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La mort dissimulée (1/2) : par derrière

10 septembre 2020

Cet article est consacré au différentes manières de dissimuler un crâne au premier regard, stratégie payante pour un effet Eurêka qui frappera d’autant plus le spectateur.

Le crâne ostentatoire

Commençons par un aperçu de la stratégie inverse et bien plus répandue.

Barthel Bruyn l'ancien Portrait d'un chevalier 1531 Kunshistorisches museum ViennePortrait d’un chevalier de Malte
Barthel Bruyn l’Ancien, 1531, Kunsthistorisches Museum, Vienne
Barthel Bruyn l'ancien_Portrait_of_a_Noblewoman_-1530-35 Museo Correr VenisePortrait d’une noble dame
Barthel Bruyn l’Ancien, 1530-35,
Museo Correr Venise.

Comparons ces deux portraits du même peintre et de la même période, mais de deux personnes n’ayant rien à voir l’un avec l’autre (ils ne sont pas mari et femme).



Barthel Bruyn l'ancien Portraits crene schema1
Dans le portrait masculin, tout est construction et emblème. La croix de Malte divise la toile en quatre secteurs :

  • celui où se trouve le chevalier ;
  • celui de son ombre sur le mur, de son âge (37 ans), et du sablier déjà à demi passé ;
  • celui du crâne ;
  • celui de la devise, dont les trois parties correspondant justement aux trois autres secteurs :
Vis,
pense à la mort,
l’heure fuit
Perse, Satire V
Vive,
memor lethi,
fugit hora

Le crâne est celui d’un enfant géant : autrement dit un monstre, l’emblème même de la Mort en général, que le chevalier apprivoise avec stoïcisme de sa main armée de la vieille maxime latine.



Barthel Bruyn l'ancien Portraits crene schema2
Dans le portrait féminin, le crâne gracile est probablement celui de la vivante et les orbites tombent à l’aplomb de ses yeux  : par sa main gauche posée sur la calotte, elle s’approprie non pas La Mort, mais sa propre mort, grâce à sa piété dont le missel tenu dans sa main droite est la preuve.

Cet exemple a pour mérite de montrer avec quelle facilité et quelle sophistication le crâne, qui était quelques années auparavant l’attribut de Saint Jérôme et de Sainte Marie-Madeleine, s’est sécularisé au début du XVIème siècle, devenant l’emblème revendiqué de l’humanisme pour les uns, et de la piété pour les autres.


HM1W3A John Tradescant the Younger

Portrait du botaniste et jardinier anglais John Tradescant le Jeune
Thomas de Critz (attr), 1652, National portrait gallery, Londres

Nous comprenons encore bien que le crâne soit un emblème de la piété, du stoïcisme ou de la philosophie naturelle : mais nous avons totalement oublié que pendant au moins deux siècles, le crâne rapé en poudre, et surtout la mousse qui pousse naturellement dessus, étaient devenus des ingrédients très appréciés de la pharmacopée [0].



La suite de cet article va être consacrée au mouvement inverse : comment, après avoir rendu le crâne populaire, les artistes se sont ingéniés à le contourner, comme pour en ranimer la puissance subversive.

La Mort derrière le Couple


Durer 1498 Das Liebespaar und der Tod (Der Spaziergang).

Le couple d’amoureux et la Mort (La Promenade)
Dürer, 1498

La grande plante à gauche et le tronc à droite sont souvent associés à l’homme et à la femme, pour des raisons variées. Il est pourtant clair que la plante à deux tiges, et qui penche déjà, illustre la fragilité du couple et de l’amour ; alors que le tronc tortueux et dont on ne voit pas le haut amplifie la rugosité du squelette et l’infinitude du sablier.

L’image joue évidemment sur la référence à un autre couple et à une autre menace arboricole…


Hans Sebald Beham Adam and Eve 1525-271525-27 Hans Sebald Beham Adam and Eve 15431543

Adam and Eve, Hans Sebald Beham

C’est Hans Sebald Beham qui l’explicitera par deux fois, d’abord de manière discrète puis dans une composition extraordinaire, où le serpent, l’arbre et le squelette fusionnent.

Mis à part cet artiste, pratiquement personne n’a représenté de crâne ou de squelette avec le couple d’Adam et Eve, alors que pourtant le Péché originel est la cause directe de la mortalité humaine. Sans doute parce que le crâne était préempté par une image encore plus forte : celle de la Crucifixion sur le Lieu du Crâne (Golgotha), où était selon la légende enterré le crâne d’Adam.


Hans_Thoma 1897 Adam et Eve Musee ermitage

Adam et Eve
Hans Thoma, 1897, Musée de l’Ermitage

Il faudra attendre Hans Thoma et son amour de la Renaissance germanique, pour s’autoriser cette audace.


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Oskar_Zwintscher Der Gram, 1898, Stadtische Galerie Dresden

La Douleur (Der Gram)
Oskar Zwintscher, 1898, Städtische Galerie, Dresde

Telle un vautour posée sur le rocher, la Mort pentadactyle caricature par ses griffes les feuilles pentalobées des marronniers, opposant sa pesanteur minérale à la légèreté du vivant.


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Gustav Klimt 1915 TodLeben Musee Leopold Vienne

Mort et Vie
Gustav Klimt, 1915, Musée Leopold, Vienne

Prélude à la visibilité (SCOOP !)

Une femme dont on ne voit que le crâne, un homme au visage en raccourci, une vieille femme penchant la tête, trois femmes au yeux clos portant un enfant endormi : de bas en haut, la partie droite fonctionne comme un prélude à la visibilité, dans un monde utérin où toute l’humanité s’entasse dans un sommeil de moins en moins profond.



Gustav Klimt 1915 TodLeben Musee Leopold Vienne detail
Jusqu’à la femme en haut à gauche, qui ouvre les yeux et se confronte avec la Mort, laquelle l’attend avec son gourdin pour la renvoyer dans l’inconscience.


Gustav Klimt 1911 TodLeben premier etat

Mort et Vie
Gustav Klimt, 1911, Mort et Vie, premier état

Cette idée de confrontation est apparue lorsque Klimt, en 1915, a effectué une profonde refonte de la composition, rajoutant les trois filles autour de la mère et le gourdin entre les mains de la Mort.



La Mort derrière la Femme

Les Danses Macabres [0] ont engendré le thème prolifique de la Jeune Fille et la Mort :  sa forme  iconique est celle du squelette qui apparaît dans le dos de la Jeune Fille, ajoutant à l’affriolant le piment du suspens et de la menace.

mathieu merian 1725 Danse macabre de bale 1440 La pucelle
 
La pucelle, Danse macabre de Bâle, 1440 
Gravure de Mathieu Merian, 1725 
 

Sur le cas très particulier où la femme tient un miroir, voir 4 Fatalités dans le rétro

Durer Frau mit Tod 1502 ca Weimar, Schloss-MuseumDürer, vers 1502, dessin, Schloss-Museum, Weimar Schäufelein, Hans Leonhard, Frau und Tod ca. 1506 staedelmuseum. FrancfortHans Leonhard Schäufelein, vers 1506

Ici la mort se comporte comme un garnement, tirant par derrière les jupes de la promeneuse.


Hans Baldung Grien, 1515, Kupferstichkabinett, Berlin jacques-de-gheyn-ii 1610-1620 vanitas-(der-tod-und-das-mädchen)Jacques de Gheyn II, 1610-1620
verno-camillo 1900 ca -death-and-the-maiden coll privCamillo Verno, vers 1900, collection privée PJ Lynch Death and the maiden, 2010P.J. Lynch, 2010

La Jeune Fille et la Mort

Le thème du miroir inutile et de la coquette en péril (voir 1 La Coquetterie : diabolique ou mortelle) va rendre familière pendant plusieurs siècles l’idée, propice à de multiples contrastes, d’avoir un squelette dans le dos.


Horst-Janssen-Orig-Plakat-Tod-und-Maedchen-Oslo-1985-handsigniert

Affiche de Horst Janssen pour une exposition à Oslo en 1985

C’est incontestablement Horst Janssen qui en a saisi l’essentiel.



La Mort derrière le Maître

Transposée au masculin, l’image perd sa connotation érotique et sert, au départ, d’avertissement sur la vanité de la richesse ou du pouvoir.

mathieu merian 1616 Danse macabre de bale 1440 Le peintre
La pucelle, Danse macabre de Bâle, 1440
Gravure de Mathieu Merian, 1616

Transposée à cet homme particulier qu’est l’Artiste, elle flirte avec l’image de la Muse se penchant sur son oeuvre par dessus son épaule ; puis à la fin du XIXème siècle elle s’inverse, devenant la figure obligé de l’Artiste qui non seulement ne craint pas la Mort, mais se nourrit d’elle et en triomphe.


Holbein Portrait de Johannes Zimmermann (Xylotectus) 1520 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

Portrait de Johannes Zimmermann (Xylotectus)
Ecole de Holbein le Jeune, 1520, Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg

 

1520. Ce n’est pas la ΦΙΛΑΥΤΙΑ (égoïsme) haissable que peint la forme trompeuse, mais l’heure qui met en fuite les jours doux, afin de montrer combien sont changeants les vents pour le maître de maison, et en combien peu de temps la maladie fait tomber la beauté. Après avoir accompli six lustres par la grâce de Dieu, tel j’étais, Johannes Xylotectus.

MDXX PINGERE FALLACEM NON PRAVA ΦΙΛΑΥΤΙΑ FORMAM / FECIT SED PLACIDOS QUAE TERIT HORA DIES / UT VIDEAS ERI QUAM SIT MUTABILLIS AURA / TEMPORE VEL MORBO FORMA CADATQUE BREVI / DUM SEX DIVINO COMPLEREM MUNERE LUSTRA / TALIS IOANNES TUNC XILOTECTUS ERAM

Ce portrait posthume a été peint alors que Zimmermann venait de mourir brutalement de la peste. Le squelette tenant son sablier apparaît comme le double de l’humaniste tenant sa lyre. Cette idée de fusion consommée apparaît en haut à droite, où les armoiries de Zimmermann, sommées du crâne et du sablier, deviennent celles de la Mort elle-même. Sur le pilastre d’en face, la figure de Samson vainquant le lion est un symbole de la Résurrection espérée.



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Master H. F. 1524 Portrait of a Young Merchant Akademie der bildenden Künste Vienne
Portrait d’un jeune marchand
Monogrammiste H. F, 1524 Akademie der bildenden Künste, Vienne

Le jeune homme de trente quatre ans retourne son livre de musique et se plonge dans une mélancolie que matérialise le transi derrière sa tête : « BETRACHT DAS ENDE / Considère la fin) ».


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Holbein Hans, le Jeune 1527-28 ou 1532-34 Portrait de Sir Brian Tuke NGAHans Holbein le Jeune, 1527-28 ou 1532-34, NGA, Washington Holbein Hans, le Jeune 1540 copie Portrait de Sir Brian Tuke Munich, Alte PinakothekAnonyme, vers 1540, copie d’après Holbein, Alte Pinakothek, Münich

Portrait de Sir Brian Tuke

Le papier plié sur la table porte un verset de Job :

Mes jours ne sont-ils pas bien courts ?

Job 10 : 20

NVNQVID NON PAVCITAS DIERVM

MEORVM FINIETVR BREVI

C’est peut être ce texte qui a conduit le copiste anonyme a rajouter le sablier que le squelette sortant de l’ombre montre de l’index droit, en brandissant sa faux de la main gauche.



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Johan Elias Ridinger

Johan Elias Ridinger 10 avril 1767 Selbstbildnis-mit-Tod-SMB-PK-KupferstichkabinettAutoportrait avec la Mort
Johan Elias Ridinger, 1767, SMB-PK-Kupferstichkabinett, Berlin
mezzotinte de Johann Jacob Ridinger_Bildnis_Johann_Elias_Ridinger 1767Portrait de Johann Elias Ridinger dessinant à la lampe
Mezzotinte de son fils Johann Jacob Ridinger, 1767

Le premier peintre a avoir eu l’idée d’adapter le thème à son propre usage est semble-t-il Johan Elias Ridinger, dans ce dessin réalisé très peu de temps avant sa mort. Tandis que son fils le représentera vieilli, sous un rideau et à la lumière d’une lampe, il se voit mourir en jeune homme, en plein jour, sous des rideaux transparents, le pinceau délicatement enlevé par une mort couronnée de lauriers.


Johann Elias Ridinger Triumph of Death. Engraving & etching after Andrea AndreaniLe Triomphe de la Mort, Johann Elias Ridinger, d’après une gravure de 1588 d’Andrea Andreani johann-jacob-ridinger-after-johann-elias-ridinger-the-rule-of-death 1760Le gouvernement de la Mort, Johann Jacob Ridinger, d’après Johann Elias Ridinger, 1760

Cette idée de recycler en plein âge des Lumières la vieille figure médiévale de la Mort qui vient par derrière tient certainement à la familiarité de Ridinger avec les allégories macabres, qui en fait un artiste beaucoup moins mineur qu’il ne semble [1].

Mais cette première résurrection n’aura pas de suite notable contrairement à la suivante, un siècle après…



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Portrait posthume de Gericault 1824 ca Musee de Rouen
Corréard, Portrait posthume de Géricault, vers 1824, Musée des Beaux Arts, Rouen

Comme on ne prête qu’aux riches, ce tableau est supposé être le dernier autoportrait de Géricault, peint avec lucidité à l’approche de la mort. Cette image de l’artiste romantique se représentant en crâne est malheureusement une légende : on sait au contraire que ceux qui assistèrent à ses derniers moments évitèrenet de le portraiturer, afin de ne pas l’inquiéter. Le tableau a probablement été réalisé d’après son masque mortuaire. [1a].



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Arnold Böcklin

Bocklin autoportrait avec la Mort 1872 Alte Nationalgalerie Berlin

Autoportrait avec la Mort jouant du violon
Arnold Böcklin, 1872, Alte Nationalgalerie, Berlin

On a dit que Böcklin aurait eu l’idée de la toile en voyant le Portrait de Sir Brian Tuke à Münich. Mais on pourrait tout aussi bien invoquer la série de la Danse macadre de Holbein, où la mort vient par derrière ou joue d’un instrument de musique dans plusieurs gravures [2] .


Frans Francken II, La mort demande au vieil homme de faire une derniere danse, 1635, Musee Banque nationale BelgiqueLa mort demande au riche vieillard de faire une derniere danse
Frans Francken II, 1635, peinture sur cuivre, Musée Banque Nationale de Belgique [3]
Alfred Rethel 1851 La Mort comme etrangleur Tod als ErwurgerLa mort comme Etrangleur (Tod als Erwürger)
Alfred Rethel, 1851, gravure surs bois

Dans la logique de la Danse macabre, d’autres artistes avaient déjà eu l’idée du violon de la Mort. Dans le tableau de Francken, la Mort au deuxième plan fait un pacte avec le jeune homme, puis revient dire au riche vieillard que son billet n’a plus court.

Sur la gravure de Rethel, qui fonctionne en pendant, voir Les pendants d’histoire : XIXème siècle.

L’originalité de l’idée de Böcklin est que la Mort n’arrive pas en triomphatrice, mais en inspiratrice, en crâne derrière le crâne. C’est cette Muse macabre qui va faire la fortune du thème dans les pays germaniques.



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Hans Thoma

Hans_Thoma 1875 Selbstbildnis_mit_Amor_und_Tod Staatliche Kunsthalle Karlsruhe

Autoportrait avec l’Amour et la Mort
Hans Thoma, 1875, Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe.

Trois ans après, Thoma reprend à son compte l’idée du crâne inspirateur, ici couronné de laurier, lui promettant à l’oreille la gloire dans une sorte de pacte faustien. Il rajoute de l’autre côté l‘Amour, auquel il donne dit-on les traits de Cella Bertenender, qu’il venait de rencontrer et devait épouser peu de temps après. Enfin, il fait voler au centre des deux emblèmes, au niveau du monogramme avec la date, un papillon dont les ailes tiennent de l’un et de l’autre la brièveté (voir Le crâne et le papillon).


hans-thoma 1876 amor-und-tod-(cupid-and-death) coll priv
L’Amour et la Mort
Hans Thoma, 1876, collection privée

L’année suivante, le symbole de l’éphémère devient la marguerite effeuillée par le couple sur fond de ciel crépusculaire, tandis que l’Amour de sa flèche tient encore un moment la Mort en respect. Sa main, qui repousse le grand chapeau rond et noir du squelette, fait écho à celle de la femme sur le bord de la corolle blanche.



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Vincent_van_Gogh 1886 January-February Head_of_a_skeleton_with_a_burning_cigarette Van Gogh Museum (F0212) 24.5 x 32 cm ×Crâne fumant une cigarette, peint en janvier-février 1886 à Anvers (F0212) Vincent_van_Gogh 1886 Printemps Paris Autoportrait à la pipe Van Gogh Museum F0208 27,2 cm x 19,0 cmAutoportrait, Printemps 1886, peint à l’arrivée à Paris (F0208)

Vincent van Gogh, Van Gogh Museum

Personne ne sait si ce squelette fumeur n’est qu’une pochade en réaction contre les études académiques, ou une allusion à des soucis de santé, ou un coup de chapeau à l’art macabre de Rops [3a].

Ou bien s’il s’agit du tout simplement du premier autoportrait allégorique de Vincent…


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Oskar_Zwintscher 1897 Autoportrait Chemnitz, Stadtische KunstsammlungenAutoportrait
Oskar Zwintscher, 1897, Stadtische Kunstsammlungen, Chemnitz
Bocklin autoportrait avec la Mort 1872 Alte Nationalgalerie BerlinArnold Böcklin, 1872

Le jeune peintre rend un hommage brillant à son devancier : il rajoute des couleurs sur sa palette et ouvre l’arrière-plan sur une ville médiévale, d’où la Mort monte jusqu’à l’atelier pour interposer son sablier entre le pinceau et l’oeuvre.



Oskar_Zwintscher 1897 Autoportrait Chemnitz, Stadtische Kunstsammlungen detail
Graphiquement, on appréciera l’idée (analogue à l’analogie entre les serres et les feuilles de marronnier), des traces sombres déposés sur la palette par les doigts d’os.


