les fils de Louis le Pieux, suivi du Traité de Verdun, et au terme de deux décennies qualifiées par Elisabeth Magnou-Nortier comme celle de d’un « temps de faillite de la fidélité ». (in « Foi et Fidélité-recherches sur l’évolution des liens personnels chez les Francs du VIIe au IXe siècle », LE bouquin à lire pour saisir l’époque et l’ampleur des dégâts, et envisager le cadre mental qui prélude à la conception du « Christ transactionnel »)
(Je passe ici sur la puissante confrontation de la bataille de Fontenoy-en-Puisaye, et sur la tension forte qui l’a précédé, secouant tout l’Empire de fébrilité angoissée: rien de tel ne s’était produit depuis des siècles.)
Je ne doute pas que le (ou les) concepteur(s) du thème ait(ent) eu conscience de la nécessité de restaurer la solidité des liens entre les hommes et Dieu, et plus particulièrement entre les rois et dieu (préalable logique: la mission première des rois est mener leur peuple vers le salut; leur bon ordonnancement personnel doit se répandre sur leurs Etats).
Tout cela est « politique » et ne vous intéressera guère; je passe aux autres origines du phénomène.
Vous êtes passé très vite sans chercher à en saisir la raison sur une curiosité concernant le placement de l’image de Dieu dans la Bible de Charles le Chauve: insérée juste avant Matthieu. Il vous suffisait de consulter votre Bible et de relire le Sermon des Béatitudes (Mat 5, dans la deuxième partie); vous y auriez trouvé des phases d’une actualité terrible pour Charles:
-« Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement »(5, 22)
-« Va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite, viens présenter ton offrande » (5, 25)
-« Tu ne manqueras pas à tes serments… »(5, 33)
-« Priez pour ceux qui vous persécutent » (5, 44)
« On » a donc souhaité que Charles apaise et éteigne sa colère (et « on » a fait pareil avec Lothaire, Hincmar de Reims conseiller de Charles était en relation avec les ecclésiastiques conseillers de Lothaire… Pour lequel sera commis peu de temps plus tard une image du même thème figurant le « Christ transactionnel »)…Ou bien: Charles aura-t-il pu souhaiter que lui soit rappelé ces passages par cette correspondance ?
Concernant ces images de Dieu au sein des manuscrits, j’ai lu qu’il s’agissait d’une innovation insulaire, qui induisait une situation de face à face entre le lecteur et Dieu, partageant son intimité. J’étais un peu prudent vis à vis de cette assertion, lorsque je suis tombé sur une page stupéfiante, tirée d’un évangéliaire anglais daté de la 2nde moitié du VIIIe siècle(Bib Apos Vaticana Lat 570 F° 153).
La page présente le canon eusèbien dans son architecture feinte, avec la figure de Dieu, nous regardant avec une certaine intensité, inscrite dans le chapiteau central, et par en dessous, dans la colonne, parmi les dragonnots entrelacés, se poste un type nu en train de se caresser la barbe!! Vous savez ce que cela signifie: il se masturbe.
J’ignorais que le motif était anglais, et je fus surpris de le trouver si précoce (je ne le connaissais que dans l’Art roman du XIIe). Mais l’important pour notre affaire, sera la relation intime, on ne peut plus intime, que Dieu, dans cette image, engage avec le lecteur. Ce que Dieu signale par son regard direct dans les yeux du lecteur, est d’une crudité rare, et plutôt brusque: »Je sais bien que tu te branles quand tu te crois seul et à l’abri des regards, mais moi, Je suis Dieu et Je te vois! ».
Après avoir été voir celui-ci, si vous ne le connaissiez pas, retournez voir les première occurrences du « Christ transactionnel », et observez bien son regard. Vous conviendrez alors que la relation entre vous, les yeux dans les yeux, Lui avec son symbolon, vous-même avec vos petits péchés véniels de la journée dans la poche, rappelle le contrat premier que tout homme a passé avec Lui pour son salut. Entre vous et Lui, les yeux dans les yeux.
Il y a également dans le texte de Malachie des choses qui ont pu avoir un impact fort sur les hommes de cette époque (ainsi que sur Charles le Chauve plus précisément), comme par exemple cette question: « Un homme peut-il tromper Dieu? »(Mal 3, 8), ainsi que d’autres phrases qui entrent fortement en résonance avec ce temps précis qui voit l’émergence du thème…(sur quoi je passe pour faire bref).
