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Couples germaniques atypiques

Entre 1480 et 1550, quelques portraits de couple germaniques tranchent par leur originalité, notamment l’inversion héraldique.

En aparté : les précédents du Codex Manesse :

Le Codex Manesse, recueil de poèmes d’amour réalisé à Zürich au tout début du 14ème siècle, présente de nombreux couples mariés, tous dans l’ordre héraldique. Pour cinq autres couples cependant, la femme est en position d’honneur par rapport au Minnesänger.


Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848, fol 342v Von ObernburgHerr Von Obernburg et sa dame, fol 342v Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848, fol 314v Herr Gunther von dem VorsteHerr Günther von dem Vorste et sa dame, fol 314v

Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848

Von Obernburg s’approche d’une dame à genoux, en position d’humilité, bien qu’il lui tende une bande de parchemin, probablement une poésie : l’inversion par rapport à la position naturelle du don (voir 2-3 Représenter un don) est intentionnelle, pour souligner le fait que le couple n’est pas marié, mais dans une relation de domination (le petit chien) et de séduction (le parchemin).

Gunther von dem Vorste est représenté dans une « forêt (Vorste) » symbolisée par les deux arbres, symbole parlant répété dans l’écu et la casque. Inversant encore la position de don, il tend une gourde à sa dame, qui est obligée de la saisir de la main gauche. Les deux chevaux montrent bien ce que l’amoureux a derrière la tête : que la dame lui donne un baiser (le cheval roux, avec une selle à étriers, est celui de l’homme ; dans le codex Manesse, les dames montent bien sûr en amazone).


Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848, fol 271r Von Buchheim et sa dameHerr Von Büchheim et sa dame, fol. 271r Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848, fol 311r Herr Alram von GrestenHerr Alram von Gresten et sa dame, fol 311r

Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848

De part et d’autre d’un rosier, Herr Von Büchheim montre un verre de vin (symbole de l’ivresse sensuelle) tandis que sa dame fait un geste ambigu, acceptant d’une main et de l’autre montrant le coq (symbole de la vigilance). Le poème inscrit sur l’écu résume le dilemme :

L’amour excite les sens.
La flèche apporte le tourment.

Minne sinne twinget .
Strale qwale bringet

De même, Herr Alram von Gresten est séparé de sa dame par un rosier portant l’écusson AMOR. Il écoute ce qu’elle lui lit, les premiers mots du Lancelot du minnesänger suisse Ulrich von Zazikhoven (vers 1200).

Dans ces deux images, le banc commun, qui passe devant l’arbre au tronc commun et aux deux feuillages, est une euphémisme pour l’union des corps, que montre une seule image du codex :
Codex Manesse, UB Heidelberg, Cod. Pal. germ. 848, fol 252r Herr Hug von WerbenwagHerr Hug von Werbenwag et sa dame, fol 252r

C’est sur une autre banquette, celle du lit, que les deux amoureux sont assis pour échanger un baiser à la fois sensuel et symbolique :

« Le baiser détermine le début des obligations entre un vassal et son seigneur et, de la même façon, scelle une promesse de fidélité entre la dame et son bien-aimé. » [0]

En résumé, dans le contexte courtois du Codex Manesse, l’inversion de la position héraldique signifie un rapport amoureux plutôt que marital, et le geste de s’asseoir sur un même banc est un prélude à partager la même couche.


Chansonnier de Montpellier 1280-1290 Montpellier, BU Médecine, H 196 fol 170r IRHTChansonnier de Montpellier, 1280-1290, Montpellier, BU Médecine, H 196 fol 170r IRHT

Le motif atteint ici une forme d’apogée, par la lettre S qui unifie les deux feuillages et les deux amants. En traçant la lettre du regard, on passe :

  • des têtes aux bêtes (le chien et le lapin au symbolisme transparent),
  • de la main de l’homme posée sur l’épaule à celle de la femme posée sur la cuisse,
  • de l’union spirituelle à l’union charnelle.


Le couple sur un seul panneau : une invention flamande

Hans_Memling_1470-72 Portrait_of_two_older gemaldegalerie Berlin et Louvre
Portrait d’un couple âgé
Memling, 1470-72, Gemäldegalerie Berlin (homme) et Louvre (femme)

C’est probablement Memling qui a inventé la formule du double portrait en un seul panneau, avec ce couple dont on ne sait rien [1]. La panneau a été scindé à une date inconnue, et la continuité du paysage exclut qu’il s’agisse des volets d’un triptyque.