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Albert BESNARD Autoportrait - Gravure pour la suite Elle - 1900Autoportrait, Gravure pour la suite Elle , Albert Besnard, 1900 Saturnino Herran Autorretrato_con_calavera_(c._1918)Autoportrait au crâne
Saturnino Herrán, vers 1918, collection privée
Luigi Russolo 1908 Autoportrait avec des cranes Civico Museo d'Arte Contemporanea, MilanAutoportrait avec des crânes, Luigi Russolo, 1908, Museo Civico d’Arte Contemporanea, Milan Alban Taracole 1952 Autoportrait Galerie Ambroise DucheminAlban Taracole, 1952, Galerie Ambroise Duchemin

Les seuls exemples que j’ai trouvés en dehors de la sphère germanique.


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Jacek Malczewski

Jacek Malczewski 1902 selfportrait with skull coll privAutoportrait avec un crâne, 1902 collection privée Jacek Malczewski 1910 Self-portrait with deathAutoportrait avec la Mort, 1910 collection privée
Jacek Malczewski 1916 Self-portrait - life and death,coll privAutoportrait avec la Mort et la Vie, 1916, collection privée Jacek Malczewski 1917 La mort (Smierc ) Muzeum Sztuki LodzLa mort (Smierc), 1917, Muzeum Sztuki, Lodz

L’inconvénient du sujet, surtout chez un peintre aussi m’as-tu-vu que Malczewski, est qu’il délivre en une seul prise une dose massive de symbolisme, dont l’effet est puissant mais court.



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Bien plus subtil est son mode d’action lorsqu’il nous est administré, exactement dans la même période, par un autre grand égotiste, le prodige de l’expressionisme…

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Schiele

 L’Envol, 1915

Egon Schiele Entschwebung (Die Blinden II, Heilige) 1915 Leopold Museum Vienne

L’Envol (Les Aveugles II, les Saints) Entschwebung (Die Blinden II, Heilige)
Egon Schiele, 1915, Leopold Museum, Vienne

Ce tableau important (exposé à la Sécession de Berlin en 1916, en face de Mort et Vie de Klimt) permet de saisir comment la technique du double autoportrait, chez Schiele, est un moyen d’embarquer le spectateur dans le tableau.

Le premier Schiele, les pieds en contact avec la terre, montre des deux mains la direction du ciel ; le second, au dessus, flotte en apesanteur ; encore plus haut, la ligne d’horizon crée un puissant effet de contre-plongée, qui mécaniquement entraîne le spectateur dans l’Envol.

Le même procédé était déjà en oeuvre, de manière plus discrète, dans le tout premier des doubles portraits de Schiele, cinq ans plus tôt.


Die Selbstseher I, 1910

Egon Schiele 1910 Decembre Die Selbstseher I ancienne collection Grunbaum perdu
Les voyants de soi-même I (Die Selbstseher I)
Egon Schiele, Décembre 1910, ancienne collection Grünbaum, confisqué par les Nazizs et disparu

Deux Schiele nus et asexués se regardent dans un miroir : celui de devant cligne de l’oeil, bouche fermée, cache sa main gauche dans son dos (puisqu’il s’agit d’une image dans le miroir) et ramène de la main droite le tissu contre son torse. Celui de derrière l’imite, les deux yeux et la bouche ouverte. Unique en bas, le corps se dédouble en une individu bicéphale et à deux mains droites.

Une lettre, qui très probablement concerne ce tableau, révèle l’importance que Schiele, âgé d’à peine vingt ans, lui accordait et l’effet qu’il cherchait à obtenir.

« Avec le temps, vous serez tellement convaincu que vous commencerez non pas à poser votre regard dessus, mais à l’intérieur. Le tableau est celui dont G. Klimt a dit qu’il serait heureux de voir de tels visages. Il est certainement, à l’heure actuelle, au plus haut [!] de ce qui a été peint à Vienne. « 

Lettre de Schiele au Dr. Oskar Reichel, 1911

In gewisser Zeit werden Sie so vollständig überzeugt sein darüber, sobald Sie beginnen, nicht daraufzusehen sondern hineinzuschaun. Das Bild ist jenes, worüber G. Klimt geäußert hat, er wäre froh solch Gesichter zu sehen. – Es ist sicher, gegenwärtig, das höchste [!] was in Wien gemalt wurde. »

Les deux verbes quasi-synonymes qu’emploie Schiele : daraufzusehen / hineinzuschaun suggère qu’il y ait deux manières de voir et en l’occurrence de se voir soi-même, puisque tel est le titre du tableau : une qui tient de l’extériorité et une de l’intériorité.

Un autre aphorisme de Schiele exprime la même distinction :

Le Peintre peut regarder, mais voir, c’est bien plus

Schauen kann auch der Maler, sehen ist aber doch mehr.

On peut disserter longtemps et sans doute assez vainement sur le thème du Doppelgänger, de la sortie de soi et de l’introspection spéculaire, dans la Vienne psychanalytique du début du XXème siècle :

« L’extase implique une séparation du corps et de l’esprit, un pas hors de soi comme moyen d’auto-examen, et les spécialistes tels que Steiner et Sáez soutiennent que c’est le cas du double autoportrait de Schiele… Effectivement, la tradition littéraire du Doppelgänger implique un sentiment d’extase, le double extracorporel voyant dans le sujet principal des qualités que celui-ci ne peut pas voir ». Lori Anne Felton, [4], p 121


Les Prophètes, 1911

Egon Schiele 1911 prophets-double-self-portrait

Les Prophètes (double auto-portrait)
Egon Schiele, 1911,  Marlborough-Gerson Gallery, New York

Cet autre double auto-portait reproduit exactement la différence d’expression des yeux et de la bouche entre les deux visages, que Lori Anne Felton a certainement raison d’associer avec les deux verbes employés par Schiele dans sa lettre :

« Schiele dépeint le couple comme étant engagé dans deux actes distincts de vision, une figure «regardant» (schauen/daraufsehen) et une «voyant» (sehen / hineinschauen). La distinction est évidente dans Les Prophètes, où la figure de devant regarde latéralement d’un oeil paresseux, l’autre étant fermé, tandis que celle de derrière lève ses sourcils pour scruter ; et dans Les voyants de soi-même I, dans lequel la figure de devant cligne de l’oeil avec application, tandis que celle de l’arrière voit en profondeur et avec assurance. » Lori Anne Felton, [4], p 115


Die Selbstseher II, 1911

Egon Schiele 1911 Die Selbstseher II_(Death_and_Man) Leopold Museum Vienne

Les voyants de soi-même II (La Mort et l’Homme)
Die Selbstseher II (Tod und Mensch)
Egon Schiele, 1911, Léopold Museum Vienne

Le second titre a été choisi par Schiele lui-même comme pour induire en erreur le spectateurs ou commentateurs naïfs, qui s’appliquent à voir l’Homme dans la figure en couleur, et la Mort dans la figure en négatif.



Egon Schiele 1911 Die Selbstseher II_(Death_and_Man) Leopold Museum Vienne detail
Alors que si celle-ci est bien présente dans le tableau, c’est sous la forme inattendue du crâne à l’orbite énorme qui surgit du décor, pour peu que le spectateur réussisse à décaler son regard des yeux jumeaux qui le fixent. C’est à ce regard en biais vers la vérité des choses que Schiele veut nous accoutumer.

Un autre trucage magnifique est la main ouverte du premier plan, qui semble ne pouvoir appartenir à aucune des deux figures : ce serait donc la main droite du spectateur tentant de les repousser dans le tableau.



Egon Schiele 1911 Die Selbstseher II_(Death_and_Man) Leopold Museum Vienne detail main
En fait il s’agit de l’avant-bras gauche (puisque vu dans le miroir) de la figure à l’habit noir, replié contre son épaule dans une pose désarticulée comme Schiele les affectionne.


Egon Schiele 1910 Decembre Die Selbstseher I ancienne collection Grunbaum perduDie Selbstseher I Egon Schiele 1911 Die Selbstseher II_(Death_and_Man) Leopold Museum Vienne inverseDie Selbstseher II (inversé)

Tandis que Selbstseher I décrit un tentative de mimétisme entre deux Soi symbolisant deux modalités de la vision, Selbstseher II montre un Vivant les yeux bien ouverts, derrière lequel se blottit son double spirituel les yeux clos et effrayé, pourchassé par l’oeil vide de la Mort : regarder est  le privilège du Corps inconscient de sa fin, tandis que l’Esprit ici tente de ne pas voir.



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Lovis Corinth

lovis corinth Autoportrait avec un squelette 1896 Lenbachhaus Munich

Autoportrait avec un squelette, Lovis Corinth, 1896, Lenbachhaus, Münich.

Le squelette est à la fois pendu au crochet et crucifié sur le meneau de la verrière., sur fond de cheminées infernales. La stature imposante de l’artiste est postée devant le carreau entrouvert, comme pour empêcher la Mort de se répandre sur la ville.


corinth 1916 Der Kunstler und der Tod IL’artiste et la Mort I corinth 1916 Der Kunstler und der Tod IIL’artiste et la Mort II

Lovis Corinth, 1916

Après son accident vasculaire cérébral en 1911, Corinth reprend le thème en situation d’infériorité, coincé entre le squelette et le crâne de bouc.


Corinth 1916 doppelbildnis_mit_skelett_(double_portrait_with_skeleton)

Double portrait avec squelette
Corinth, 1916

Ici il décerne le squelette à l’amateur d’art, se réservant la couronne de lauriers et le trophée.


corinth 1922 Totendanz 1 Der Kunstler und der Tod corinth 1922 Totentanz 5 Tod bei Strucks

Lovis Corinth, 1922, portfolio Totendanz

Dans cette série de cinq gravures avec squelette, deux le placent à l’arrière-plan :

  • derrière l’artiste, dont la montre-bracelet modernise le traditionnel sablier ;
  • derrière le couple Hermann et Mally Struck (son professeur de gravure), protégés par la lecture de la Bible [6]



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Ivo Saliger

Ivo Saliger 1918 Der Krieger (Selbstbildnis als Ritter mit dem Tod)

Le Guerrier (Autoportrait en Chevalier avec la Mort)
Der Krieger (Selbstbildnis als Ritter mit dem Tod)
Ivo Saliger, gravure, 1917-18

La Première Guerre Mondiale a été l’occasion pour plusieurs artistes allemands de décliner de manière plus ou moins directe le thème du Chevalier et de la Mort, sous l’influence de la célèbre gravure de Dürer (Le Chevalier la Mort et le Diable, 1513) [6]

Saliger montre une fusion complète dans laquelle la Mort en armure blanche marche, comme une ombre inversée, derrière le chevalier en armure noire. Le motif de la tige sous le tissu unifie l’étendard de l’une et l’épée de l’autre.


Ivo Saliger 1920 ca Pierrot et la mort gravure
Pierrot et la mort
Ivo Saliger, gravure, vers 1920

La paix revenue, Saliger s’amuse avec cet autre paradoxe, où la mort qui a peur de son ombre se blottit contre l’homme en blanc.

Saliger, qui poursuivait tranquillement ses études à l’Académie de Vienne pendant la Première Guerre Mondiale, est devenu plus tard un des peintres préférés d’Hitler, se spécialisant dans des nudités champêtres et des Saintes Vierges qui font regretter ses débuts [7].


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Max Pechstein 1920 Self-Portrait with DeathAutoportrait avec la Mort, Max Pechstein, 1920 Max Pechstein avant 1933, photographie Ewald HoinkisMax Pechstein avant 1933, photographie Ewald Hoinkis

Même thème la même année, par un peintre « dégénéré » qui, lui, était ancien combattant. La Muse est fumeuse et la Mort charmeuse, essayant une perle au cou du peintre.



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Yehuda_Pen 1924 Self-Portrait_with_Muse_and_with_DeathMuseum of Vitiebsk

Autoportrait entre Muse et Mort
Iouri Pen, 1924, Museum of Vitiebsk.

Iouri Pen, le vieux maître de Chagall, est toujours resté fidèle au style réaliste. Il a ici 70 ans, et sera assassiné dans des circonstances mystérieuses en 1937.



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Autoportraits avec crâne, Andy Warhol, 1977, Andy Warhol Foundation

Le collage photographique ouvre une nouvelle manières de juxtaposer le mort et le vif.


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Janssen

Horst janssen Hanno's Tod. Dreiundzwanzig Selbstbildnisse zu einem Text von Thomas Mann aus den Buddenbrook
Série Hanno’s Tod, Dreiundzwanzig Selbstbildnisse zu einem Text von Thomas Mann aus den Buddenbrook, 1972


Horst Janssen, Hanno’s Tod Blatt 9, 1972Blatt 9, série Hanno’s Tod, 1972 Horst janssen 18.12.72 serie Hanno’s Tod18.12.72 série Hanno’s Tod
Horst janssen 18.12.72 serie Hanno’s Tod bis

18.12.72 série Hanno’s Tod

horst janssen selbst,-19.12.72 from-hannos-todSelbst, 19.12.72, série Hanno’s Tod,cc

horst janssen sans titre 15-12-72 from-hannos-tod

15.12.72, série Hanno’s Tod,

Plusieurs gravures de cette série de 23 d’autoportraits gravés (tous créés en un peu moins d’une semaine, entre le 15 et le 21 décembre 1972) montrent une fusion plus ou moins prononcée de l’artiste avec un crâne. Bien que le nom du cycle vienne du personnage de Hanno Buddenbrook du roman de Mann, mort du typhus à l’âge de 15 ans, le crâne est bien celui de Horst Janssen et la décomposition/recomposition qu’il nous montre sous tous les angles est bien la sienne [8].


horst-janssen-selbst-im-bademantel 21 10 1974

Selbst-im-bademantel 21 10 1974

Deux ans plus tard, cette composition à la Corinth commémore la série et suspend temporairement les exercices de fusion.


Hosrt Janssen Self Portrait (Komischer Nikolaus) , 29 11 1981Komischer Nikolaus, 29-11-1981, gravure éditée par Luciferlag, Kunsthaus Lübeck Horst Janssen Je ne meurs pas, je suis la Mort Retrospektive auf Verdacht 6-12-81Je ne meurs pas, je suis la Mort, Retrospektive auf Verdacht, 6-12-81
Hosrt Janssen Moi heroique 22 11 1982 pastelMoi héroîque, 22-11-1982, pastel. Horst Janssen, zu Paranoia, 1982Zu Paranoia, 1982

Ils reprennent en 1981-82



Horst janssen 19-2-198219-2-1982 Horst-janssen-exposition-2001Affiche pour l’exposition de 2001 au musée d’Oldenburg

Hosrt Janssen

La virtuosité de Janssen remodèle dans tous les sens et dans tous les médias la vieille image germanique.



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Beard of Moss 2012 Self Portrait With Death Playing Fiddle

Self Portrait With Death Playing Fiddle
« Beard of Moss », 2012

Hommage à Böcklin par un blogueur anonyme.


Références :
[0] Pour plus de détails sur ce produit d’exportation typiquement irlandais, voir https://www.historyireland.com/18th-19th-century-history/skulls-for-sale-english-conquest-and-cannibal-medicines/
[0a] Sur le thème inépuisable de la danse macabre, on peut consulter :
http://www.totentanz-online.de/
http://www.lamortdanslart.com/
[1] Sur les différentes gravures de Ridinger sur des thèmes macabres ou de Vanité, voir https://www.luederhniemeyer.com/ridinger-niemeyer/ridinger.essays/vanitas.php
[1a] Germain Bazin, « Théodore Géricault, Étude critique, documents et catalogue raisonné », Tome I, p 230-231 https://view.publitas.com/wildenstein-plattner-institute-ol46yv9z6qv6/c-r_theodore_gericault_tome_i_wildenstein_institute/page/230-231
[4] Lori Anne Felton, « Egon Schiele’s Double Self Portraiture », dissertation, 2015 https://repository.brynmawr.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1134&context=dissertations
[6] Pour une collection sur le thème de la Mort et du militaire, voir http://www.totentanz-online.de/themen/verzeichnis-krieg.php

La mort dissimulée (2/2) : autres procédés

10 septembre 2020

D’autres procédés ingénieux pour faire surgir le crâne sans l’exhiber…

Le crâne sous le manteau

Cette manière de dissimuler le crâne apparaît fugitivement et mystérieusement vers 1520

Lucas de Leyde 1519 ca Portrait d'un jeune homme METPortrait d’un jeune homme avec un crâne
Lucas de Leyde, vers 1519
Hondius Portrait de Lucas de Leyde vers 1610Portrait de Lucas de Leyde, Hondius, vers 1610

La formule est probablement inventée par Lucas de Leyde, en tout cas on n’en connaît pas d’antécédent. Le fait que Hondius ait repris plus tard la gravure pour un portrait de Lucas de Leyde ne prouve pas qu’il s’agisse au départ d’un autoportrait : on remarque qu’il a supprimé au passage les plumes démésurées.


lucas_van_leyden_a_young_man_standing dessin coll priv

Portrait d’un jeune homme
Lucas de Leyde, dessin, collection privée

Comparée à ce dessin, l’intention caricaturale de la gravure semble évidente : le jeune élégant montre le crâne chauve dans une dérision inconsciente de sa propre exubérance capillaire. L’idée est très probablement de transposer au masculin la Vanité déjà bien établie de la coquette au squelette : tandis que celle-ci ne voit pas le crâne que le spectateur voit, c’est ici l’élégant qui montre, tout en le cachant, le crâne qu’il a eu l‘audace de dérober.

L’image est donc instable : la caricature du jeune arrogant qui se vante de maîtriser la mort glisse facilement en un éloge de la lucidité, le spectateur étant mis en situation de complice, capable de voir lui-aussi la vérité des choses.


Attr Jan Jansz. Mostaert 1525 ca Portrait d'un jeune homme tenant un memento mori coll priv

Portrait d’un jeune homme tenant un memento mori
Attr à Jan Jansz. Mostaert, vers 1525, collection privée

Ainsi c’est sans aucune intention ironique que la gravure est reprise dans ce tableau d’un jeune homme sage : la violette posée sur le parapet dit son humilité et le crâne transformé en objet d’art portant la devise « Nil certius (rien de certain) » trône sous les gibets et les bateaux fragiles.