Enfin, Matthieu 14 évoque « le signe du fils de l’homme », lequel signe n’est pas décrit plus avant, mais qui a pu se trouver parmi les réflexions aux origines du « symbolon » du Christ.
Mais encore, cet objet rond pose le problème de la place du cercle (avec l’arc et la perle-sphère qui en découlent)et de ses usages multiples au sein de l’univers formel de la chrétienté depuis le Haut Moyen Âge. Je ne vous en parlerai qu’ultérieurement, si vous le souhaitez.
Pour achever, j’avais évoqué « les doigts de préhension choisis »pour présenter l’objet et les gestes de bénédiction; je suis désormais formel: les gestes de bénédiction du Haut M.Â. obéissent à un code strict dans lequel la position de chaque doigt porte une indication précise (Alliance, Trinité, Auctoritas, Loi mosaïque…). Si vous portez votre attention sur ces détails, vous en arriverez à convenir avec moi que les voeux de silence des moines ont très probablement produit beaucoup plus tôt que les textes ne l’attestent (fin XIe/début XIIe)des formes de langage des signes monastique ayant développé la concision de l’expression gestuelle des mains. Et ceci semble encore associé aux codifications des gestuelles plus proprement juridiques propres aux sociétés peu alphabétisées. (Je précise en passant que ce qui est dit et répété concernant le geste de parole romain ayant évolué en geste de bénédiction est parfaitement bidon : la bénédiction à deux doigts est figurée en de nombreux exemples sur des céramiques grecques (de Grand Grèce essentiellement)datées des IVe et IIIe siècles av JC. Le geste est est effectué par une divinité, une personnification divinisée ou un héros divinisé (Héraclès) et dirigé vers un mortel (souvent défunt
mais parfois peut-être pas). Il semble signifier: « Toi et moi », ou « tu peux compter sur moi, je te protègerai »; il semble donc porter l’alliance entre une entité divine ou quasi, et un(e) mortel(le) pour un passage délicat, comme la mort, et certifier l’assistance protectrice. Le geste de parole du Christ enseignant sur les sarcophages du IIIe siècle après JC au plus tôt est un geste de parole contaminé, bénissant simultanément son auditoire; donc la rencontre de deux gestes d’origines séparées et de sens différents.)
Avec tout ça, j’ai oublié de citer un ‘symbolon’ communément utilisé par les Francs (de l’époque mérovingienne)au cours de leurs alliances et de leurs coutumes juridiques: une petite baguette appelée en latin ‘festuca’, qui était échangée, donnée, reçue ou cassée selon des conventions qui restent plutôt obscures aux historiens; mais j’en ai retenu que l’usage de ‘symboloi’ transactionnels était bien connu des Francs. Il a donc pu sembler parfaitement logique de placer un objet de ce type dans la main de Dieu pour rappeler les modalités de l’Alliance, et son terme ultime.
Concernant les logiques de don-contre don, il y a quelques topos intéressants sur le denier carolingien sur le net, et notamment de très recommandables interventions de Laurent Feller: on y apprend finalement que le denier ne peut correspondre qu’à un type d’achat correspondant aux besoin d’équipement des chevaliers (monture, armes et armure), ou bien au pain de sel nécessaire pour l’année d’une famille de paysans, mais si vous-même souhaitiez acheter un domaine ou un manoir, il vous faudrait pendre une brouette (ou même plusieurs)pour porter la somme chez le notaire(le sou et la livre sont des monnaies uniquement comptables), et si vous avez envie de croquer des radis, la marchande de radis ne saurait vous rendre la monnaie(il n’a pas de petite monnaie de cuivre ou d’alliage d’étain). Il vous faudra donc échanger pour toutes sortes de transactions. (OK, il n’y a à l’époque ni notaire ayant fonction des nôtres ni brouette et ni marchande de radis encore.)Les souverains carolingiens surveillent, standardisent et renforcent le contrôle sur la monnaie, limitent progressivement les sites de frappe, et pour finir Charles le Chauve crée une une institution qui perdure encore de nos jours; mais l’Empire reste largement sous-monétisé au regard du M.Â. central. L’obole, d’une valeur d’un demi-denier est très peu frappée, et circule peu: on n’en a quasiment pas besoin! L’économie tourne par des échanges de dons, biens contre biens, biens contre services, services contre services, se structurant par des réseaux croisés de patronage/clientèle. Le geste du « Christ transactionnel » est conçu et compris comme tel au premier regard des contemporains: il a donné, et donnera en retour de ce qu’il aura reçu de Foi pure et d’obéissance à Sa Loi.