Les amoureux du Maître du Livre de Raison

Les amoureux de Gotha

Meister des Amsterdamer Kabinetts 1480-85 Liebespaar Herzogliches Museum Gotha
Les amoureux de Gotha
Maître du Livre de Raison, 1480-85, Herzogliches Museum Gotha [2]

Voici un des tous premiers exemples de la formule en Allemagne. Héraldiquement irréprochable, le panneau représente un couple non marié, mais qui aspirait à l’être : en l’occurrence le comte Philipp I von Hanau-Münzenberg et Margarete Weisskirchner, une roturière, avec laquelle il vécut, sans l’épouser pour cause de mésalliance, après la mort de son épouse [2].

Les banderoles expliquent le geste amoureux de la femme (elle glisse un anneau de résille dorée, appellée Schnürlin, autour des franges d’un bonnet rouge dont l’homme tient l’autre extrémité frangée) :

Et pour pas cher elle a confectionné ce dont je la laisse profiter

Elle ne vous méprisait pas tant, celle qui vous a fait cette dentelle.

Un byllich het Sye esz gedan Want Ich han esz sye genissen lan.

Sye hat uch nyt gantz veracht Dye uch dsz Schnürlin hat gemach

Réciproquement, l’amante tient dans sa main gauche une fleur de la même couleur, prise dans la couronne florale de l’amant.


Conter fleurette

Wenzel von Olmutz after Master of the Housebook 1490 ca the_lovers NGACouple d’amoureux
Gravure de Wenzel von Olmutz, d’après le Maître du Livre de Raison, vers 1490

Lorsqu’il s’agit de représenter des amoureux habituels, le Maître inverse systématiquement l’ordre héraldique.



Wenzel von Olmutz after Master of the Housebook 1490 ca the_lovers NGA detail pieds

A noter l’accessoire de séduction des poulaines qui dépassent, et le  détail typique du raffinement des jardins d’amour : la boisson dans le rafraîchissoir. Ici le bol (ouvert) et le pichet (turgescent), partageant le même bain, sont évidemment symboliques de ce à quoi rêvent les jeunes gens.


Maitre du Livre de Raison 1475-85 Tournoi detail1 fol. 20v-21r col priv Maitre du Livre de Raison 1475-85 Tournoi detail2 fol. 20v-21r col priv

Tournoi (détails), Maître du Livre de Raison, 1475-85,, fol. 20v-21r, collection privée

Dans le Livre de Raison, le bonnet à franges est un accessoire des amoureux, au même titre que les couronnes de feuillage.


Maitre du Livre de Raison 1475-85 Enfants de Venus fol. 15r col privLes Enfants de Vénus (détail), Maître du Livre de Raison, 1475-85, fol. 15r, collection privée

Il peut être porté, franges retombant vers l’arrière comme vers l’avant, aussi bien par les jeunes gens que par les jeunes filles.


Wenzel von Olmutz after Master of the Housebook 1490 ca the_lovers NGA detail pieds
L’anneau enserrant les franges du bonnet n’est donc probablement pas une allusion grivoise : plutôt l’analogue de la bague au doigt, l’expression d’un choix effectué, tandis que les franges dénouées expriment la disponibilité.

Le Maître du Livre de Raison ne recule pas néanmoins devant des représentations plus explicites : cage vide promenée par une jeune fille (voir La cage à oiseaux : y entrer) ou couples dans des postures osées.


1485 ca Meister des Amsterdamer Kabinetts Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu BerlinCouple d’amoureux, mine d’argent
Maître du Livre de Raison, vers 1485, Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin

L’intimité du couple est soulignée ici par le bonnet à plumet du jeune homme, accessoire viril dont la femme s’est emparée pour qu’il y fourre sa main.


Meister des Amsterdamer Kabinetts mine d'argent Leipzig Graphische sammlungCouple d’amoureux, mine d’argent, Leipzig, Graphische Sammlung

Ici la femme balance le bonnet dans sa main droite tandis que l’homme exhibe dans sa main droite son faucon. Ce volatile aristocratique n’est pas en général un symbole phallique, surtout aux hautes époques (voir L’oiseleuse) mais ici la symétrie de l’image ne laisse pas de doute : ôter le bonnet du garçon  est comme enlever le chaperon du faucon : le laisser libre de fondre sur sa proie.