Attr Jan Jansz. Mostaert 1525 ca Portrait d'un jeune homme tenant un memento mori coll priv detail
L’image de la main demi-gantée est peut-être une transposition du manteau de Lucas de Leyde : il est bon de montrer la Mort à distance, mais il faut se garder de la toucher directement.


Jacob Binck apres 1520 Autoportrait

Autoportrait
Jacob Binck, après 1520

C’est également l’option valorisante que choisit Jacob Blinck dans cet autoportrait avantageux :

  • la fourrure et la chaîne en or affichent sa prospérité ;
  • le crâne et la mouche prouvent sa virtuosité ;
  • le médaillon de Minerve sous son béret le place sous le signe de la sagesse ;
  • la coupe d’eau claire exalte sans doute sa lucidité.


Portrait of Jacob Binck engraved after self-portrait by Simon Frisius um_1611

Portrait de Jacob Binck, Simon Frisius, vers 1611

En reprenant la gravure pour immortaliser Binck, Frisius remplacera la coupe peu lisible par un docte parchemin, et rationalisera le crâne en le montrant suspendu à la chaîne, comme si l’artiste véritable était celui qui transporte en permanence la Vérité contre son coeur.


Anonyme, apres 1520, Ashmolean Museum

Anonyme, apres 1520, Ashmolean Museum

A l’inverse, ce graveur anonyme tire l’image vers le thème classique la la Vanité de la richesse : la tête de mort n’est plus suspendue comme un trophée : elle émerge au contraire du manteau, menaçant de son regard vers le haut le jeune homme qui compte ses pièces.


Bouts 1519-1524 Autoportrait au crane Brukenthal National Museum, Sibiu

Autoportrait au crâne
Albrecht Bouts, 1521, Brukenthal National Museum, Sibiu

Le portrait a été identifié récemment [1] , par comparaison avec un autoportrait de Bouts en donateur :


Albrecht Bouts et son epouse Elisabeth de Nausnydere, Triptyque de l'Assomption de la Vierge
Albrecht Bouts et son épouse Elisabeth de Nausnydere, Triptyque de l’Assomption de la Vierge (volet droit)
Albrecht Bouts, ,Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles

L’image explique que pour peindre les chairs avec vérité, il faut connaître ce qui se cache dessous. Le vieil Albrecht Bouts se présente comme un artiste à la fois et savant et courageux :

  • le manteau évoque la peau ouverte par la dissection,
  • mais sa fourrure est impuissante à réchauffer le transi.



Le crâne-miniature

Une autre technique pour escamoter le crâne consiste à la cacher dans un détail, dont la découverte est d’autant plus marquante.

Wolf Traut 1501 Portret van Hans Gyger Staedel Museum, Frankfurt am MainPortrait de Hans Gyger, Wolf Traut, 1501, Sädel Museum, Francfort Theobald_von_Erlach 1616 Historical Museum of BernTheobald von Erlach, 1616, Musée Historique de Berne 

Une première coquetterie avec le crâne est de transformer en bijou, anneau ou bibelot qu’on tripote entre ses doigts.



Pendant with a Memento Mori, second half of the 16th century, gilded enamel. Musées Royaux d’Art et d’Histoire

Pendant avec Memento Mori, 1550-1600, Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles

Au XVIème siècle, ces objets de curiosité sont à la mode, manière portative d’exorciser la mort,


Lorenzo Lotto, Portrait of a Man, c. 1535. Rome, Galleria Borghese. Lorenzo Lotto, Portrait of a Man, c. 1535. Rome, Galleria Borghese.detail

Portrait d’homme (peut être le condottiere albanais Mercurio Bua)
Lorenzo Lotto, vers 1535, Galleria Borghese, Rome

Ici le crâne entouré de pétales de rose, qui vient en complément symbolique de la scène de Saint Georges combattant le dragon au dessus, laisse supposer que l’homme était un militaire.


Thomas_Gresham,_1544 collection of the Mercers' Company of the City of LondonPortrait du financier Thomas Gresham,
Anonyme, 1544, collection de la Mercers’ Company of the City of London

1544 est une grande année pour Thomas Gresham, qui épouse Anne Ferneley, la veuve d’un riche marchand (d’où les initiales AG et TG encadrant la devise « J’aime, je sers et l’obéis »).

Il se fait représenter non pas à mi corps, formule déjà luxueuse pour un marchand de son époque, mais dans un portrait en pied, tel un grand de ce monde, vêtu avec une ostentatoire austérité.

Le crâne sous son monogramme est censé être le sien, et renvoyer à la modestie : mais renversé par terre dans un coin, il renforce plutôt qu’il n’amoindrit la superbe du personnage.


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anonymous-swiss-(18)-bildnis-eines-ordenmannes-mit-stab-mit-totenkopf-und-gesprengten-fussfesselnReligieux
Anonyme suisse, XVIIIème siècle, collection privée

Un cas de surréalisme involontaire sur lequel on ne sait rien.


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Edvard Munch Autoportrait 1895 LithographieAutoportrait
Edvard Munch, 1895, lithographie.
Self Portrait 1988 by Robert Mapplethorpe 1946-1989Autoportrait
Robert Mapplethorpe, 1988, Tate Gallery

L’élément macabre sert de repoussoir au visage fantomatique de l’artiste.


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Kellar_and_his_servants,_magician_poster,_ca._1894

Affiche du magicien Kellar, vers 1894

Référence subliminale au crâne chauve du magicien.


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Mossa

Mossa Elle 1905 Musee Cheret Nice detail.Elle (détail), Musée Chéret, Nice Mossa 1905 Portrait psychologique de l'auteur coll priv detailPortrait psychologique de l’auteur (détail), collection privée
mossa-elleElle (détail), Musée Chéret, Nice Mossa 1905 Portrait psychologique de l'auteur coll privPortrait psychologique de l’auteur (détail), collection privée

Gustav Adolf Mossa, 1905

Mossa 1917 Les parques Musee Cheret Nice detailMossa 1917 Les parques Musee Cheret Nice

Les parques 
Gustav Adolf Mossa, 1917, Musée Chéret, Nice

Crânes art nouveau pour femmes fatales.


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Andreasilva60, Deviantart

Deux fantasmes féminisés des deux Guerres Mondiales : le hussard de la Mort (qui a mis à bas celui de l’Empire) et l’auxiliaire SS.

Images à système

Des dispositifs ad hoc  permettent de faire apparaître la Mort à volonté.

Anamorphoses

holbein_the_younger_-_the_ambassadorsLes ambassadeurs
Hans Holbein le Jeune, 1533, National Gallery, Londres [2]

L’anamorphose du crâne aux pieds des deux amis est la Vanité condensée des objets du savoir qui s’étagent au dessus. « Memento mori » était la devise personnelle de Jean de Dinteville. Le surgissement du crâne répondait probablement à une mise en scène, telle qu’imaginée par Baltrusaistis :

« Le visiteur avance pour voir les choses de près. Le caractère physique et matériel de la vision se retrouve encore accru lorsqu’on s’en approche, mais l’objet singulier n’en est que plus indéchiffrable. Déconcerté, le visiteur se retire par la porte de droite, la seule ouverte, c’est le deuxième acte. En s’engageant dans le salon voisin, il tourne la tête pour jeter un dernier regard sur le tableau et c’est alors qu’il comprend tout : le rétrécissement visuel fait disparaître complètement la scène et apparaître la figure cachée. Au lieu de la splendeur humaine, il voit le crâne. Les personnages et tout leur attirail scientifique s’évanouissent et à leur place surgit le signe de la fin. La pièce est terminée. »


Holbein_Skull-e1349792355123 holbein_the_younger_-_the_ambassadors_-_google_art_project detail epingle

On sait moins que le béret de Jean de Dinteville porte une autre anamorphose de crâne, qu’aucun point de vue humain ne peut cette fois résoudre.


anam salvador-dalí 1968 le-crane,-anamorphose anam salvador-dalí 1968 le-crane,-anamorphose volume

Le crâne
Salvador Dalí, 1968



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Images à double point de vue

anam La Reine Mary d'Ecosse, vers 1580, National Gallery of Scotland, Edimbourg

La Reine Mary d’Ecosse, vers 1580, National Gallery of Scotland, Edimbourg

Un memento Mary !


anam Stephan Balkenhol Memento Mori 2009 1 anam Stephan Balkenhol Memento Mori 2009 2

Memento Mori
Stephan Balkenhol, 2009



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Images à retourner

HB 1657-63 LAGNIET Jacques - pl.54 du « Premier livre des proverbes » A HB 1657-63 LAGNIET Jacques - pl.54 du « Premier livre des proverbes » B

Jacques Lagniet, pl.54 du « Premier livre des proverbes « , 1657-63


HB 1600-1700 Imagerie espagnole A HB 1600-1700 Imagerie espagnole B

Imagerie espagnole, XVIIème siècle

Tourne-moi, et en moi tu verras,
Ce que sans aucun doute tu seras

En moi tu vois bien clairement
Ce que tu seras plus tard


HB 1649 TODTEN-TANTZ, WIE DERSELBE IN DER LÖBLICHEN UND WEITBERÜHMTEN STATT BASEL ALS EIN SPIEGEL MENSCHLICHER BESCHAFFENHET A HB 1649 TODTEN-TANTZ, WIE DERSELBE IN DER LÖBLICHEN UND WEITBERÜHMTEN STATT BASEL ALS EIN SPIEGEL MENSCHLICHER BESCHAFFENHET B

Danse des morts semblable à celle qui se trouve dans la louable et célèbre ville de Bâle, comme miroir de la nature humaine (TODTEN-TANTZ, WIE DERSELBE IN DER LÖBLICHEN UND WEITBERÜHMTEN STATT BASEL ALS EIN SPIEGEL MENSCHLICHER BESCHAFFENHET )
Gravures de Mathieu MERIAN, édition de 1649,


HB 1744 CHOVIN pl.85 de La Danse des morts, comme elle est depeinte dans la louable et celebre ville de Basle d’apres Mathieu MERIAN A HB 1744 CHOVIN pl.85 de La Danse des morts, comme elle est depeinte dans la louable et celebre ville de Basle B

Gravures d’après Mathieu MERIAN, édition Chovin, 1744


HB Militarisme Carte postale A HB Militarisme Carte postale B

Militarismus

du berceau à la tombe
pourquoi les mères élèvent-elles vos enfants?
Vous trouverez la réponse en tournant simplement cette image.

van de wieg tot het graf
waarloe brengt gÿ Moeders uwe kinderen groot ?
het antwoord vint gÿ door deze prent slechts om te draaien


HB 2002 Giacinto Gaudenzi Tarot de Durer - la Mort A HB 2002 Giacinto Gaudenzi Tarot de Durer - la Mort B

Tarot de Dürer : la Mort
Giacinto Gaudenzi, 2002



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Tracts japonais dépliables (1942-45) [3]

Japon tract de propagande pour soldat Australien GotHisFoodJap

Ce gars a été malin

Japon tract de propagande Sacrificed

Sacrifié ! Ces marchands de guerre américain peuvent mener à cela

Tracts de propagande à l’intention des soldats australiens.


Japon tract de propagande OKA1Pass

OK, je suis passé mais…

Japon tract de propagande UnforgettableEmbrace

Sous la même Lune, l’Amour ou l’Agonie



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Images à métamorphose

Une image vue de près, une autre vue de loin : un grand nombre de ces « Kippfiguren » mettent en scène un crâne, parce qu’il permet des contrastes frappants, et parce que sa forme simple est reconnaissable entre toutes [4] .

illusion 1870 ca floraison et pourrissementBlossom and Decay
Masonic Hall, Town, Beamish Museum
illusion 1870 ca floraison et pourrissement bluethe und verwesung.jpgBluethe und Verwesung

Floraison et pourrissement, 1860, chomolithographie de I.K. Defeher, 

La plus ancienne image à métamorphose d’un crâne est d’inspiration maçonnique, comme le montrent le compas et l’équerre, et la dédicace de la version anglaise : « dedicated by permission to the Right Honorable The Earl of Zetland M.W.G.M., London »

Thomas, second Comte de Zetland, était Grand Maître des Francs Maçons d’Angleterre de 1843 à 1869. Ignatius Krausz Defeher n’était pas un artiste, mais un Franc Maçon d’origine hongroise, marchand de ficelle à Vienne et auteur en 1859 d’un brevet pour un corset pour enfant (Erfindung eines Kindermieders). Comme le raconte la presse maçonnique de l’époque [5], il mourut prématurément en 1862 à Dalston, et sa veuve avec ses quatre enfants ne pouvait compter que sur la charité des Frères, la lithographie ayant été piratée par un éditeur peu scrupuleux. On retrouve Annie-Augusta Defeher en 1873 ,déposant un brevet pour « An improved domestic ustensil for shaping and ornementing butter and pastry », dont on espère qu’il a lui a apporté plus de succès.



illusion 1870 ca floraison et pourrissement detail
L’invention de Defeher est à double détente : le titre semble faire allusion aux deux plantes (le conifère et le parasite du vieux mur) alors qu’il sert de piste pour voir le crâne derrière le jeune couple : devinette symbolique bien dans le goût des Francs-Maçons.


illusion 1892 C. Allan Gilbert Tout est vanite publie par Life en 1912.
Tout est vanité
C. Allan Gilbert, 1892, publié par Life en 1912

L’idée des flacons représentant les dents vient probablement de la composition de Defeher. Gilbert avait réalisé cette image  dès 1892, alors qu’il n’avait que 18 ans. Mais c’est sa publication par Life en 1902 qui lança universellement la mode du crâne à métamorphose.


illusion politique La famille imperiale de Russie illusion politque 1905-10 skulltur1905-1910

Le procédé sert pour la propagande contre la Russie impériale, ou contre le Kultur germanique.


Bernhard Gutmann 1905 ca n the midst of life we are in death carte postale

« In the midst of life we are in death »
Carte postale Bernhard Gutmann, vers 1905

Au sommet du genre, une illusion particulièrement savante et presque indécelable.


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Deux peintres majeurs du XXème siècle vont prendre la relève des illustrateurs…

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Un autoportrait nostalgique (SCOOP !)

Frida Kahlo 1939 Couverure de Cazeaux Traite theorique et pratique de l'art des accouchements A

Couverture de Cazeaux : « Traité théorique et pratique de l’art des accouchements »
Frida Kahlo, 1939, collection privée

Frida s’approprie l’image métamorphique de Gilbert, en se représentant elle-même à la table de toilette :

  • vue de dos, avec boucle d’oreille lunaire et noeud rouge dans les cheveux ;
  • vue de face, avec boucle d’oreille aviaire et coiffée d’un chapeau fleuri.

Le liquide dont elle émerge signale que la scène est, comme un bateau dans une bouteille, incluse dans un flacon de parfum : son bouchon, un noeud rose analogue à celui des cheveux, met en équivalence ce qui se passe à l’intérieur de la fiole et ce qui se passe à l’intérieur de la tête : la transformation d’une femme en cadavre.

La cigogne tenant son baluchon évoque à la fois le thème du livre et le traumatisme personnel de ses fausses-couches, au début des années 30. A côté de la palette saignante, un oiseau tenant dans son bec une lettre pour Diego s’envole vers l’autre face.


Frida Kahlo 1939 Couverure de Cazeaux Traite theorique et pratique de l'art des accouchements A Frida Kahlo 1939 Couverure de Cazeaux Traite theorique et pratique de l'art des accouchements B

Car l’oeuvre complète est un diptyque nostalgique, offert à Diego Rivera peu après leur séparation. Au verso, un crâne au sourire triste, portant un foulard communiste, arbore sur son front la canne, la béquille et le fauteuil roulant de Frida, à côté d’un oiseau qui s’envole vers l’autre face, portant une lettre pour elle.

Ainsi la femme-crâne et le bon squelette tentent-ils de renouer leur dialogue de part et d’autre du traité : comme si « L’Art des accouchements » signifiait ici : « La Peinture ».



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illusion Dali 1939 Ballerine - Tete de mort coll privBallerine – Tête de mort, 1939, collection privée illusion Dali 1942 Campagne contre les maladies veneriennesCampagne contre les maladies vénériennes, 1942

Dali


illusion photo Can you see the skull Morning Tea by Serge N. KozintsevCan you see the skull – Morning Tea, par Serge N. Kozintsev illusion photo Room skull Ali GulecRoom skull, par Ali Gulec

Des photographes astucieux ont transposé la technique.



1599px-Totenkopfnilpferd
Mur peint à Lima :

  • rhinocéros ;
  • deux personnes dans un café ;
  • crâne.

Un record !


Références :
Je présente ici une sélection subjective. Pour une histoire et une collection complète de cette illusion,voir « Skull Optical Illusions », Optical Illusions Museum, [4] 2009 http://www.ilusionario.es/descargas/skull-optical-illusions.pdf
Pour une collection plus récente https://marinni.dreamwidth.org/664430.html
[5] The Freemasons’ Monthly Magazine, July 26, 1862: Page 12 https://masonicperiodicals.org/periodicals/mmr/issues/mmr_26071862/page/12/

La mort recto-verso

10 septembre 2020

Le dispositif le plus efficace pour produire un effet de stupeur est de cacher la figure de la Mort au revers d’un innocent portrait.

La mort en face

La formule en pendant, où le vif se trouve représenté en tête à tête permanent avec son propre squelette, n’a été utilisé que dans un cas exceptionnel.