Voici résumés les éléments que j’ai rencontré en tentant de suivre la piste de mon intuition première, concernant la genèse du thème au IXe siècle, à partir des images que vous avez eu le talent de rassembler. Bien à vous
Pour le symbolon : votre recherche sur le sujet est très intéressante, mais vous ratissez à mon avis un peu large : il y a la motif de la perle, le motif de la monnaie (unique) et la notion d’une objet contractuel divisible en une partie et une contrepartie : symbolon, ou festuca (si vous en trouvez une représentation, je suis preneur). Dans le même ordre d’idée, il y aussi le sceau et sa matrice.
Pour le « Christ transactionnel » : je vous répons dans vote commentaire suivant.
Sur le fait que la Majestas dei soit insérée juste avant Matthieu : ce n’est pas spécifique à la Première Bible de Charles le Chauve, c’est l’emplacement normal de toutes les Majestas Dei dans les Evangéliaires, avant le Premier évangile (elle sert frontispice aux quatre, pas spécialement à Mathieu.)
Sur « le signe du fils de l’homme » dans Mathieu 14 : à mon avis, ce n’est pas un signe au sens « objet », mais au sens de « présage », comme les trois jours de Jonas. En revanche, il y a bien dans le Jugement dernier, l’idée d’une « marque distinctive », mais au travers des Visions d’Hilfegarde de Bilgen. Il me semble avoir trouvé une image où le disque doré pourrait avoir ce sens (voir https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/dieu-et-le-globe/disque-digital/7-autres-significations-2/ )
Sur la gestuelle des doigts : terrain miné, je ne m’y risque pas. Sur le geste de bénédiction / prise de parole, il y a l’étude assez récente d’Angheben : https://www.academia.edu/7517516/_Le_geste_d_allocution_Une_repr%C3%A9sentation_polys%C3%A9mique_de_la_parole_Ve_XIIe_si%C3%A8cles_Iconographica_XII_2013_p_22_34
Concernant le barbu des Evangiles Barberini (https://digi.vatlib.it/view/MSS_Barb.lat.570 fol 1r) :
L’explication officielle (peu convaincante) :
http://www.beyond-the-pale.org.uk/barberininote.htm
Une collection de barbus :
http://www.beyond-the-pale.org.uk/beardpullers.htm
Une synthèse récente sur les figures luxurieuses :
https://books.google.fr/books?id=879qEig3yn4C&printsec=frontcover&source=gbs_book_other_versions_r&redir_esc=y#v=onepage&q=barberini&f=false
Personnellement, ce qui me frappe est que la figure du haut, à la barbe bifide, est connectée via les oiseaux à la figure du bas, à la barbe tenu dans la main. Si celui du bas est un pécheur, alors pourquoi pas celui du haut ? Pour moi, sa position en dessous des quatre vivants exclut qu’il s’agisse de Dieu : dans les tables des Canons du Codex Eyckensis (lui aussi d’origine insulaire), les médaillons des saintes figures sont toujours au dessus des animaux. Vous avez bien noté l’insistance sur les yeux du personnage : pour moi c’est tout simplement Ezéchiel au moment de sa vision. Sa barbe est attaquée par les oiseaux serpentiformes parce que, tout prophète qu’il soit, il fait encore partie du monde de la Chute. Le « masturbateur » du bas est tout simplement Adam, le père de l’humanité, d’où ses génitoires. Le geste de se tenir la barbe est peut être un geste d’embarras, de culpabilité. Voir par exemple le chapiteau de la Chute de ND du Port, où un ange tire Adam par la barbe, lequel tire Eve par les cheveux.
https://journals.openedition.org/imagesrevues/1865
On voit bien ici qu’Adam en bas et Ezéchiel en chapiteau forment un pilier central, sur lequel viennent s’appuyer les arcades des quatre Evangélistes : le Nouveau Testament se déploie autour de l’Ancien.