L’ordre héraldique inversé est une indication supplémentaire de la signification érotique de l’image.


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En aparté : inversion héraldique et couples hors mariage
1470 ca Anonyme Les Amants bridal couple cleveland museumAnonyme, vers 1470, Cleveland museum 1492-94 Durer DAS LIEBESPAAR, Hamburger Kunsthalle, KupferstichkabinettDürer, 1492-94, Hamburger Kunsthalle, Kupferstichkabinett.

Les Amants

Le Maître du Livre de Raison n’est pas le seul à utiliser l’inversion héraldique comme signifiant. A cette époque, dans les pays germaniques, elle est souvent la marque des couples non maritaux : en promenade pour conter fleurette…


Israhel_van_Meckenem_1500 ca_Garden_of_Love_-_Le jardin d’amour, Israhel van Meckenem, vers 1500

…tentés de reproduire le péché d’Eve…


Krijgsman en jonge vrouw in landschap, Urs Graf, 1500 - 1528 RijksmuseumSoldat et jeune femme, Urs Graf, 1500 – 1528, Rijksmuseum Omhelzend paar, Heinrich Aldegrever, 1538Couple s’embrassant, Heinrich Aldegrever, 1538

…couples de fortune…


90Israhel_van_Meckenenem_Verkehrte_WeltLe monde inversé Israel_van_Meckenem 1490-1500_Das_bose_WeibLa femme méchante

Israhel van Meckelem, 1490-1500

…ou couples aberrants.

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Meister des Amsterdamer Kabinetts 1485 Fauconnier detail mains
Un fauconnier et son compagnon
Maître du Livre de Raison, vers 1485

L’interprétation homosexuelle de cette très exceptionnelle gravure est devenue si évidente [2a] qu’on serait tenté de la contester, pour le plaisir de la contradiction. Ne serions-nous pas victimes de la mode masculine hypersexuée de la fin du XVème siècle ?

La couronne de feuilles et les poulaines du jeune noble ne sont pas particulièrement efféminées : l’une est le signe du printemps et de l’amour, l’autre d’un rang social supérieur.

Son compagnon n’en porte d’ailleurs pas, et ni la dague qui pend entre ses cuisses, ni son long bâton, ne sont des allusions à une agréable virilité : l’une est à sa place habituelle à l’époque, l’autre sert à débusquer le gibier dans les broussailles. Il s’agit bien d’un serviteur qui accompagne son maître à la chasse.

Les chiens confirment cette lecture : le maître tient lui même en laisse ses précieux lévriers, tandis que le serviteur va avec un corniaud en liberté.


Meister des Amsterdamer Kabinetts 1485 Fauconnie sac et plume Meister des Amsterdamer Kabinetts 1485 Fauconnie chien

La plume dressée au bon endroit est plus suspecte, surtout par comparaison avec le sexe discret du lévrier. On notera le sac qui pend derrière la cuisse du maître.


1450-60master-of-the-girart-de-roussillon-workshop-henri-de-ferri-res-le-livre-du-roy-modus Ms 10.218–19, fol. 65 v, Brussels, Bibliotheque Royale.Dressage d’un faucon
Atelier du Maître de Girart de Roussillon, 1450-60, Livre du Roy Modus, par Henri de Ferrières, Bruxelles, Bibliothèque Royale Ms 10.218–19, fol. 65 v

La plume n’est pas un leurre, comme celui que fait voler l’homme de gauche : elle sert, comme la baguette de l’homme de droite, à présenter au faucon sa récompense, un morceau de viande tiré du sac. Sa rigidité s’explique donc pour des raisons pratiques plutôt que phalliques ([2a], p 34).


Meister des Amsterdamer Kabinetts 1485 Fauconnier detail mains Marco Zoppo, vers 1450, British Museum detailMarco Zoppo, vers 1450, British Museum (détail)

Reste la main qui se glisse sous le bras : si dans le dessin de Zoppo la différence d’âge laisse imaginer un geste d’affection d’un père avec son fils, qu’est ce qui pourrait justifier ce geste inapproprié d’un serviteur envers son maître, qui se retourne d’ailleurs d’un air surpris ?