Anonyme 1487 Double portrait macabre de Hieronymus Tschekkenburlin, Bale, Kunstmuseum A Anonyme 1487 Double portrait macabre de Hieronymus Tschekkenburlin, Bale, Kunstmuseum B
 
 Anonyme, Double portrait macabre de Hieronymus Tschekkenbürlin en jeune homme, 1487, Kunstmuseum, Bâle

« Le portrait de gauche pourrait être la moitié d’un portrait de fiançailles. Le jeune homme regarde son vis-à-vis et, de la main droite, lui présente une fleur. Le second tableau de représente pas la jeune fille attendue, mais le squelette…. » Jean Wirth, la Jeune fille et la Mort p 41

L’inscription autour du cadre explique cette extraordinaire composition :

portrait de Ieronymus Tscheckenbürlin. Licencié impérial en droit. Ordonné chartreux à 26 ans en 1487. Mourut dernier prieur des Chartreux en 1536

BILDNUS IERONIMUS TSCHECKENBURLIN KEISLISCHER RECHTEN LICENCIAT CARTHEUSER ORDENS SEINES ALTERS 26 IOR ANNO 1487
STARB LETSTER . PRIOR DER . CARTHVS . ANNO . 1536

 Ce portrait en habit profane fait allusion aux circonstances de l’entrée au couvent de ce riche fils de famille, un événement qui, à l’époque, ne passa pas inaperçu :

« Après une vie d’étudiant tumultueuse à Paris et à Orléans, en mai 1487, glorieusement vêtu et festivement décoré, conduit par de nombreux amis et accompagné par une foule énorme sur le pont du Rhin, il s’en alla chez les Chartreux pour renoncer à tout jamais, derrière leur porte, au monde et à ses joies «  [1]

Réalisé donc lors de l’entrée dans les ordres du jeune juriste, ce pseudo-diptyque nuptial, dans lequel le jeune homme, à gauche, occupe la place traditionnelle du mari, assimile le renoncement au monde à une sorte de fiançailles avec sa propre mort. Car le squelette ricanant, qui regarde l’époux en joignant les mains dans une parodie de désir, ne représente pas la Mort en général : mais bien le squelette-même de Hiéronimus, lequel se regarde sans frémir dans cette sorte de miroir du futur. Raison pour laquelle l’inscription du cadre a été complétée, côté squelette, avec la date de sa mort.


Anonyme nach 1487, Der Kartausermonch Hieronymus Tschekkenbürlin blickt dem Tod ins Gesicht. Diptychon

Anonyme, Double portrait macabre de Hieronymus Tschekkenbürlin en moine chartreux,
après 1487, Historischesmuseum, Bâle

Dans cette version postérieure, le squelette a été recopié à l’identique, mais Hieronymus est maintenant revêtu de son habit de chartreux.
L’inscription est intéressante par ce qu’elle ajoute et ce qu’elle ne dit plus :

Fut Chartreux à la Pentecôte 1487. Fut le dernier prieur avant la Réforme. Mort en 1536 dans la robe de l’ordre, dans la miséricorde divine à l’âge de 75 ans.

IERONIMUS TSCHECKENBÜRLIN J.V.J . WARD CARTHEÜSER AUFF PFINGSTEN 1487. WARD DER LESTZTE PRIOR VOR DER REFORMATION. STARB IN 1536 IOR IN DER KUTTEN IM ORDEN DEM GOTT GNADE SEINES ALTERS 75

En même temps qu’a disparu sa qualité de « licencié en droit », l’habit profane de Ieronymus a été remplacé par la « robe » dans laquelle il est mort. Ainsi le diptyque provocant et tourné vers le futur du fiancé de la Mort est transformé en une représentation institutionnelle qui glorifie son passé : celui du Dernier Prieur qui contemple pour l’Eternité les épreuves qu’il a surmontées, la mort de son Ordre et la sienne propre.


Anonyme nach 1487, Der Kartausermonch Hieronymus Tschekkenbürlin blickt dem Tod ins Gesicht. Diptychon revers
Au revers du squelette figure un crâne ricanant, avec un serpent s’échappant de sa commissure.



La mort au verso

Cette formule, visuellement moins agressive que la confrontation directe, naît simultanément , à la fin du XVème, en Italie et dans les Pays du Nord. Mais c’est surtout dans ces derniers qu’elle se développera et perdurera pendant une centaine d’années.

V.Stoichita a dégagé les différents enjeux de la formule, que je résume ici en trois points :

  • logiquement, le crâne constitue l’opposé absolu du portait ;
  • graphiquement, la niche (un creux sombre et fermé) est aussi l’opposé du portrait (un espace coloré et ouvert vers l’arrière).
  • fonctionnellement, dans son état fermé, la niche constitue un trompe-l’oeil qui s’inscrit dans la continuité du mur ; ouvert, le portrait devient une fenêtre sur un ailleurs.

« La négativité absolue de l’objet (évidente surtout lorsqu’on le considère comme projection inverse du portrait) se marie avec l’illusionnisme ostentatoire de la représentation. Le crâne est le négatif du portrait comme l’envers est le négatif de l’endroit. L’endroit est l’espace consacré à l’image, son revers la face consacrée à la vérité. Jamais la «nature» n’a été plus «morte» que dans ces incunables du genre, qui révèlent déjà la convergence de trois thèmes majeurs : le trompe-l’oeil, le métapictural, la vanitas ». [2]



En Italie

Andrea Previtali 1502 Museo Poldi Pezzoli Milan recto Andrei Previtali 1502 Museo Poldi Pezzoli Milan verso

Andrea Previtali (dit Cordeliaghi), 1502, Museo Poldi Pezzoli, Milan

 

Voici la beauté, voici la forme qui reste.
Cette loi est la même pour tous.

HIC DECOR HEC FORMA MANET
HEC LEX OMNIBUS UNA

Les deux faces étant peintes tête-bêche, on suppose qu’elles pivotaient autour d’un axe horizontal [3] . Ainsi l’image du jeune homme vigoureux, à la chevelure abondante et au regard intense, pouvait-elle basculer en son exacte antithèse : le crâne chauve aux orbites vides.



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Bellini, Giovanni. Portrait d'un jeune homme, vers 1475-80. Birmingham, Barber Institute of Fine Arts rectoPortrait d’un jeune homme, Giovanni Bellini, vers 1475-80,Barber Institute of Fine Arts, Birmingham (huile) Bellini, Giovanni. Portrait d'un jeune homme, vers 1475-80. Birmingham, Barber Institute of Fine Arts versoRevers présumé, Collection privée, Florence (tempera)

Ce panneau formait le couvercle d’un coffre à héritage, qui contenait le buste en marbre de Angelo Probi, ambassadeur du Roi de Naples à Venise, mort en 1474. On suppose que le portrait représente son fils éploré.

L’inscription dans le marbre, « NON ALITER », Pas autrement, a été interprétée comme l’affirmation de l’habileté de Bellini à inscrire dans le temps une ressemblance fidèle.

On pense avoir retrouvé le revers, séparé, recoupé et cassé, dans une collection florentine. A l’opposé du jeune homme protégé derrière sa plaque de marbre verticale, le crâne est posé sur une plaque horizontale formant tombeau. Si ce revers est bien le bon, l’inscription prend alors le même sens que chez Previtali d’avertissement à la jeunesse : Pas autrement (tu ne finiras).



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Boltraffio 1493-94 Chatsworth House recto Boltraffio 1493-94 Chatsworth House verso

Portrait d’un jeune homme
Boltraffio, 1493-94, Chatsworth House

Ce portrait idéalisé d’un jeune homme efféminé reste très mystérieux : les initiales CB de sa broche (parfois lues comme Casius Bononiensis, Casius Beltraffius ou Costanza Bentivoglio pour ceux qui soutiennent qu’il s’agit d’une femme) ne concordent pas avec l’inscription du revers, qui désigne le poète Girolamo Casio, un ami de Boltraffio, qui l’a représenté dans plusieurs tableaux.

Les mots que profère le crâne sans mâchoire doivent certainement être compris dans un sens ironique :

C’est moi l’emblème de Girolamo Casio

 INSIGNE SUM IYERONYMI CASII

 Ainsi, au revers qui devrait normalement porter les armoiries du jeune homme, un crâne anonyme vient le renier doublement, dans sa beauté et dans son identité.



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Mariotto di Bigio Albertinelli 1500 Museo Poldi Pezzoli Milan triptyque rectoTriptyque
Mariotto Albertinelli, 1500, Museo Poldi Pezzoli, Milan [4]

Dans ce petit triptyque (30 cm x 20cm fermé), la Vierge donne le sein à l’Enfant, entre les deux martyres Sainte Catherine d’Alexandrie à gauche, et Sainte Barbe à droite.


Mariotto di Bigio Albertinelli Annonciation 1500 Museo Poldi Pezzoli Milan triptyque volets Mariotto di Bigio Albertinelli 1500 Museo Poldi Pezzoli Milan triptyque verso

Les volets refermés montrent, comme souvent , une Annonciation en grisaille :

  • d’une part cette scène se prête à une division en deux moitiés ;
  • d’autre part sa date, le 25 mars, tombe le plus souvent pendant le Carême, période où les retables d’Eglise sont fermés en signe de deuil.

Le verso avec sa tête de mort est en revanche tout à fait original, et ne peut se comprendre que dans le contexte d’un objet de dévotion privée


En Europe du Nord

La mode du revers macabre y commence en même temps qu’en Italie : mais c’est surtout après la Réforme que cette forme de dévotion intime, de méditation individuelle et austère, rencontrera son plein succès.



Anonyme 1470 ca, Les Amants bridal couple cleveland museumCouple de mariés (Bridal couple) , Cleveland Museum
Anonyme, vers 1470
Durer DAS LIEBESPAAR, UM 1492-94 Kunsthalle HambourgCouple d’amoureux, Dürer, 1492-94, Kunsthall, Hambourg

Dans les deux couples, l’homme enlace de sa main droite la taille de la femme, tandis que celle-ci maintient sur son ventre les plis de sa longue robe. Mais si les amoureux de Dürer se donnent la main, ceux de Cleveland ne sont pas en contact peau à peau.

A noter leurs vêtements pareillement dissymétriques (les manches gauche sont de couleur marron) et les couleurs qui se répondent : en relevant sa robe dans un geste à la fois pudique et mutin, la belle montre le vert de la doublure et le blanc du jupon, harmonie des couleurs qui fait comprendre celle des sentiments.


Anonyme 1470 ca, Les Amants bridal couple cleveland museum detail tete Anonyme 1470 ca, Les Amants bridal couple cleveland museum detail mains

L’homme, qui a passé dans son serre-tête une fleur bleue qu’il vient de cueillir, en tend une autre à son amie, afin qu’elle en fasse de même.

Malgré l’opinion courante, on peut douter qu’il s’agisse d’un tableau de mariage, car les anneaux ne correspondent pas (main gauche pour l’homme, main droite pour la femme). Sans doute s’agit-il seulement d’illustre le temps des amours.



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Anonyme 1470 ca, Les Amants bridal couple cleveland museumCouple de mariés (Bridal couple) , Cleveland Museum
Anonyme, vers 1470
Anonyme 1470 ca, Les Amants trépassés, Strasbourg, Musée de l’œuvre Notre-DameLes Amants trépassés, Strasbourg, Musée de l’œuvre Notre-Dame

Car le revers du panneau (aujourd’hui séparé) montre derrière chacun l’image de son propre cadavre (ce qui fait que l’homme maintenant se trouve à gauche) : le retournement suppose ici implicitement une réalité tridimensionnelle, comme si la « caméra » avait tourné autour de deux statues, chacune en même temps faisant un demi-tour sur elle-même pour rester face au spectateur : nous appellerons « traveling circulaire » cet effet qui se retrouve dans la plupart des peintures bifaces

Dans le même mouvement, le fond verdoyant et fleuri a laissé place à un désert noir et rocailleux, le cheveux sont devenus rares et gris, les bijoux ont disparu, les vêtements colorés ont laissé place à un suaire, et les amants se sont séparés, chacun en proie aux mouches, aux vers et aux orvets.

Les gestes des morts inversent ceux des vifs : c’est maintenant la femme qui, en posant sa main droite sur l’épaule de l’homme, assure un pauvre contact physique ; au lieu de protéger son ventre, elle le dévoile, révélant l’ignoble crapaud qui s’y est abouché ; quand à l’homme, la main qui tenait la fleur frappe maintenant son torse vide, et celle qui tenait la taille rabat un pan du suaire sur son sexe inutile, en un dernier geste de pudeur.

Ainsi le recto et le verso du panneau ne sont pas les portraits présent et futur de mariés bien précis : ils portent le message plus général que la vie a deux faces, chair et os, qu’il n’est pas de joie qui demeure et que tout couple finit seul.


1310 ca Psalter of Robert de Lisle BL Arundel 83, f.127
Les trois Vifs et les trois Morts
Psautier de Robert de Lisle, vers 1310, BL Arundel 83, fol 127

Ce type de confrontation, appliqué au couple, est un cas particulier de l’iconographie plus courante des Trois Vifs et des Trois Morts.



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Meister des Aachener Marientafeln, vers 1485 College st Alysius, Godesberg recto Meister des Aachener Marientafeln, vers 1485 College st Alysius, Godesberg verso

Meister des Aachener Marientafeln, vers 1485
Panneau double face, Collège st Alysius, Godesberg 

Au verso, dans une composition qui rappelle beaucoup celle des Arnofini de Van Eyck [6], un couple se donne la main droite. La femme, qui détourne pudiquement son regard, tient de la main gauche une petite chienne, symbole de fidélité . L’homme, qui la regarde, semble prêter serment de la main gauche.


Dans le miroir : le futur proche (SCOOP !)

En fait, il lui désigne le miroir circulaire, dans lequel, bizarrement, son propre visage est vu de face. Il ne s’agit bien sûr pas d’une erreur de dessin : mais de nous faire comprendre que le miroir montre le futur immédiat, dans lequel l’homme et la femme se regarderont face à face.


Au revers : le futur lointain

Le revers du tableau nous révèle, quant à lui, le futur lointain. Pour souligner le fait qu’il s’agit bien du même couple, l’effet « traveling circulaire » inverse les positions : le squelette féminin, à gauche, -(identifié par le bout de suaire qui lui sert de robe), brandit deux attributs de la Mort : l’arbalète qui décoche les traits et la pelle du fossoyeur. Le squelette masculin, à droite, a fauché trois têtes, dont une couronnée.

A la différence du panneau de Strasbourg, celui-ci ne s’intéresse pas aux détails réalistes de la décomposition (la dentition, par exemple, est intacte) : devenus auxiliaires de la Mort, les deux amants ont rejoint la représentation conventionnelle de la Danse macabre, dans laquelle les squelettes cherchent à entraîner les vivants.


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Couple de fiances Eglise de Lauenburg am Elb vers 1500 Couple de fiances Eglise de Lauenburg am Elb vers 1500 revers

Couple de fiancés, Eglise de Lauenburg am Elb, vers 1500

Il subsiste un dernier exemple d’un portrait en pieds Vie et Mort ([7], p 63-64) .


Les fiancés

Voici le texte des banderoles de l’avers :

Ma prière pour l’éternité
C’est plaisir de mondaine gaité
Plaisir du monde voulons suivre
Sur terre long désirons vivre

Ainsi la fiancée exprime sa frivolité (« Ma prière »), sur laquelle son compagnon s’aligne et surenchérit. Les plaisirs du monde sont illustrés par ce que chacun tient : une chaîne en or avec une médaille et un faucon . La dague en bonne place suggère le plaisir sexuel.

Le distique du bas constate la punition inévitable, toujours à la première personne du pluriel (mais on peut penser que cette fois ce sont les deux qui parlent) :

Nous avons trop joui du monde et nous avons perdu Dieu. Quand vient la séparation, lui aussi s’acquitte de nous deux .


Les cadavres

Contrairement aux deux cas précédents, les sexes ne sont pas inversés pour le couple du revers : la femme se situe encore à gauche, comme le montre le motif floral qui termine sa banderole, et le linceul qui lui couvre l’entrejambe (à noter, chez l’homme, le serpent qui remplace la dague) . Et son cadavre est noir, puisque c’est elle et son désir de « mondaine gaité » qui prolongent la faute d’Eve, comme elle le reconnait elle-même :

Plaisir du monde avons élu
Vie éternelle avons perdue »

Tandis que son compagnon se lamente :

« O douleur o remords
Nous entrons dans l’éternelle mort.

Le distique terminal laisse la parole à Dieu lui-même, qui justifie la punition par la culpabilité de l’homme :

« Dieu notre Seigneur a dit : de même que cette voie tu as choisie, homme, de même tu meurs durant ta vie. »

L’expression « tu meurs durant ta vie » est intéressante, car elle explique pourquoi l’artiste n’a pas inversé les sexes au revers : plutôt que d’un travelling circulaire (qui correspond au passage du temps), on pourrait parler ici d’un effet « Rayons X » dans lequel le revers nous montre de manière instantanée, derrière les vêtements et la peau, la réalité des cadavres déjà présents dans cette vie de plaisirs.


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Mis à part ces trois représentations exceptionnelles d’un double portrait en pied, on retrouve abondamment, en Europe du Nord, la formule du revers répulsif avec un portrait simple, à mi-corps.

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Durer 1507 portrait of a young man Kunsthistorischesmuseum Vienne Durer 1507 Vanitas, Kunsthistorischesmuseum ViennePortrait d’un jeune homme

Durer, 1507, Kunsthistorischesmuseum, Vienne

Fait lors d’un voyage à Venise ou juste après son retour, ce portrait montre au revers une vieille femme, image hideuse de l’avarice. Dürer renouvelle ainsi la formule du revers répulsif en évitant la figure banale du crâne ou du squelette grimaçant.


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Diptych_with_Portrait_of_Margaret_Mettanye_with_her_paton_saint_and_Memento_Mori Lancelot Blondeel 1525 35 Groeningue Museum Bruges
Portrait de Margaret Mettanye avec sa Sainte patronne Marguerite d’Antioche
Ecole de Lancelot Blondeel, 1525-35, Groeningue Museum, Bruges

Le revers montre un crâne surplombé par une banderole portant le texte suivant :

J’étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis

dat.ghy.zyt.hebbe.ic.ghewest.en.dat.ic.ben.dat.zult.ghy.worden 

L’inscription sur le cadre (« bid god dooz my », « priez dieu pour moi ») confirme qu’il s’agit d’un portrait posthume.

Le défunt est sans doute le jeune garçon derrière sa mère : la croix rouge au dessus de ses mains signifierait qu’il était mort lorsque le tableau fut achevé. [8].



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Albrecht BOUTS (atelier de) -1534 Musee Royal des BA recto Albrecht BOUTS (atelier de) -1534 Musee Royal des BA verso disce mori

Atelier de Albrecht Bouts, 1534, Musée Royal des Beaux Arts, Bruxelles

Au revers du Christ couronné d’épines, un crâne posé sur un parchemin surplombe l’exhortation à la bonne mort : « Disce mori », Apprends à mourir.


