Nous allons maintenant abandonner la vision centrale pour la vision périphérique, laisser s’accommoder notre regard au flou et à la pénombre, et essayer de comprendre le rôle de ce « sas » au travers duquel nous voyons la pièce claire.
le cadrage de « La lettre d’amour » est délibérément elliptique : on ne voit ni le battant ni le bas des cloisons. Cette absence de repères perspectifs accentue le contraste entre la pièce surexposée, surdéterminée, et le sas sous-exposé, mal défini.
Un départ d’escalier sur la droite, le couloir de la porte d’entrée, une antichambre et, tout au fond, un grand salon dont on voit juste la cheminée monumentale… Cette enfilade spectaculaire de pièces et d’objets est en fait une très grande peinture (260 x 135 cm), un panneau décoratif conçu comme un effet spécial.
Les trois personnages humains sont-ils aussi secondaires que leur taille semble l’indiquer ? Il est probable au contraire que cette miniaturisation participe du fonctionnement en deux temps du panneau : d’abord couper le souffle au spectateur, puis agacer sa perspicacité.
Sans texte explicatif, sans témoignage d’époque, un tel tableau offre des possibilités de gloses infinies.
Heureusement, nous avons désormais un point de départ, celui du « Corridor », et une première idée des intentions de Hoogstraten : à la fois maître es perspective et metteur en scène de théâtres de marionnettes.
Après avoir énuméré dans le chapitre précédent ce qui rapproche les deux oeuvres, nous allons nous concentrer ici sur trois aspects par lesquels elles se différencient : les effets optiques (perspective, mise au point), le thème des portes, et celui des clés.
La complexité des Pantoufles tient au fait que l’oeuvre se rattache à trois curiosités que Hoogstraten, toujours à l’affût des nouveautés artistiques , était susceptible de proposer à ses riches amateurs : la boîte optique, l’histoire elliptique, la suggestion érotique.
Reprenons une dernière fois la comparaison entre « Le Corridor » et « Les Pantoufles » . Cette fois, non plus avec le regard du décorateur de théâtre soucieux d’organiser l’espace, mais avec celui du metteur en scène qui travaille le placement des personnages, leurs entrées et leurs sorties.
Les tableaux épistolaires ne sontpas un hymne à la banalité du quotidien, mais au contraire un hommage au progrès des temps et la puissance nationale.