Bon, j’ai oublié un ‘s’ à « rencontrés » et aussi de vous signaler parmi les dérives tardives du motif: un roi anglais (Aethelred ?)qui tient deux disques dorés d’où s’échappent des fleurons(un dans chaque main!), en étant perché sur une roue de la Fortune, et sur le même manuscrit, le dieu Wöden (l’Odon saxon) également porteur d’un disque doré en germination: ‘Cambridge Corpus Christi College, Parker Library, Ms 66, p 66 et 69’. Il y a encore un st Jean Baptiste en médaillon qui porte en main (à la façon du disque)ce qui semble être une boule de laine de l’Agneau, sous la crucifixion de l’Abbazia di Viboldone San Giuliano Milanese.
Pour le manuscrit de Corpus Chrsti, merci beaucoup. Il m’a permis de plonger dans une iconographie très rare, celle des deux disques de Jupiter. Vous la trouverez prochainement dans la révision de cet article : https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/dieu-et-le-globe/globe-en-main/3-paires-de-globes/
Pour les fresques de l’Abbazia di Viboldone, il ne s’agit pas de Saint Jean Baptiste en médaillon, mais d’Adam et Eve de part et d’autre de l’arc triomphal . Adam rappelle (reproche) à Eve son péché, en lui montrant la pomme.
Post scriptum
Au lendemain de cette rédaction, et avec des températures plus clémentes au matin, je me dois de préciser qu’en prenant soin hier soir de ne pas avoir développé les aspects « politiques » de la genèse du motif, j’ai comme l’impression d’avoir commis une forfaiture intellectuelle. Car en effet, j’ai délibérément zappé:
– la simultanéité de l’apparition du motif avec les orientations prises par Charles le Chauve après 842/843 : les capitulaires de Coulaines et de Meerssen (et plus tard Quierzy), qui initient ce qui sera plus tard appelé « féodalité » (avec une simultanéité plus floue mais effective entre la dissolution de cette féodalité médiévale et l’éparpillement du sens de l’objet que vous relevez au cours de la 2ème moitié du XIIIe); au milleu du IXe, la concertation contractuelle se développe alors tant dans le domaine de la gestion laïque des Etats, entre souverains/suzerains et leurs vassaux, qu’entre le roi et Dieu -tel que je perçois le motif; Dans ces capitulaires, Charles applique avec soin la « théorie de l’engagement », qui ne sera formellement théorisée qu’au cours des années 1970 par l’Ecole de Palo-Alto. La coïncidence de l’émergence d’expression contractuelle n’a assurément rien de fortuit, et constitue l’un des points de départ de mes interrogations;
– l’articulation propre des relations entre les pôles de pouvoir, le Politique et le Religieux, au cours de l’époque carolingienne, et les façons diverses dont les hommes du corps ecclésiastique usent pour tenter de reprendre l’avantage après la mort de Charlemagne (culpabilisation de Louis le Pieux par des prélats qui se prennent pour Nathan face à David, ou pour Isaïe face à Ezechias, soutient et/ou stimulation de la colère de Lothaire qui mène à la déposition de son père, réalisation des « fausses décrétales » et des « faux isidoriens », et, encore, dans la voie moyenne et plus pondérée, la conception de ce motif subtil qui rappelle aux rois que Dieu trône au dessus d’eux et les jugera au jour qu’Il décidera…Et enfin la reprise progressive de l’indépendance des papes vis à vis des rois et empereurs, soulignée par l’historien dominicain – et cardinal – Yves Congar…).
Tous ces éléments que je cite un peu pèle-mêle-vite-dit, qui se précipitent autour des années 840, et mettent en place ce qui apparaîtra plus tard comme l’opposition entre le Temporel et le Spirituel qui caractérise politiquement le M.Â. central – comme vous le savez mieux que moi, qui ne suis pas fils de médiéviste reconnu !- et qui n’est pas sans incidence sur l’iconologie du Christ assis sur sa boule, les pieds posés sur l’Arc d’Alliance (ou inversement: assis sur l’Arc et les pieds sur la boule).
Ce serait donc à mon sens dans la zone de friction entre le »politique » et le « religieux » et dans les complexités des mutations du IXe siècle que serait né le thème, mais croyez bien que j’énonce cette assertion sans aucune intention polémique.
Sinon, j’avais évoqué la possible incidence de la mise en place de la dîme. Renseignement pris auprès de Jonas d’Orléans dans ses « Instructions aux laïcs », le principe de la dîme semble parfaitement admis dès les années 830. Jonas y évoque la dîme pour déplorer que certains laïcs très gros propriétaires paient leur dû à un seul prêtre qui devient donc fatalement – même si Jonas ne le dit pas – le « client » comblé par son « patron », et donc incité à accorder son absolution assez facilement. Jonas plaide pour un règlement auprès des évêques, avec charge pour eux de redistribuer aux paroisses pour un plus juste équilibre entre elles.