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Meister IW 1530 Homme de douleurs avec donateur inconnu Diozesangalerie und -museum, LitomericeChrist ressuscité avec un donateur inconnu et la Mort Meister IW 1530 Trinite Diozesangalerie und -museum, LitomericeTrinité

Meister IW, 1530,  Diözesangalerie und -museum, Litomerice [8a]

 Dans cet exceptionnel tableau votif biface, la Mort est à l’avers, tenue en respect par le Christ qui a triomphé d’elle et protège, plus sûrement que l’armure, le chevalier de sa faux . Celui-ci est agenouillé en position de repentance, au pied de la colonne de la Flagellation.

Le revers montre une figuration très inhabituelle de la Trinité, où le Père ne soutient pas les branches de la Croix comme habituellement, mais directement les bras du Fils.

A l‘intercession horizontale et humaine de l’avers (le Christ entre le donateur et la Mort) répond l’intercession verticale et divine du revers (le Père entre le Christ et sa Croix).


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Hans Kemmer Le marchand Hans Sonnenschein 1534 St. Anne's Museum Quarter Lubeck Hans Kemmer Le marchand Hans Sonnenschein 1534 St. Anne's Museum Quarter Lubeck revers

Le marchand Hans Sonnenschein
Hans Kemmer, 1534, St. Annen Museum, Lübeck

Tandis que le marchand, décédé l’année précédente, tient dans sa main droite gantée le symbole de la douceur périssable – une orange, le squelette au revers tient dans sa main droite décharnée le symbole du temps qui passe.

Inscription sur la banderole :

Évite le mal, respecte la loi

Dat bose vermijt, unde acht de rijt





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Cornelis Ketel 1574 Portrait Of Adam Wachendorff Rijksmuseum Amsterdam Cornelis Ketel 1574 A Putto Blowing Bubbles Rijksmuseum Amsterdam

Portrait d’Adam Wachendorff, Cornelis Ketel, 1574, Rijksmuseum Amsterdam

Adam Wachendorff, secrétaire du bureau londonien de la ligue hanséatique, a été identifié par son blason dans le couvercle de la montre, posée sur la table à côté d’un encrier, d’une plume et d’une lettre.

L’inscription du cadre dément l’importance de ces objets de pouvoir :

Les paroles de Dieu sont éternelles ; toutes les autres choses sont périssables.

Sermo dei aeternus : caetera omnia caduca

Au verso, un putto devant un ciel orageux illustre l’inscription en grec :

L’homme est une bulle de savon

 Pompholix o anthropos

Malgré sa grande taille (50.3 cm × d 48.6 cm), A.Dülberg estime qu’il pourrait s’agir du couvercle d’une boîte ( [9], p 248).


Revers en vrac

Avant d’aller plus loin, voici une liste de crânes dépareillés qui ont pu, pour les plus anciens, constituer des revers de portraits, avant de s’autonomiser au cours des siècles pour devenir des Vanités à part entière.



Anonyme Memento Mori 1530 Mauristshuis
Memento Mori
Anonyme, 1530 , Mauristshuis


Espagne, vers 1550

Espagne, vers 1550

Pourquoi ton trop beau visage, pourquoi ta face bien peignée,
Puisque finalement
Tu seras comme de la viande pour les vers

Quid tibi pulchra nimis facies
Quid copta figura denique
Talis eris vermis apta caro.


Florence XVIeme

Florence, XVIème siècle

Mort, plus haut degré de la terreur
Considère la fin

Ultimum terribilium mors (attribué à Aristote)
Respice finem


German School, circa 1600, A skull, a lizard, coins and an hourglass in a painted stone niches

Crâne avec lézard, pièces de monnaies et sablier
Ecole allemande, vers 1600


Espagne XVIIeme

Espagne XVIIeme

Souviens-toi de moi et jamais tu ne pêcheras
Livre de la descendance d’Adam

Memento mihi et numquam pecabis
Liber generationis Adamis


Golzius 1616 MEMORAREM. VISSIM...TU ET IN A TERNV... NONPECT..A...
Golzius, 1616, Collectionn privée

(Dans toutes tes actions) souviens-toi de ta fin, et tu ne pécheras jamais

( In omnibus operibus tuis) memorare novissima tua, et in aeternum non peccabis .

Siracide 7:36,



Postérité du thème

double-sided painting depicting the eternal hellfire double-sided painting depicting the Grim Reaper

Enfer et Mort, XVIIIème siècle, collection privée 



Leonor Fini 1987 metamorphose d'une femme As

Leonor Fini 1987 metamorphose d'une femme BsMétamorphose d’une femme, 1987, Leonor Fini



Références :
[2] L’Instauration du tableau : Métapeinture à l’aube des temps modernes. Victor I. Stoichita, 1999, p 41
[3] Par comparaison avec d’autres tableaux de Prévitali, les abréviations sous le crâne ont été déchiffrées ainsi: « Andreas Cordelle Agi Discipulus Iohannis Bellini Pinxit ».
Le surnom de Prévitali, « Cordeliaghi », provient de « Cordelle et agi » (fils et aiguilles), la phrase par laquelle les colporteurs attiraient les passants, en dialecte vénitien.
Image en haute résolution :
https://artsandculture.google.com/theme/wQJCXvJR03GhJw
[6] Voir Buchner, Das deutsche Bildnis der Spätgotik, p 174 http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/buchner1953/0178/image
Buchner fait justement remarquer qu’une influence directe entre les deux est peu probable, compte tenu de l’éloignement géographique et temporel, ainsi que de la différence de qualité. Les similitudes de composition révèlent simplement que le portrait de couple en intérieur devait être un genre relativement courant, dont il ne nous reste que ces deux témoignages : celui-ci ayant été conservé sous une Madone peinte 40 ans plus tard par Barthel Bruyn.
[7] Le portrait de couple en Allemagne à la Renaissance; 2015, Marianne Bournet-Bacot
[8] Lancelot Blondeel Pierre Baulier, Bruxelles : G. Van Oest et Crè, 1910
[9] Angelica Dülberg, Privatporträts : Geschichte und Ikonologie einer Gattung im 15. und 16. Jahrhundert , 1990

La mort recto-verso : diptyques, triptyques

10 septembre 2020

Un emplacement privilégié pour l’apparition théâtrale de la Mort : le revers d’un volet de diptyque ou de triptyque.

La formule de loin la plus courante est celle du diptyque accroché au mur, dans lequel la figure macabre se trouve au revers du panneau mobile et forme couvercle lorsque le diptyque est fermé.

Diptyques conjugaux

Commençons par les diptyques conjugaux dont un portraitiste célèbre, Barthel Bruyn l’Ancien, s’est fait une spécialité : l’abondance de crânes marque le moment où la formule perd son caractère expérimental et individuel, et devient un supplément courant plutôt qu’une preuve de particulière piété.

Barthel Bruyn l'Ancien 1516 portrait d'hommePortrait d’homme, 1516 Barthel Bruyn l'Ancien 1517 portrait de femmePortrait de femme, 1517

Barthel Bruyn l’Ancien, collection privée

Dans ce tout premier diptyque conjugal de Barthel Bruyn l’Ancien, les deux portraits sont sur fond sombre, l’homme tenant une orange et la femme un oeillet.

Revers du portrait féminin

Barthel Bruyn l'Ancien 1517 revers portrait feminin coll privee

Au revers du portrait féminin, une mouche est posée sur le crâne.


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Barthel Bruyn l Ancien 1524 Portrait-of-Gerhard-von-WesterburgPortrait de Gerhard von Westerburg, collection privée [1] Barthel Bruyn l Ancien 1524 portret-van-gertraude-von-leutz-e-barthel-bruyn-de-oude kroller-muller-museum rectoPortrait de Gertraude von Leutz, Kroller Muller museum, Otterlo

Barthel Bruyn l’Ancien, 1524

Ce diptyque du réformateur anabaptiste et de son épouse a été réalisé une année après leur mariage. Au revers du panneau féminin figure une nature morte très célèbre.


Barthel Bruyn l Ancien 1524 portret-van-gertraude-von-leutz-barthel-bruyn-de-oude kroller-muller-museum verso

Le panonceau porte une devise attribuée à Lucrèce :

Tout se disperse avec la mort, Mort, dernière ligne de tout

OMNIA CADUT MORS ULTIMA LINIA RERUM


ULTIMA LINIA RERUM (SCOOP !)

Le mot ULTIMA est illustré par la dernière dent, la dernière touffe de cheveu, le dernier filet de fumée qui s’échappe de la bougie…

Barthel Bruyn l Ancien 1524 portret-van-gertraude-von-leutz-barthel-bruyn-de-oude kroller-muller-museum verso detail pannonceau
… et la  dernière ligne de calligraphie, interrompue au milieu.


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Mis à part ce diptyque, les autres revers macabres de Bruyn seront très stéréréotypés : une tête de mort sans mâchoire inférieure, est posée au-dessus d’un écriteau dont le texte, au choix du client, représente en quelque sorte ce qu’elle ne peut plus dire. Elle occupe complètement une niche en arc de cercle, dont la rotondité épouse la voûte crânienne. Ainsi la niche n’est plus seulement un trompe-l’oeil imitant le mur d’un ossuaire : elle devient une métaphore du crâne, et nous fait comprendre que celui-ci n’est également qu’un récipient de pierre anonyme. Toute ce qui fait l’individu est, comme le papier, périssable.

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Barthel Bruyn l'Ancien Portrait de Gerhard et Anna Pilgrum 1528, Wallraf-Richartz-Museum, Koln

Portrait de Gerhard et Anna Pilgrum
Barthel Bruyn l’Ancien, 1528, Wallraf-Richartz-Museum, Köln [2]

Chaque époux a en main un chapelet portant un pomander ou pomme de senteur (Bisamäpfel) , sphère ouvragée contenant des parfums.


Verso du volet féminin

Barthel Bruyn l'Ancien Portrait de Gerhard et Anna Pilgrum 1528, Wallraf-Richartz-Museum, Koln revers volet droit

L’écho de la pomme

L’écriteau porte un texte de Job, qui relie peut-être la « pomme de senteur » avec celle qui a causé les malheurs de l’humanité :

« L’homme né de la femme vit peu de jours, et il est rassasié de misères. Comme la fleur, il naît, et on le coupe; il fuit comme l’ombre, sans s’arrêter. »

(Job, 14: 1-2)

homo natus de muliere brevi vivens tempore repletus multis miseriis, quasi flos egreditur et conteritur et fugit velut umbra et numquam in eodem statu permanet


Porteuse de mort

Chez Bruyn, c’est toujours le volet de droite qui porte le crâne au revers. C’est aussi le volet mobile, et celui du portrait féminin (à cause de l’ordre héraldique, voir Pendants solo : mari – épouse). Ainsi se crée mécaniquement une association entre la femme et le crâne : c’est elle qui, littéralement, porte la Mort dans le couple.

Alors que dans un panneau individuel, le crâne est celui du portraituré (effet travelling), dans un diptyque de couple il tend à représenter la Mort en général, à la fois dans un Futur immédiat et dans le Passé le plus lointain.

La fermeture et l’ouverture du diptyque, faisant succéder l’os à la chair et la chair à l’os, permettent de s’accoutumer, à domicile, à la Mort et à la Résurrection.


L’ombre qui parle

C’est peut être la phrase « il fuit comme l’ombre, sans s’arrêter » qui explique l’éclairage très élaboré du diptyque : l’homme (diptyque ouvert) et le crâne (diptyque fermé) sont éclairés, dans le sens habituel de la lecture, par la même source en haut à gauche : et la femme par une lumière « gauchère », contradictoire. Ces deux sources de lumière opposées ont pour effet de faire se rapprocher les deux ombres, comme si les deux époux se rejoignaient dans la Mort que la faute d’Eve a causée.

Dans tous les autres diptyques conjugaux de Bruyn les lumières sont parallèles, et viennent presque toujours du haut à gauche. En voici un exemple (sans revers macabre) :

Barthel Bruyn the Elder - Portrait of a man from the Weinsberg family 1538-1539
Portrait d’un couple de la famille Weinsberg
Barthel Bruyn l’Ancien, 1538-1539, Collection Thyssen-Bornemisza



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Barthel Bruyn l'Ancien 1530 revers portrait feminin localisation inconnue

Revers d’un portrait féminin
Barthel Bruyn l’Ancien, 1530, localisation inconnue

Diptyque conjugal avec homme tenant un billet et femme un oeillet.

Revers :

Bientôt nous allons mourir et aussitôt sous terre pourrir

Mox morimur et quali /ante dilabimur in terra


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Barthel Bruyn l'Ancien 1531 revers portrait feminin Schloss Schwarzenraben

Revers d’un portrait féminin
Barthel Bruyn l’Ancien, 1531, Schloss Schwarzenraben

Diptyque conjugal avec homme tenant un gant et femme un pomander

Revers :

Sur le parchemin :

Il n’y a pas de protection contre la mort. Vis jusqu’à ce que tu meures. Voyr den doyt en ys geyn schylt, dar u lebt als yu sterwe wilt

Sur le bandeau du bas :

La vie de l’homme est comme une fleur verdoyante dans un jardin, se levant au lever du soleil et se couchant à son coucher.

Vita quid est hominis viridanus / Flosculus horti, sole oriente / Oriens sole cadente cadens


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Barthel Bruyn l Ancien 1534 ca Portrait Diptych Of A Bourgeois Couple coll part

Portrait d’un couple bourgeois
Barthel Bruyn l’Ancien, 1534, collection particulière

Ce diptyque fait exception car les trois panneaux sont éclairés du haut à droite. Peut-être Bruyn a-t-il tenu compte, lors de la commande, de l’emplacement d’accrochage ?

Ici encore, chaque époux a en main un chapelet portant un pomander, dont c’est sans doute la fonction de protection contre les maladies qu’il faut relever ici.


Verso du volet féminin

Barthel Bruyn l Ancien 1534 ca There is no defence against death

Car l’inscription du verso dément immédiatement ce pouvoir :

Il n’y a pas de protection contre la mort. Vis jusqu’à ce que tu meures.

Voyr den doyt en ys geyn schylt, dar u lebt als yu sterwe wilt


Barthel Bruyn l Ancien Ermitage

Verso d’un portrait perdu
Barthel Bruyn l’Ancien, Ermitage, Saint Petersbourg

Un verso pratiquement identique, mais dont le recto a été perdu, est conservé à l’Ermitage.


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Barthel Bruyn l'Ancien 1544 Johannes et Maria Pastoir revers portrait feminin Rheinisches Landesmuseum Bonn

Johannes et Maria Pastoir, revers du portrait féminin .
Barthel Bruyn l’Ancien, 1544, Rheinisches Landesmuseum Bonn

Diptyque conjugal avec homme tenant un gant et femme un oeillet.

La devise sur le parchemin est ce que dit le crâne au jeune enfant qu s’endort en le prenant pour coussin :

Moi aujourd’hui, Toi demain

Hodie mihi / Cras tibi


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Barthel Bruyn l Ancien 1535-55 coll Richard Harris recto Barthel Bruyn l Ancien 1535-55 coll Richard Harris verso

Barthel Bruyn l’Ancien, 1535-55, collection Richard Harris

Le texte du verso emprunte à deux sources distinctes :

Qu’as tu à coeur, homme mortel, homme orgueilleux,
Quand tous les jours je prends les jeunes, comme les vieux
[3]

Quid tibi mortalis cordi est homo , quidne superbis
Cum capiam juvenes, quotidie atque senes.

 

Souviens-toi que tu seras poussière et (mangée) par les vers
Toi gelée et pourrie quand tu seras en terre.

Alain de Lille, Liber Parabolarum [4]

Esto memor quod pulvis eris,& vermibus.
Tu gelida putris quando jacebis humo.


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Cercle de Barthel Bruyn l'Ancien 1540-50 revers portrait masculin Jagdschloss Grunewald Berlin

Revers d’un portrait masculin
Cercle de Barthel Bruyn l’Ancien, 1540-50, Jagdschloss Grunewald Berlin

Portrait simple d’un homme tête nue, un bonnet à la main

Revers : Une mouche est posée sur le crâne.

Inscription :

L’homme est de la terre et sera détruit

Sa forme aimable ne dure pas longtemps

DER MYNSCH is erd und wyrd verzert. /

Lieflich gestalt nyer lang en wert


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Barthel Bruyn l Ancien Portrait d'homme tenant un œillet et un gant debut XVIe recto Palais des BA Lille Barthel Bruyn l Ancien Portrait d'homme tenant un œillet et un gant verso Palais des BA Lille

Portrait d’homme tenant un œillet et un gant
Barthel Bruyn l’Ancien, première moitié XVIe, Palais des Beaux Arts, Lille.

Ce gentilhomme, dont la blason n’a pas été identifié, tient en main un oeillet rouge : dans les pays germaniques, l’époux recherchait cette fleur, gage de virginité, sous les vêtements de son épouse. Celle-ci devait donc figurer à sa place traditionnelle, dans le volet droit aujourd’hui perdu ce ce diptyque de mariage
Le revers du portrait masculin montre un crâne avec un fémur, dépourvu de toute inscription.


Revers d'un triptyque louvre
Revers d’un triptyque, Louvre

Peut-être s’agissait-il d’un triptyque comme celui-ci, dont l’avers a été perdu.


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Diptyques conjugaux : autres artistes

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Portrait d'homme, vers 1520. Trier, Städlisches Museum Simenostift Portrait d'homme, vers 1520. Trier, Städlisches Museum Simenostift verso

Portrait d’homme,
Attribué à Pieter Gerritsz, vers 1520, Städlisches Museum Simeonstift, Trèves

Il s’agit ici encore d’une moitié de diptyque (ou de triptyque ?) où le crâne se trouve du côté masculin, avec « effet travelling ». L’inscription du revers est une partie de la devise latine ci-dessous :

Vis, pense à la mort, l’heure fuit

Vive, memor lethi, fugit hora

La même devise tripartite apparaît dans un autre portrait de Bruyn, voir La mort dissimulée (1/2) : par derrière



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Anoniem, Portret van Adriaen van den Broucke, genaamd Musch, Heer van Wildert Anoniem, Portret van Catharina Vrancx, echtgenote van Adriaen van den Broucke, genaamd Musch Stedelijk Museum Het Prinsenhof Delft

Portrait de Adriaen van den Broucke, dit Musch, Seigneur de Wildert et de son épouse Catharina Vrancx
Anonyme, 1500-1550, Stedelijk Museum Het Prinsenhof
Delft

Revers du panneau masculin

Anoniem, Anoniem, Portret van Adriaen van den Broucke, revers Stedelijk Museum Het Prinsenhof Delft

Le revers du portrait masculin montre encore un crâne et un fémur, avec une inscription que je n’ai pas pu déchiffrer :

Anoniem, Anoniem, Portret van Adriaen van den Broucke, revers Stedelijk Museum Het Prinsenhof Delft detail



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Portrait de Jacob Schwytzer et son épouse Elsbeth lochmann 1564 Tobias Stimmer , Bale Kunstmuseum

Portrait de Jacob Schwytzer et son épouse Elsbeth Lochmann
Tobias Stimmer, 1564 , Bale Kunstmuseum

Le panneau féminin était fixe et accroché au mur. Au revers du portrait masculin était figurée la mort tenant un sablier (aujourd’hui disparue), avec dans une banderole au dessus un poème en gothique exprimant que tout est poussière et qu’il faut espérer le séjour des Cieux.