Marco Zoppo, vers 1450, British Museum detail
Les putti au premier plan du dessin de Zoppo ne laissent guère de doute sur l’affection dont il s’agit.



Meister des Amsterdamer Kabinetts 1485 Fauconnier detail chiens
De même, au bas de la gravure du Maître du Livre de Raison, les pattes des lévriers parlent pour leur maître.


Les fiancés d’Ulm

Hans Schuchlin 1479 Munich Bayerisches NationalmuseumPortrait d’un couple
Hans Schüchlin (attr), 1479, Bayerisches Nationalmuseum, Münich

On ignore l’identité des deux personnages et la raison de l’inversion héraldique. L’évidente différence d’âge rend peu plausible l’hypothèse d’un couple marié. L’attribution à Schüchlin (Stange) repose sur des bases stylistiques. Ce peintre d’Ulm a eu un rôle important dans la cité. On lui attribue parfois ce portrait de l’architecte de la cathédrale :

Portrait de Moritz Ensinger architecte de la cathedrale d'Ulm 1482 landesmuseum-MayenceLandesmuseum, Mayence Portrait de Moritz Ensinger architecte de la cathedrale d'Ulm 1482 coll privCollection privée

Peintre d’Ulm, Portrait de Moritz Ensinger, 1482

Le compas (ce n’est pas une tenaille) figure deux fois dans le blason, et trouve également un écho dans la forme du chiffre 4. La toque de maître d’oeuvre, identique à celle que porte l’homme dans le double portrait de Schüchlin, suggère qu’il pourrait s’agir d’un autoportrait de ce dernier, dans ses habits de maître d’un atelier réputé.

Né vers 1430-40, Schüchlin a eu au moins deux filles, dont l’aînée a épousé le peintre Zeitblom en 1483.

Il est donc historiquement possible que le double portrait soit celui de Schüchlin (entre 40 et 50 ans) et de sa fille aînée, quatre ans avant qu’elle n’épouse l’élève de son père.


Bartholomaus Zeitblom attr 1505 ca coll partPortrait d’un couple
Bartholomaüs Zeitblom (attr), vers 1505, collection particulière [3]

Il est remarquable qu’on doive au gendre cette autre rarissime inversion héraldique. Les deux se regardent par une fenêtre de la cloison qui les sépare : il ne s’agit donc pas du portrait d’un couple marié, mais très probablement d’un tableau de fiançailles, comme le suggère aussi l’oeillet rouge tenu par le soupirant.


Autour de Burgkmair

hans-burgkmair-d.-ae.-portraet-des-barbara schellenberger-15051 Walraff Richartz Museum ColognePortrait de Barbara Ehem
1507
hans-burgkmair-d.-ae.-portraet-des-hans-schellenberger-1505 Walraff Richartz Museum ColognePortrait de Hans Schellenberger
1505

Hans Burgkmair l’Ancien, Walraff Richartz Museum, Cologne

L’inversion héraldique, les regards dirigés vers la spectateur et les pilastres de séparation sont liés au même contexte pré-nuptial,

Le portrait de Hans , peint en 1505 à 25 ans, était destiné à faire la cour à la jeune Barbara Ehem (17 ans) [4], qu’il épousera en 1506. Sans doute aurait-il été jugé présomptueux de préjuger l’issue en se faisant d’emblée représenter en position maritale. La fleur qu’il tient, une euphrasie, a pour nom vernaculaire « Augentrost », littéralement « Consolation pour les yeux », et symbolise l’aimée dans la poésie de l’époque.

Le portrait de Barbara a été commandé après le mariage, comme pendant. Par raison de symétrie, Barbara tient elle-aussi une fleur, un brin de muguet, fleur typique des portraits nuptiaux. Son corsage arbore la devise « A BON FINO » (à bonne fin) qui fait probablement allusion à la conclusion heureuse de l’aventure et du double portrait.