Toutefois, si vous vous souvenez d’avoir parfois entendu dans des lieux publics des réflexions du type « Ouais, quoi m.r.d! J’ai payé, donc j’ai le droit de… » – réflexions souvent émises par des gens dont le comportement se situe à la limite de l’incivilité délibérée – vous pourrez imaginer que le paiement de la dîme a pu permettre à quelques-uns de considérer implicitement que la valeur des dons opérés les autoriseraient à commettre impunément quelques péchés véniels, ou parfois plus lourds…
Ainsi, même si les règlements se font uniquement en nature, ces masses de denrées et de vin livrées aux paroisses correspondent malgré tout à des valeurs monétaires, quoique idéelles. Le ‘symbolon’, « monnaie spirituelle » tenue par les doigts de Dieu rappelle aux donateurs que la véritable valeur de leurs offrandes obligées est aussi spirituelle: Dieu re-spiritualise ce qu’il a reçu de comestible au nom de la Charité, et du même geste, exhibe le signe de Sa miséricorde, qui sera ou non accordée à chacun, en fonction de l’intériorisation effective de sa loi et de son amour. A ceux qui s’estiment quitte d’avoir réglé la dîme, Dieu pose la question: »Crois-tu que cela suffise? Crois-tu que ton nom soit inscrit dans le Livre de Vie, que je tiens fermé dans mon autre main? ».
Il engage un dialogue avec chacun; dialogue intérieur pour chaque conscience. Il se présente donc comme un ‘speculum’…Et d’ailleurs, c’est justement à cette époque que sont rédigés les premiers « Miroirs »(qui ne se dénomment pas encore ainsi, mais emploient le mot dans leurs pages).
La richesse des implications liées à cette figure de ce Christ « transactionnel » que vous m’avez révélé, tant du coté du contexte de crises complexes qui l’a fait apparaître, que de celui de son impact et de sa durable prévalence, méritait que je m’y attarde un peu, quitte à devoir vous fatiguer avec des considérations d’ordre historique, donc sociétales et « politiques », auxquelles vous semblez vouloir échapper. (Soit dit sans reproche aucun; mon propre regard sur les productions artistiques anciennes s’interroge toujours (peu ou prou, mais inévitablement) sur les sociétés qui les ont créées. Ce qui me rend présentement bavard; j’arête là). Bien à vous.
Pour le « Christ transactionnel » : la formule est intéressante, et l’idée que le Christ tient la monnaie du rachat l’est tout autant, mais à mon avis improuvable. Le seul exemple net de transaction que j’ai trouvé, à la crypte de Saint Aignan sur Cher, est bien postérieur à l’invention du motif (voir https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/dieu-et-le-globe/disque-digital/6-la-fortune-du-disque-digital/ ).
Il y eu beaucoup d’innovations carolingiennes (la controverse sur l’hostie, l’introduction du denier et de la dîme) qui se passent plus ou moins « en même temps ». Le fait que l’image du Christ avec le globe digital ait perduré au delà montre qu’elle n’était pas tant liée que cela au contexte politique carolingien. Mais je peux me tromper bien sûr.
J’ai consacré un article (https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/dieu-et-le-globe/disque-digital/3-la-nuance-du-monde-purifie/ ) pour étudier la concomitance entre l’apparition du motif de la monnaie dans les manuscrits carolingiens, et celle du disque digital (hostie=monnaie de Dieu, vraie monnaie opposé à la fausse monnaie, etc…). Ma conclusion était :
« On voit que l’invention du disque digital coïncide avec l’intérêt pour les métaphores cosmiques, et avec le développement du discours graphique des monnaies, mais ne s’y réduit pas. »
Pour moi, il ne faut pas se focaliser sur le disque digital : son apparition simultanée, dans la Première Bible de Charles le Chauve, avec l’autre innovation graphique majeure qu’est la mandorle en huit prouve une origine commune : le renouveau de l’étude des grands textes visionnaires (Isaïe et Ezéchiel) par le scriptorium de Tours (voir https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/dieu-et-le-globe/mandorle-double/3-mandorle-double-symetrique/) .