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Heinrich Peyer et Barbara Schobinger, Abel et Tobias Stimmer,1566, detruit
Portraits de Heinrich Peyer et Barbara Schobinger, Abel et Tobias Stimmer,1566,
détruit en 1944, anciennement au musée Allerheiligen, Schaffhouse ([5]; p 201)

Heinrich Peyer et Barbara Schobinger, Abel et Tobias Stimmer,1566, detruit revers
Au revers du portrait de Barbara, 36 ans, une femme nue tient de la main gauche une horloge et touche de la main droite un crâne posé de face sur un guéridon. Le vase de fleurs fait écho à la petite fleur que tient Barbara au recto.L’inscription est la suivante :

« Rien n’est moins sûr que l’heure ».

Au revers de celui de Heinrich, 43 ans, un enfant assis par terre s’appuie du bras droit sur un crâne posé de profil, en tenant une pomme de la main gauche. L’inscription complète l’autre :

« Rien n’est plus sûr que la Mort ».

Par rapport aux squelettes culpabilisants du siècle précédent, les allégories du revers ont pratiquement perdu tout lien avec le Péché Originel : les fleurs et le fruit sont avant tout des symboles de fugacité et les scènes se réfèrent à l’activité emblématique de chaque sexe :

  • pour l’épouse embellir la maison (même si la beauté se fane) ;
  • pour l’homme faire des enfants (même si le fruit périt).



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Portrait d homme National Portrait Gallery Portrait d homme National Portrait Gallery reverse

Portrait d homme (autrefois dit de Richard Hooker), Anonyme, vers 1550, National Portrait Gallery

On ne sait pas grand chose sur ce portrait et son étonnant revers, avec son cadavre non pas inerte, mais en train de ressusciter. Il ne s’agit pas d’un panneau remployé (les deux faces ont été peintes en même temps) mais probablement du volet d’un retable privé, qui a de plus perdu une bande sur la droite [6]

De ce fait, au revers, seul le début du texte en hollandais a été conservée :

O HERE (O Dieu
ŇS INI (Notre -)
MET VWĒ (avec toi)


Le texte latin du cartouche,extrait du 112eme psaume, devait se poursuivre sur l’autre panneau :

je ne mourrai pas / mais je vivrai

NON MORIAR / SED VIVAM


Une reconstitution possible (SCOOP !)

La position de l’homme, à gauche, est la position normale du mari dans un diptyque conjugal. De plus, le fait que le buste barbu du recto et le corps barbu du verso regardent dans des directions opposées suggère fortement un dispositif « en médaille », dans laquelle les deux faces illustrent la même personne, dans le réel et dans l’idéal : soit, ici, vivante et ressuscitée.



Portrait d homme National Portrait Gallery reconstitution
Vu l’emplacement du point de fuite, il est fort probable que les revers étaient symétriques et que l’autre représentait l’épouse elle-aussi en train de ressusciter. Son dos un peu trop dénudé aurait pu lui valoir de disparaître, à une époque plus prude.


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Le pendant de couple de Ligozzi

Ce peintre italien connu pour ses dessins très réalistes d’animaux et de flore, puis pour ses allégories, a aussi une veine macabre : ces talents confondus ont produit un pendant tout à fait unique.


Jacopo Ligozzi, recto of male portrait, 1604, panel, private collectionPortrait d’homme Jacopo Ligozzi, recto of female portrait, 1604, panel, private collectionPortrait de femme

Jacopo Ligozzi, 1604, Collection privée

Dans ce double portrait, probablement réalisé pour un mariage, le jeune homme en manteau rouge tient  un bâton avec un phylactère, sur lequel est écrit, de manière énigmatique  « E mi che non ghi penso … la deridon<o> » : « et moi qui ne pense pas à eux… ils se moquent d’elle »

La jeune femme tient un bouquet et une gousse, portant l’inscription « fiori et baccelli » ( « être fleurs et gousses » est une expression signifiant « être en bonne santé »).

Ce que cette saine jeunesse ignore ou moque, c’est sa propre Mort, qui se cache au dos de chacun des panneaux.


Jacopo Ligozzi, Vanitas verso of male portrait, 1604, panel, private collectionVerso du Portrait d’homme Jacopo Ligozzi, Vanitas verso of female portrait, 1604, panel, private collectionVerso du Portrait de femme

Au dos du portait du jeune homme, une tête coupée, en état de décomposition avancée, est présentée sur un velours rouge qui rappelle son manteau Elle est entourée, dans la moitié haute,  par des symboles de la brièveté et de la finitude :  un couteau (la mort violente), un livre de comptes fermé, une libellule qui vole, une lanterne sourde éteinte, un sablier écoulé .La moitié basse montre que cette vie vaine a été dédiée aux plaisirs – fiasque renversée, pièces et bourses, dés,  jeu de cartes. Joy Kenseth [5] a remarqué que les quatre cartes visibles sont les plus basses de chaque « couleur ». Selon un manuel de jeu de tarot imprimé à Venise en 1545, cette suite  a une signification précise  :

« les épées rappellent la mort de ceux que le jeu a rendu fou, les bâtons le châtiment que méritent ceux qui trichent, les deniers l’appétit du jeu, les coupes le vin dans lequel les disputes des joueurs sont noyées ».

Ainsi les cartes sont les échos de certains des objets  environnants : le couteau près du livre (épées), les pièces (deniers), la fiasque (coupe). Manque le bâton, la punition du tricheur, peut-être remplacée ici par le crâne du chien, bien incapable désormais de garder  ou de mordre.

Côté féminin, la tête coupée a gardé sa tresse et sa perle à l’oreille, mais c’est une mouche vivante qui est posée sur son front. En dessous sont abandonnés un diadème doré et un collier de perles très semblables à ceux que la jeune fille portait de son vivant –  richesses qui font écho à la bourse et aux pièces du jeune homme. A la fiasque de vin correspond un flacon de parfum et aux cartes une boîte de fard : aux vices de la boisson et du jeu, pour les hommes, répond pour les femmes celui de la coquetterie. Un crâne de gazelle entouré de cordes (?) fait pendant au crâne de chien.

Mais c’est la moitié haute du pendant féminin qui est la plus extraordinaire : dans le miroir, une momie de chat superpose sa gueule hurlante au profil hurlant de la morte. On comprend que le miroir permet au chat de continuer , par delà la mort, à attaquer le cadavre de souris posé en bas sur le rebord ; mais il sert de la même manière  à la femme, dont l’oeil droit  intact nous reluque et dont la dentition nous décerne un rictus vorace, autrefois séducteur.



Diptyques de dévotion

Dans ce type de diptyque, un donateur est en prière face à une figure sacrée qui occupe en général la place d’honneur, sur le volet gauche (voir 3.1 Le diptyque de Marteen).

Du coup le crâne se retrouve mécaniquement au revers du donateur, comme une évocation de sa propre fin. Quelquefois, elle se décale au revers de l’image sainte, lorsque c’est le blason du donateur qui se trouve sur son revers.

Maitre de la Legende de Sainte Ursule 1480 Mintmuseum Maitre de la Legende de Sainte Ursule 1480 Mintmuseum verso

Maître de la Légende de Sainte Ursule, 1480, Mintmuseum, Charlotte

Ce panneau formait le volet gauche d’un diptyque de dévotion. Le donateur regarde vers la droite (où se trouvait probablement la Madone) tandis qu’au revers, le crâne en grisaille regarde vers la gauche   : il s’agit donc bien de son propre crâne, montré par l’effet « travelling ».

On comprend dès lors cet avertissement bien senti sur la vanité de la gloire :

Pourquoi, homme mortel, hausse-tu la tête, puisque tu mourras et seras chauve comme ce crâne.

Cur homo mortalis caput extruis at morieres en vertex talis sit modo calvus erit

On ignore en revanche pourquoi certaines lettres sont en rouge (CAPETRUSTOEN) : peut être l’anagramme du nom du donateur.



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1517 Mabuse diptyque Carondelet Louvre
Diptyque Carondelet
Jan Gossaert dit Mabuse, 1517, Louvre, Paris

L’iconographie complexe de ce diptyque ne peut être comprise que si on le voit en mouvement, en train de s’ouvrir ou de se fermer.

mabuse_diptyque_carondelet ouvert gauche mabuse_diptyque_carondelet ouvert droite

Voir 2 Le diptyque de Jean et Véronique pour comprendre, notamment, pourquoi le crâne de trouve au revers de l’image sainte.



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Master of the Legend of Mary Magdalene Mary with Child
Vierge à l’enfant allaitante, et portrait du moine chartreux Wilem Van Bibaut
Maître de la Légende de Marie-Madeleine, vers 1523, collection privée

L’analyse des bois (chêne pour la Vierge, noyer pour le portrait) suggère que le diptyque a été recomposé à partie de deux autres (ce qui explique pourquoi seul le revers du portrait est peint, ce qui est anormal pour un diptyque de dévotion portatif).



Master of the Legend of Mary Magdalene Cinq plaies du christ
Ce revers expose les Cinq plaies du Christ (mains, pieds et coeur représentant le coup de lance), une dévotion courante à l’époque et pas spécifiquement monastique. Le calice a pu être ajouté en écho au panneau de la Vierge, pour opposer le sang au lait. De même, l’emplacement du crâne d’Adam en bas à gauche (la direction vers laquelle regarde l’Enfant) suggère que le revers a été conçu en tenant compte de la superposition des panneaux : fermer le diptyque, c’est clore l’histoire, et faire coïncider la Passion avec l’Enfance.


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Barthel Bruyn le Jeune Diptyque de Peter Ulner 1560 Provinzial Museum Bonn

Diptyque de Peter Ulner
Barthel Bruyn le Jeune, 1560, Provinzial Museum Bonn

A la confession inscrite sur le cadre de Peter :

« Pieux je ne suis, ce dont je souffre. j’avoue mon péché, je cherche la Grâce dans le temps.
Au Christ je crois, serviteur inutile. Seul son sang me rend juste. »

répond l’Inscription sur le cadre du Christ :

« Mais toi, tu m’as été à charge par tes péchés, tu m’as fatigué par tes iniquités. C’est moi, c’est moi qui efface tes fautes pour l’amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés ». Isaïe, 43, 23-24.

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v

Revers du volet du Christ

Le fils de Barthel Bruyn reprend la tradition familiale du revers avec crâne. Celui-ci a été largement repeint et complété au XVIIème siècle pour en faire une véritable nature morte : entre la bougie éteinte et le sablier (deux images du temps écoulé), le crâne avec ses deux orbites vides rivalise avec la coquille et ses deux bulles de savon, globes éphémères incapables de remplacer les yeux absents.



Les revers macabres de Jan Provoost

Jan_provost,_Donor with St Nicholas and his Wife with St Godelina_1515-1521_ca._02 Jan_provost,_Donor with St Nicholas and his Wife with St Godelina_1515-1521_ca._05

Saint Nicolas avec un donateur, Sainte Godelieve avec son épouse
Jan Proovost, vers 1515, Groeninge Museum, Bruges

On a perdu le panneau central de ce triptyque, probablement une Madone comme dans le triptyque postérieur que nous analyserons un peu plus loin. Les paysages à l’arrière-plan montrent des épisodes de la vie des deux patrons :

  • Saint Nicolas convainc les matelots de lui laisser un peu de blé (à leur arrivée à bon port, il leur en restera miraculeusement autant qu’avant) ; le port est celui d’Anvers, avec la cathédrale Notre Dame en construction ;
  • Sainte Godelieve étranglée par les deux serviteurs de son mari.


L’avare et la mort (revers)

Jan_Provoost_-_Death_and_the_Miser Groeninge Museum, Bruges
Le revers montre un memento mori dont le sens précis n’est pas connu (le texte du livre, surchargés de blanc, es- devenu indéchiffrable, celui du billet n’est que partiellement lisible [7])

L’idée générale semble être que le banquier a vendu son âme à la mort. Les trois index tendus ponctuent l’histoire :

  • celui du banquier montre le livre où il a noté la transaction ;
  • celui de la Mort montre la reconnaissance de dettes qu’il lui tend ;
  • celui du troisième homme (un autoportrait du peintre ?) lui intime d’interrompre son geste : la Mort n’a pas encore fini de déposer sur la table les pièces qu’elle cache dans sa main.

Il reste dans le tableau des subtilités qui nous échappent : sac de pièces d’argent s’opposant aux pièces en or, figure en croix que forment les pièces sur la table.


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Jan Provoost 1522 Diptyque christ Sint Janshospitaal Bruges Jan Provoost 1522 Diptyque franciscain Sint Janshospitaal Bruges

Diptyque avec Christ portant sa croix et un frère mineur
Jan Provoost, 1522, SintJanshospitaal, Bruges

Un frère franciscain joint les mains, en contemplation et en imitation du Christ aux outrages, sur la gauche duquel on voit les visages en pleurs de Saint Jean et de la Vierge Marie.

L’inscription du haut contient un rébus et un jeu de mots en latin:

La <corde> de François a tiré à lui

de nombreux <coeurs>.

FRANCISCI <chorda > TRAXIT 

AD SE PLURIMA <corda>


La corde invisible (SCOOP !)

Cette corde franciscaine est également celle qui, liant les mains de Jésus, tire par un lien invisible les mains jointes du frère mineur.


Le crâne et son rébus (SCOOP ! )

Jan Provoost 1522 Diptyque crane Sint Janshospitaal Bruges Jan Provoost 1522 Diptyque porphyre Sint Janshospitaal Bruges

Au revers de son portrait, son crâne (toujours l’effet travelling) contemple la plaque de porphyre rouge et noir qui matérialise les douleurs de Jésus.

Voici une nouvelle interprétation du rébus très énigmatique qui entoure le crâne :

Jan Provoost 1522 Diptyque rebus Sint Janshospitaal Bruges

La clé d’ut suivie d’un bémol, en haut à droite, doit se lire comme une clé de sol. Le crâne fait partie du rébus et remplace le mot Mort (tout comme la corde et les coeurs complétaient la phrase du recto). Ce qui donne :

« Il m’est amer de penser à la mort, il est bon de penser à moi (de se souvenir de moi) ».

On peut imaginer que celui qui parle est Jésus : la première phrase fait parler le panneau de gauche (la Passion), la seconde celui de droite (la Consolation).


Dans un très intéressant article sur les rébus macabres, Guillaume Bunel [7a] a proposé récemment un nouveau décryptage, en considérant que le premier dessin n’est pas un « amer », mais une « lame » (pierre tombale) et en modifiant la lecture des notes, ce qui donne :

« L’âme est la pensée de remords, Bon est de penser à la mort. »



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1525 ca Jan Provoost triptych-virgin-and-child-with-saints-and-donors Royal Collection Trust

Vierge à l’Enfant entre Saint Bernard et saint Benoît , Saint Jean Baptiste avec un donateur, Sainte Marthe avec son épouse
Jan Provoost, vers 1525, Royal Collection Trust

Pour la question des donateurs dans les triptyques flamands, voir 6-7 …dans les Pays du Nord. C’est ici le revers qui nous intéresse.



1525 ca Jan Provoost triptych-virgin-and-child-with-saints-and-donors Royal Collection Trust revers
Dans ce memento mori, un banquier tout à fait semblable à celui du triptyque de 1515 fait avec sa main droite des calculs à l’aide de jetons en cuivre, tout en élevant de la gauche un crâne au niveau de sa tête. Un sac d’or à gauche du crâne donne l’illusion d’une épaule : comme si la Mort en personne s’était assise en face de lui.


Trois optiques différentes (SCOOP !)

Originellement, le banquier portait des lunettes, soulignant sa courte vue [8] ; à l’opposé, le flacon d’eau pure à côté du crâne symbolise la lucidité. Au centre, le disque rouge presque complètement occulté par la cadre est un miroir dans lequel le spectateur est invité à se contempler en vérité.

De part et d’autre, la gravure de saint Hubert et le tableau de change illustrent deux types opposés de conversion : celle de l’âme et celle de l’argent.


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Jan_Provost_Valenciennes_avers_Saint_Jean_et_le_chanoine_donateurSaint Jean Baptiste avec un chanoine donateur (avers) Jan_Provost_Valenciennes_gisant_revers_Saint_Jean_et_le_chanoine_donateurGisant du chanoine (revers)

Jan Provoost, Musée des Beaux Arts de Valenciennes [9]

Ce panneau, retrouvé par hasard dans un confessionnal, formait certainement le volet mobile d’un diptyque. Le vers inscrit sur le phylactère (sélectionné dans un texte plus long qu’on retrouve dans d’autres épitaphes [10]) suggère que le panneau fixe représentait le Christ :

Donne à tous le repos, mon Dieu, à ceux enterrés ici et ailleurs,
pour qu’ils soient en repos grâce à tes cinq blessures.

Da requiem cunctis Deus hic et ubique sepultis,
Ut Sint in requie propter tu vulnera quinque.

Le donateur est un chanoine inconnu, la palme le désigne comme ayant effectué le pèlerinage en Terre Sainte. Sa physionomie est la même que celle du gisant, allongé sur une natte formant oreiller.

Il serait logique que l’ouverture du diptyque fasse apparaître un Christ ressuscité, prié par le chanoine lui aussi ressuscité, par le miracle de la peinture.