FURTENAGEL 1527 Portrait du peintre Hans Burgkmair avec son epouse AnnaPortrait du peintre Hans Burgkmair avec son épouse Anna
Lucas Fürtenagel, 1529, Kunst Historisches Museum, Vienne

Il est possible que Burgkmair, qui devait mourir deux ans plus tard et était déjà malade, ait confié la réalisation de ce double portrait à son jeune disciple Fürtenagel, âgé de 24 ans [5].

Pour tout ce qui concerne les inscriptions et la thématique macabre, voir 3 Fatalités dans le miroir


L’inversion rectifiée (SCOOP !)

FURTENAGEL 1527 Portrait du peintre Hans Burgkmair avec son epouse Anna reflet

On comprend que la présence du miroir, tenu par la femme, impose que celle-ci se trouve au centre de la composition. Mais Fürtenagel aurait pu très facilement inverser la composition de manière à ce que les époux apparaissent dans l’ordre héraldique.



Gravure de Georg Christoph Kilian, 1768, d'après le double portrait de Hans BurgkmairGravure de Georg Christoph Kilian, 1768, d’après le double portrait de Hans Burgkmair, Westfälisches Landesmuseum fur Kunst und Kulturgeschichte, Münster

Deux siècles et demi plus tard, cette gravure rétablit l’ordre conventionnel, sans doute par facilité mais aussi par souci de clarté narrative : le dégradé des tailles conduit naturellement l’oeil du mari à l’épouse, puis au couple en réduction dans le miroir.

Cette composition normalisée nous montre a contrario, combien celle de Fürtenagel est profonde : au lieu de plonger vers les squelettes, elle va à  à contresens de la pente naturelle des choses : de la Mort miniaturisée à la haute figure de son maître. Ce trajet pictural, du reflet imparfait à l’image fidèle, nous projette mentalement vers l’étape d’après : de la vie ici-bas à la vie éternelle .

Sans doute le véritable enjeu du tableau.


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Dirck_Jacobsz_-_Jacob_Cornelisz._van_Oostsanen_Painting_a_Portrait_of_His_Wife Anna Toledo Museum of ArtsPortrait de Jacob Cornelisz van Oostsanen peignant son épouse Anna
Dirck Jacobsz (attr), vers 1555, Toledo Museum of Arts

La comparaison avec un autoportrait signé ne laisse aucun doute sur l’identité du modèle, le peintre Jacob Cornelisz. van Oostsanen [6]. L’auteur du tableau pourrait être son propre fils, Dirck Jacobsz, réunissant ainsi ces parents dans un saisissant portrait de couple. La radiographie X a révélé que l’intention d’origine était de montrer le peintre en train de faire son autoportrait, remplacé ensuite par le portrait féminin.

Il pourrait s’agir d’une sorte de mémorial familial réalisé par Dirck Jacobsz à l’occasion de la mort de sa mère Anna [7] une vingtaine d’années après celle de son époux.

Ainsi s’expliqueraient :

  • la différence d’âge,
  • la tristesse de la veuve,
  • les coiffures qui se frôlent de part et d’autre de la toile, exprimant la séparation ici-bas ;
  • le demi-sourire du défunt que son épouse a rejoint dans l’au-delà, victoire sur la mort qui est, tout aussi bien, le pouvoir même de la Peinture.

L’inversion héraldique correspond ici à une nécessité pratique : montrer l’attribut indispensable, la palette, que la main gauche tient nécessairement en contrebas.


Références :
[2a] D. Wolfthal, « Picturing Same-Sex Desire: The Falconer and His Lover in Images by Petrus Christus and the Housebook Master » In Troubled Vision: Gender, Sexuality, and Sight in Medieval Text and Image. Edited by Emma Campbell and Robert Mills. Palgrave Macmillan, 2004, p 17-46 https://books.google.fr/books?id=PucYDAAAQBAJ&pg=PA31#v=onepage&q&f=false
[6] I. H. van Eeghen, « Cornelis Anthonisz en hun familierelaties » Netherlands Yearbook for History of Art, Vol. 37, (1986), pp. 95-132 https://www.jstor.org/stable/24705345
[7] Nicole Birnfeld « Der Künstler und seine Frau: Studien zu Doppelbildnissen des 15.-17. Jahrhunderts » 2009 p 125
https://www.db-thueringen.de/servlets/MCRFileNodeServlet/dbt_derivate_00038788/978-3-95899-313-6.pdf

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