Triptyques de dévotion

The_Braque_Triptych_interior

Triptyque Braque, Rogier van der Weyden, vers 1452, Louvre, Paris

Ce triptyque de dévotion privée fut commandé par Catherine de Brabant en mémoire de son époux, Jehan Braque de Tournai, brutalement décédé en 1452.

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van_der_weyden triptyque braque fermé

Le crâne

Le panneau de gauche constitue un des tous premiers exemples de représentation d’un crâne comme sujet d’un revers, et pourrait être, selon Charles Sterling, le précurseur du genre de la Vanité [11] : ce que confirment, en haut et en bas du panneau, les paroles inscrites en caractères comme gravés dans la pierre :

« Regardez-vous ici, orgueilleux et avares. Mon corps fut beau, il est désormais la nourriture des vers. »

« Mires vous ci orgueilleux et avers. Mon corps fu beaux ore est viande a [vers] » 

Dans cette toute première occurrence, le statut du crâne pose problème :

  • s’agit-il de celui du défunt , comme le laissent penser les armoiries de la famille Braque et le fait qu’il soit situé au revers du panneau de son saint patron, Saint Jean Baptiste ?
  • s’agit-il d’un Mort générique, qui interpelle le passant avec les paroles gravées comme sur une tombe ?
  • s’agit-il du crâne d’Adam, qui complète la croix du panneau de droite ?

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La brique

Selon l’interprétation retenue, on verra donc dans la brique brisée :

  • le symbole de la fin de toute dynastie, à l’attention des descendants de Jean Braque ;
  • un avertissement général sur le chute de toute construction humaine ;
  • une allusion au rocher du Golgotha.

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Le panneau droit et la croix

La croix porte une inscription latine tirée de l’Ecclésiaste (XLI, 1-2) :

Ô mort, que ton souvenir est amer à l’homme juste et qui vit en paix au sein de ses richesses, à l’homme exempt de soucis et qui prospère en tout, et qui est encore en état de goûter le plaisir de la table.

Ecclesiaste 41

O mors quam amara est memoria tua homin(i)iusto et pacem habente in substanciis suis viro quieto et cuius die directe sunt in omnibus et ad huc valenti accipere cibum. Eccl. xli.

Cette croix remplie de regrets peut être considérée comme représentant Catherine elle-même, d’autant que les armoiries de Brabant, en bas à droite de l’écu, comportent la même croix ancrée.

Van der Weyden aurait donc utilisé la latéralité habituelle des calvaires (où Marie-Madeleine la pécheresse est le plus souvent placée du mauvais côté de Jésus) pour faire du triptyque refermé un des tous premiers exemples de diptyque conjugal posthume avec, sous forme d’emblèmes, le défunt mari à gauche et sa veuve inconsolable à droite.



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Triptyque avec St Jean Baptiste St Jerome et St Antoine ap 1496 Suermondt-Ludwig-Museum, Aachen

Triptyque avec St Jean Baptiste, St Jérôme et St Antoine, après 1496, Suermondt-Ludwig-Museum, Aachen

Le recto associe trois saints connus pour leur vie ascétique dans le désert, chacun accompagné de son animal-fétiche : l’agneau, le lion et le cochon.

A noter plusieurs détails amusants :

  • à gauche le sous-vêtement en fourrure qui dépasse en une sorte de queue ;
  • au centre le tronc étêté servant de portemanteau, et dont la branche en Y fait écho aux bras du Christ ;
  • à droite le petit démon voleur de calice.


Triptyque avec St Jean Baptiste St Jerome et St Antoine ap 1496 Suermondt-Ludwig-Museum, Aachen reverse

Une fois fermé, le revers montre Moïse tenant les tables de la Loi au dessus d’un cadavre enveloppé dans son suaire.

Ouvrir le triptyque, c’est passer du monde de l’Ancien Testament, en grisaille et marqué par la mort,

à celui du Nouveau, coloré par l’espérance.



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KREUZIGUNGSTRIPTYCHON MIT DEN STIFTERN NIKOLAUS HUMBRACHT UND GREDA BRUN, Frankfurt am Main, Stadel Museum avers
Triptyque de la Crucifixion avec les donateurs Nikolaus Humbracht et Greda Brun, Meister von Frankfurt, 1504, Städel Museum, Francfort

Revers

Triptyque 1506 Frankfurt am Main, Stadel Museum revers

Même dispositif avec un gisant sur le revers. Il n’y plus d’allusion à l’Ancien Testament mais une simple exhortation à penser à la mort : COGITA + MORI.

Au-dessus, une longue banderole porte le distique suivant :

Vous qui passez, je demande que vous vous souveniez de nous :
ce que nous sommes vous le serez,
nous fûmes tantôt ce que vous êtes.

VOS + QVI + TRANCITIS + NOSTRE + MEMORES + ROGO + SITIS
QVOD + SVMVS + HOC + ERITIS + FVIMVS +
QVANDOQVE + QVOD + ESTIS +


Masaccio Fresque de la Trinite 1426-28 Santa Maria Novella a Firenze

Fresque de la Trinité
Masaccio, 1426-28, Santa Maria Novella, Florence

La composition s’inspire clairement de la fresque de Masaccio, dont l’histoire est assez mouvementée : cachée en 1568 par un autel de Vasari, elle fut redécouverte et transposée sur toile en deux temps : le haut en 1860 et le gisant en 1950 seulement. A l’origine, un autel en bois à deux colonnes faisait saillie au dessus de celui-ci, accentuant l’effet de crypte.[12]

Au dessus du squelette est inscrite la même maxime en italien :

« Io fui gia quel che voi siete e quel ch’io sono voi ancor sarete ».

Sous diverses formes, cette maxime servait déjà comme épitaphe à l’époque romaine [13]. Il s’agirait d’un chant spartiate compris dans un tout autre sens : la continuité de la patrie. Mais je n’ai pu retrouver la source de cette assertion de Renan, dans sa célèbre conférence, de 1882 « Qu’est ce qu’une nation ».


Références :
[1] Sur l’histoire mouvementée de ce portrait et sur son identification grâce aux armories sur la chevalière, voir https://visionsofthenorthconference.wordpress.com/barthel-bruyn/ et https://www.christies.com/lotfinder/paintings/barthel-bruyn-i-portrait-of-gerhard-von-5155173-details.aspx
[2] Mon interprétation complète et prolonge les explications de R. Krischel sur le site du musée : https://museenkoeln.de/portal/bild-der-woche.aspx?bdw=2009_22
[3] Dialogue dans lequel la Mort répond à César. Varia Sebastian Brant Carmina, Olpe, 1498. Cité dans Zeitschrift für Museologie und Antiquitätenkunde sowie verwandte Wissenschaften, 1882, p 115 http://digital.slub-dresden.de/id407977015-18820000
[4] La citation exacte est « Esto memor quod pulvis eris,& vermibus esca. In gelida putris quando jacebis humo »
https://books.google.fr/books?id=7NfODFURNjkC&pg=PA593&dq=gelida+putris&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiH48q0iPXcAhWwzYUKHZE5CW0Q6AEIVTAI#v=snippet&q=gelida&f=false
[5] Marianne Bournet-Bacot, Le portrait de couple en Allemagne à la Renaissance, 2015
[6a] Joy Kenseth, « Two Pendant Portraits by Jacopo Ligozzi » The Burlington Magazine , Vol. 129, No. 1006 (Jan., 1987), pp. 12-16 http://www.jstor.org/stable/882885
[7] Il nomme cependant le banquier comme étant Jan Lanckart (un homme connu pour avoir vendu son âme au diable) et insiste sur le geste des doigts :
« Ic Jan Labnckart kenne ontfaen / hebben van Leunis papp … / van Sarck ronddragen…/ offremits XLB … daat / zoe est ghewyst wel vernoughet / toirc. / van desen / by my lanckart »
[7a] Guillaume Bunel « Crânes, notes de musique et surprises macabres : les rébus-vanités à la Renaissance » dans Réforme, Humanisme, Renaissance 2023/1 (N° 96) p 63-96 https://www.cairn.info/revue-reforme-humanisme-renaissance-2023-1-page-63.htm
[10] ] Reinhard Lamp, « Florilegium: Four Sepulchral Brasses to Civilians John Asger (senior), d. 27.2.1436 », Norwich, NorfolkPegasus-Onlinezeitschrift XIV (2014), Heft 1   http://www.pegasus-onlinezeitschrift.de/2014_1/pegasus_2014-1_lamp-en_druck.pdf
[13] « The Epitaph of Alcuin: A Model of Carolingian Epigraphy » Luitpold Wallach, Speculum, Vol. 30, No. 3 (Jul., 1955), pp. 367-373 https://www.jstor.org/stable/2848075

La mort pile ou face

10 septembre 2020

Cet article traite d’objets particulièrement adaptés à la Vanité des richesses, et dans lesquels apparaît de loin en loin, de manière épisodique, l’idée de faire surgir la Mort sous le précieux :

retourner la médaille fait voir  la Mort en face.

Les trois médailles de Boldù

A la Renaissance, les personnages importants font réaliser une médaille commémorative à leur effigie, avec côté pile une scène ou une allégorie personnalisée.

pisanello 1438 Medaille de Jean VIII Paleologue Staatliche Museen Berlin

Médaille de Jean VIII Paléologue
Pisanello, 1438, Staatliche Museen Berlin

Giovanni Boldù est le premier à oser, expérimentalement et en l’appliquant à lui-même, introduire la Mort à son revers [1].


Première médaille funèbre

1458 Medaille autoportrait Giovanni Boldu National Gallery of Art, Washington

Médaille commémorative de lui-même
Giovanni Boldù, 1458, National Gallery of Art, Washington

Imitant Pisanello, Boldù inscrit en latin, côté pile : « Giovanni Boldù de Venise, peintre » ; et pour pousser encore plus loin l’érudition humaniste, il inscrit côté face, au dessus de son profil en costume contemporain, la même mention en grec alternant avec l’hébreu, non sans quelques erreurs [2] :

ΙΩΑΝΝΗΣ ΜΠΩMΤΟN ΖΩΓΡΑΦΟΣ BENAITIA
yochanan boldu me veneziya zayyar

Au revers il se montre assis nu sur un tertre, en posture mélancolique, châtié par la Repentance (la vieille femme au fouet) et secouru par la Foi (l’Ange avec le calice), entre en haut un soleil rayonnant (Dieu, la Vie, le Jour à son zénith) et en bas, très peu visible suite à l’usure, une tête de mort ailée (l’Enfer, la Mort, la Nuit, l’Eternité).
1458 Medaille autoportrait Giovanni Boldu National Gallery of Art, Washington detail


Deuxième médaille funèbre

1458 Medaille autoportrait Giovanni Boldu A

Médaille commémorative de lui-même
Giovanni Boldù, 1458, National Gallery of Art, Washington

La même année, il réalise une seconde version, non plus chrétienne mais antiquisante :

  • côté face, suppression de l’hébreu et représentation de lui-même torse nu et couronné de lauriers, copiant une monnaie romaine :
    Aureus_a_l'effigie_de_Caracalla 204
    Aureus à l’effigie de Caracalla, 204

1458 Medaille autoportrait Giovanni Boldu B

  • côté pile, remplacement des deux allégories chrétiennes par une païenne (un putto ailé à l’air méchant) et composition horizontale : Boldù se cache le visage parce que le Génie de la Mort , (accoudé au crâne) l’empêche d’accéder à la source de vie (le brasier).



Troisième médaille funèbre

1461 Giovanni_boldu,_medaglia_di_caracalla, A 1461 Giovanni_boldu,_medaglia_di_caracalla, B_con_riflessione_sulla_morte

Médaille de Caracalla (Antoninus Pius ), Giovanni Boldù, 1461

Trois ans plus tard, il explicite la signification du putto ailé en l’appliquant, non plus à lui-même en jeune homme, mais à Caracalla enfant :

Je suis la Fin

IO SON FINE

Le mot IO désigne le jeune homme affligé, et le mot FINE le putto, ici légèrement modifié puisqu’il tient maintenant la flamme dans sa main gauche : métaphore de l’âme qui n’a plus sa demeure dans le crâne.


L’invention d’un motif

Le motif de l’Enfant au crâne va devenir un des standards de la Renaissance et du Baroque, et Horst W. Janson a bien montré par quelles voies il dérive de l’invention de Boldù. Celui-ci a créé un type original, tout en reprenant graphiquement une médaille antérieure :

Ludovico Gonzaga da Mantova Pietro di FanoLudovico Gonzaga da Mantova Pietro de Fano 1452-57Ne me touche pas (Noli me tangere)

Pietro de Fano, 1452-57

Le porc-épic, qui symbolise l’amour marital inexpugnable du Duc de Mantoue, prévient Cupidon (sans ailes) de ne pas s’approcher.


Une transposition de l’antique (SCOOP !)

Comme le note Horst W. Janson, Boldù n’a pas transposé le Génie de la Mort romain (un jeune homme ailé debout et tenant une torche renversée à la main), mais a réellement inventé un emblème nouveau, que la figure de l’Enfant assis par terre rend plus frappante encore.

Si la pose du putto recopie à l’évidence la composition de Pietro de Fano, l’irruption du crâne s’explique difficilement par la seule transformation du porc-épic.


Aureus_a_l'effigie_de_Caracalla 204 BAureus à l’effigie de Caracalla, 204 1461 Giovanni_boldu,_medaglia_di_caracalla, B_con_riflessione_sulla_morte

Si l’on se souvient du côté pile de la monnaie de Caracalla, il est bien possible que la Victoire ait inspiré ce qui manque chez Pietro de Fano :

  • par ses ailes, celles du putto ;
  • par sa couronne de lauriers dans la main droite, le crâne ;
  • par sa palme dans la main gauche, la flamme.



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1462 antonio marescotti medal for Fra paolo albertini A Scher Collection 1462 antonio marescotti medal for Fra paolo albertini B Scher Collection

Médaille de Fra Paolo Albertini
Antonio Marescotti, 1462, Scher Collection

Marescotti prend le contre-pied de Boldù en rechristianisant son jeune homme affligé : habillé en moine et assis confortablement, il contemple sans effroi le crâne renversé à ses pieds.


1467-ca-Sperandio-di-Bartolommeo-de-Savelli-Fra-Cesario-Contughi-di-Ferrara-NGA-A- 1467-ca-fSperandio-di-Bartolommeo-de-Savelli-Fra-Cesario-Contughi-di-Ferrara-NGA-B

Médaille de Fra Cesario di Ferrara, moine servite, NGA, Washington
Sperandio di Bartolommeo de’ Savelli, 1467

De la sérénité chrétienne à l’exploitation de l’angoisse : le moine ici nous désigne la Mort du doigt et nous intime d’y songer.


Fragiles beautés

1560 Reine Dorothee du Danemark

Reine Dorothée du Danemark, 1560

Dorothée de Saxe-Lauenbourg ne mourra qu’en 1571 : la médaille commémore le décès de son mari le roi Christian II, en 1559.

Pense au jour et à l’heure

BENDENCK DAS ENDT UND DIE STUNDE

 



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Médailles pour la mort de Anna-Cathrina Munk (fille morganiatique de Christian IV du Danemark)

1634 Danemark

1634, Danemark ([3], p 86)

Quand tu pense être au sommet de ta floraison, la Mort est ton hôte certain.

Où que tu te tournes, la Mort est ta fin


1634 Memento mori danois

1634, Danemark ([3], p 87)

 

« Apprends-nous à nous souvenir que nous devons mourir, pour que nous connaissions la sagesse. »

Psaume 89,12

Je suis belle

« Mes jours sont plus rapides qu’un courrier; Ils fuient sans avoir vu le bonheur » 

 Job 9, 25

J’étais belle



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1630-ca-Medaille-dElizabeth-Stuart-Reine-de-Boheme-Christian-Maler-Nuremberg-A. 1630-ca-Medaille-dElizabeth-Stuart-Reine-de-Boheme-Christian-Maler-Nuremberg-B

Médaille dite d’Elizabeth Stuart, Reine de Bohème (copiée sur celle d’Anna Katherina Munk)
Vers 1635, Christian Maler, Nuremberg ([3], p 90)

Quelle je suis, plus tard au verso vous le verrez

me voici maintenant, autrefois la plus belle

QUÆ SIM POST TERGA VIDEBIS 

SIC NVNC PVLCHERRIMA QVONDAM.



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1612 Medaille auf die Vergänglichkeit Vorder- und Ruckseite Jan de Vos
Médaille de la Fugacité, Jan de Vos, 1612

« Ne vous vantez pas de demain »

(Proverbes Salomon, 27: 1).

« Souvenez-vous que la mort ne tarde pas »

(Jésus Sirach 14:12).

NE GLORIERIS IN CRASTINUM

MEMOR ESTO QUONIAM MORS NON TARDAT


Médailles à l’occasion d’un décès

1580 medal of Michael Leonhard Maier by Baldwin Drentwett

Médaille pour la mort de Michael Leonhard Maier, bourgmestre d’Augsbourg, par Baldwin Drentwett, 1580



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1621 Wijnkopersgilde van Amsterdam, begrafenispenning van David Dornville, Albert Frijlinck Rikjsmuseum A 1621 Wijnkopersgilde van Amsterdam, begrafenispenning van David Dornville, Albert Frijlinck Rikjsmuseum B
 
Médaille funéraire de David Dorville, membre de la Guilde des Vigneons d’Amsterdam,
par Albert Frijlinck, 1621, Rijksmuseum

Apprends à mourir

DISCE MORI


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Pfennig de Bale

« Pfennig de Bâle », vers 1640, atelier de Friedrich Fechter

 

Aujourd’hui rouge, demain mort.

Heut rodt morn dodt

Ces médailles semblent avoir servi de cadeau lors de funérailles. Il en existe plusieurs modèles. Celles qui ont un crâne au revers portent côté face soit le basilic avec les armes de Bâle, soit une vue de la ville ([3], p 92).



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1640 Charles I Bristish Museum

Médaille de Charles I, 1649, Bristish Museum

Frappée après la décapitation de Charles I

Charles par la Grâce de Dieu Roi de Grande Bretagne, France et Irlande

<J’ai reçu une couronne> bénie et éternelle <J’en ai laissé une > splendide mais lourde.

CAROLVS . D : G : MAG : BR : FR : ET . HI : REX.

BEATAM . ET . ETERNAM . SPLENDIDAM . AT . GRAVEM

Côté pile, le crâne est désigné par les initiales C et R (Carolus Rex) et les mots GLORIA et VANITAS. L’inscription est inspirée des derniers mots du roi : « I go from a corruptible to an uncorruptible crown, where no disturbance can be. »



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1672 Cornelius de Witt and Johann de Witt col; priv

1672, Exécution de Cornelius et Johann de Witt,, Collection privée

1672 Cornelius de Witt and Johann de Witt Frick Collection recto 1672 Cornelius de Witt and Johann de Witt Frick Collection verso

1672, Exécution de Cornelius et Johann de Witt, Frick Collection

Il existe plusieurs modèles : le côté pile représente l’exécution de manière métaphorique (la populace représentée par des lions) ou bien réelle.

Jan_de_Baen-_De_lijken_van_de_gebroeders_de_Witt 1648 Rijksmuseum

Les cadavres des frères de Witt
Jan de Baen, 1648, Rijksmuseum



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1684 Charles II A

1684 Charles II B

 Médaille pour le décès de Charles II d’Angleterre le 6 février 1684

Pile : 

A la froide tombe, tous doivent venir

To the cold tomb all heads must come

James Shirley, The contention of Ajax and Ulysses, 1659

 


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1799 George Washington funeral coinMédaille pour les funérailles de George Washington, 1799



Crânes honorifiques

Certains hommes particuliers méritent comme emblème un crâne ou un squelette.

1682 Medaille maconnique allemande 1682 Medaille maconnique allemande B

Médaille ou jeton maçonnique allemande, 1682

1795 Loge de la Parfaite egalite Rouen A 1795 Loge de la Parfaite egalite Rouen B

Médaille d’appartenance à la Loge de la Parfaite Egalité, Rouen, 1795

Côté pile, les squelettes entre les dex colonnes sont le Roi David (avec sa houlette de berger) et le Roi Salomon (avec son sceptre).


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1620 Surgeons’ guild in Amsterdam, Jeton de presence

Jeton de présence de 1620 de la Guilde des Chirurgiens d’Amsterdam, collection particulière

Entre 1620 environ et la fin du XVIIIe siècle, les chirurgiens travaillant à Amsterdam recevaient après avoir réussi leurs examens, un jeton de présence leur donnant droit de participer aux réunions de la Guilde. [4]



1680 Surgeons’ guild in Amsterdam, Jeton de presence
Jeton de présence de Isaac Hartmann
« devenu maître de septembre 1672 a 75. Encore en 1677, jusqu’à la fin le 5 septembre 1680 ».
 


1684 Surgeons’ guild in Amsterdam, access fee for the hortus medicus of Andreas Bonn, professor of anatomy and surgery 1771 Rijksmuseum A 1684 Surgeons’ guild in Amsterdam, access fee for the hortus medicus of Andreas Bonn, professor of anatomy and surgery 1771 Rijksmuseum B

Jeton de 1684 donnant accès au Jardin Botanique d’Amstardam (hortus medicus)
Gravé au nom d’Andreas Bonn, professeur d’anatomie et chirurgie, 1771, Rijksmuseum

À partir de 1684, ils recevaient également le jeton d’accès à l’Hortus Medicus.


1731 Surgeons’ guild in Amsterdam medaille d'Abraham Titsingh

Médaille honorifique en l’honneur d’Abraham Titsingh, 1731

L’année 1731 est celle de sa nomination comme maître de la guilde, après avoir dénoncé et révoqué le précédent conseil, coupable de manoeuves frauduleuses.



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1774 Moses Mendelssohn (natus 1729)

Médaille en l’honneur de Moïse Mendelssohn (natus 1729), 1774

Le crâne côté pile illustre une des oeuvres les plus célèbres du «Socrate allemand», « Phédon ou entretiens sur l’immortalité de l’âme » (1767). Il ne mourra qu’en 1786.


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Medals of F.J. Gall, by Loos, Berlin, 1805

Médaille en l’honneur de Franz Joseph Gall, par Loos, Berlin, 1805.

Gall est le fondateur de la phrénologie, discipline qui prétendait déceler les facultés et les penchants des hommes par la palpation des reliefs du crâne.


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1829 medal of St. Thomas's Hospital, by William Wyon (The Cheselden Medal)

Médaille de St. Thomas’s Hospital, en l’honneur du chirurgien Cheselden,
par William Wyon, 1829

La devise :

La Mort salut les vivants

MORS VIVIS SALUS

est illustrée par le crâne et la jambe d’un squelette, au dessus d’un cadavre qui vient d’être posé sur une table de dissection.


Les Hobos nickel [5]

Une autre manière de faire apparaître le crâne est, sans retourner la pièce, de le faire surgir du côté face : l’art du détournement de pièces s’est surtout développé en Angeterre et aux Etats-Unis, en plusieurs phases.


1851 Liberty Half cent 1851 Liberty Half cent Hobo nickel

1851 Half cent

1878-Morgan-One-Dollar 1878-Morgan-One-Dollar-Hobo-Nickel

1878 One Dollar Morgan

Une des premières figures couramment détournée est celle de la Liberté : le crâne n’est pas la seule possibilité, mais une des plus courantes.


Victoria crown 1893(un quart de livre, argent) Victoria crown 1893 (un quart de livre, argent) Hobo

Victoria crown 1893 (un quart de livre, argent)

En Angleterre, la dérision macabre s’attaque à la reine Victoria elle-même.


1913-5C-Buffalo_Nickel
1927 hobo_nickel_skull__buffalo_zombie

1913, Buffalo Nickel (Five cents)
1927, Buffalo Nickel hobo

Emis aux USA partir de 1913, le « buffalo nickel » se prêtait particulièrement aux détournements. L’origine du terme « hobo nickel » vient peut être du port d’Hobonek, par lequel ont transité trois millions de soldats durant la Première Guerre Mondiale, qui passaient leur temps comme ils pouvaient. Une autre explication est que ces pièces de peu de valeur étaient retravaillées et échangées par les clochards (hobos) [6]. Même si elle avait commencé auparavant, la popularité des crânes « buffalo » date de l’époque de la Grande Dépression.


1948 Jefferson nickel 5 Cents 1948 1948 Jefferson nickel 5 Cents skull

1948, Jefferson Five Cents

Le Jefferson nickel, qui a remplacé le Buffalo Nickel à partir se 1938, s’est révélé tout aussi propice.


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gibraltar-2010-neanderthal-skull-one-pound-coin
One Pound avec le crâne de l’homme de Néanderthal, Gibraltar, 2010

Détournement officiel (et involontaire) du profil de la reine Elisabeth.



Références :
[1] Pour la chronologie et la signification des trois médailles, j’ai résumé l’article de Horst W. Janson « The Putto with the Death’s Head », The Art Bulletin, Vol. 19, No. 3 (Sep., 1937), p 428 https://www.jstor.org/stable/3045691
[2] Sur le détail des inscriptions, voir G.F. Hill, « Portrait medals of Italian artists of the Renaissance », 1912, p 38 https://books.google.fr/books?id=My8PAwAAQBAJ&pg=PA34
[3] Frederick Parkes Weber, « Aspects of death and their effects on the living : as illustrated by minor works of art, especially medals, engraved gems, jewels, &c « , 1910 https://archive.org/details/aspectsofdeathth00webeiala/mode/2up
[4] Frank F A IJpma, Chris Teulings, Thomas M van Gulik, « Guild medals from the Surgeons’ Guild of Amsterdam », 2015 https://www.ntvg.nl/artikelen/gildepenningen-van-de-amsterdamse-chirurgijns/volledig

La mort en secret

10 septembre 2020

Bijoux à secret macabre

Le macabre a toujours été une branche florissante de l’orfèvrerie : bagues ornées de têtes de mort ou de squelettes, montres ou flacons en forme de crâne.

Nous nous intéressons ici aux objets, moins fréquents, qui ne laissent voir la Mort qu’aux initiés.

Bagues de deuil

Aux XVIe et XVIIe siècles, la pratique de léguer des bagues appartenant au défunt à ses amis et à sa famille est progressivement remplacée par celle de laisser une somme d’argent pour acheter des bagues commémoratives et de deuil. La plupart portent des motifs funèbres visibles : mais nous nous intéressons ici à celles qui cachent leur jeu.

Anneau avec marque de marchand 16eme British Museum B Anneau avec marque de marchand 16eme British Museum A

Bague avec chaton tournant, 16ème siècle, British Museum

La Mort est agréable aux hommes bons

MORS BONIS GRATA

Cette bague appartenait à un marchand (qui n’avait donc pas droit à des armories) et lui permettait d’apposer sa marque sur ses marchandises.


Anneau avec chaton tournant 1600 Ca V et A Museum A Anneau avec chaton tournant 1600 Ca V et A Museum B

Bague avec chaton tournant, vers 1600, Victoria and Albert Museum, Londres

Cette autre bague de marchand porte sur sa couronne l’inscription « ‘NOSSE TE IPSUM » (Connais-toi toi-même), et permettait donc de faire des affaires tout en méditant sur la Vanité de la richesse.


Charles I gold seal ring B Charles I gold seal ring A

Bague à chaton tournant portant un sceau armorié, vers 1640, collection privée

On trouve donc des bagues avec un crâne caché bien avant l’exécution du Roi Charles I : celld-ci appartenait à un aristocrate, dont les armoiries n’ont pas été identifiées.


Les bagues du roi martyr

Face : portait en intaille de Charles Anneau a chaton pivotant Charles I VandA Museum

Bague à chaton tournant avec le portrait de Charles I, vers 1649, Victoria and Albert Museum, Londres

Pile : Le crâne avec les initiales C R, entre les mots GLORIA et VANITAS, la couronne du martyre et la couronne terrestre

A l’intérieur de la bague : « Emigravit gloria Angl the IA 30/1648″ (La Gloire de l(Angleterre a disparu le 30 janvier 1648)


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Charles I 1650 ca memorial ring closed Charles I 1650 ca memorial ring opened

Bague funéraire de Charles I, vers 1650

Celle-ci date de la période dangereuse juste après l’exécution. L’émail noir est signe de deuil, mais c’est seulement en soulevant le précieux diamant qu’apparaît le portrait du Roi.


Charles I Memento Mori 1650 ca bague royaliste Bristish Museum A Charles I Memento Mori 1650 ca bague royaliste Bristish Museum B

Bague Memento Mori de Charles I, probablement ancienne collection Horace Walpole, Bristish Museum

Cette bague porte à l’intérieur une invitation à mourir pour la Royauté : « Soyez prêt à me suivre (Prepared be to follow me) ».Il s’agirait d’une des sept bagues remises à ses proches lors de son enterrement.


Memento mori Charles I col priv christies A Memento mori Charles I col priv christies B

Bague Memento mori de Charles I, collection privée

L’inscription à l’intérieur est ici « Martye populi (Martyr du peuple). »

Il existe plusieurs bagues de Charles I avec crâne au revers : soit réalisées peu après son exécution, soit après la restauration de la monarchie en 1560, soit bien après [1]. L’exécution a eu lieu le 9 février 1649 en calendrier grégorien, mais la date gravée (30 janvier 1648) est celle du calendrier julien, en usage en Angleterre jusqu’en 1752.


Médaillon Charles I 1700 ca coll privee

Médaillon de Charles I, vers 1700, collection privée

Dans ce médaillon plus récent, l’année a été indiquée dans les deux calendriers.


charles-1-ring-facade National Gallery of Victoria, Melbourne A charles-1-ring-facade National Gallery of Victoria, Melbourne B

Bague Memento mori de Charles I, milieu XVIIème, National Gallery of Victoria, Melbourne

Le portrait a été monté en bague pivotante au XIXème siècle, d’où la date 48 mentionnée sur l’émail, et 30 janvier 1749 gravée sur la monture.


Memento mori Charles I col priv A Memento mori Charles I col priv B

Bague Memento mori de Charles I, collection privée

L’inscription « more than conqueror » fait allusion à sa mort en martyr :

Selon qu’il est écrit:  » A cause de toi, tout le jour nous sommes livrés à la mort, et on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie.  » Mais dans toutes ces épreuves nous sommes plus que vainqueurs, par celui qui nous a aimés.
Epitre aux Romains, 8:36-37


Un crâne scandaleux (SCOOP !)

Cette dernière bague nous fait sentir la raison pour laquelle, dans le milieux royalistes, ces bagues avec crâne caché ont rencontré un tel succès : il ne s’agit pas ici d’un memento mori générique, comme dans les bagues pivotantes avec sceau ou marque, mais bien de la tête décapitée ce jour précis. Et l’idée du régicide et de la fin de la monarchie est si contre-nature qu’elle doit être non seulement dissimulée par pudeur (rappelée seulement par le contact permanent avec la peau), mais retournée de haut en bas, comme il sied dans un monde renversé.


Autres bagues à secret macabres

Anneau Memento Mori Flandres 1525-1575 British Museum A Anneau Memento Mori Flandres 1525-1575 British Museum B

Bague Memento Mori, Flandres, 1525-1575, British Museum

Cette bague ne cache pas son jeu, puisqu’un crâne est posé sur la couverture du Livre, accompagné de deux crapauds et d’un serpent, et entouré de quatre joyaux. Ouvrir le livre, c’est remonter à la naissance et constater que déjà le jeune enfant cohabite avec .la Mort et le sablier.

Dirige ton chemin vers le Seigneur, fais-lui confiance, et lui, il agira (Psaume 36:5)
Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons au Seigneur. (Romains 14,8)

 Sive vivim(us) sive morimur domini sum(us)

Commenda Domino viam tuam, et spera in eum, et ipse faciet.

 


Anneau Memento Mori Flandres 1525-1575 British Museum C Anneau Memento Mori Flandres 1525-1575 British Museum D

Les parties latérales de ce somptueux bijou en expliquent la cause : la Chute de l’Homme (le serpent est caché dans l’arbre entre Eve et Adam) et l’Expulsion du paradis.



Anneau Memento Mori Flandres 1525-1575 British Museum E
L’arrière de la bague montre deux mains enserrant un coeur.


1650 ca Two hands, one heart, till death us partVers 1650 1800 ca Anneau ouvrant deux mainsVers 1800

Ces deux bagues développent le même symbolisme :

Deux mains, un coeur, jusqu’à ce que la mort nous sépare

Two hands, one heart, till death us part


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Anneau Memento Mori fin XVIIeme Ashmolean MuseumBague Memento Mori, fin 17ème, Ashmolean Museum Anneaux jumeaux debut 17emeBagues jumelles début 17ème, collection privée

Ces deux bagues exploitent le même thème de la coïncidence entre le Début et la Fin : en retournant ou en disjoignant l’anneau, on constate que l’enfant et le squelette ne sont séparés que par une infime épaisseur : notre vie.


Bague gimmel Allemagne 1631 MET, New York A Bague gimmel Allemagne 1631 MET, New York B

Bague « gimmel », Allemagne, 1631, MET, New York

Dans cet exemple, on retrouve sur les deux flancs le symbole des mains tenant un coeur. L’inscription explique l’usage de ce type de bague séparable :

Ce que Dieu a conjoint, l’Homme ne ne séparera pas.

QUOD DEUS CONJUNXIT HOMO NON SEPARABIT

De l’autre côté sont inscrits les noms des deux fiancés : Jacob Sigmund von der Sachsen et Martha Wurmin. Lors des fiançailles, chaque promis gardait une des deux moitiés, qui étaient ensuite réunies comme bague de mariage pour l’épouse [2].



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Georgian, 1721

Bague de deuil, 1721

Le sablier, le squelette et les outils de fossoyeur, se dissimulent en éléments décoratifs étirés le long de la bague, tandis que le crâne du défunt, avec ses initiales, se laisse voir dans sa tombe transparente.


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Mourning ring 1731 GEORGE BUCHANAN British Museum

Bague pour le deuil de Greorge BUCHANAN, 1731, British Museum

Le cristal laisse deviner un crâne et des cheveux du défunt.
Inscription : GEORGE BUCHANAN OBT IUNE 10.1731.


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Skull Diamond Locket Ring Memento Mori 18ct Gold2-500x500 Skull Diamond Locket Ring Memento Mori 18ct Gold6-500x500
1850 ca Orfevrererie georgienne A 1850 ca Orfevrererie georgienne B

Bague à chaton ouvrant, Epoque géorgienne (fin XVIIIème, début XIXème)

Ce modèle assez courant fonctionne sur le principe du « Connais-toi toi-même » : d’abord un miroir déformant, puis le Réel.


Crânes maçonniques

Les bagues maçonniques ne cachent pas le crâne, mais le montrent au contraire ostensiblement. Voici quelques rares objets qui le dissimulent.

Mark Medal made for D.Eames, 1811. Probably New York Scottish Rite Masonic Museum LexingtonD.Eames, 1811, probablement New York Mark Medal made for William L. Peets, 1824. Connecticut Scottish Rite Masonic Museum LexingtonWilliam L. Peets, 1824, Connecticut

Marques de Franc-maçons, Scottish Rite Masonic Museum, Lexington [3]

Ces marques, personnalisées pour chaque propriétaire, présentent des forme et de décorations très variées. Parmi celles qui sont en forme de bouclier, certaines ont des découpes qui évoquent très probablement la forme du crâne.


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Globes à secret

masonic-ball-and-cross-pendant-charm masonic-ball-1890 ca

Ces globes sont apparus vers 1890-1900, à la fin de l’époque victorienne. La forme de gauche est la plus courante : la boule s’ouvre et se déploie en une croix à six pyramides, aux facette ornées de symboles [4]. Le modèle de droite, en pentagramme, est plus rare.


1900 ca Antique-Masonic-Skull-Bones-Ladder-9Ct-Gold-Ball 1900 ca Antique-Masonic-Skull-Bones-Ladder-9Ct-Gold-Ball ouvert

Dans cette autre forme, la boule développe quatre motifs :

  • les deux colonnes (l’entrée du Temple) ;
  • l’équerre et le compas (grade d’Apprenti) ;
  • l’étoile flamboyante (grade de Compagnon) ;
  • le crâne (grade de Maître).



Références :